Séance en hémicycle du 16 juillet 2020 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • rectificative
  • relance
  • écologique

La séance

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La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Philippe Dallier.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2020 (projet n° 624, rapport n° 634).

Mes chers collègues, pour le respect des règles sanitaires, je vous rappelle qu’il convient de laisser un siège vide entre deux sièges occupés ou, à défaut, de porter un masque. Je rappelle également que les sorties de la salle de séance doivent exclusivement s’effectuer par les portes situées au pourtour de l’hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, Olivier Dussopt et moi-même vous présentons aujourd’hui un troisième projet de loi de finances rectificative visant à faire face à la situation économique sans précédent à laquelle la France est confrontée, comme tous les autres sur la planète.

La situation économique dans laquelle nous nous trouvons – j’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises – n’a pas d’autre équivalent que la grande récession de 1929 par la violence du choc que nous avons connu.

Nous maintenons donc notre prévision de récession de moins 11 % du PIB pour 2020. Nous disposons aujourd’hui de premiers indicateurs positifs, qui montrent que les mesures que nous avons prises avec le Président de la République et le Premier ministre ont permis de restaurer une confiance et d’engager un certain nombre de décisions économiques positives.

Je pense à la consommation des ménages, qui se maintient. Je pense aussi aux créations d’entreprise, qui ont retrouvé en juin 2020 leur niveau de juin 2019. Tous ces indicateurs positifs ne modifient pas pour le moment notre prévision de croissance pour 2020, mais ils nous encouragent à poursuivre et à intensifier nos efforts de soutien à l’économie.

Je veux profiter de cette prise de parole pour redire à tous nos compatriotes que, depuis le premier jour, avec le Président de la République et le Premier ministre, nous avons répondu présents pour soutenir les entreprises et pour protéger les salariés. Aussi longtemps que durera cette crise économique, nous serons présents pour soutenir les entreprises et pour protéger les salariés.

Je veux également profiter de cette intervention pour rappeler les différentes mesures que vous avez adoptées et qui nous ont permis d’amortir le choc économique qui est tombé sur la France.

À l’heure où je vous parle, nous avons mis sur la table 460 milliards d’euros.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

L’efficacité des mesures que nous avons mises en œuvre dès le mois de mars a été reconnue par les entreprises et par les salariés.

Quelque 300 milliards d’euros ont été engagés au travers des prêts garantis par l’État. Aujourd’hui, un demi-million d’entreprises ont bénéficié de ces prêts garantis pour un montant de 100 milliards d’euros, sachant que 90 % des entreprises concernées sont de très petites entreprises de moins de dix salariés. Protéger les plus petits et les plus fragiles : telle était notre obsession.

Quelque 30 milliards d’euros ont financé l’activité partielle de millions de salariés. Nous avons fait un choix politique majeur : défendre l’emploi au prix d’un endettement accru de la France, parce que nous estimons qu’il coûte moins cher de protéger l’emploi au prix d’un endettement que d’aboutir à des drames sociaux partout sur le territoire français.

Le fonds de solidarité que nous avons prévu pour les petites entreprises et pour les indépendants a bénéficié à 1, 7 million de très petites entreprises, qui ont reçu plus de 5 milliards d’euros.

Enfin, des reports de charges ont permis de soulager la trésorerie des entreprises à hauteur de 35 milliards d’euros.

À tous ceux qui nous demandent : « La relance, c’est pour quand ? », je réponds donc que la relance, c’est maintenant, qu’elle a commencé le 16 mars dernier et que depuis le premier jour elle n’a jamais cessé, car nous avons dû répondre massivement et rapidement à l’urgence économique, je le répète.

Cette relance, elle s’est poursuivie en avril, avec un deuxième projet de loi de finances rectificative. Elle continue aujourd’hui avec ce troisième projet de loi de finances rectificative, qui, comme les deux premiers, vise l’objectif d’adapter nos réponses à la réalité de la situation économique. Elle se poursuivra enfin, dès la fin de l’été, grâce à un plan de relance de 100 milliards d’euros, qui sera présenté par le Président de la République et le Premier ministre.

Un mot sur ce plan de relance : il figurera dans le projet de loi de finances pour 2021. Il n’y aura donc pas de quatrième projet de loi de finances rectificative, ni de loi ordinaire supplémentaire.

Nous avons privilégié la simplicité, la cohérence et la rapidité en inscrivant toutes ces nouvelles mesures dans le projet de loi de finances pour 2021, avec un seul objectif : répondre le plus vite possible aux entreprises, aux filières industrielles et aux salariés qui s’inquiètent pour leur emploi. Avec le Président de la République et le Premier ministre, il nous a paru plus utile, plus efficace et plus simple et d’inscrire ce plan de relance dans le projet de loi de finances pour 2021.

S’agissant du texte que nous examinons aujourd’hui, pour simplifier la présentation, je dirai qu’il repose sur deux volets essentiels.

Le premier volet, c’est le soutien aux entreprises. Nous avons fait le choix de cibler notre soutien sur les entreprises et les secteurs les plus fragilisés par la crise, grâce à une série de plans sectoriels.

Dans l’aéronautique, l’activité partielle de longue durée, par exemple, permettra à des entreprises comme Safran d’éviter tout licenciement dans les mois à venir. Je salue d’ailleurs l’accord qui a été conclu chez Safran ; il montre que, lorsque chefs d’entreprise et salariés peuvent s’entendre avec les représentants syndicaux, on sauve l’emploi sans amoindrir la compétitivité de l’entreprise.

Le texte de loi propose aussi un certain nombre de mesures pour le petit commerce, qui a été particulièrement touché par cette crise ; vous le constatez tous sur le territoire et dans les communes dont vous êtes les élus.

