La réunion est ouverte à 10 heures.
Mes chers collègues, notre collègue Jean-Noël Guérini m'a demandé de lire son intervention sur la convention entre la France, la région flamande et la région wallonne relative à l'aménagement du fleuve de la Lys mitoyenne entre Deûlémont en France et Menin en Belgique. L'accord n'est pas conclu avec l'Etat belge mais avec les régions car en Belgique, le transport fluvial et l'exploitation des voies navigables sont des compétences décentralisées.
Cette convention a vocation à se substituer à une première convention franco-belge de 1982 relative à l'amélioration de la Lys mitoyenne qui avait permis la mise au gabarit actuel - c'est à dire le gabarit IV selon le classement européen - de cette voie d'eau d'environ 16,5 km entre Deûlémont et Menin, sur les territoires français, wallon et flamand.
Cette convention a pour objectif la mise à grand gabarit - donc au gabarit V - de cette même portion de la Lys mitoyenne afin de garantir la navigation alternée de bateaux dont le tonnage peut aller jusqu'à 6 000 tonnes, ainsi que la navigation à double sens de bateaux dont le tonnage peut aller jusqu'à 3 000 tonnes. Actuellement ne peuvent circuler dans les deux sens que des bateaux de 1 500 tonnes.
Cette convention s'inscrit dans le travail en commun de la France et des régions wallonne et flamande pour la réalisation du réseau transeuropéen de transport et du corridor du réseau central « Mer du Nord - Méditerranée », dont le projet fluvial européen Seine-Escaut est le projet prioritaire depuis 2004. La liaison Seine-Escaut, qui devrait être achevée en décembre 2030, vise principalement à supprimer les goulets d'étranglement et à moderniser les infrastructures de manière à faciliter les flux transfrontaliers or cette section de la Lys mitoyenne constitue actuellement l'un des principaux goulets d'étranglement de cette axe, en raison de la présence de sections de plus grand gabarit - gabarit V - à l'amont comme à l'aval.
La préparation de cette opération est un bon exemple de la coopération transfrontalière entre le Gouvernement français et les Gouvernements des régions de Flandre et de Wallonie au sein d'une Commission intergouvernementale Seine-Escaut instituée par un accord international de 2009. La présente convention étend les missions de cette commission intergouvernementale au suivi de la réalisation de cette nouvelle phase de travaux.
Cette convention fixe le cadre général des engagements réciproques, en prévoyant notamment la nature des travaux à réaliser, la répartition géographique de la maîtrise d'ouvrage, les financements des travaux ainsi que l'organisation en matière de procédures administratives, d'acquisitions d'emprises et de gestion des déchets. Elle organise en outre l'exploitation et l'entretien de cette voie navigable.
Pour sa mise en oeuvre, le linéaire de la Lys mitoyenne est découpé en trois sections géographiques qui fixent la répartition de l'aménagement et de l'exploitation de la rivière. Ces délimitations, fixées pour des raisons pratiques, ne correspondent pas aux frontières des territoires des Parties, si bien que chaque gestionnaire d'infrastructures est compétent sur un périmètre qui dépasse son territoire national. Sur la section 1, la maîtrise d'ouvrage est confiée par délégation à l'établissement public administratif Voies Navigables de France (VNF) dont le rapporteur a rencontré le Directeur général et la Directrice territoriale Nord-Pas-de-Calais juste avant le confinement. Sur les deux autres sections, les maîtres d'ouvrage sont respectivement le service public de Wallonie et l'opérateur flamand De Vlaamse Waterweg.
Les travaux consistent en l'approfondissement du cours d'eau à 4,5 m et en l'élargissement du chenal. Il s'agit essentiellement de travaux de terrassement et de dragage - environ 1,35 millions de m3 de matériaux seront extraits - ainsi que de travaux de reconstitution des berges sur environ 19 km. Le projet prévoit également la création d'un bassin de « virement » ainsi que la création d'une zone de stationnement pour la gestion des passages en alternance des grands navires et de deux zones d'attentes pour le passage du pont de Comines en France. En tant que mesure d'accompagnement, les sites de Comines et Menin seront également aménagés afin de permettre les franchissements piscicoles. Tous ces travaux devront être achevés fin 2027, les modalités de leur mise en oeuvre entre les trois maîtres d'ouvrages feront l'objet d'une convention d'exécution.
Le coût total de cette opération est estimé à 140 millions d'euros. Certains travaux sont cofinancés par les parties selon une clé de répartition fondée sur le principe que chaque partie contribue au financement du projet à hauteur de la part de kilomètre linéaire de berges incluses dans son territoire. La France finance ainsi 48 % des travaux cofinancés. Au final, le coût pour la France est de 59 millions d'euros TTC tandis qu'il est respectivement de 36 millions d'euros et de 45 millions d'euros pour les Parties Wallone et flamande. Toutefois, compte tenu des cofinancements européens acquis et du soutien de la région des Hauts-de-France, le reste à charge pour l'Etat et son opérateur Voies navigables de France serait de 33 millions d'euros. Il tomberait à 12 millions d'euros dans l'hypothèse d'un prolongement de ces taux de soutien actuels au-delà de 2022.
