En ce qui concerne les investissements, nous avons chaque année une demande tout à fait raisonnable de l'ensemble des services, liée essentiellement à la sécurité, mais aussi à l'entretien des bâtiments. Son montant tourne autour de 20 à 22 millions d'euros par an. Nous arbitrons, pour aboutir à un résultat de dépenses annuelles de 10 à 12 millions d'euros. Sur cette somme, l'État nous donne 1,5 million d'euros par an. Le reste doit donc être pris sur nos résultats. Pourtant, ces investissements portent souvent sur la sécurité. Auparavant, l'État finançait les investissements à hauteur de 6 millions d'euros...
D'où l'importance de présenter des spectacles qui attirent. Il faut créer un événement autour des titres du répertoire que nous montons, à travers la qualité des artistes, des chanteurs, des metteurs en scène, ou en mettant l'accent sur la découverte, et en espérant que celle-ci va intéresser le public. Mais il faut être lucide : sur les 75 à 80 titres du répertoire, seuls une quinzaine se vendent vraiment bien. Et encore : si on les reprend trop régulièrement, on épuise le public. Et les Français sont beaucoup plus intéressés par la théâtralité que par les voix. À Vienne ou à Munich, quand vous reprenez une Traviata que vous avez jouée quatre ou cinq fois, le public est très intéressé de découvrir la nouvelle voix de Violetta. En France, on vous dit qu'on a déjà vu le spectacle. La France n'est pas, culturellement, un pays musical, et c'est le théâtre qui a pris le pas sur la musique dans la perception du public. Cela pose un problème de répertoire : un Barbier de Séville, ou une Traviata, que vous pouvez jouer pendant 25 à 30 ans à Berlin, dure chez nous au maximum sept à huit ans : une fois que vous l'avez représentée quatre ou cinq fois, c'est terminé. À Londres, ou au Metropolitan Opera, on joue la Bohème de Zeffirelli depuis 1962. Il est vrai aussi que chez nous la presse, qui reproche souvent la théâtralité à l'opéra, parle essentiellement de mise en scène ! Résultat : on ne dit plus le Don Giovanni de Mozart, mais le Don Giovanni de Haneke.
Il est donc compliqué de créer un répertoire durable. Or, faire une nouvelle production coûte beaucoup plus cher que de reprendre une production existante. Ainsi, en reprenant Le Barbier de Séville, vous pouvez espérer faire pratiquement 150 000 à 200 000 euros de bénéfices à l'Opéra Bastille. Quand vous en faites une nouvelle création, vous allez plutôt être à l'équilibre pour chaque représentation. Sur dix ou douze représentations, le gain atteint 2 ou 3 millions d'euros pour une reprise quand, pour une création, on est à l'équilibre. Qui dit remplacement du répertoire dit dépenses supplémentaires, donc. Mais si un spectacle est repris trop souvent, le public diminue et les résultats économiques aussi.