Quelque 100 foncières seront déployées partout en France à l’aide de la Banque des territoires, pour rénover 6 000 petits commerces. La Banque des territoires achètera donc des locaux, elle les réunira lorsque ce sera nécessaire, engagera des frais de rénovation thermique puis les louera à des commerçants à un tarif préférentiel de façon à revitaliser le commerce qui a été très durement touché, en particulier dans les communes rurales, par la crise économique.

Pour les entreprises technologiques, 500 millions d’euros ont été réservés, pour éviter que des start-up à fort potentiel ne fassent faillite uniquement à cause d’un manque de financement, ce qui serait un gâchis considérable de compétences et de savoir-faire.

S’agissant de l’automobile, les mesures du plan pour l’industrie automobile présenté par le Président de la République nous ont permis de relancer une industrie qui était en situation extraordinairement fragile à cause de la crise économique.

Les bonus pour l’achat d’un véhicule propre et la prime à la conversion ont connu un immense succès. Nous sommes un des seuls pays européens dont le nombre d’immatriculations a augmenté en juin 2020 par rapport à juin 2019. Du fait de l’immense succès qu’elles ont remporté, les 200 000 primes à la conversion prévues seront épuisées d’ici la fin du mois de juillet prochain.

Après ce dispositif, nous continuerons de proposer une prime à la conversion attractive, afin d’accélérer la baisse des émissions de CO2 et le renouvellement du parc automobile français, et de soutenir massivement les véhicules électriques et les véhicules hybrides rechargeables, afin d’atteindre notre objectif stratégique de décarbonation du parc automobile français.

Par ailleurs, au-delà de ces plans de relance sectoriels, et toujours au titre de ce premier volet de soutien aux entreprises, nous voulons continuer à soutenir la trésorerie des entreprises, car elle est aujourd’hui la plus menacée et la plus en difficulté. Deux chantiers que nous avons lancés il y a maintenant plusieurs semaines vont être prolongés et renforcés.

Le premier est celui des reports de charges. Vous le savez, nous avons déjà fait beaucoup pour reporter un maximum de charges sociales et fiscales : 35 milliards d’euros au total depuis mars dernier, dont 22 milliards d’euros de reports de charges sociales et 13 milliards d’euros de reports de charges fiscales.

À ces reports, nous avons ajouté des mesures inédites d’exonération de cotisations sociales pour les secteurs les plus touchés par la crise : pour l’hôtellerie, pour la restauration, pour la culture, pour l’événementiel, pour le tourisme, pour le transport aérien et pour les secteurs qui sont dépendants du transport aérien, nous avons annulé près de 4 milliards d’euros de cotisations sociales.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Il s’agit d’un investissement au bénéfice de tous les restaurateurs, de tous ceux qui avaient des projets de spectacles, des projets culturels et qui n’ont pas pu les organiser, ou encore des hôtels qui sont fermés, en particulier en Île-de-France. Ces entrepreneurs avaient besoin du soutien public, et ils l’ont obtenu pour préserver l’activité et l’emploi.

Nous voulons compléter ce dispositif, car nous avons parfaitement conscience qu’il faut continuer à tirer le fil de l’étalement ou des reports de charges sociales et fiscales, pour éviter qu’un mur de paiement de charges ne se dresse devant les entreprises qui commencent à se relever. Rien ne serait plus terrible que d’avoir investi 460 milliards d’euros et de ne rien faire ensuite pour éviter que les entreprises, les petits commerçants, les hôtels et les restaurants ne se trouvent dans cette situation.

Nous allons donc étaler ces charges sociales et fiscales, grâce au dispositif que je vous présente aujourd’hui ; il s’agit sans doute de l’un des systèmes les plus simples et des plus efficaces à avoir jamais été mis en œuvre pour les entreprises.

Nous avions prévu à l’origine un report de charges de trois mois, soit jusqu’à la fin de décembre 2020. Nous proposons aujourd’hui que ces charges soient étalées sur douze, vingt-quatre ou trente-six mois et que ce dispositif soit accessible à toutes les PME et toutes les TPE, quel que soit leur secteur d’activité et quelle que soit la baisse de chiffre d’affaires qu’elles ont connue.

De plus, nous proposons que l’entreprise n’ait pas à solliciter cet étalement : elle n’aura qu’à présenter une demande au service des impôts qui, au vu de son ratio d’endettement, lui indiquera la durée possible d’étalement des charges de manière automatique.

Cet effort est considérable pour l’État, mais je considère que c’est la réponse massive et appropriée à l’inquiétude de tous les chefs d’entreprise, qui redoutent de ne pouvoir faire face à leurs échéances de paiement de charges sociales et fiscales.

En vous proposant cet étalement sur douze, vingt-quatre ou trente-six mois pour toutes les TPE et toutes les PME, quel que soit le secteur d’activité, quel que soit le chiffre d’affaires et selon des modalités aussi souples, nous répondons à l’inquiétude des entreprises et nous allégeons leur trésorerie.

Une deuxième inquiétude m’est relayée depuis plusieurs semaines – vous savez que j’ai toujours eu à cœur d’entendre ce qui se disait auprès des chefs d’entreprise, en particulier des plus petites d’entre elles, pour répondre à leurs inquiétudes : elle porte sur le prêt garanti par l’État.

Certains chefs d’entreprise redoutent que les charges leur tombent dessus : nous les étalons. D’autres ont contracté un prêt garanti par l’État, mais s’inquiètent de son remboursement. Je veux leur dire que nous travaillons avec la Fédération bancaire française et l’ensemble des banques pour que les taux d’intérêt qui pourront s’appliquer au-delà d’un an pour les extensions de prêts garantis par l’État, extensions qui sont possibles jusqu’à cinq ans, soient les plus faibles possible.