En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi. Cette convention apporte une réponse à la hausse prévue des transports fluviaux sur cette section de la Lys mitoyenne dont la capacité théorique est évaluée à 8 millions de tonnes par an mais qui reste pour l'instant le principal goulot d'étranglement sur la liaison fluviale européenne à grand gabarit Seine-Escaut. Elle permettra ainsi de favoriser la compétitivité du secteur fluvial et le report modal de la voie d'eau. Le transport fluvial est, je vous le rappelle, le mode de transport le plus capacitaire - un convoi fluvial de 5 000 t (180 m de long) équivaut à 250 camions ou à 4 trains -, le plus économique à la tonne transportée avec un prix trois ou quatre fois moindre que le transport routier - et le moins polluant - 5 fois moins émetteur de CO2 que le transport routier -.
Cette convention est actuellement en cours d'approbation par la région flamande et la région wallonne.
L'examen en séance publique est prévu le mercredi 22 juillet 2020, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.
Je veux signaler un problème qu'il reste à traiter. À Compiègne, à la racine du futur canal Seine-Nord-Europe, il y a un pont classé sous lequel les barges qui ont plus de deux rangs de containers ne peuvent pas passer.
Etant sénateur de l'Oise, je me demande si le point évoqué par mon collègue n'est pas pris en compte par la mise à grand gabarit de l'Oise.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte à l'unanimité le rapport ainsi que le projet de loi.
Monsieur le président, mes chers collègues, nous examinons à présent le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre la France et la Suisse relatif à la coopération bilatérale en matière d'instruction militaire.
La coopération franco-suisse en matière de défense se fonde sur une dizaine d'accords conclus depuis 1987. L'accord soumis à notre examen se substituera aux accords signés en 1997 et en 2003, relatifs aux activités d'instruction et d'entraînement de nos forces armées.
Ce nouvel accord se distingue des accords de défense traditionnellement conclus par la France, puisqu'il tient compte de la neutralité de notre partenaire. Pour respecter cette neutralité, l'accord ne couvre ni la planification, ni la préparation, ni l'exécution d'opérations de combat ou de toute autre opération militaire. Son périmètre est donc circonscrit aux activités d'instruction et de formation, ainsi qu'aux exercices et entraînements, ayant pour but de faire acquérir aux personnels civils et militaires des forces armées les qualités nécessaires à l'accomplissement de leurs missions.
L'accord de 2018 facilitera les échanges en simplifiant les procédures administratives qui peuvent parfois constituer un frein. Il offrira un cadre rénové et élargi à notre coopération qui, jusqu'à présent, concernait principalement le domaine aérien à travers des actions de police du ciel, et des actions conjointes de formation et d'entraînement des pilotes de chasse. En effet, pour l'instruction de ses pilotes, la France a récemment choisi le Pilatus PC-21, avion de construction suisse, en remplacement des Alphajets. Depuis, la formation des instructeurs est dispensée pour partie en Suisse, et des échanges entre les officiers pilotes français et suisses sont régulièrement organisés. En outre, nos deux pays réalisent un grand nombre d'exercices conjoints visant à renforcer notre interopérabilité pour assurer la défense commune de notre espace aérien.
Cette coopération trouve également à s'appliquer dans le domaine terrestre à travers des échanges d'expertise entre les écoles d'instruction en haute montagne, et des entraînements avec les troupes de montagne et les forces spéciales suisses.
Le nouvel accord permettra d'ouvrir la coopération à trois nouveaux domaines que sont :
- la protection NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique) qui est l'une des spécialités de l'armée suisse ;
- la cyberdéfense ;
- et le spatial militaire, dans la mesure où la Suisse souhaite accéder à des images satellite de haute qualité, via une participation au nouveau système français de satellites d'observation militaire dénommé « CSO » (composante spatiale optique).
Notre partenaire a un modèle d'armée différent du nôtre : l'armée suisse est une armée de milice, où les civils sont formés pour participer à des missions militaires en complément de leur formation professionnelle. Il s'agit donc une armée de conscription, qui s'appuie sur quelque 3 000 soldats professionnels, essentiellement chargés des tâches d'instruction et d'encadrement. Chaque citoyen est astreint à un service militaire afin de réaliser, par la suite, des périodes d'instruction ; au total, les Suisses demeurent à la disposition de leur armée pendant une dizaine d'années.
La dissymétrie de nos appareils militaires n'empêche pas une coopération de qualité en raison de notre proximité géographique, axée sur l'instruction des forces et non l'interopérabilité opérationnelle comme je l'ai précédemment indiqué. La coopération est donc conçue dans le domaine de l'instruction des forces où nous profitons du savoir-faire de l'armée suisse et échangeons en retour notre expérience opérationnelle.
L'armée suisse a initié, en 2018, une réforme intitulée « DEVA » - pour développement de l'armée -, qui a pour principal objectif d'instaurer à nouveau la mobilisation générale en disposant d'un effectif réglementaire de 100 000 hommes, entièrement équipés de moyens militaires de premier plan.
À cet égard, le Conseil fédéral (équivalent du gouvernement) a lancé le programme « Air2030 » qui vise à acquérir un nouveau système de défense destiné à renouveler les capacités aériennes du pays. Ce programme repose sur trois piliers :
- le projet « C2Air » qui prévoit le remplacement du système de surveillance de l'espace aérien. Ce marché a été attribué, en septembre dernier, à Thales pour plus de 200 millions d'euros ;
- le projet « Bodluv » qui prévoit l'acquisition d'un nouveau système de défense sol-air de longue portée. Deux candidats restent en lice : d'une part le consortium Eurosam formé par le français Thales et l'italien Alenia en collaboration avec MBDA, et d'autre part l'américain Raytheon et son système Patriot ;
- et enfin le projet « PAC » qui prévoit l'acquisition d'un nouvel avion de combat. Le Rafale est toujours en lice, aux côtés de trois autres avions de combat, dont l'Eurofighter et le F-35 américain.
