Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.
La parole est à M. Vincent Delahaye, rapporteur.
Mes chers collègues, nous avons adopté à la fin de l'année 2018 le projet de loi autorisant l'approbation de la nouvelle convention fiscale avec le Luxembourg. Elle comporte toutefois des ambiguïtés sur les modalités d'élimination des doubles impositions pour les revenus d'emploi des travailleurs frontaliers et pour certains revenus immobiliers. Le Luxembourg, pays de 626 000 habitants, compte, parmi sa population salariale, plus de 46 % de travailleurs non-résidents. Parmi eux, plus de la moitié résident en France. Au premier trimestre 2020, il y avait ainsi plus de 107 000 travailleurs frontaliers français. Or, tel que l'article 22 de la convention relatif à l'élimination des doubles impositions est rédigé, il existe un vrai risque que ces résidents français soient imposés deux fois, en France et au Luxembourg.
L'objet de cet avenant est de revenir à la situation antérieure à la convention de 2018 et qui prévalait jusqu'au 31 décembre 2019 : une fois leur impôt acquitté au Luxembourg, les travailleurs frontaliers résidents français ne devront plus rien à l'administration fiscale française sur leurs revenus d'emploi. De la même manière, pour les détenteurs de revenus issus de biens immobiliers situés au Luxembourg, ces contribuables ne devront pas payer d'impôt en France sur ces biens s'ils se sont bien acquittés de leur impôt au Luxembourg. En vertu du principe de l'imposition partagée, l'administration fiscale prendra toutefois en compte ces revenus pour déterminer le taux effectif d'imposition de l'ensemble des revenus immobiliers du ménage.
Concrètement, l'administration fiscale octroiera aux travailleurs frontaliers et aux détenteurs de revenus issus de biens situés au Luxembourg un crédit d'impôt d'un montant égal à l'impôt français qu'ils auraient dû acquitter sur ces mêmes revenus en France, dans la limite de l'impôt effectivement acquitté au Luxembourg.
L'avenant permet donc de revenir aux règles de la convention de 1958 et ce avant même que les nouvelles modalités de la convention de 2018 n'aient été appliquées. L'impact sur les recettes fiscales françaises est donc nul et les acquis de la convention de 2018 sont maintenus. Il a déjà été ratifié par la partie luxembourgeoise. Sa date d'entrée en vigueur est fixée rétroactivement au 1er janvier 2020.
Je vous propose donc d'adopter le présent projet de loi. Je vous rappelle également que notre commission ayant demandé une procédure d'examen simplifié en application de l'article 47 decies de notre règlement, ce projet de loi sera mis directement aux voix en séance plénière.
Si j'ai bien compris, il ne peut y avoir ni double imposition ni double exonération.
Par ailleurs, cet avenant concerne-t-il tous les revenus ?
Cet avenant clarifie les modalités d'élimination des doubles impositions pour l'ensemble des impositions couvertes par la convention, qu'elles soient dues par des personnes physiques ou par des personnes morales.
J'ai néanmoins besoin d'une précision, certaines conventions laissant le choix de l'option selon les revenus ou la résidence.
Ceci a des conséquences sur la vie du territoire, faute d'une bonne articulation entre les politiques nationales des États. En Lorraine, des débats se sont engagés sur les privilèges exorbitants des Luxembourgeois, qui créent de la richesse sur leur territoire et font supporter beaucoup de dépenses à proximité, comme en Moselle et en Meurthe-et-Moselle, frontalières du Luxembourg, dont les zones de développement économique et les zones d'habitat sont à la charge des Français.
J'aurais souhaité que l'on rappelle précisément les conditions et les points faibles de cet avenant. On ne peut passer ce type de projet de loi en catimini s'il engendre des conséquences sur la vie économique et sociale du territoire.
Plusieurs articles sont sortis récemment dans la presse à propos de fraudes fiscales des EHPAD organisées via le Luxembourg, auxquelles la Caisse des dépôts et consignations prêterait main-forte !