Je souhaite pouvoir donner des indications précises au sujet de ces taux d’intérêt dans les meilleurs délais, c’est-à-dire dans quelques semaines, pour apporter de la visibilité à tous ces chefs d’entreprise.

Vous avez consenti un prêt garanti par l’État (PGE) pour une durée d’un an ? Vous devez étendre la durée de ce prêt ? Vous vous inquiétez de votre taux ? Je suis en train de négocier les taux d’intérêt avec la Fédération bancaire française et j’en rendrai public le niveau le plus rapidement possible en fonction de l’allongement de la durée des prêts. Cela concernera 90 % des entreprises qui ont conclu un PGE, c’est-à-dire les plus petites d’entre elles.

Restent les autres entreprises, à savoir les PME plus importantes qui, elles, ont besoin de fonds propres. Nous travaillons à un dispositif qui permettra de compléter les prêts garantis par l’État par des instruments de quasi-fonds propres, sous forme soit d’obligations convertibles, soit de prêts participatifs. Là encore, j’apporterai des précisions dans les meilleurs délais possible.

Le deuxième pilier de ce projet de loi de finances rectificative concerne le soutien aux jeunes et à l’emploi des jeunes. J’ai déjà eu l’occasion de le dire, et, hier, le Premier ministre a aussi clarifié les choses au cours de sa déclaration de politique générale : nous faisons de l’emploi des jeunes la priorité absolue de cette relance.

Je souhaite vous présenter les différentes dispositions qui permettront aux 700 000 jeunes qui arrivent sur le marché du travail d’y trouver leur place.

La première mesure porte sur l’apprentissage. Il s’agit d’un constat unanimement partagé : l’apprentissage est probablement l’une des meilleures solutions pour l’emploi des jeunes, celle qui a en tout cas été retenue par d’autres pays européens. Sur ce point, la France avait du retard, mais elle est en train de le combler.

Ainsi, depuis plus de trois ans, nous avons réussi à développer massivement l’apprentissage dans notre pays et nous ne voulons pas perdre ces trois années d’investissement à cause de la crise économique. C’est pourquoi nous verserons une prime de 8 000 euros pour l’embauche d’un apprenti majeur et de 5 000 euros pour celle d’un apprenti mineur.

Pour éviter tout effet de report, nous mettrons en place le même dispositif pour le recrutement d’un jeune en contrat de professionnalisation. En effet, nous l’avions bien compris, à défaut d’une telle mesure, l’un des dispositifs risquait de cannibaliser l’autre. Nous allons donc les aligner.

La deuxième mesure est une baisse du coût du travail de 4 000 euros par an. Cette facilité sera accordée à chaque entreprise qui emploie en CDI ou en CDD de plus de trois mois un jeune de moins de 25 ans payé jusqu’à 1, 6 SMIC. Ce dispositif, annoncé par le Président de la République lors de son intervention du 14 juillet, sera accessible dès la fin du mois de juillet.

Nous avons voulu que ce dispositif soit massif et immédiat, car l’emploi des jeunes ne peut pas attendre. Nous en évaluons le coût à 300 millions d’euros en 2020 et à 1, 6 milliard d’euros en 2021. Là encore, l’investissement en faveur des jeunes est le meilleur que la Nation française puisse faire.

La troisième et dernière mesure vise les 300 000 parcours d’insertion qui seront créés pour permettre au plus grand nombre, en particulier aux jeunes de moins de 26 ans en grande difficulté, de trouver une solution dès le mois de septembre, que ce soit un emploi ou une formation.

Ces dispositions destinées à soutenir l’emploi des jeunes font partie de ce grand plan de relance qui sera précisé, je vous l’ai dit, d’ici à la fin de l’été, et dont le Premier ministre a dévoilé les grandes orientations.

Je veux maintenant rappeler à quel point l’enjeu est stratégique pour nous tous et pour notre Nation. Les investissements que nous allons décider aujourd’hui définiront les contours de la France des vingt-cinq prochaines années. Il faut donc que nos choix soient clairs et assumés. Nous faisons les choix de la compétitivité et de la décarbonation de notre économie. Je pense d’ailleurs que cela devrait être un motif de fierté collective que d’afficher l’ambition de faire de notre pays la première économie décarbonée en Europe.

La compétitivité passe bien entendu par la baisse des impôts qui pèsent encore sur nos entreprises. Depuis trente ans, nous avons accepté et fermé les yeux sur la délocalisation de pans entiers de notre industrie. Moi, comme élu de l’Eure, vous comme élus territoriaux, nous avons tous vu ces entreprises qui ferment, ces industries qui ne sont plus compétitives, ces ouvriers qui sont sacrifiés, ces ingénieurs qui ne trouvent plus d’emploi, parce que nous n’avons pas pris les mesures nécessaires pour engager la reconquête industrielle française.

Il s’agit d’un drame économique, humain et social, mais aussi d’une erreur politique. Depuis trois ans, nous cherchons à inverser la tendance. Et nous avions commencé à avoir des résultats puisque, pour la première fois depuis dix ans, nous créions de nouveaux emplois industriels dans notre pays.

J’en suis profondément convaincu : la reconquête industrielle française est à portée de main et de volonté, mais encore faut-il que nous ayons le courage de prendre les bonnes décisions, de définir les marchés sur lesquels la France peut réussir, parce qu’elle dispose des industries, des compétences et des qualifications nécessaires et qu’elle est prête à innover et à investir.

Encore faut-il aussi que nous ayons l’humilité de reconnaître que, en matière de fiscalité, il nous reste du chemin à faire. On ne peut pas demander à un industriel d’investir en France si les impôts de production qu’il y paie sont cinq fois plus élevés que ceux qu’il devrait acquitter s’il s’installait en Allemagne ou dans d’autres pays européens.