Le coût de ces deux derniers projets est estimé à 7,4 milliards d'euros. Le principe de renouvellement de la flotte d'avion de combat sera soumis à un scrutin référendaire en septembre prochain ; en cas de vote positif, le marché sera attribué au deuxième trimestre 2021, avant d'être soumis au vote du parlement, probablement en 2022.
S'agissant des avions de combat, l'offre qui sera remise par les industriels avant la fin de l'année devra comporter un volet de coopération, ce qui permettra aux forces suisses de collaborer avec celles du pays fournisseur. À ce titre, l'accord que nous examinons aujourd'hui peut contribuer à soutenir notre industrie de défense, dans un contexte économique rendu difficile par la crise sanitaire.
En cas de succès de l'offre française, la Suisse deviendrait alors le deuxième pays européen équipé du Rafale. Après l'acquisition de Pilatus PC-21 par l'armée de l'air française, un tel choix renforcerait davantage les liens tissés entre nos armées de l'air. En effet, les coopérations en matière d'armement tendent à générer des rapprochements opérationnels eu égard à l'utilisation de matériels communs, ce qui favorise les partages d'expérience. Ainsi, au-delà du point de vue purement militaire, la France a intérêt à développer la coopération militaire car nous espérons beaucoup des potentiels succès que représentent les prospects précipités, mais aussi tous les autres systèmes à venir, notamment dans le domaine terrestre (Caesar, véhicules blindés).
Pour conclure, ce nouvel accord répond aux intérêts de nos armées d'une plus grande coopération avec un partenaire aussi fidèle que fiable.
Je préconise donc l'adoption de ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en premier. La partie suisse a quant à elle déjà notifié l'achèvement de ses procédures nationales nécessaires à l'entrée en vigueur de l'accord.
L'examen en séance publique est prévu le mercredi 22 juillet prochain, selon la procédure simplifiée, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, ont souscrit.
Je salue la qualité et la clarté de ce rapport.
Comme l'a indiqué le rapporteur, les Suisses sont de très bons partenaires. Leur souhait est de disposer d'un avion de combat adapté à leurs enjeux de défense.
Malgré sa neutralité, la Suisse est très présente dans certaines instances internationales comme l'assemblée parlementaire de l'OTAN, en qualité d'observateur. Par ailleurs, le pays était invité, hier, aux cérémonies du 14-Juillet. Voir des militaires suisses défiler derrière leur drapeau et être salués, était un symbole fort.
Le travail de notre collègue Courtial est utile pour mettre en lumière les besoins de coopération avec nos voisins helvétiques.
La Suisse pèse autant que la Chine en termes d'exportations pour notre pays. Il s'agit du troisième investisseur direct en France, devant l'Allemagne.
Comme l'a indiqué le rapporteur, le principe d'acquérir de nouveaux avions de combat sera soumis au peuple suisse, par référendum. Ce projet est en enjeu d'avenir pour nos deux pays ; il est donc important que l'industrie suisse y soit associée, à travers des échanges avec nos entreprises.
Je rejoins les propos de notre collègue Cadic. Il faut développer un véritable partenariat stratégique avec la Suisse, au-delà des intérêts industriels, comme le font ses autres voisins.
La Suisse pourrait devenir le deuxième pays en Europe équipé du Rafale. Ce projet doit être conduit avec humilité et sagesse, comme nous le faisons.
L'idée d'une coopération parlementaire pourrait également être étudiée.
Je me permets de préciser que la Suisse souhaite acquérir 40 avions de combat, et qu'elle y consacrera 6 milliards de francs suisses. Ce n'est pas rien !
Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.
Avec le SCAF, il ne s'agit pas de faire simplement un nouveau Rafale ou un nouvel Eurofighter. À l'horizon 2040, nos adversaires disposeront de systèmes anti-aériens redoutables, avec une mise en réseau des capteurs, des plateformes et des effecteurs permettant de riposter immédiatement, de puissants moyens cybers et des missiles hypervéloces. À cette menace en système, le SCAF opposera un système de systèmes. Il comportera un avion de combat, le Next generation fighter (NGF), capable d'emporter plus de missiles, de voler plus longtemps, tout en étant plus furtif et aussi manoeuvrable que le Rafale. Il sera donc plus grand et plus lourd, ce qui implique, nos collègues Cigolotti et Roger l'ont souligné, un plus grand porte-avions. Il comportera ensuite toute une gamme de « remote carriers » ou « effecteurs déportés ». Ce sont des drones chargés de missions très diverses, du leurrage au tir en passant par le brouillage et le recueil d'information. Le troisième élément du SCAF est invisible mais constitue le véritable coeur du système. C'est le cloud de combat : l'interconnexion des plateformes entre elles et avec des bases de données. Il y aura enfin ce que j'appellerai un pilier transversal, l'intelligence artificielle et l'automatisation des fonctions, présentes sur toutes les plateformes, qui démultiplieront l'efficacité du pilote dans le combat collaboratif.
J'en viens ainsi à la première de nos recommandations : si nous voulons que le SCAF ne soit pas obsolète dès sa mise en service en 2040, ni pendant les quatre décennies suivantes, il ne faut pas se tromper de projet.