L'avenant ne vise qu'à clarifier les modalités d'élimination des doubles impositions. Conformément aux dispositions des conventions fiscales les plus récentes conclues par la France, le choix du régime d'imposition ne relève pas d'une option. Cela dépend du type de revenus : les revenus d'emploi sont imposés dans l'État où s'exerce l'activité, les revenus issus de biens immobiliers sont imposés dans l'État où sont situés ces biens, etc. Je reprends dans mon rapport un tableau récapitulant les règles relatives à l'élimination des doubles impositions. Je précise enfin que ces dispositions sont conformes à celles que la France a proposées dans d'autres conventions fiscales, que ce soit pour les revenus des travailleurs frontaliers - c'est le cas avec la Belgique ou l'Allemagne - les impôts sur la fortune ou encore l'imposition des revenus immobiliers.
Les compensations entre États, pour les zones frontalières sont un autre sujet, qui ne peut se régler par le biais d'une convention fiscale.
Je précise qu'il reste possible à un président de groupe de demander le retour à la procédure normale en application de l'article 47 decies de notre règlement, s'il l'estime nécessaire.
Le projet de loi est adopté sans modification.
La parole est à Mme Nathalie Goulet, rapporteur spécial, et à M. Victorin Lurel, pour présenter leurs travaux sur le Franc CFA.
Mes chers collègues, à la suite de l'annonce du Président de la République du 21 décembre 2019 sur la disparition prochaine du franc de la communauté financière africaine en Afrique de l'ouest, il nous est apparu nécessaire de mener un contrôle sur ce sujet. Avec Victorin Lurel, nous avons mené plusieurs auditions avant la crise sanitaire.
On a trop tendance à l'oublier mais, dans notre architecture budgétaire, il existe un compte de concours financiers dédié aux accords monétaires internationaux encadrant le franc CFA.
Parler du franc CFA est en réalité un abus de langage. Il existe en effet trois francs CFA : celui de l'Union monétaire ouest-africaine, celui de l'Union monétaire d'Afrique centrale et celui des Comores. Ces monnaies ne sont pas interchangeables. Les communautés monétaires se caractérisent par quatre principes communs, piliers de ce qu'on appelle communément la Zone franc.
Le premier principe est celui de la garantie de convertibilité illimitée du Franc CFA par le Trésor français. S'il arrivait par exemple que les pays de la Zone franc ne puissent pas assurer en devises le paiement de leurs importations, le Trésor français apporterait les sommes nécessaires en euros
Le second principe, le plus critiqué symboliquement et le plus mal compris des opposants au franc CFA, est celui de la centralisation d'une partie des réserves de change des banques centrales des trois zones monétaires auprès du Trésor français. Cette centralisation vient en réalité en contrepartie de la garantie de convertibilité illimitée : le Trésor doit pouvoir apprécier l'évolution des réserves de change. Les opposants au franc CFA se servent de ce principe pour expliquer que le colonialisme français se poursuit par la voie monétaire, avec le blocage des réserves de change auprès du Trésor français. Cette affirmation, inexacte, engendre des polémiques. Comme nous avons pu nous en rendre compte au cours de nos auditions, ce n'est malheureusement pas le seul mécanisme à être mal compris et détourné au profit d'une rhétorique anticoloniale, incendiaire et antifrançaise.
Les troisième et quatrième principes sont propres au fonctionnement de la zone franc : il s'agit de la libre transférabilité et de la fixité des parités par rapport à l'euro. La parité des changes est un véritable sujet de contentieux et nous replonge dans des débats économiques aussi anciens que l'apparition des monnaies. Vaut-il mieux un régime de change fixe ou variable ? En tout état de cause, les taux de change des trois francs CFA sont aujourd'hui fixes par rapport à l'euro, ce qui constitue une véritable garantie de stabilité et de maîtrise de l'inflation pour les pays de la zone franc. Nous avons d'ailleurs été surpris de voir que l'Europe et, en particulier, la Banque centrale européenne (BCE), était assez peu impliquée sur ce sujet. C'est un point que nous devons approfondir dans le cadre de notre travail.
En nous plongeant dans ce contrôle, nous avons relevé beaucoup d'incompréhensions. La politique a fini par prendre le dessus sur le monétaire, le franc CFA, autrefois franc des colonies françaises africaines, est un sujet sensible. Le Président de la République a justifié la réforme en disant : « Je vois votre jeunesse qui nous reproche une relation économique et monétaire qu'elle juge postcoloniale », apportant lui-même de l'eau au moulin de cette théorie. Autant dire qu'il nous faut distinguer ce qui relève de postures idéologiques et des arguments de fond.