Vous connaissez le combat que je livre depuis des années sur les impôts de production. Nous avons commencé à les baisser ; nous allons accélérer cette baisse au service d’un seul objectif : la relocalisation des activités industrielles en France.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

M. Bruno Le Maire, ministre. Les impôts de production sont stupides

M. Fabien Gay rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

C’est quand même incroyable que vous disiez cela !

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Nous allons donc les baisser de 10 milliards d’euros dès 2021, afin d’engager la relocalisation industrielle dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Cela fait vingt ans que vous le faites sans résultat !

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Cela représentera 20 milliards d’euros pour les finances publiques françaises sur les deux exercices 2021 et 2022. Là encore, il s’agit d’un investissement.

Quels impôts de production seront visés ? Nous allons en discuter : je souhaite que ces impôts de production concernent d’abord l’industrie, puisque notre objectif est d’accélérer la relocalisation industrielle en France.

Nous souhaitons privilégier une baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). J’ai eu l’occasion d’en discuter à plusieurs reprises avec les régions. Dès demain, j’en discuterai de nouveau avec le président de l’Association des régions de France, Renaud Muselier. Je veux être très clair pour lever toute inquiétude : il n’est pas question que les régions paient cette baisse d’impôts.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

M. Bruno Le Maire, ministre. Il y aura donc une compensation intégrale et dynamique sur laquelle le président de l’Association des régions de France et moi-même travaillons.

Murmures sur les travées de gauche.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

La décarbonation de notre économie sera la deuxième grande orientation de ce plan de relance.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Pourquoi ne pas engager tout de suite le plan de relance s’il est prêt ?

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Elle est la condition indispensable pour une croissance durable de notre économie. Je ne crois évidemment pas à la décroissance qui conduirait tout droit à l’appauvrissement des Français et à un déclassement politique et économique inéluctable de notre pays. En revanche, tout comme le Président de la République et le Premier ministre, je crois en une croissance décarbonée, que les nouvelles technologies rendent possible. Et c’est maintenant que cela se joue !

C’est maintenant que notre souveraineté en matière de production d’hydrogène se joue, par exemple : soit nous investissons dès maintenant pour avoir très rapidement des entreprises capables de produire des réservoirs ou des piles à combustible, qui nous permettront de maîtriser les technologies de fabrication de l’hydrogène vert, soit nous serons obligés de nous approvisionner en hydrogène provenant de l’étranger et serons dépendants demain pour nos transports en commun, pour le transport par poids lourds, par avion et par bateau.

Je crois à l’indépendance de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Dans ce cas, ne cassez pas les centrales nucléaires !

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Je crois à la souveraineté de la France, mais il n’y a ni indépendance ni souveraineté sans maîtrise des technologies. Investir plusieurs milliards d’euros dans l’hydrogène est la meilleure façon de garantir la souveraineté politique de notre pays.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

M. Bruno Le Maire, ministre. Cela suppose effectivement que nous ayons une électricité décarbonée à disposition, cher Jean Bizet, celle qui nous est fournie par les centrales nucléaires. Vous le savez, je continue à croire à la pertinence de l’énergie nucléaire pour notre pays.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Autre exemple de décarbonation, celle qui portera sur des projets très concrets, comme les batteries électriques, les projets de stockage des énergies renouvelables, celle qui passera par un grand plan de rénovation thermique des bâtiments. Les premiers crédits permettant d’accompagner ces projets de décarbonation seront soumis à votre délibération dans le cadre du présent projet de finances rectificative, afin d’être effectifs dès le mois de septembre.

La décarbonation de notre économie ne peut pas attendre : c’est pourquoi nous avons inscrit les crédits correspondants dans ce texte, ce qui répond d’ailleurs à l’une des remarques du rapporteur général, dont nous avons tenu compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ah !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Nous avons donc souhaité ne pas perdre une seconde et encourager l’accélération de la transition écologique de notre pays.

Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà les quelques grandes orientations qu’Olivier Dussopt et moi-même souhaitions vous présenter. Je suis convaincu que, si nous prenons ensemble les bonnes décisions pour la relance, non seulement nous arriverons à redresser notre économie, mais nous pourrons profiter de cette crise pour avoir, au bout du compte, une économie plus solidaire et plus respectueuse de l’environnement.

M. Frédéric Marchand applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Comment allez-vous financer les 100 milliards d’euros du plan de relance ?

Murmures amusés sur des travées des groupes SOCR, CRCE, Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

M. François Bonhomme. Patience, mon cher collègue, vous allez bientôt le savoir !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Ne soyez pas si pressé ! Laissez le Gouvernement s’exprimer !

La parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’indiquait le ministre de l’économie, des finances et de la relance il y a un instant, les deux premiers projets de loi de finances rectificative comportaient des mesures pour répondre à l’urgence, préparer et accompagner les entreprises à surmonter des difficultés extrêmement fortes et conjoncturelles, qui auront des conséquences dans le temps.

Avec ce troisième projet de loi de finances rectificative, nous commençons à dévoiler les divers éléments de financement des plans de relance et de soutien à un certain nombre de secteurs, avant que le projet de loi de finances pour 2021 nous permette de formaliser et d’assurer le financement de toutes les mesures de relance.

Je l’ai dit, les deux premiers budgets rectificatifs avaient pour objet de répondre à l’urgence. Le présent texte complète les dispositifs, mais porte un regard particulier sur celles et ceux qui sont les plus fragilisés par la crise – c’est dans cette optique que nous avons élaboré ce texte –, c’est-à-dire les jeunes, les collectivités territoriales, l’outre-mer, qu’il s’agisse de nos compatriotes ultramarins ou des collectivités ultramarines.