Certes, l'avion de combat, premier pilier de la coopération industrielle de la phase 1A lancée en février dernier, est très important. Nous pouvons nous féliciter que Dassault et Safran soient respectivement leaders industriels de l'avion et de son moteur. Toutefois, l'innovation nécessaire réside tout autant, voire davantage dans le cloud de combat et dans l'IA.
Je voudrais ici faire une comparaison. Les Allemands ont compris qu'avec le développement des véhicules autonomes, la valeur ajoutée risquait de glisser de l'« objet voiture » à l'intelligence artificielle et aux données. C'est exactement la même chose pour le SCAF. Pour le moment, il est prévu que le NGF ne soit qu'optionnellement « non habité », notamment parce qu'il y a des doutes sur les capacités d'une IA autonome en situation de grande complexité tactique. Toutefois, des progrès décisifs d'ici 2040 et après ne sont pas à écarter. Nous connaissons les investissements massifs des Chinois et des Russes. Les États-Unis vont également faire combattre dès l'année prochaine un drone équipé d'IA contre un avion habité. Nous ne devons pas nous retrouver dans la situation du meilleur joueur d'échecs du monde qui ne peut plus battre un ordinateur ! Réduire le débat de l'utilisation de l'intelligence artificielle aux systèmes d'armes létales autonomes serait caricatural : le principal défi est l'interface entre l'homme et l'IA, afin de soulager la charge mentale du pilote et de lui permettre de maximiser les contributions de l'ensemble des plateformes. Nous préconisons donc que le développement de l'IA soit au centre du programme.
Autre défi pour notre capacité d'innovation, le nouveau moteur. Nous avons pris du retard sur les américains, qui font des moteurs plus chauds, donc plus puissants que les nôtres. Il faut aussi développer la technique du cycle variable pour avoir un profil de puissance adaptable aux différentes missions. Une autre question-clef est celle du moteur du démonstrateur, dont la réalisation est prévue pour 2026. Il nous paraît impératif de prendre le moteur du Rafale, le M88 de Safran, plutôt que le J200 de l'Eurofighter. Ce serait en effet plus conforme à la répartition entérinée par la France et l'Allemagne, qui fait de Safran le leader pour le moteur.
Enfin, des percées seront également nécessaires sur les technologies de capteurs. A cet égard, le choix de l'Espagne comme leader sur le pilier « capteurs » via l'industriel INDRA est un bon signal envoyé à ce pays, qui a rejoint la coopération avec un léger décalage sur la France et l'Allemagne mais qu'il convient à présent d'intégrer sur un pied d'égalité.
J'en viens à présent à la question de la coopération industrielle. Je rappelle qu'après de longues négociations, un premier contrat de 155 millions d'euros a été passé en février dernier avec les grands industriels par la DGA, leader international du programme, pour la phase 1A du démonstrateur.
Pour ne pas reproduire certaines erreurs du passé -et ici tout le monde pense à l'A400M - il est nécessaire de concilier de manière équilibrée le principe du meilleur athlète, c'est-à-dire le fait que chaque industriel réalise ce qu'il sait le mieux faire, avec le principe du retour géographique.
Après des négociations difficiles, la France a réussi à imposer une organisation forte, avec pour chacun des 7 piliers du programme un chef de file et un partenaire principal, chargés de « mettre en musique » les travaux des sous-traitants. Je ne reviens pas en détail sur les négociations Safran/MTU, ni sur le parallélisme demandé par les Allemands avec le char du futur (MGCS), un temps bloqué du fait de Rheinmetall. Ces épisodes montrent que nous devons rester extrêmement vigilants sur plusieurs points :
D'abord, ne pas laisser dire à nos amis Allemands qu'ils sont « mal servis ». Les industriels d'Outre-Rhin sont présents en force sur tous les piliers. Avoir obtenu le leadership face à Thales sur le pilier cloud de combat n'est pas anodin pour Airbus DS.
Ensuite, nous ne devons pas nous contenter de la place obtenue par nos industriels leaders et veiller de près à ce que nos sous-traitants soient bien mis à contribution par les leaders allemands et espagnols.
Troisième impératif, la propriété industrielle doit être protégée. Outre la protection intangible du background, c'est-à-dire la propriété intellectuelle déjà acquise sur les programmes passés, Dassault, Airbus ou Safran doivent rester maître de ce qu'ils inventeront au cours du développement, tout en mettant à la disposition des autres ce qui est nécessaire pour maintenir et faire évoluer le produit. Or, le Bundestag a conditionné son accord pour le contrat de février dernier à la définition par le gouvernement allemand des « technologies-clés nationales » qui devront être totalement disponibles pour l'Allemagne. Nous savons que ce pays veut monter en puissance sur l'aéronautique et le spatial mais la philosophie d'un tel programme n'est pas de permettre un rattrapage technologique. La discussion doit donc déboucher sur un accord relatif à la protection industrielle équilibré et solide.
