Monsieur le président, mes chers collègues, j'ai choisi de consacrer mon contrôle budgétaire à deux opérateurs de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » traitant de questions de sécurité : l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) d'une part et, d'autre part, son cousin moins connu du grand public, l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ).
Ces instituts sont tous deux placés sous la tutelle du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), lui-même rattaché au Premier ministre, et sont hébergés dans les prestigieux locaux de l'École militaire, dans le septième arrondissement.
Ils ont tous deux pour mission de former et de sensibiliser les cadres du secteur public et du secteur privé aux enjeux de sécurité et de défense, à travers diverses sessions de formations et conférences. Ils ont également vocation à nourrir la doctrine à travers des travaux de recherche dans leurs domaines respectifs, et jouent ainsi un rôle proche de celui d'un think tank. Ils bénéficient d'une subvention pour charge de service public, à hauteur de 7,3 millions d'euros en 2020 pour l'IHEDN et de 6,1 millions d'euros pour l'INHESJ.
Permettez-moi d'abord de revenir brièvement sur les raisons qui m'ont amené à m'intéresser à ces deux instituts. Une circulaire du 5 juin 2019 du Premier ministre, relative à la transformation des administrations centrales et aux nouvelles méthodes de travail, visait à rationaliser le paysage des petites structures administratives. Le Premier ministre a appelé l'ensemble des administrations, dont ses propres services, à mener une réflexion à ce sujet et leur a demandé de justifier le maintien d'entités dont la taille était inférieure à 100 ETP.
C'était notamment le cas de l'IHEDN et de l'INHESJ, qui comptaient respectivement 88 et 69 ETP en 2019. À la suite de cette réflexion, le Premier ministre a décidé début octobre de supprimer l'INHESJ à l'été 2020, à l'issue des formations en cours, et a demandé un effort de rationalisation à l'IHEDN pour les années à venir.
D'après les informations que j'ai pu obtenir, la suppression de l'IHEDN ou bien une fusion pure et simple de l'IHEDN et de l'IHNESJ avaient été évoquées en interne dans un premier temps, mais ces pistes de travail ont été rapidement écartées pour une raison simple : la défense nationale relève du Premier ministre, comme le prévoit l'article 21 de la Constitution, et cette dimension interministérielle devait à tout prix être préservée, y compris en matière de formation.
À l'inverse, les missions de l'INHESJ, qui relèvent du champ de la justice et de la sécurité intérieure surtout - j'y reviendrai -, semblaient logiquement pouvoir être transférées respectivement au ministère de la justice et au ministère de l'intérieur.
J'en viens maintenant aux conséquences de cette suppression de l'INHESJ et de la réforme concomitante de l'IHEDN et aux difficultés que cela soulève sur le fond et sur le plan budgétaire.
Sur le fond, la plupart des missions précédemment exercées par l'INHESJ vont être reprises pour partie par l'IHEDN, et pour partie par les ministères de l'intérieur et de la justice.
La difficulté principale résidait dans la reprise des missions à la frontière entre sécurité et défense ou entre sécurité intérieure et extérieure. Il a finalement été décidé que l'IHEDN verrait ses missions élargies afin d'occuper tout le champ de la sécurité nationale, au-delà du domaine de la défense stricto sensu.
Pour l'anecdote, il avait été proposé de rebaptiser l'IHEDN « IHEDSN » pour « défense et sécurité nationales », mais on a préféré conserver la « marque » IHEDN, très renommée.
À compter de la rentrée 2021, l'IHEDN assurera seul les formations touchant aux questions de sécurité à dimension interministérielle, comme en matière de cybersécurité ou d'intelligence économique. Cela devrait se traduire concrètement, pour l'IHEDN, par une hausse importante à la fois du nombre de candidats à ces formations et du nombre d'auditeurs retenus : plus 20 % environ entre 2020 et 2021 pour la session nationale, celle qui accueillera ces nouvelles formations.
Les autres formations et activités organisées par l'INHESJ seront pour la plupart reprises par le ministère de l'intérieur, dans le cadre d'un nouveau service à compétence nationale qui fusionnera, à compter du 1er janvier 2021, les activités du Centre de hautes études du ministère de l'intérieur (CHEMI) et de l'INHESJ. Seule exception : l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), précédemment rattaché à l'INHESJ, dont les activités de recherche et d'études statistiques ainsi que les sept ETP qui s'y consacrent seront intégralement repris par le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) du ministère de l'intérieur - ce qui n'est pas sans poser question en ce qui concerne l'indépendance avec laquelle seront effectuées ces statistiques. Une reprise de ces missions par l'INSEE, qui avait été un temps envisagée, aurait sans doute été préférable.