Nous souhaitons compléter un certain nombre des réponses apportées par les deux premiers budgets rectificatifs. Je pense notamment au fonds de solidarité, étendu dans le cadre du plan Tourisme, qui a profité à plus de 1, 7 million d’entreprises pour un total de plus de 3, 5 millions de versements, soit près de 4 milliards d’euros engagés pour accompagner les TPE et les PME. Aujourd’hui, nous allons plus loin en injectant 500 millions d’euros supplémentaires à cette fin.

Nous prévoyons également 3 milliards d’euros de crédits additionnels pour financer le chômage partiel et accompagner les entreprises qui ont encore besoin de ce dispositif. Il faut avoir en tête que nous mettons en place, parallèlement à cette mesure, un dispositif d’activité partielle de longue durée.

Nous voulons également aller plus loin en matière de soutien aux entreprises. Bruno Le Maire l’a dit, nous avons préparé un plan d’exonération des cotisations sociales au bénéfice des entreprises, qui est à la fois exceptionnel et inédit tant par son ampleur – environ 4 milliards d’euros – que par ses modalités.

En effet, nous proposons que soient totalement exonérées de cotisations les entreprises de moins de dix salariés ayant fait l’objet d’une décision de fermeture administrative pour une période de trois mois, de même que les PME de moins de 250 salariés appartenant aux secteurs les plus touchés par la crise économique, ceux du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, de la culture, de l’événementiel, du sport ou du commerce de détail non alimentaire, pendant quatre mois.

Avec l’article 18, nous veillons aussi, vous pouvez le constater, à accompagner les entreprises les plus dépendantes de celles qui sont ainsi exonérées de cotisations. Les entreprises ayant des activités connexes de ces secteurs pourront bénéficier d’exonérations, dès lors qu’elles auront perdu, sur la même période, une part importante de leur chiffre d’affaires.

Le travail conduit avec l’Assemblée nationale nous a permis d’élargir ce dispositif aux travailleurs indépendants, ainsi qu’aux non-salariés agricoles, qui pourront désormais bénéficier d’une remise partielle de leurs dettes de cotisations et contributions sociales dues au titre de l’année 2020, lorsqu’ils ont connu une perte d’au moins 50 % de leur chiffre d’affaires. Ce travail parlementaire nous a aussi permis de faciliter les plans d’apurement : les travailleurs indépendants pourront désormais les enclencher sur proposition des organismes de recouvrement.

Au-delà de ces initiatives à caractère sectoriel, je tiens à souligner que nous souhaitons créer un filet de protection pour l’ensemble des entreprises.

Ainsi, les entreprises de moins de cinquante salariés, qui ont perdu plus de la moitié de leur chiffre d’affaires sur la période pourront bénéficier au cas par cas de remises de cotisations pouvant aller jusqu’à 50 % du total des cotisations dues. Comme l’a indiqué le ministre de l’économie, des finances et de la relance il y a un instant, nous prévoyons la possibilité d’un étalement sur douze, vingt-quatre ou trente-six mois des cotisations de toutes les entreprises qui rencontreraient des difficultés et qui auraient besoin de ces mesures de trésorerie.

À ce titre, nous ouvrons 900 millions d’euros de crédits supplémentaires, afin de préserver l’équilibre de la sécurité sociale. Nous avons en effet fait le choix, conformément aux engagements que nous avions pris à l’époque avec Gérald Darmanin, de compenser toute nouvelle dépense que nous mettrions à l’actif de la sécurité sociale.

Le deuxième point sur lequel je souhaite m’arrêter concerne le soutien que nous voulons apporter aux territoires. Nous avons entendu les difficultés rencontrées par les collectivités locales, comme celles que connaissent l’État ou les organismes de sécurité sociale. Nous sommes convaincus de la nécessité de les accompagner et de garantir leurs ressources.

Ainsi, les communes et les intercommunalités, particulièrement mobilisées pendant cette crise, qui subissent une forte altération de leurs ressources, verront ces ressources garanties. Je fais ici référence au versement mobilité, aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO), à l’octroi de mer, ou encore à la taxe de séjour.

À l’article 5 du projet de loi de finances rectificative, nous prévoyons de créer un prélèvement sur recettes de l’État à destination du bloc communal pour près d’un milliard d’euros, de manière à garantir aux EPCI et aux communes un niveau de ressources pour 2020 égal à la moyenne des recettes fiscales et domaniales constatée entre 2017 et 2019.

Pour les groupements de collectivités territoriales chargés de la mobilité, nous assurerons une compensation – selon les mêmes modalités – des pertes de ressources liées au versement mobilité qu’ils auront subies en 2020.

Après discussions avec l’Assemblée des départements de France (ADF), l’article 7 consacre un mécanisme d’avances remboursables, en section de fonctionnement, pour les départements et autres collectivités bénéficiaires des DMTO. Par ailleurs, le débat à l’Assemblée nationale nous a permis de modifier la durée de remboursement des avances de DMTO en la portant à trois ans pour un montant prévisionnel qui s’élève à 2, 7 milliards d’euros.

Je précise que, en ce qui concerne tant la garantie des ressources du bloc local estimées sur la moyenne des recettes fiscales et domaniales des années 2017 à 2019 que les avances remboursables des départements en matière de DMTO, les prévisions nous permettront, sur la base des douzièmes versés, lorsque nous aurons constaté la réalité des recettes perçues à l’issue de l’exercice, d’affiner le dispositif. Évidemment, nous ne pouvons que souhaiter, les uns et les autres, que moins d’argent soit nécessaire, mais s’il fallait en débloquer davantage, nous le ferons pour tenir notre engagement.

J’évoquerai encore deux points concernant les collectivités.

Tout d’abord, nous prévoyons de consacrer un milliard d’euros de crédits supplémentaires dans ce texte pour soutenir l’investissement local et permettre aux collectivités de continuer à jouer leur rôle en faveur de l’emploi, de l’attractivité et de la cohésion de notre pays.