Par ailleurs, comme Pascal Allizard et Michel Boutant l'ont relevé dès décembre dernier, aucune place n'a été faite pour l'ONERA, alors même le DLR allemand, pas nécessairement aussi expérimenté sur l'aéronautique militaire, est fortement impliqué. La ministre a remis l'ONERA dans le jeu par une déclaration assez imprécise et les leaders du projet nous ont affirmé qu'ils y travaillaient. L'ONERA fournirait des prestations d'assistance à maîtrise d'ouvrage au profit de la DGA pour analyser les prochaines feuilles de route technologiques des industriels, produire des études amont sur les matériaux et combiner ses capacités de simulation avec celles de la DGA. Il est donc impératif de lever les dernières ambiguïtés sur la participation de l'ONERA au programme SCAF et d'inciter les industriels à lui sous-traiter certaines tâches.
En outre, le programme SCAF pourrait contribuer à la relance de notre économie après la crise du coronavirus. Les investissements de défense peuvent contribuer à la sauvegarde des emplois en France dans la chaîne d'approvisionnement des systémiers-intégrateurs et des grands équipementiers. De plus, l'avion de combat du futur assumera aussi la mission de dissuasion, ce qui amènera nécessairement de l'activité en France. En outre, comme pour les crises sanitaires, ce n'est pas au moment des crises géopolitiques qu'il est temps investir ! Dès lors, il conviendrait à notre sens de réfléchir avec les deux partenaires à une accélération du programme, en prévoyant un achèvement avant 2040.
En conclusion, le programme SCAF est une chance exceptionnelle pour la France, l'Allemagne et l'Espagne, pour notre autonomie stratégique comme pour notre industrie de défense. Alors que de nombreux pays se contentent de développer de nouveaux avions de combat, nous avons fait le choix de rester en tête en développant non un simple avion, mais un système de systèmes. Les récentes déconvenues du F35, qui craint la foudre, montrent aussi qu'il est sain qu'il y ait de la concurrence ! Cependant, le chemin est étroit. Espérons que nous ayons suffisamment appris des anciens programmes pour ne pas reproduire leurs erreurs.
Pourquoi faire le SCAF à plusieurs alors que les industriels français nous disent être capables de le réaliser seuls?
D'abord, avec le SCAF, nous avons l'opportunité de faire avancer la défense européenne en nous appuyant sur un projet concret de partenariat franco-germano-espagnol. C'est donc avant tout un projet politique. Il convient que nos interlocuteurs industriels l'aient à l'esprit. Ce projet se fera car il correspond à une volonté clairement définie.
Le premier objectif est de rendre plus fluide la coopération franco-germano-espagnole afin qu'une étape décisive puisse être franchie en 2021. Les négociations entre industriels en 2019 ont certes été délicates car le Bundestag a mis des conditions à l'accord entre Safran et MTU. Il a également insisté sur la nécessité d'un parallélisme de calendrier avec le MGCS pour voter les crédits. Tout cela vous est connu, je n'y reviendrai pas.
Pour le surplus, nos approches sont différentes. Les Allemands redoutent l'influence et le poids d'un complexe militaro-industriel français expérimenté. Mieux encore, il semble qu'ils n'aient pas la même compréhension que nous des enjeux de l'autonomie stratégique. Les Français, quant à eux, interprètent l'attitude des Allemands comme l'expression d'une volonté de développer prioritairement leur industrie nationale et acquérir de nouvelles compétences afin de préserver les emplois et soutenir leur tissu industriel. Cela vaut également pour l'Espagne. Les arrière-pensées seraient ainsi à craindre de la part des trois partenaires concernés.
Pour sortir de ces incompréhensions principalement dues à des différences historiques et culturelles, nous devons échanger et partager davantage. C'est pourquoi nous préconisons l'élaboration et la publication d'une stratégie industrielle commune, éventuellement assortie d'une programmation capacitaire conjointe. Celle-ci éclaircirait notamment le lien entre autonomie stratégique nationale et autonomie stratégique européenne. Soyons pédagogues, encore et encore.
Mais nous devons également être très clairs avec nos partenaires : le programme ne résistera pas à des blocages et des retards à répétition. C'est pourquoi nous prônons la signature d'un contrat-cadre global en début d'année prochaine, pour engager les financements nécessaires aux phases ultérieures du développement du démonstrateur, ce qui aura pour conséquence de rendre ainsi le programme quasi-irréversible. Il s'agit de passer de l'ordre de la centaine de millions à celui du milliard d'euros. Il serait bien sûr préférable que ce nouvel engagement intervienne avant les élections législatives allemandes, qui introduisent un élément d'incertitude supplémentaire. Nous devons en être conscients.
Après de longues négociations, les contrats avec les industriels espagnols doivent quant à eux être signés prochainement. L'arrivée de ce pays constitue une excellente nouvelle d'autant que son engagement industriel et militaire semble entier. Nous avons été agréablement surpris par l'enthousiasme de nos interlocuteurs. Cela s'explique peut-être parce qu'il s'agit d'un pays très « européiste » en matière de défense, qui privilégie résolument les solutions européennes. Ensuite, l'Espagne permet de positionner la France à sa place naturelle de médiateur entre un pays du Nord et un pays du Sud de l'Europe. Une de nos propositions est d'ailleurs d'inviter l'Allemagne à signer avec l'Espagne un traité sur les exportations, similaire à celui signé par la France et l'Allemagne le 23 octobre 2019. L'Espagne rencontre en effet les mêmes difficultés que nous sur les restrictions d'exportations.
