Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 16 juillet 2020 à 10h00
Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

Oui, la justification de la décentralisation, c’est d’abord de recoudre le fil de la confiance dans la proximité. Avec la loi NOTRe et d’autres textes, nous avons, au contraire, construit la société de la défiance, c’est-à-dire de l’éloignement ; vous devrez construire la société du rapprochement, de la proximité, laquelle garantit l’efficacité, comme nous l’avons montré en pleine crise du covid. La décentralisation se justifie aussi par le lien social, car le lieu, c’est le lien – vous êtes un homme du territoire. La proximité, c’est l’espace de la confiance, qu’il faut reconstruire.

Toutefois, gardez-vous de faire de la différenciation avant de faire de la décentralisation ; posez d’abord un cadre général, pour ensuite différencier. En faisant l’inverse, vous mettriez la charrue avant les bœufs, je vous le dis solennellement au nom de mon groupe.

L’État-nation est, lui aussi, fragilisé, alors qu’il est notre façon d’être au monde. Cette figure historique collective française est terriblement ébranlée. L’État bureaucratique s’est formidablement dilaté, au fur et à mesure que l’État régalien se rétractait. Ainsi, le Président de la République n’a pas dit un mot, le 14 juillet, du meurtre d’une jeune gendarme, pas plus que du lynchage, à Bayonne, d’un chauffeur de bus !

À Aiguillon ou à Bayonne, pourtant, c’est la loi de la violence ordinaire qui a prévalu. La France est désormais le pays d’Europe qui affiche le taux d’homicides le plus élevé en proportion de sa population. Aussi, construirez-vous les prisons nécessaires ? Le numerus clausus carcéral tiendra-t-il encore longtemps lieu de politique pénale ? Ce sont des questions concrètes auxquelles vous devrez répondre, parce que l’État a été fragilisé.

Le tissu de la nation française a été déchiré par un communautarisme, par un séparatisme et par un sécessionnisme qui, pour l’instant, n’ont trouvé face à eux qu’une pensée molle et des actes faibles. Que ferez-vous ? Reprendrez-vous les propositions du Sénat, par exemple, en matière d’interdiction des signes ostentatoires lors des sorties scolaires ? Il faudra poser des actes concrets, prendre des décisions urgentes et courageuses.

La nation est fragilisée quand certains veulent la voir désignée coupable, éternellement, « coupable de culpabilité », comme le disait un personnage des Fraises sauvages de Bergman.

Si, pour être aimable, la France doit d’abord se reconnaître coupable, comment nous, Français, qui n’aurions alors de notre histoire qu’une vision lacrymale et pénitentielle, pourrions-nous nous projeter dans l’avenir pour surmonter l’épreuve ? Si l’on dit que la France est un contre-modèle, comment pouvons-nous prétendre que les jeunes générations, qui sont sur la voie de la sécession, s’agrègent à nos destins collectifs ? §Vous devrez porter fièrement les couleurs de la nation française et nos valeurs !

Je conclurai brièvement, monsieur le Premier ministre, pour dire la conviction qui m’habite : vous ne pourrez pas répondre à la dépression économique et sociale sans répondre à la dépression civique, c’est-à-dire à la défiance – cette défiance qui est fille de l’impuissance, cette impuissance que plus aucun artifice de communication ne parvient désormais à masquer.

La politique crève de cette obsession de crever l’écran. Depuis le début du quinquennat – et sans doute depuis bien avant, évidemment –, nombre de Français sont perdus : ce qu’ils veulent retrouver dans la politique, ce n’est pas un nouveau chemin, ce n’est même pas un nouveau monde ; ce qu’ils veulent retrouver, c’est la France, avec son audace, avec sa fierté, avec sa destinée – un peuple libre, uni face à l’épreuve, uni dans un idéal français, cet idéal qui nous rassemble, quelles que soient nos appartenances partisanes ou géographiques.

C’est cet idéal français qui doit dessiner notre chemin, qui doit être notre seule perspective. Si vous empruntez ce chemin, nous serons à vos côtés ; si vous vous en détournez, nous combattrons votre politique. Vive la République et vive la France !

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