Ensuite, il existe des mesures plus sectorielles, dont un soutien aux collectivités d’outre-mer auxquelles nous portons une attention particulière. Nous abordons donc la question de l’octroi de mer dans ce texte, mais aussi celle de dispositifs spécifiques, comme les taxes spéciales sur les carburants dont bénéficient certaines collectivités. Ce sont 60 millions d’euros qui seront consacrés à garantir les ressources de ces collectivités.

Nous avons aussi proposé à l’Assemblée nationale – elle l’a accepté – un fonds de soutien particulier à hauteur de 8 millions d’euros pour les collectivités qui profitent d’un système de financement additionnel. Je pense notamment à la Corse.

Enfin, nous offrons aux collectivités de nouvelles possibilités d’intervention : les collectivités du bloc local pourront, si elles le souhaitent, décider d’un abattement de deux tiers de la cotisation foncière des entreprises (CFE) pour les entreprises de leur territoire, sachant que l’État financera 50 % du dispositif, contrairement à la doctrine habituelle de non-compensation des décisions volontaires prises par les collectivités, et ce, évidemment, à titre exceptionnel.

Comme l’a dit le ministre de l’économie, des finances et de la relance, ce texte prévoit nombre de dispositions permettant d’améliorer le soutien à l’économie et aux entreprises.

Nous avons veillé à la fois à compléter et prolonger des dispositifs efficaces – je pense au fonds de solidarité, aux prêts garantis par l’État, aux différents dispositifs d’intervention – et inscrit 400 millions d’euros de crédits supplémentaires pour le développement de l’apprentissage dans le secteur privé, selon les modalités qu’a rappelées Bruno Le Maire il y a quelques minutes. Mes collègues Élisabeth Borne, Amélie de Montchalin et moi-même travaillons pour ouvrir ce dispositif d’aide à l’apprentissage aux employeurs de la fonction publique territoriale.

Nous prévoyons également 150 millions d’euros d’aides à destination des jeunes et des étudiants les plus précaires, ce qui correspond aux engagements pris par le Président de la République. De même, nous ouvrons 50 millions d’euros de crédits pour participer aux dépenses engagées par les départements, qui ont accepté de prendre en charge des jeunes majeurs confiés à l’ASE, l’aide sociale à l’enfance, jusqu’à la fin de l’année, quand bien même ceux-ci auraient atteint leur majorité au cours de l’année.

Les efforts que nous consentons et les dispositions que nous vous proposons sont importants. Ils permettront d’accompagner l’économie et nos concitoyens.

Je le répète, nous avons retenu un certain nombre de suggestions faites lors des débats à l’Assemblée nationale, qui nous ont amenés à renforcer les dispositifs que nous proposions pour un coût supplémentaire de 2 milliards d’euros.

Au cours de l’examen de ce texte, nous aurons l’occasion de revenir sur certaines dispositions et annonces faites par le Président de la République le 14 juillet ou par le Premier ministre, hier, lors de sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale ou, ce matin, devant le Sénat, de manière à pouvoir les compléter.

L’ensemble des mesures que Bruno Le Maire et moi-même avons l’honneur de vous présenter ont évidemment un coût, mesdames, messieurs les sénateurs. L’État engage 460 milliards d’euros, dont plus de 300 milliards d’euros de garanties.

Le projet de loi de finances rectificative se traduit par une dégradation sans équivalent de la situation des finances publiques, puisque le niveau du déficit public est estimé, à cette date, à 11, 5 %, ce qui représente pour l’État un déficit à hauteur de 220 milliards d’euros pour l’année 2020.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

La dette atteindra, elle aussi, un niveau historique : 120 % du PIB, contre 98 % dans les prévisions de la loi de finances initiale pour 2020. C’est très certainement le prix à payer pour assurer la survie de notre économie et la soutenir, permettre à nos compatriotes de faire face, garantir leurs revenus et les protéger de la meilleure des manières.

C’est aussi un appel à la responsabilité, car nous savons que si, aujourd’hui, nous pouvons assurer le financement des différentes dispositions que je viens d’évoquer du fait de la qualité de la signature de la France sur les marchés financiers, la préparation des échéances budgétaires à venir et la manière dont nous allons penser le plan de relance seront décisives. C’est en veillant à ce que les dépenses engagées aient un réel effet sur l’économie, mais aussi un caractère conjoncturel, car elles ne doivent pas devenir pérennes, que nous parviendrons à une forme de consolidation de la qualité de notre signature, gage de la crédibilité de notre pays sur les marchés internationaux et face à ceux-ci.

Je ne doute pas que, dans les heures et les jours qui viennent, nous parvenions à améliorer encore le texte…

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Ne vous inquiétez pas, nous allons l’améliorer !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

… et que les débats qui s’ouvrent soient riches.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Il va donc nous falloir être très efficaces !

Si nous nous retrouvons aujourd’hui, ce n’est évidemment pas une surprise : déjà lors de l’examen du deuxième projet de loi de finances rectificative, nous avions indiqué que le scénario de croissance était très optimiste et qu’il y avait sans doute besoin d’amplifier les mesures de soutien à l’économie.

Sur ce point – nous allons y revenir tout au long des débats –, le compte n’y est pas. Il faudra des mesures de relance, dont Bruno Le Maire nous a d’ailleurs d’ores et déjà parlé.

La crise est bien là, et nous devons évidemment tous être au rendez-vous pour sauver notre économie. Comme nous le savons, les chiffres sont catastrophiques : un recul de plus de 11 % du PIB, qui n’a pas de précédent depuis 1944. Malheureusement, les principales organisations internationales placent la France parmi les pays qui devraient connaître le plus fort recul de leur PIB sur l’ensemble de l’exercice 2020.