De ce point de vue, les premières auditions ont pu donner une idée assez claire de ce que l'on pouvait faire de la réforme annoncée du franc CFA en Afrique de l'Ouest. C'est une bonne chose, qui devrait mettre fin aux « irritants », tel que le nom de la monnaie ou encore l'obligation de centralisation d'une partie des réserves de change. Je rappelle toutefois ici que ces réserves sont aujourd'hui rémunérées à un taux avantageux par rapport à ce que pourrait proposer le marché. Restera, à plus long-terme, des questions comme celles du choix de la parité : faut-il mieux un taux de change fixe ou variable ? Une fixité par rapport à une seule monnaie ou par rapport à un panier de devises ?
En ce qui concerne les symboles, il va falloir mettre les choses à plat avant l'examen du projet de loi approuvant les nouveaux accords de coopération monétaire. La première partie de mon rapport sera donc consacrée à un exercice de « vrai / faux » sur une série d'affirmations plus ou moins bien fondées. C'est cet effort de communication qui a manqué ces dernières années. Il conviendrait que le rapport que nous allons déposer puisse régler les « irritants » et fasse des propositions constructives pour que cet abandon du franc CFA constitue le tremplin d'une véritable politique monétaire de l'Afrique de l'Ouest.
La crise sanitaire a retardé nos travaux, mais c'est un enjeu important en matière de rapports entre la France et l'Afrique et nous devons poursuivre nos auditions. Ces dernières ont jusqu'ici été très éclairantes, et je citerai notamment celle de Dominique Strauss-Kahn, qui pense que l'abandon du franc CFA représente une occasion pour la région d'asseoir son intégration monétaire.
J'ai le sentiment que l'on connait effectivement mal les accords de coopération monétaire français, qui sont pourtant retranscrits dans notre architecture budgétaire. Ce silence, je le constatais déjà lorsque j'étais rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État » à l'Assemblée nationale.
Lors de nos auditions, on a entendu des choses assez différentes et à clarifier sur le fonctionnement du compte d'opération et certaines données étaient encore manquantes, nous avons dû les demander. On centralise les réserves de change depuis 1947 : quel est le montant de la rémunération octroyée ? Il est peut-être aujourd'hui plus coûteux pour la France de rémunérer ces réserves. Il convient de faire la lumière sur ce point.
Je partage le constat de Nathalie Goulet : la politique a quelque peu « mangé » le monétaire. La France a perdu ce combat en Afrique et au niveau international. L'Europe ignore ce sujet. Dominique Strauss-Kahn a confirmé durant son audition qu'on avait complètement oublié cette affaire lorsqu'il était ministre. On ne sait quelle est la position de la BCE. Il faudrait également recueillir l'opinion de l'Union européenne et de la Commission.
On a par ailleurs l'impression qu'une OPA a été réalisée par l'Union monétaire d'Afrique de l'Ouest (UMOA) sur la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), composée des huit pays membres de l'UMOA, plutôt francophones, et de sept autres pays, dont le Ghana et le Nigéria. L'UMOA veut remplacer le nom de « franc CFA » par celui de l'eco, qui est aussi le nom adopté par la Cédéao pour son grand projet d'intégration monétaire. Le Nigéria et d'autres pays n'ont pas manqué de formuler des critiques d'ordre économique et politique, en évoquant une usurpation de titre à propos du nom et du projet d'eco.
La fixité de la parité constitue, de mon point de vue, un avantage considérable : on n'entend jamais parler de crise monétaire dans l'UMOA ou dans l'Union monétaire d'Afrique centrale lors des crises internationales. Il faut voir ce que la fluctuation ou la fixité des taux de change a pu apporter. Beaucoup d'économistes africains estiment au contraire subir un retard de croissance et de développement du fait de cette parité fixe, bien qu'elle puisse permettre de juguler l'inflation. Nous avons besoin de données économiques, d'études statistiques et comparatives pour juger du bien-fondé de ces critiques.
Il nous faut également entendre les opposants, notamment des ressortissants des pays où le franc CFA est la monnaie officielle. Les divergences et les polémiques sont nombreuses et la France essuie un certain nombre de critiques. Certaines reprochent à la France une attitude jugée néocolonialiste : par le franc CFA, la France favoriserait par exemple ses propres entreprises. Il ne faut pas négliger cet aspect politique, et les trois piliers de la politique française en Afrique - accords de défense, accords de coopération monétaire et francophonie - doivent être évalués. C'est souvent l'évaluation du pendant monétaire qui a manqué.
