Intervention de Jean-Yves Leconte

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 juillet 2020 à 9h00
Proposition de loi adoptée par l'assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Merci pour votre travail qui a dû être quelque peu compliqué ; la ligne de crête est délicate. Il est effectivement difficile de savoir comment interpréter ces mesures de sûreté et d'éviter qu'elles ne soient confondues avec une peine ; d'ailleurs, la proposition de loi prévoyait initialement qu'elles soient prononcées par le tribunal de l'application des peines, ce qui n'était pas de nature à favoriser la clarté.

La question peut sembler urgente compte tenu des décisions que nous avons prises à l'été 2016, à l'occasion d'un renouvellement de l'état d'urgence, en permettant des sorties sèches de personnes condamnées pour terrorisme.

Premièrement, s'agissant de la proportionnalité entre la dangerosité évaluée et les mesures de sûreté, on peut s'interroger sur les effets des dispositions proposées. Celles-ci sont-elles utiles ? Les personnes éligibles aux mesures de sûreté répondent à des conditions très particulières et celles-ci seraient prononcées par une juridiction, tandis que, pour les autres, s'appliquent les Micas, des décisions administratives qui sont plus contraignantes.

Deuxièmement, dès lors que ces peines seraient décidées par un tribunal judiciaire, comment pouvons-nous envisager d'évaluer cette dangerosité sur des éléments qui ne pourraient pas tous faire l'objet d'un vrai débat contradictoire ?

Troisièmement, nous avons vu que le bracelet électronique est une contrainte pour la liberté, qui pose un certain nombre de difficultés constitutionnelles. Par ailleurs, elle ne peut pas être regardée comme une mesure de sécurité au regard de l'expérience que nous avons des dernières années. A-t-elle vraiment sa place dans le dispositif ?

J'ai donc beaucoup de réserves, alors même que nous avons progressivement amélioré notre arsenal judiciaire en permettant d'engager une action avant le passage à l'acte violent, et que nous disposons de mesures administratives. Devons-nous le compléter par des mesures hybrides ?

Je ne saurais que reprendre les termes employés par le Conseil d'État : la « complexité peut aussi nuire à l'efficacité de l'action de l'État prise dans ses fonctions administratives et judiciaires, lorsqu'elle appelle l'intervention d'autorités ou de services différents, entre lesquels la nécessaire coopération reste à construire. » Aussi, je ne pense pas que ce texte soit de nature à améliorer la situation.

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