Par rapport à nos voisins, notamment l’Allemagne, mais aussi à des pays comme la Suède, qui ont confiné moins longtemps, nous vivons une crise de plus forte et de plus longue intensité, qui place notre pays dans une situation particulièrement délicate.

Bruno Le Maire aime beaucoup les citations. Je rappellerai donc le sous-titre du Soulier de satin de Paul Claudel : « le pire n’est pas toujours sûr ». §Parfois, en effet, les nouvelles sont meilleures qu’attendu, et l’économie repose notamment sur la confiance.

Si la chute du PIB devrait être particulièrement marquée en France, les derniers développements conjoncturels suggèrent qu’elle pourrait être un peu moins forte que prévu, sous réserve bien sûr que l’épidémie ne redémarre pas.

La révision à la hausse du taux d’activité pendant le confinement par l’Insee, l’Institut national de la statistique et des études économiques, a ainsi majoré notre taux de croissance de deux points, si bien que la prévision gouvernementale présente maintenant un caractère que l’on peut qualifier de prudent.

Cette prévision de croissance gouvernementale implique désormais que le rattrapage soit quasiment achevé, ce qui est clairement pessimiste. L’Insee anticipe, pour sa part, un recul de 9 % du PIB.

La situation pourrait être encore meilleure si l’on stimulait davantage la consommation, notamment par le déblocage d’une partie des économies accumulées par les ménages, estimées à 75 milliards d’euros par l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE. Et ce montant pourrait être encore plus élevé à en croire le Gouvernement qui parlait, je crois, de 100 milliards d’euros.

Mais il faut aussi être prudent : une nouvelle vague épidémique, qui s’accompagnerait de mesures de confinement même partielles, risquerait de provoquer une rechute de l’activité.

Venons-en maintenant aux mesures figurant dans ce troisième projet de loi de finances rectificative.

Il s’agit d’un redimensionnement a minima du plan de soutien existant, dans l’attente d’un plan de relance qui a été annoncé, sur lequel Bruno Le Maire est largement revenu, mais que nous ne voyons toujours pas venir – nous sommes impatients. On nous l’annonce plutôt, si j’ai bien compris, pour le projet de loi de finances pour 2021.

Parmi les différentes composantes du plan de soutien, les mesures ayant une incidence sur le solde public connaissent une hausse de 15, 5 milliards d’euros, principalement due au chômage partiel, aux exonérations de charges et aux plans de soutien sectoriels. S’y ajoutent les mesures qui n’ont pas d’effet immédiat sur le déficit public : elles sont en augmentation de 19, 5 milliards d’euros. Je pense, notamment, aux reports des échéances fiscales et sociales pour plus de 7 milliards d’euros.

Par comparaison avec les autres économies avancées, le plan de soutien français continue de présenter un caractère singulier, la France mobilisant moins les mesures qui ont un impact sur le déficit public, alors qu’il s’agit pourtant de dispositions pouvant apporter un soutien plus direct à l’économie. Ce différentiel paraît d’autant plus paradoxal que la France est l’un des pays où la chute du PIB est parmi les plus fortes.

Cette stratégie s’explique tout d’abord par les moindres marges de manœuvre dont dispose la France sur le plan budgétaire. Il y a quelques jours, nous avons examiné le projet de loi de règlement : chaque année, nous répétons qu’il faut faire attention et faire des efforts pour avoir un déficit et un endettement moins élevés, ce qui n’est pas le cas. Nous partons avec un déficit à la base, en quelque sorte, et avec moins de marges de manœuvre que nos voisins, notamment l’Allemagne.

Quoi qu’il en soit, la révision à la baisse de la croissance et le redimensionnement du plan de soutien conduisent mécaniquement à une nouvelle dégradation de la trajectoire budgétaire : un déficit de 11, 5 % du PIB en 2020, une nouvelle hausse de l’endettement qui atteindrait 120, 9 % du PIB. Fort heureusement, il n’y aurait pas à ce stade de renchérissement des taux d’intérêt, ce qui nous laisse une certaine marge de manœuvre.

Concernant l’État, son déficit budgétaire passe de 93, 1 milliards d’euros – ce n’est pas la préhistoire, c’est ce que prévoyait le projet de loi de finances pour 2020 ! – à 224 milliards d’euros dans le texte adopté par l’Assemblée nationale. On observe une dégradation encore plus importante du solde – 39 milliards d’euros – par rapport au deuxième projet de loi de finances rectificative. Cette hausse du déficit résulte essentiellement d’une chute de nos recettes de 23, 5 milliards d’euros et d’une augmentation de nos dépenses de 12 milliards d’euros.

Ce déficit est évidemment totalement inédit, puisque, au plus fort de la crise de 2009, le déficit n’avait pas dépassé 150 milliards d’euros. En trois budgets rectificatifs, nous l’avons simplement creusé de 130 milliards d’euros. J’espère qu’il n’y aura pas de quatrième projet de loi de finances rectificative, mais le ministre nous a rassurés à ce sujet.

Les besoins de financement de l’État sont désormais colossaux : cette année, nous allons devoir emprunter 363, 5 milliards d’euros sur les marchés.

La situation de l’État est véritablement hors-norme : les recettes nettes diminuées des prélèvements sur recettes sont 2, 2 fois inférieures aux dépenses nettes. Ainsi, le budget général connaît un déficit supérieur au montant de ses recettes et égal à 55 % de ses dépenses.

Les recettes fiscales nettes prévues par le PLFR sont inférieures de 65, 9 milliards d’euros au niveau prévu en loi de finances initiale.

Du côté des crédits budgétaires, 13, 7 milliards d’euros sont ouverts sur le budget général et les ouvertures de crédits portent sur de très nombreuses missions.