Il nous reste effectivement encore quelques auditions à mener. Du fait de la crise sanitaire, nous n'avons pas non plus pu nous rendre à un grand forum sur le franc CFA.
Le Sénat a une opportunité, sur un sujet de niche, de réaliser un travail de fond qui n'a pas encore été fait. Celui-ci pourrait mettre un terme à beaucoup de malentendus et permettrait de faire des propositions afin que l'abandon du franc CFA serve de tremplin à une véritable politique monétaire en Afrique de l'Ouest. Le projet de loi de ratification de cet accord extrêmement polémique a été déposé et pourrait être examiné dans les mois qui viennent.
Monsieur le président, mes chers collègues, j'ai choisi de consacrer mon contrôle budgétaire à deux opérateurs de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » traitant de questions de sécurité : l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) d'une part et, d'autre part, son cousin moins connu du grand public, l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ).
Ces instituts sont tous deux placés sous la tutelle du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), lui-même rattaché au Premier ministre, et sont hébergés dans les prestigieux locaux de l'École militaire, dans le septième arrondissement.
Ils ont tous deux pour mission de former et de sensibiliser les cadres du secteur public et du secteur privé aux enjeux de sécurité et de défense, à travers diverses sessions de formations et conférences. Ils ont également vocation à nourrir la doctrine à travers des travaux de recherche dans leurs domaines respectifs, et jouent ainsi un rôle proche de celui d'un think tank. Ils bénéficient d'une subvention pour charge de service public, à hauteur de 7,3 millions d'euros en 2020 pour l'IHEDN et de 6,1 millions d'euros pour l'INHESJ.
Permettez-moi d'abord de revenir brièvement sur les raisons qui m'ont amené à m'intéresser à ces deux instituts. Une circulaire du 5 juin 2019 du Premier ministre, relative à la transformation des administrations centrales et aux nouvelles méthodes de travail, visait à rationaliser le paysage des petites structures administratives. Le Premier ministre a appelé l'ensemble des administrations, dont ses propres services, à mener une réflexion à ce sujet et leur a demandé de justifier le maintien d'entités dont la taille était inférieure à 100 ETP.
C'était notamment le cas de l'IHEDN et de l'INHESJ, qui comptaient respectivement 88 et 69 ETP en 2019. À la suite de cette réflexion, le Premier ministre a décidé début octobre de supprimer l'INHESJ à l'été 2020, à l'issue des formations en cours, et a demandé un effort de rationalisation à l'IHEDN pour les années à venir.
D'après les informations que j'ai pu obtenir, la suppression de l'IHEDN ou bien une fusion pure et simple de l'IHEDN et de l'IHNESJ avaient été évoquées en interne dans un premier temps, mais ces pistes de travail ont été rapidement écartées pour une raison simple : la défense nationale relève du Premier ministre, comme le prévoit l'article 21 de la Constitution, et cette dimension interministérielle devait à tout prix être préservée, y compris en matière de formation.
À l'inverse, les missions de l'INHESJ, qui relèvent du champ de la justice et de la sécurité intérieure surtout - j'y reviendrai -, semblaient logiquement pouvoir être transférées respectivement au ministère de la justice et au ministère de l'intérieur.
J'en viens maintenant aux conséquences de cette suppression de l'INHESJ et de la réforme concomitante de l'IHEDN et aux difficultés que cela soulève sur le fond et sur le plan budgétaire.
Sur le fond, la plupart des missions précédemment exercées par l'INHESJ vont être reprises pour partie par l'IHEDN, et pour partie par les ministères de l'intérieur et de la justice.
La difficulté principale résidait dans la reprise des missions à la frontière entre sécurité et défense ou entre sécurité intérieure et extérieure. Il a finalement été décidé que l'IHEDN verrait ses missions élargies afin d'occuper tout le champ de la sécurité nationale, au-delà du domaine de la défense stricto sensu.
Pour l'anecdote, il avait été proposé de rebaptiser l'IHEDN « IHEDSN » pour « défense et sécurité nationales », mais on a préféré conserver la « marque » IHEDN, très renommée.