Enfin, la session nationale de l'INHESJ relative aux questions de justice, qui compte chaque année une centaine d'auditeurs, sera reprise à moyens constants par le ministère de la justice, dans le cadre du cycle supérieur d'administration de la justice de l'École nationale de la magistrature (ENM).
Sur le plan budgétaire, nous ne disposons pas encore de chiffrage précis des gains attendus de cette réorganisation. Il est donc encore trop tôt pour tirer un bilan définitif. Les économies générées ne devraient toutefois pas être substantielles.
S'agissant de l'INHESJ, nous sommes moins dans une logique de diminution nette de la dépense publique que de réorientation des dépenses vers d'autres administrations. La suppression de cet institut ne devrait en effet entraîner la suppression que d'une vingtaine d'ETP, sur les 70 agents que compte actuellement l'Institut.
Une trentaine d'agents seront repris par le ministère de l'intérieur, mais devraient pour la plupart être redéployés sur d'autres missions que celles qui étaient exercées par l'INHESJ, et ont été jugées plus prioritaires. Une douzaine d'agents mis à disposition devraient réintégrer leur ministère d'origine.
Enfin, les autres agents seront redéployés au sein des services du Premier ministre et devraient être affectés, pour la plupart, à l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), qui poursuit sa montée en puissance.
Les crédits de fonctionnement de l'INHESJ devraient eux aussi être transférés majoritairement au ministère de l'intérieur, sans que je dispose toutefois de davantage de détails à ce stade.
Une autre question reste en suspens : celle du transfert du fonds de roulement de l'INHESJ, qui représente plusieurs millions d'euros, et qui reviendra au ministère de l'intérieur ou bien sera reversé au budget général. Je me pencherai à nouveau sur ces questions lors de l'examen du PLF 2021.
S'agissant de l'IHEDN, la logique est un peu différente : ce dernier est en effet amené à exercer de nouvelles missions et à accueillir un nombre croissant d'auditeurs, tandis que sa dotation budgétaire devrait rester stable sur les trois prochaines années, après une diminution de 4 %, soit 300 000 euros, entre 2019 et 2020.
Pour compenser ses nouveaux coûts, l'Institut va donc relever ses droits d'inscription, de sorte à faire passer ses recettes propres de 2 millions d'euros en 2019 à 2,8 millions en 2022. Cela me semble aller dans le bon sens.
La nouvelle grille tarifaire sera largement progressive en fonction des revenus, de manière à assurer l'ouverture de l'Institut à un large public et à répondre aux accusations d'endogamie dont il fait parfois l'objet, y compris au plus haut niveau de l'État.
À titre d'exemple, pour la session nationale, le tarif pourra aller de 1 000 euros pour un candidat libre jusqu'à 20 000 euros pour un auditeur du secteur privé, dont 80 % du coût sera ainsi couvert par les frais d'inscription.
Je conclurai mon intervention par deux remarques.
D'abord, le contexte de ces derniers mois a révélé plus que jamais l'importance des enjeux de sécurité et de gestion de crise et la nécessité de sensibiliser un large public à ces questions. Le transfert des missions de l'INHESJ sur ces sujets était donc sans aucun doute préférable à une suppression pure et simple de ces missions, qui aurait été guidée par un seul souci d'économie.
Ce constat ne doit toutefois pas empêcher de poursuivre les efforts de rationalisation là où ils peuvent être entrepris, dans un contexte budgétaire général particulièrement difficile.
L'IHEDN pourra par exemple étudier la possibilité de mutualiser certaines de ses fonctions, notamment ses fonctions supports, avec d'autres services administratifs du Premier ministre. Si nécessaire, il pourra également poursuivre la réforme de ses droits d'inscription, en vue d'augmenter la part de ses recettes propres dans son budget global.
Enfin, s'agissant de l'INHESJ, je resterai attentif à la manière dont seront précisément redéployés une partie des crédits et des personnels en 2021, en particulier au sein des services du Premier ministre. J'invite mon collègue rapporteur spécial de la mission « Sécurités » à faire de même en ce qui concerne le ministère de l'intérieur.
Je vous remercie de votre attention.