La question de l'élargissement du programme à d'autres partenaires européens doit également être posée. En effet, si nous avons fait le choix de la coopération plutôt que celui d'une option strictement nationale - et donc réductrice - pour construire le SCAF, c'est parce que nous voulons soutenir la compétitivité de l'industrie de défense européenne en faisant baisser les coûts de chaque système supplémentaire produit, tout en partageant les coûts de développement - on parle de 8 milliards d'ici 2030 ce qui nous permettra d'exporter plus facilement - si le produit fini est moins cher et de nous assurer ainsi d'un premier marché au niveau européen. Il est en effet toujours plus facile de convaincre un acheteur lorsqu'il a des intérêts dans l'objet du marché en tant que producteur !
Il existe des points possibles de rapprochement avec les instruments de la défense européenne : coopération structurée permanente (CSP), Programme européen de développement industriel dans le domaine de la défense (PEDID) et Fonds européen de défense. Surtout, le SCAF constitue une chance unique de développer nos propres standards d'interopérabilité. À cet égard, la synergie avec l'Union européenne peut constituer un tremplin, notamment via le programme EcoWar initié par la France, sélectionné dans la CSP et qui rassemble la Belgique, l'Espagne, la Hongrie, la Roumanie, l'Espagne et la Suède. Ce projet intéresse les pays déçus par le manque d'interopérabilité du F35 avec leurs autres avions. En leur proposant des solutions permettant un dialogue opérationnel entre le F35 et les avions des générations précédentes, nous pouvons les attirer dans « l'orbite du SCAF ». Nous préconisons donc de préparer cet élargissement pour la phase post-démonstrateur, lorsque la coopération entre les trois premiers pays sera devenue suffisamment stable et pérenne.
Je voudrais à présent évoquer l'aspect innovant du SCAF. Nous parlons d'un système d'armes qui sera opérationnel entre 2040 et 2080 au minimum. Je partage pleinement l'analyse de mon co-rapporteur : imaginer l'avenir du combat aérien par analogie avec ses caractéristiques actuelles serait une erreur. En particulier, un effort sans précédent doit être accompli dans le domaine de la connectivité et du cloud de combat, où Thales doit jouer pleinement son rôle aux côtés d'Airbus. Il est également nécessaire d'étudier dès maintenant une intégration de ce cloud de combat avec le système d'information et de commandement (SIC) Scorpion. Le SCAF doit en effet être un système ouvert, interopérable avec l'ensemble de nos forces terrestres et navales. Il doit également se développer de manière incrémentale. Ainsi, un système de combat coopératif pourrait être développé dès avant 2030, dans le cadre du Rafale F4 et du programme Connect@aero de l'armée de l'air. Puis, au début des années 2030, pourraient être mises en oeuvre des fonctionnalités collaboratives entre avions et effecteurs via le Rafale F5 en France et le Typhoon LTE en Allemagne et en Espagne.
En ce qui concerne l'intelligence artificielle - à l'influence de laquelle ce projet n'échappera pas - nous devons continuer à promouvoir notre vision occidentale conforme au droit international. Je souscris pleinement aux propos de la ministre des armées lorsqu'elle déclare que « La France refuse de confier la décision de vie ou de mort à une machine qui agirait de façon pleinement autonome et échapperait à tout contrôle humain. ». Nous devons donc relancer les discussions internationales pour obtenir un cadre éthique et juridique partagé par tous. D'autres pays qui ne partagent pas nos valeurs avancent très vite dans ce domaine et pourraient imposer leurs normes. Parallèlement, les efforts de l'agence de l'innovation, à travers ses projets d'accélération d'innovation et de recherche, doivent être soutenus. Nous comptons aussi sur la future « Redteam », avec ses auteurs de science-fiction, pour échafauder des scénarios vraiment inédits afin de pousser nos ingénieurs dans leurs derniers retranchements ! Le SCAF est un projet évolutif. À tous de s'en saisir pour valoriser recherche fondamentale, innovation et créativité.
La recherche de la très haute performance doit aller de pair avec les préoccupations environnementales. Nous estimons ainsi que l'innovation doit aussi s'exercer dans le domaine des économies d'énergie, dans la continuité de la « stratégie énergétique » présentée par la ministre des armées le 3 juillet dernier.
Ce caractère innovant, voire révolutionnaire du SCAF, sera l'une des conditions de son exportabilité, impératif que nous ne devons à aucun moment perdre de vue. Pour faire la différence, le SCAF devra en effet avoir des « briques technologies » exclusives et inédites.
Toutefois, cette exportabilité est en partie menacée par le programme britannique qu'il serait dangereux de perdre du vue, le Tempest, successeur du Projet FCAS franco-britannique avorté. L'Italie et la Suède se sont associées au projet ; la Turquie, le Japon ou encore l'Arabie Saoudite ont été approchés dans une optique de coopération financière. Il est prévu que le programme s'achève en 2035, soit 5 ans avant celui du SCAF, même si cette date nous paraît ambitieuse. Ce projet est porté par une réelle volonté politique car les Britanniques partagent notre souci de conserver un savoir-faire en matière d'avions de combat. Il est difficile pour le moment d'imaginer comment les deux programmes pourraient se rapprocher. Il y a donc là une difficulté à l'unification progressive de la base industrielle et technologique de défense européenne s'il se confirmait que les européens se séparent en deux groupes concurrents. Cette opposition, plutôt que cette rivalité, serait d'ailleurs amplifiée par un rapprochement avec le système américain en cours de développement, très similaire aux SCAF et Tempest.