À compter de la rentrée 2021, l'IHEDN assurera seul les formations touchant aux questions de sécurité à dimension interministérielle, comme en matière de cybersécurité ou d'intelligence économique. Cela devrait se traduire concrètement, pour l'IHEDN, par une hausse importante à la fois du nombre de candidats à ces formations et du nombre d'auditeurs retenus : plus 20 % environ entre 2020 et 2021 pour la session nationale, celle qui accueillera ces nouvelles formations.
Les autres formations et activités organisées par l'INHESJ seront pour la plupart reprises par le ministère de l'intérieur, dans le cadre d'un nouveau service à compétence nationale qui fusionnera, à compter du 1er janvier 2021, les activités du Centre de hautes études du ministère de l'intérieur (CHEMI) et de l'INHESJ. Seule exception : l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), précédemment rattaché à l'INHESJ, dont les activités de recherche et d'études statistiques ainsi que les sept ETP qui s'y consacrent seront intégralement repris par le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) du ministère de l'intérieur - ce qui n'est pas sans poser question en ce qui concerne l'indépendance avec laquelle seront effectuées ces statistiques. Une reprise de ces missions par l'INSEE, qui avait été un temps envisagée, aurait sans doute été préférable.
Enfin, la session nationale de l'INHESJ relative aux questions de justice, qui compte chaque année une centaine d'auditeurs, sera reprise à moyens constants par le ministère de la justice, dans le cadre du cycle supérieur d'administration de la justice de l'École nationale de la magistrature (ENM).
Sur le plan budgétaire, nous ne disposons pas encore de chiffrage précis des gains attendus de cette réorganisation. Il est donc encore trop tôt pour tirer un bilan définitif. Les économies générées ne devraient toutefois pas être substantielles.
S'agissant de l'INHESJ, nous sommes moins dans une logique de diminution nette de la dépense publique que de réorientation des dépenses vers d'autres administrations. La suppression de cet institut ne devrait en effet entraîner la suppression que d'une vingtaine d'ETP, sur les 70 agents que compte actuellement l'Institut.
Une trentaine d'agents seront repris par le ministère de l'intérieur, mais devraient pour la plupart être redéployés sur d'autres missions que celles qui étaient exercées par l'INHESJ, et ont été jugées plus prioritaires. Une douzaine d'agents mis à disposition devraient réintégrer leur ministère d'origine.
Enfin, les autres agents seront redéployés au sein des services du Premier ministre et devraient être affectés, pour la plupart, à l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), qui poursuit sa montée en puissance.
Les crédits de fonctionnement de l'INHESJ devraient eux aussi être transférés majoritairement au ministère de l'intérieur, sans que je dispose toutefois de davantage de détails à ce stade.
Une autre question reste en suspens : celle du transfert du fonds de roulement de l'INHESJ, qui représente plusieurs millions d'euros, et qui reviendra au ministère de l'intérieur ou bien sera reversé au budget général. Je me pencherai à nouveau sur ces questions lors de l'examen du PLF 2021.
S'agissant de l'IHEDN, la logique est un peu différente : ce dernier est en effet amené à exercer de nouvelles missions et à accueillir un nombre croissant d'auditeurs, tandis que sa dotation budgétaire devrait rester stable sur les trois prochaines années, après une diminution de 4 %, soit 300 000 euros, entre 2019 et 2020.
Pour compenser ses nouveaux coûts, l'Institut va donc relever ses droits d'inscription, de sorte à faire passer ses recettes propres de 2 millions d'euros en 2019 à 2,8 millions en 2022. Cela me semble aller dans le bon sens.
La nouvelle grille tarifaire sera largement progressive en fonction des revenus, de manière à assurer l'ouverture de l'Institut à un large public et à répondre aux accusations d'endogamie dont il fait parfois l'objet, y compris au plus haut niveau de l'État.
À titre d'exemple, pour la session nationale, le tarif pourra aller de 1 000 euros pour un candidat libre jusqu'à 20 000 euros pour un auditeur du secteur privé, dont 80 % du coût sera ainsi couvert par les frais d'inscription.
Je conclurai mon intervention par deux remarques.
