Intervention de Hervé Marseille

Réunion du 16 juillet 2020 à 10h00
Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Hervé MarseilleHervé Marseille :

La période qui s’ouvre ne s’annonce pas des plus sereines ; il va nous falloir mettre les bouchées doubles. De la même manière qu’une hirondelle ne fait pas le printemps, une pandémie ne fait pas le ménage.

Depuis le déconfinement, on ne parle plus que du monde d’après, comme si la crise sanitaire avait balayé tout ce qui nous préoccupait encore il y a quelques mois. Sous le tapis les gilets jaunes et leurs problèmes, les difficultés en matière de laïcité, de sécurité, d’immigration, la communautarisation de notre société ; sous le voile de la covid la violence, l’incivisme, la radicalité, tout ce qui sape le lien social depuis des décennies.

Tôt ou tard – et plutôt tôt que tard ! –, tous ces sujets vont refaire surface ; évacués par la grande porte de la crise sanitaire, ils reviennent déjà par la petite fenêtre de l’actualité : l’affaire Floyd aux États-Unis, amalgamée ici avec l’affaire Traoré – mon ami Claude Malhuret vient d’en parler –, l’assassinat de Philippe Monguillot, chauffeur de bus à Bayonne, de Mélanie Lemée, gendarme à Agen, les violences du 14 juillet ou encore celles qui se sont produites à Nanterre. À l’évidence, la restauration de l’autorité de l’État constitue un enjeu majeur.

Le défi du monde d’après est le suivant : il faut régler les problèmes du monde d’avant en même temps que ceux qu’a occasionnés la pandémie, c’est-à-dire, tout d’abord, une crise sanitaire persistante, comme nous le rappellent nos compatriotes qui vivent à l’étranger, parce que la maladie est toujours là.

La pandémie peut se raviver ici ; il faut donc rester prêt à réagir avec l’expérience que nous avons acquise. S’y ajoute une crise économique et sociale terrible dont les jeunes vont être les premières victimes : ils héritent de la dette sociale, de la dette environnementale et maintenant de la dette issue de la covid ; triste constat auquel, malheureusement, nous ne pouvons qu’adhérer pleinement.

Pour surmonter ce choc, une relance environnementale et solidaire s’impose, ainsi que le Président de la République et votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, l’ont visiblement compris. Cela va dans le bon sens. Derrière les intentions exprimées, il reste toutefois beaucoup d’interrogations.

Le premier axe est la relance. Ouvrir les vannes de la dépense serait inutile, puisque les ménages ont épargné, semble-t-il, entre 60 et 80 milliards d’euros durant le confinement.

Dans les circonstances actuelles, relancer la demande, c’est restaurer la confiance : les gens ne consomment pas parce qu’ils ont encore peur ; ils redoutent la maladie. De ce point de vue, imposer le port du masque, ainsi que le Gouvernement est enfin déterminé à le faire, et maintenir davantage de vigilance participent du rétablissement de la sécurité sanitaire, donc de la confiance.

Nos concitoyens craignent également le chômage, avec raison, malheureusement, puisque tous les analystes prévoient entre 800 000 et un million de chômeurs supplémentaires d’ici à la fin de l’année. C’est considérable. Restaurer la confiance, c’est donc maintenir les salariés dans l’entreprise, ce que vous entendez réaliser grâce à un dispositif d’activité partielle de longue durée.

Si j’ai bien compris, il s’agit de favoriser le maintien dans l’emploi contre la modération des salaires et des dividendes. Ce procédé peut fonctionner à trois conditions : il faut que le dispositif soit discuté et adapté par les partenaires sociaux, branche par branche, que les abus et les fraudes soient poursuivis et punis et que l’effort consenti aujourd’hui soit récompensé par plus de participation et d’intéressement pour les salariés.

Enfin, si les gens ne consomment pas, c’est parce qu’ils appréhendent un retour de bâton fiscal, soit une hausse des impôts. Pour restaurer la confiance, il fallait donc assurer que cela n’arriverait pas. Le Gouvernement l’a dit, espérons que cela se vérifie.

Plus fondamentalement encore, rétablir la confiance impose de convaincre que l’on peut vite renouer avec la croissance. Pour ce faire, nous avons besoin d’une vision stratégique capable d’identifier les secteurs dans lesquels la France peut demeurer ou devenir leader. Spontanément viennent à l’esprit l’aéronautique du futur ou les biotechnologies, dont le potentiel en France est immense, pourvu qu’il bénéficie d’un accompagnement. Ces secteurs sont-ils concernés, d’ailleurs, par le plan de recherche de 25 milliards d’euros ?

Il ne faudra pas oublier le tourisme, premier secteur d’activité de notre économie, dont certaines modalités devront être repensées.

C’est dans le domaine de la transition environnementale que l’on a le plus besoin d’une vision stratégique. Pour l’heure, nous ne la discernons pas ; nous avons assisté jusqu’à maintenant à un saupoudrage écologique plutôt qu’à la mise en place d’un véritable plan. Les propositions de la Convention citoyenne pour le climat en témoignent : il y en a pour tous les goûts !

De même, il ne suffirait pas de modifier la Constitution pour repeindre la France en vert. J’observe d’ailleurs que vous n’avez pas évoqué ce point dans votre discours.

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