J'ai le sentiment que l'on connait effectivement mal les accords de coopération monétaire français, qui sont pourtant retranscrits dans notre architecture budgétaire. Ce silence, je le constatais déjà lorsque j'étais rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État » à l'Assemblée nationale.
Lors de nos auditions, on a entendu des choses assez différentes et à clarifier sur le fonctionnement du compte d'opération et certaines données étaient encore manquantes, nous avons dû les demander. On centralise les réserves de change depuis 1947 : quel est le montant de la rémunération octroyée ? Il est peut-être aujourd'hui plus coûteux pour la France de rémunérer ces réserves. Il convient de faire la lumière sur ce point.
Je partage le constat de Nathalie Goulet : la politique a quelque peu « mangé » le monétaire. La France a perdu ce combat en Afrique et au niveau international. L'Europe ignore ce sujet. Dominique Strauss-Kahn a confirmé durant son audition qu'on avait complètement oublié cette affaire lorsqu'il était ministre. On ne sait quelle est la position de la BCE. Il faudrait également recueillir l'opinion de l'Union européenne et de la Commission.
On a par ailleurs l'impression qu'une OPA a été réalisée par l'Union monétaire d'Afrique de l'Ouest (UMOA) sur la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), composée des huit pays membres de l'UMOA, plutôt francophones, et de sept autres pays, dont le Ghana et le Nigéria. L'UMOA veut remplacer le nom de « franc CFA » par celui de l'eco, qui est aussi le nom adopté par la Cédéao pour son grand projet d'intégration monétaire. Le Nigéria et d'autres pays n'ont pas manqué de formuler des critiques d'ordre économique et politique, en évoquant une usurpation de titre à propos du nom et du projet d'eco.
La fixité de la parité constitue, de mon point de vue, un avantage considérable : on n'entend jamais parler de crise monétaire dans l'UMOA ou dans l'Union monétaire d'Afrique centrale lors des crises internationales. Il faut voir ce que la fluctuation ou la fixité des taux de change a pu apporter. Beaucoup d'économistes africains estiment au contraire subir un retard de croissance et de développement du fait de cette parité fixe, bien qu'elle puisse permettre de juguler l'inflation. Nous avons besoin de données économiques, d'études statistiques et comparatives pour juger du bien-fondé de ces critiques.
Il nous faut également entendre les opposants, notamment des ressortissants des pays où le franc CFA est la monnaie officielle. Les divergences et les polémiques sont nombreuses et la France essuie un certain nombre de critiques. Certaines reprochent à la France une attitude jugée néocolonialiste : par le franc CFA, la France favoriserait par exemple ses propres entreprises. Il ne faut pas négliger cet aspect politique, et les trois piliers de la politique française en Afrique - accords de défense, accords de coopération monétaire et francophonie - doivent être évalués. C'est souvent l'évaluation du pendant monétaire qui a manqué.