Intervention de Bruno Le Maire

Réunion du 16 juillet 2020 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2020 — Discussion générale

Bruno Le Maire :

Il s’agit d’un investissement au bénéfice de tous les restaurateurs, de tous ceux qui avaient des projets de spectacles, des projets culturels et qui n’ont pas pu les organiser, ou encore des hôtels qui sont fermés, en particulier en Île-de-France. Ces entrepreneurs avaient besoin du soutien public, et ils l’ont obtenu pour préserver l’activité et l’emploi.

Nous voulons compléter ce dispositif, car nous avons parfaitement conscience qu’il faut continuer à tirer le fil de l’étalement ou des reports de charges sociales et fiscales, pour éviter qu’un mur de paiement de charges ne se dresse devant les entreprises qui commencent à se relever. Rien ne serait plus terrible que d’avoir investi 460 milliards d’euros et de ne rien faire ensuite pour éviter que les entreprises, les petits commerçants, les hôtels et les restaurants ne se trouvent dans cette situation.

Nous allons donc étaler ces charges sociales et fiscales, grâce au dispositif que je vous présente aujourd’hui ; il s’agit sans doute de l’un des systèmes les plus simples et des plus efficaces à avoir jamais été mis en œuvre pour les entreprises.

Nous avions prévu à l’origine un report de charges de trois mois, soit jusqu’à la fin de décembre 2020. Nous proposons aujourd’hui que ces charges soient étalées sur douze, vingt-quatre ou trente-six mois et que ce dispositif soit accessible à toutes les PME et toutes les TPE, quel que soit leur secteur d’activité et quelle que soit la baisse de chiffre d’affaires qu’elles ont connue.

De plus, nous proposons que l’entreprise n’ait pas à solliciter cet étalement : elle n’aura qu’à présenter une demande au service des impôts qui, au vu de son ratio d’endettement, lui indiquera la durée possible d’étalement des charges de manière automatique.

Cet effort est considérable pour l’État, mais je considère que c’est la réponse massive et appropriée à l’inquiétude de tous les chefs d’entreprise, qui redoutent de ne pouvoir faire face à leurs échéances de paiement de charges sociales et fiscales.

En vous proposant cet étalement sur douze, vingt-quatre ou trente-six mois pour toutes les TPE et toutes les PME, quel que soit le secteur d’activité, quel que soit le chiffre d’affaires et selon des modalités aussi souples, nous répondons à l’inquiétude des entreprises et nous allégeons leur trésorerie.

Une deuxième inquiétude m’est relayée depuis plusieurs semaines – vous savez que j’ai toujours eu à cœur d’entendre ce qui se disait auprès des chefs d’entreprise, en particulier des plus petites d’entre elles, pour répondre à leurs inquiétudes : elle porte sur le prêt garanti par l’État.

Certains chefs d’entreprise redoutent que les charges leur tombent dessus : nous les étalons. D’autres ont contracté un prêt garanti par l’État, mais s’inquiètent de son remboursement. Je veux leur dire que nous travaillons avec la Fédération bancaire française et l’ensemble des banques pour que les taux d’intérêt qui pourront s’appliquer au-delà d’un an pour les extensions de prêts garantis par l’État, extensions qui sont possibles jusqu’à cinq ans, soient les plus faibles possible.

Je souhaite pouvoir donner des indications précises au sujet de ces taux d’intérêt dans les meilleurs délais, c’est-à-dire dans quelques semaines, pour apporter de la visibilité à tous ces chefs d’entreprise.

Vous avez consenti un prêt garanti par l’État (PGE) pour une durée d’un an ? Vous devez étendre la durée de ce prêt ? Vous vous inquiétez de votre taux ? Je suis en train de négocier les taux d’intérêt avec la Fédération bancaire française et j’en rendrai public le niveau le plus rapidement possible en fonction de l’allongement de la durée des prêts. Cela concernera 90 % des entreprises qui ont conclu un PGE, c’est-à-dire les plus petites d’entre elles.

Restent les autres entreprises, à savoir les PME plus importantes qui, elles, ont besoin de fonds propres. Nous travaillons à un dispositif qui permettra de compléter les prêts garantis par l’État par des instruments de quasi-fonds propres, sous forme soit d’obligations convertibles, soit de prêts participatifs. Là encore, j’apporterai des précisions dans les meilleurs délais possible.

Le deuxième pilier de ce projet de loi de finances rectificative concerne le soutien aux jeunes et à l’emploi des jeunes. J’ai déjà eu l’occasion de le dire, et, hier, le Premier ministre a aussi clarifié les choses au cours de sa déclaration de politique générale : nous faisons de l’emploi des jeunes la priorité absolue de cette relance.