D'abord, le contexte de ces derniers mois a révélé plus que jamais l'importance des enjeux de sécurité et de gestion de crise et la nécessité de sensibiliser un large public à ces questions. Le transfert des missions de l'INHESJ sur ces sujets était donc sans aucun doute préférable à une suppression pure et simple de ces missions, qui aurait été guidée par un seul souci d'économie.
Ce constat ne doit toutefois pas empêcher de poursuivre les efforts de rationalisation là où ils peuvent être entrepris, dans un contexte budgétaire général particulièrement difficile.
L'IHEDN pourra par exemple étudier la possibilité de mutualiser certaines de ses fonctions, notamment ses fonctions supports, avec d'autres services administratifs du Premier ministre. Si nécessaire, il pourra également poursuivre la réforme de ses droits d'inscription, en vue d'augmenter la part de ses recettes propres dans son budget global.
Enfin, s'agissant de l'INHESJ, je resterai attentif à la manière dont seront précisément redéployés une partie des crédits et des personnels en 2021, en particulier au sein des services du Premier ministre. J'invite mon collègue rapporteur spécial de la mission « Sécurités » à faire de même en ce qui concerne le ministère de l'intérieur.
Je vous remercie de votre attention.
J'ai l'impression qu'on poursuit ce qui a déjà été fait dans la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP), où l'on a supprimé trois commissions « Théodule » pour créer une nouvelle commission, qui se retrouvait elle-même sous-divisée en trois groupes dont chacun reprenait les intitulés des entités qu'on avait supprimées. Sur le papier, on passait effectivement de trois à une.
On avait au départ deux instituts. L'un est conservé - l'IHEDN -, l'autre se transformant en service à compétence nationale. On perd une autorité administrative dans la liste du Premier ministre, mais s'est-on interrogé sur les missions remplies par chacune, l'intérêt de ce qu'elles font et la pertinence de poursuivre ? Un rapport a-t-il été établi ? Des enquêtes ont-elles été menées ?
Ma question est de la même veine que celle de Christine Lavarde.
Les statisticiens qui sont transférés au ministère de l'intérieur intègrent-ils un service correspondant à la statistique publique relevant du même statut que l'INSEE et protégé par les règlements européens ? C'est extrêmement important pour l'indépendance de la statistique sur la sécurité.
J'en reviens à la mission de l'INHESJ et de l'IHEDN. Auparavant, on était auditeur à l'IHEDN. C'était prestigieux et très utile. L'IHEDN a ensuite multiplié les sessions, en commun avec l'INHESJ, etc. N'en a-t-on pas trop fait dans le but de grossir ? S'est-on bien interrogé sur les missions essentielles de ce qui est devenu, au fil du temps, un petit État dans l'État ?
La traduction concrète de la suppression de l'INHESJ n'est en effet pas nette, une bonne partie des missions devant cependant être assurée au sein de l'IHEDN, mais sans moyens supplémentaires.
Par ailleurs, on nous dit que l'essentiel des postes budgétaires sera intégré au ministère de l'intérieur sur ses moyens propres. C'est une source de rationalisation, mais non une suppression, le ministère de l'intérieur réalisant déjà ce genre de choses.
Quant aux missions, il n'y a pas vraiment eu d'étude précise. Des réunions interministérielles ont déterminé les axes. Il a néanmoins été demandé au directeur de l'IHEDN d'élaborer un nouveau projet stratégique. C'est ce qu'il a fait. Il va le présenter au conseil d'administration, aujourd'hui reconstitué au complet.
Il avait été demandé à ces deux instituts d'accroître le nombre de sessions pour toucher des publics différents et d'alléger ces dernières pour qu'un plus grand nombre de participants puisse y accéder. Certaines ont été décentralisées. On a également accueilli des auditeurs étrangers pour développer l'audience des instituts.
La volonté est toujours d'accroître le nombre d'auditeurs, mais dans le cadre de sessions délocalisées. Les sessions nationales vont être recentrées sur 45 jours, avec un nombre de participants de 250 personnes environ, représentant l'ensemble des composantes de la société.
Par ailleurs, si on enlève les militaires, les femmes sont majoritaires dans ces sessions.
L'IHEDN présente un projet qui paraît correspondre aux enjeux de défense, de sécurité, de vulgarisation de la gestion et d'anticipation des crises, missions du SGDSN.
Voici les quelques éléments de réponse que je pouvais apporter.