Intervention de Marie-Pierre de La Gontrie

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 15 juillet 2020 à 9h00
Proposition de loi adoptée par l'assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Marie-Pierre de La GontrieMarie-Pierre de La Gontrie :

C'est un texte extrêmement délicat. On voit bien la situation à laquelle nous devrons faire face dans quelques semaines ou quelques mois.

J'y vois les symptômes de deux problèmes.

J'évoquerai tout d'abord l'inadaptation du suivi pénitentiaire des personnes concernées et la situation post-peine. Je rappelle que les condamnés pour faits de terrorisme seraient la seule catégorie d'auteurs d'infractions, à l'exception des auteurs d'infractions sexuelles, qui relèverait d'un dispositif post-peine. Ayant supprimé la possibilité de procéder à une remise de peine des personnes relevant d'infractions de terrorisme, nous sommes paradoxalement affaiblis dans la possibilité d'organiser la situation post-carcérale.

C'est également le symptôme de la complexité des dispositifs. On n'y comprend plus rien. Il y a les Micas d'un côté, mesures aux mains de l'autorité administrative, et le suivi socio-judiciaire de l'autre. Ces mesures s'appliquent, selon les cas, soit avant, soit après l'exécution d'une peine. En l'espèce, la mesure s'appliquerait après la peine. Dans certains cas, les mesures relèvent de l'autorité administrative, dans d'autres cas, de l'autorité judiciaire. Pour combien de temps ? Dans le cadre des Micas, il a été tranché que les mesures ne pourraient durer plus d'un an pour assurer leur proportionnalité. Enfin, quand sont-elles prononcées ? Avant, pendant ou après ?

Est-ce donc une peine ou une mesure de sûreté ? Une peine prononcée après que l'auteur de faits a purgé sa peine serait probablement invalidée par le Conseil constitutionnel : nous devons donc rester dans le champ de la mesure de sûreté.

Nous nous trouvons également devant la difficulté que pose le bracelet électronique, mesure de restriction de liberté. Déjà mise en oeuvre dans le cadre des Micas, il avait été tranché que celle-ci ne pouvait dépasser un an.

Enfin, concernant l'objectivation du critère de dangerosité, l'Assemblée nationale a tenté de proposer une définition plus concrète. C'est également ce que se propose de faire la rapporteure. Selon l'avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), nous serions quasiment dans l'art divinatoire.

La recherche du risque de récidive occupe tous ceux qui s'intéressent aux questions de justice. Elle apparaît toutefois complexe quand est prise en compte une éventuelle dissimulation, par la personne, de ses intentions criminelles. D'après les personnes auditionnées, il faut refuser toute expertise psychiatrique, il en résulte donc un empilement de commissions, d'auditions, d'examens.

Comment faire pour fonder des décisions sur le seul renseignement pénitentiaire, qui est le plus souvent non contradictoire ?

Nous partageons les préoccupations exprimées et je note que les amendements de la rapporteure vont dans le sens d'une recherche de solution. Pour autant, le bracelet électronique ne règle pas la problématique centrale : peut-on contraindre, à sa sortie de détention, une personne qui a purgé sa peine dont, par principe, nous considérons qu'elle était adéquate ? C'est autour de ce sujet que se positionnera notre groupe.

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