En conclusion, le SCAF constitue selon nous à la fois une occasion inédite - la première à cette échelle mais aussi la dernière si elle devait échouer - de construire une véritable BITDE et la possibilité de maintenir un modèle d'armées complet. Malgré un départ plutôt lent en 2019, les négociations ont bien progressé et abouti à des accords. Les prochains mois seront décisifs, avec la pleine intégration de l'Espagne et, nous l'espérons, un nouveau contrat-cadre pluriannuel qui permettra de donner un élan définitif au programme. Ce rapport s'inscrit donc dans la dynamique de sa réussite, car il a le potentiel pour faire changer d'ère et de dimension la coopération européenne de défense !
Votre rapport est très clair, précis et complet. Je souhaite vous poser deux questions. La première est relative à l'ONERA : le Sénat avait appelé à son intégration dans l'équipe France en charge du SCAF. Qu'en est-il finalement ? Avez-vous pu préciser ce point lors de vos auditions et avez-vous obtenu l'assurance que l'ONERA serait associé aux études-amont ; doit-on craindre que son intervention ne soit que parcellaire dans la définition globale du projet ?
Ma seconde question porte sur le porte-avions de nouvelle génération (PANG), objet du rapport que j'ai présenté récemment à notre commission avec notre collègue Gilbert Roger. Le projet SCAF et le projet PANG sont très liés dans leur compatibilité technologique et dans leur calendrier. Le démonstrateur du SCAF doit être prêt au plus tard en 2026 pour ne pas retarder le projet PANG. Vous soutenez l'utilisation du moteur du Rafale, ce à quoi je souscris pleinement. Dans le contexte de pandémie que nous venons de connaître, Safran a été durement touché, en témoignent la fermeture annoncée de 25 sites et le recours important au chômage partiel. Pensez-vous que le démonstrateur pourra réellement être prêt en 2025-2026 ? Dans le cas contraire, il y aurait de réelles répercussions sur le PANG.
Votre rapport sur le SCAF, comme le précédent rapport dédié au PANG, établit que nos armements futurs devront participer à l'Europe de la défense. Nous ne pouvons qu'y souscrire, mais il est indispensable de défendre notre savoir-faire. Dans ce domaine, la France a de l'avance, une réelle maîtrise technologique et un savoir-faire reconnu. Il n'est pas question de remettre en cause notre adhésion complète à l'idée d'une défense européenne, mais nous devons également défendre notre industrie. J'ai souvenir d'une audition du chef d'état-major de l'armée de Terre, sur le char du futur, qui nous a surtout permis de comprendre la place que nous n'aurons pas dans ce domaine.
Notre excellence technologique peine à se traduire en parts de marchés, il faut donc moins que jamais perdre notre savoir-faire et notre avance. Je fais d'ailleurs le lien avec la place donnée à l'ONERA. J'ai dans son département l'unité de soufflerie de l'ONERA, installation de pointe et d'excellence, qui a été modernisée au prix d'investissements conséquents. Ceci n'a pourtour pas empêché que l'ONERA soit écartée de certains projets précédents. Il ne faut pas que cela soit le cas pour le SCAF, il nous faut faire preuve de vigilance sur ce marché.
La question de la présence ou non d'un pilote s'est posée lors de la création du premier Rafale. Vous vous souvenez qu'on avait hésité à doter l'avion d'un ou deux pilotes. En décembre 1985, à la veille de la présentation au Président Mitterrand, j'ai constaté que le démonstrateur comportait finalement un seul siège de pilote, mais les industriels m'ont alors confié que ce siège de pilote était dispensable et que l'implication d'un pilote ne correspondait déjà plus forcément au profil de toutes les missions. Cette question se pose également pour la conception du SCAF.
Il est difficile de travailler sur un projet de cette ambition à plusieurs pays. Lorsque la conception de l'Eurofighter a été envisagée, l'entreprise Dassault avait alerté les pouvoirs publics sur les pertes que subirait notre pays en choisissant cette voie. Après avoir participé à certaines de vos auditions, je me demande pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ; les industriels français nous ont affirmé qu'ils pouvaient mener à bien le projet SCAF seuls. Tout en étant un Européen convaincu, je souhaiterais que nous fassions un bilan des coûts et avantages de ces deux modalités possibles de réalisation du SCAF : par une approche nationale ou par une coopération européenne. Nous sommes dans une approche politique alors que ce projet doit être examiné du point de vue des capacités technologiques. Finalement ce sont les militaires et non les parlementaires qui utiliseront ce système d'armement. N'oublions pas que si nous avions choisi la voie de l'eurofighter, nous n'aurions toujours pas satisfaction. En effet, le cahier des charges technologiques initial, répondant aux besoins militaires, n'est toujours pas atteint actuellement.
Enfin, ne devrait-on pas envisager un plan B ? Si nos partenaires bloquaient le projet à un moment de son développement, qu'avons-nous prévu pour faire face ? Je souhaiterais que les recommandations de notre rapport comprennent bien la prise en compte d'un plan garantissant l'aboutissement du SCAF en cas de retrait ou de blocage des pays associés. L'évaluation de la possibilité d'une alternative nationale a du sens et emporterait des conséquences pour la base industrielle de défense nationale. Comment répondrions-nous à un appel d'offre similaire une fois le SCAF réalisé ?
Certes, mais à un moment la question de savoir si nous parvenons à l'exporter se posera et aura des conséquences déterminantes sur notre industrie nationale et sur le maintien de l'avantage que nous possédons aujourd'hui dans le domaine de la technologie et de la maîtrise d'oeuvre aéronautique.
où en est la négociation de ce contrat pluriannuel qui serait décisif ?
