Plus fondamentalement, quelle est notre voie énergétique ? Vous n’en avez pas dit un mot. La fermeture de Fessenheim comme le maintien d’une baisse du nucléaire dans le mix énergétique entretiennent le doute. Les acteurs sérieux de l’environnement savent qu’il ne peut y avoir de transition énergétique sans le nucléaire.
Nous sommes leaders dans ce domaine, mais, plutôt que de vouloir le rester, nous allons amorcer un repli. C’est difficilement compréhensible, à moins que l’on nous démontre, chiffres à l’appui, que la France pourra atteindre la neutralité carbone en 2050 tout en se dégageant de l’atome, grâce à l’hydrogène.
Nous en serions heureux, mais encore faudrait-il pour cela que nous soyons capables de développer parallèlement nos énergies renouvelables dans les proportions requises, car l’hydrogène doit être produit avec de l’éolien ou du solaire pour être décarboné. Aurons-nous la capacité et la volonté de le faire ?
La meilleure énergie est, bien sûr, celle que l’on ne consomme pas ; c’est pourquoi nous soutenons votre plan de rénovation thermique des bâtiments.
La relance écologique consiste également à mener à bien certains grands travaux en faveur du fret, du transport fluvial et du ferroutage. J’ai ainsi à l’esprit le canal Seine-Nord Europe ou la ligne Lyon-Turin.
Enfin, il n’y aura pas de relance sans solidarité, en premier lieu envers les jeunes, nous en sommes d’accord, monsieur le Premier ministre, mais aussi à propos des retraites. Or, après vous avoir écouté, je continue de m’interroger : la réforme systémique par point aura-t-elle lieu ? Précédera-t-elle ou suivra-t-elle le rééquilibrage des comptes ?
La solidarité doit également s’entendre dans son acception territoriale, les territoires étant les grands oubliés de la République depuis des années. Vos déclarations laissent à penser que les choses évoluent et vont changer, vous avez cité à de très nombreuses reprises le mot « territoires », c’est une bonne chose. Nous nous étions habitués à ne plus entendre un Premier ministre évoquer la ruralité. Vous avez qualifié de « révolutionnaire » la déconcentration de l’État que vous voulez conduire. Chiche ! L’attente sera forte en faveur d’un État capable de se réformer, svelte, agile et réactif.
Nous nous réjouissons aussi d’apprendre que les collectivités vont être associées étroitement au plan de relance. Nous applaudissons, enfin, quand vous affirmez vouloir consacrer la différenciation, nouvelle étape indispensable de la décentralisation. Les collectivités territoriales doivent pouvoir adapter les normes en fonction de leurs particularités et des priorités locales.
Cependant, monsieur le Premier ministre, « réarmer les territoires », pour reprendre vos mots, impose aussi de leur redonner de l’autonomie fiscale. Tous les volets du plan de relance doivent se tenir.
Pour relancer l’économie, le Président de la République a annoncé une baisse des impôts de production. Dès lors qu’il s’agit de relocaliser, c’est une bonne chose, mais ces impôts sont pour l’essentiel locaux. Cette mesure revient donc à restreindre encore les marges des collectivités. Dans ces conditions, le corollaire d’une véritable réforme serait la consécration de l’autonomie fiscale des collectivités, dont nous aimerions discuter. Il nous semble en effet indispensable de clarifier le plan de relance que vous avez annoncé.
Nous savons également que ce plan ne pourra être mis en œuvre sans deux acteurs majeurs : l’Europe et le Parlement. Il n’y aura pas de relance économique sans plan de relance européen, c’est la raison pour laquelle le sommet de demain est décisif ; nous y avons une obligation de résultat. De plus, il n’y aura pas non plus de transition environnementale sans Green New Deal européen. Il nous faut donc également redéfinir la politique agricole commune, dans une perspective d’agroécologie.
Quoi qu’il en soit, le plan de relance économique et écologique européen aura besoin de ressources nouvelles. Pour nous, centristes, celles-ci doivent provenir d’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne, d’une TVA sociale européenne et d’une taxe sur les GAFA – pour Google, Apple, Facebook et Amazon. Nous comptons sur l’exécutif pour aller dans cette direction, c’est-à-dire vers plus d’Europe et vers une Europe plus forte et plus unie.
L’autre acteur à ne pas mettre de côté est le Parlement. Nous nous réjouissons que le Président de la République compte de nouveau sur les corps intermédiaires, puisqu’il en appelle largement aux partenaires sociaux, mais le seul corps intermédiaire oublié est, paradoxalement, le plus légitime : le Parlement.
Depuis le début de la législature, nous avons l’impression d’un évitement permanent des assemblées, singulièrement du Sénat. On écoute des citoyens tirés au sort, mais on ne prête pas davantage attention aux propos de ceux qui ont été élus par les citoyens ou par leurs concitoyens eux-mêmes élus.