Intervention de Stéphane Lissner

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 15 juillet 2020 à 9h30
Audition de Mm. Stéphane Lissner et martin ajdari respectivement directeur général et directeur général adjoint de l'opéra national de paris

Stéphane Lissner, directeur général de l'Opéra national de Paris :

L'Opéra se heurte à la difficulté du renouvellement des générations. Il faudra réfléchir aux formes de l'Opéra pour conquérir un nouveau public. Du temps de Rolf Liebermann, en 1970, la théâtralité s'est invitée à l'Opéra de Paris et l'a ouvert à un nouveau public. Cependant, le répertoire de l'opéra compte plusieurs oeuvres dotées d'un livret assez limité. Cette forme d'opéra, centrée sur la jubilation vocale, peine à rencontrer le jeune public, car elle ne traite pas de sujets de société. Il faut chercher à y remédier, sans aller pour autant vers une théâtralité provocatrice et radicale, qui risquerait de nous faire perdre l'ancienne génération sans certitude de convaincre la nouvelle.

La mode, le public changent, et la situation de la représentation a aussi beaucoup changé. Cependant, le public est là. L'Opéra de Paris attire en moyenne depuis le départ d'Hugues Gall entre 800 000 et 900 000 spectateurs. Que ses spectacles soient conservateurs ou plutôt modernes, un public est remplacé par un autre, et ce nombre évolue peu, malgré d'ailleurs les politiques artistiques différentes menées par les directeurs successifs.

Toutefois, le problème du prix des places demeure. Nous ne pourrons pas continuer à l'augmenter, et serons même contraints de le diminuer. J'en suis convaincu, d'autant plus depuis la crise sanitaire. J'ai fait des propositions en ce sens au conseil d'administration, auxquelles Bercy s'est opposé, l'équilibre budgétaire devant s'appuyer sur une augmentation constante des recettes. Or une place à 220 ou 240 euros est forcément réservée à une élite. Cela constitue un handicap pour l'Opéra de Paris. De plus, dans le contexte de crise sociale et économique qui s'annonce, de tels tarifs semblent presque indécents. Il faudrait qu'ils diminuent de moitié, pour atteindre 100 à 110 euros maximums. C'est notre seul espoir de reconquérir un public. D'ailleurs, dès qu'un spectacle est moins cher que les autres, il bénéficie de meilleurs remplissages. Ce sujet est devant nous.

L'Opéra de Paris est en concurrence sérieuse avec les grandes maisons d'opéra internationales, notamment pour avoir les meilleurs artistes. Cette guerre se joue moins sur le plan économique, chaque théâtre s'acquittant du même top fee, que sur le projet artistique. Il faut leur donner la possibilité de faire de nouvelles productions. La question des moyens dédiés à la prise de risque et à la création est cruciale. Une maison d'opéra a besoin de produire ses propres spectacles. C'est important pour la motivation des salariés qui ont tous - décorateurs, costumiers, machinistes, etc. - besoin d'être protagonistes d'une création.

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