Je suis pour ma part inquiet. Il y a les exemples de l'A400M et d'Ariane 6. Celle-ci ne correspond pas, technologiquement et financièrement, au besoin de demain. J'espère qu'il y aura un SCAF unique pour ne pas recommencer l'A400M. J'espère aussi que chacun travaillera sur ce qu'il fait le mieux, pas comme sur Ariane 6, et que l'on travaillera beaucoup sur les coûts, sinon on ne pourra acheter que 4 ou 5 avions... En outre, avec la hausse de l'endettement, les perspectives sont sombres.
La taille et le poids de l'avions auront effectivement un impact sur le porte-avions. Avec les exigences de furtivité et de capacité d'emport, on passe de 15 mètres de long et 24 tonnes au maximum pour le Rafale à 18 mètres et peut-être 30 tonnes pour le SCAF. Le F22 mesure 19 mètres de long et 35 tonnes au maximum. La maquette du NGF fait 18 mètres de long. L'amiral Prazuck évoquait au Sénat une masse de 30 tonnes.
nous nous sommes étonnés de l'absence de l'ONERA. Bien sûr que l'avion est important, mais il ne peut fonctionner que connecté avec toutes les autres plateformes. Il doit aussi être interopérable avec les plateformes européennes. Nous en sommes à la première étape. Il est normal que les industriels se positionnent, mais il faut aussi se demander quel sera le poids de la France et de l'Europe en 2040. Nous développons un système qui sera opérationnel dans 20 ans : cela fait beaucoup d'inconnues dans l'équation ! La DGA nous a dit que l'ONERA aurait un rôle à jouer : nous pensons qu'il doit être central.
La DGA et l'armée de l'air nous ont indiqué que les travaux avaient continué pendant le confinement. La vraie question est celle des calendriers politiques : septembre 2021 pour le renouvellement du Bundestag et 2022 pour la présidentielle française. D'où notre insistance sur le premier semestre 2021.
Les Allemands conditionnent le nouveau contrat à un accord sur la propriété industrielle. Si on passe au milliard d'investissement, il sera plus compliqué de faire marche arrière. Par ailleurs, le secrétaire d'Etat à l'armement britannique nous a dit que le Tempest était existentiel pour son pays, comme le SCAF l'est pour nous. Les Britanniques ont besoin de conserver leur compétence même dans le cadre de leurs coopérations avec les Américains. Ils abordent donc le sujet de manière globale et avec un grand souci d'innovation. Ils ne prévoient pas de démonstrateur. Je ne sais pas si leur méthode est la bonne, mais cela vaut la peine d'être étudié.
Il existe sans aucun doute un avantage technologique français. Nous ne voulons pas vendre les bijoux de famille. Mais il y a aussi une explosion des coûts. Il s'agit en effet de réaliser non seulement un avion mais aussi tout un essaim avec les remote carriers. C'est une rupture technologique considérable. Ce sera beaucoup plus cher que le Rafale et les moyens de la France seule ne suffiront pas. Si on ne réussit pas cette rupture technologique, nous perdrons la supériorité sur le champ de bataille. Au-delà de la coopération industrielle, il est d'abord question d'avoir une supériorité opérationnelle. C'est cela, le véritable ordre des priorités. La question de la propriété industrielle est essentielle dans ce domaine. Il faut protéger le background et partager dans des conditions équilibrées le foreground. Par ailleurs, le savoir-faire est aussi et surtout dans le cerveau des ingénieurs !
Il faut évidemment se préoccuper de la question de l'exportabilité. Ce serait une erreur de s'arrêter aux difficultés entre industriels. Il faut réfléchir à ces questions : à qui allons-nous vendre le SCAF et pourquoi ? Si nous n'avançons pas au niveau européen, nous ne le ferons jamais. C'est actuellement le projet le plus porteur d'avenir, ne serait-ce que grâce au caractère dual des technologies. En outre les innovations faites dans le cadre du SCAF pourront servir à moderniser les équipements actuels.
Nous avons toujours cru à l'Europe de la défense. Les discours officiels évoluent progressivement. Il ne faut pas s'arrêter à la coopération avec les Allemands et les Espagnols. Il est sans doute dommage d'avoir raté le rendez-vous avec les Italiens. Après le démonstrateur, il faudra élargir la coopération.
L'un des principes fixés pour le SCAF est celui du « meilleur athlète » ou « best athlete ». Or ceci vient de l'expérience de l'A400M, pour lequel ce principe n'a pas prévalu. Aujourd'hui, tout le monde est d'accord sur ce principe et cela se voit dans la répartition des piliers. C'est encourageant. Et la France est leader sur le SCAF : c'est la DGA qui pilote.
c'est un rêve que l'on veut faire en commun, mais n'oublions pas les surenchérissements apportées par les complexités d'origine allemande sur l'EPR ! Sur le SCAF, ne faudrait-il pas réfléchir à un porte-avions européen sur lequel le SCAF pourra atterrir ?
C'est une question pertinente. Lorsque Jean Monnet a lancé la coopération européenne, il a choisi la politique des petits pas. Il avancer peu à peu.
Les Britanniques seraient-ils totalement opposés à une convergence entre le SCAF et le Tempest. Il faudra creuser cette question.
La commission adopte le rapport d'information.
La réunion est close à 11 h 35