Je souhaite vous présenter les différentes dispositions qui permettront aux 700 000 jeunes qui arrivent sur le marché du travail d’y trouver leur place.

La première mesure porte sur l’apprentissage. Il s’agit d’un constat unanimement partagé : l’apprentissage est probablement l’une des meilleures solutions pour l’emploi des jeunes, celle qui a en tout cas été retenue par d’autres pays européens. Sur ce point, la France avait du retard, mais elle est en train de le combler.

Ainsi, depuis plus de trois ans, nous avons réussi à développer massivement l’apprentissage dans notre pays et nous ne voulons pas perdre ces trois années d’investissement à cause de la crise économique. C’est pourquoi nous verserons une prime de 8 000 euros pour l’embauche d’un apprenti majeur et de 5 000 euros pour celle d’un apprenti mineur.

Pour éviter tout effet de report, nous mettrons en place le même dispositif pour le recrutement d’un jeune en contrat de professionnalisation. En effet, nous l’avions bien compris, à défaut d’une telle mesure, l’un des dispositifs risquait de cannibaliser l’autre. Nous allons donc les aligner.

La deuxième mesure est une baisse du coût du travail de 4 000 euros par an. Cette facilité sera accordée à chaque entreprise qui emploie en CDI ou en CDD de plus de trois mois un jeune de moins de 25 ans payé jusqu’à 1, 6 SMIC. Ce dispositif, annoncé par le Président de la République lors de son intervention du 14 juillet, sera accessible dès la fin du mois de juillet.

Nous avons voulu que ce dispositif soit massif et immédiat, car l’emploi des jeunes ne peut pas attendre. Nous en évaluons le coût à 300 millions d’euros en 2020 et à 1, 6 milliard d’euros en 2021. Là encore, l’investissement en faveur des jeunes est le meilleur que la Nation française puisse faire.

La troisième et dernière mesure vise les 300 000 parcours d’insertion qui seront créés pour permettre au plus grand nombre, en particulier aux jeunes de moins de 26 ans en grande difficulté, de trouver une solution dès le mois de septembre, que ce soit un emploi ou une formation.

Ces dispositions destinées à soutenir l’emploi des jeunes font partie de ce grand plan de relance qui sera précisé, je vous l’ai dit, d’ici à la fin de l’été, et dont le Premier ministre a dévoilé les grandes orientations.

Je veux maintenant rappeler à quel point l’enjeu est stratégique pour nous tous et pour notre Nation. Les investissements que nous allons décider aujourd’hui définiront les contours de la France des vingt-cinq prochaines années. Il faut donc que nos choix soient clairs et assumés. Nous faisons les choix de la compétitivité et de la décarbonation de notre économie. Je pense d’ailleurs que cela devrait être un motif de fierté collective que d’afficher l’ambition de faire de notre pays la première économie décarbonée en Europe.

La compétitivité passe bien entendu par la baisse des impôts qui pèsent encore sur nos entreprises. Depuis trente ans, nous avons accepté et fermé les yeux sur la délocalisation de pans entiers de notre industrie. Moi, comme élu de l’Eure, vous comme élus territoriaux, nous avons tous vu ces entreprises qui ferment, ces industries qui ne sont plus compétitives, ces ouvriers qui sont sacrifiés, ces ingénieurs qui ne trouvent plus d’emploi, parce que nous n’avons pas pris les mesures nécessaires pour engager la reconquête industrielle française.

Il s’agit d’un drame économique, humain et social, mais aussi d’une erreur politique. Depuis trois ans, nous cherchons à inverser la tendance. Et nous avions commencé à avoir des résultats puisque, pour la première fois depuis dix ans, nous créions de nouveaux emplois industriels dans notre pays.

J’en suis profondément convaincu : la reconquête industrielle française est à portée de main et de volonté, mais encore faut-il que nous ayons le courage de prendre les bonnes décisions, de définir les marchés sur lesquels la France peut réussir, parce qu’elle dispose des industries, des compétences et des qualifications nécessaires et qu’elle est prête à innover et à investir.

Encore faut-il aussi que nous ayons l’humilité de reconnaître que, en matière de fiscalité, il nous reste du chemin à faire. On ne peut pas demander à un industriel d’investir en France si les impôts de production qu’il y paie sont cinq fois plus élevés que ceux qu’il devrait acquitter s’il s’installait en Allemagne ou dans d’autres pays européens.

Vous connaissez le combat que je livre depuis des années sur les impôts de production. Nous avons commencé à les baisser ; nous allons accélérer cette baisse au service d’un seul objectif : la relocalisation des activités industrielles en France.

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