Par ailleurs, alors que le Gouvernement a annoncé un plan de soutien sectoriel de 40 milliards d’euros, les crédits budgétaires ouverts par le troisième projet de loi de finances rectificative sont bien inférieurs : je les estime à 823 millions d’euros pour la filière automobile, à 135 millions d’euros pour le secteur aéronautique et à 2, 2 milliards d’euros pour le secteur du tourisme. Les sommes annoncées par le Gouvernement incluent aussi bien des mécanismes de prêts ou des dispositifs déjà existants.

En l’état, le redimensionnement a minima du plan de soutien du Gouvernement n’est pas à la hauteur des enjeux et doit être amplifié, sans attendre, par la mise en place d’un plan de relance afin de conforter la reprise.

Je le dis clairement, et beaucoup de voix s’exprimeront dans ce sens, je regrette la décision du Gouvernement de différer la mise en œuvre de ce dernier à la rentrée, …

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

… pour ne pas dire à la fin de l’année – l’adoption du projet de loi de finances et la décision du Conseil constitutionnel interviennent plutôt fin décembre –, car les ménages et les entreprises ont besoin de visibilité pour prendre leurs décisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Il existe beaucoup d’impatience. Bruno Le Maire a d’ailleurs davantage évoqué le plan de relance que le PLFR !

Le Président de la République a annoncé, le 14 juillet, 100 milliards d’euros. Très bien, mais nous attendons tous de voir concrètement ce qu’il en est de ces annonces.

J’ai proposé, pour ma part, dès le 16 juin, un ensemble de mesures calibrées, de façon à maximiser l’effet d’entraînement sur l’activité pour un montant global de 40 milliards d’euros, soit 2 points de PIB. Le Conseil d’analyse économique suggérait 50 milliards d’euros. Malgré le fameux article 40 de la Constitution et le domaine des lois de finances, j’ai essayé de faire en sorte qu’un maximum de mesures puisse trouver un débouché sous forme d’amendements dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative, pour environ 10 milliards d’euros, articulé autour de cinq objectifs.

Premièrement, il s’agit d’aider les entreprises à investir en assouplissant notamment les reports en arrière des déficits, c’est-à-dire le carry back, et en améliorant l’amortissement.

Deuxièmement, il s’agit de soutenir les ménages et les secteurs les plus fragilisés, singulièrement par des remises de cotisations sociales ou par la mise en place de mesures d’incitation à la consommation, comme les « chèques loisirs », pour les secteurs particulièrement touchés par la crise.

Troisièmement, il s’agit de soutenir l’emploi. Le Gouvernement prévoit la création d’un dispositif exceptionnel d’aide à l’embauche dont le montant serait majoré pour les jeunes.

Quatrièmement, il s’agit d’inciter les ménages à réinjecter l’épargne accumulée pendant le confinement dans l’économie. Nous voulons déconfiner cette épargne grâce, par exemple, au mécanisme de PEA-PME, dans une logique de soutien aux fonds propres des entreprises.

Cinquièmement, il s’agit de mieux préserver les recettes et les capacités d’investissement des collectivités territoriales via, notamment, des mesures concernant les DMTO ou un dispositif plus juste de compensation des pertes de recettes d’Île-de-France Mobilités, cher Roger Karoutchi.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

D’autres dispositions pourront compléter ces propositions au cours de l’examen du texte, car de nombreux amendements ont été déposés.

En résumé, messieurs les ministres, nous ne sommes pas en désaccord avec vos mesures d’urgence et de soutien. Ce texte ne nous pose pas de difficultés, même si nous souhaitons l’améliorer. En revanche, nous sommes en désaccord avec ce qui n’y figure pas. Nous pensons qu’il faut faire autrement ou mieux, nous en reparlerons, mais il nous semble surtout que des mesures de relance devraient être prises maintenant et non à l’automne, pour consolider la confiance de l’ensemble des Français.

En effet, la crise des finances publiques est d’abord malheureusement liée à un effondrement de nos recettes. Si nous attendons plus pour relancer l’économie, cela signifiera moins de TVA, moins d’impôt sur les sociétés et encore moins de marges de manœuvre à l’automne !

J’insiste donc sur la nécessité que ces différentes mesures soient prises dès maintenant. Elles présentent également un caractère temporaire, un effet booster, pour ne pas augmenter le déficit structurel.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la commission des finances propose d’adopter ce troisième PLFR de soutien tel que modifié par les amendements de relance que nous voterons.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a un peu moins de trois mois, lorsque nous examinions le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020, j’avais souligné que ce texte ne constituait qu’une étape, avant un troisième PLFR qui serait, je le pensais, celui des arbitrages politiques.

J’avais alors interrogé le Gouvernement pour qu’il dévoile ses intentions sur sa stratégie de relance de notre économie, sur les moyens de la financer et sur les secteurs prioritaires, car ces questions, posées depuis longtemps, ne semblaient pas avoir trouvé véritablement de réponse.

Aujourd’hui, le temps est venu d’examiner ce texte tant attendu, mais, malheureusement, nombre de mes questions restent sans réponse !

Tout d’abord, nous sommes encore suspendus aux résultats des négociations sur les perspectives financières pluriannuelles et sur le fonds de relance européen. Les discussions vont reprendre demain. L’accord franco-allemand de mai dernier et les propositions de la Commission européenne vont dans le bon sens, encore faut-il clarifier certaines zones d’ombre – je pense notamment aux financements – et désormais transformer l’essai !

Ensuite, le texte qui nous est soumis est finalement non pas un plan de relance, sans cesse différé, même si vous nous en avez beaucoup parlé, monsieur le ministre, mais un ajustement budgétaire qu’il faut bien qualifier « d’attente », du fait notamment de cette absence d’accord européen, et d’une ampleur limitée au regard du soutien dont notre économie a besoin.

Les crédits nouveaux sur le budget général, soit 13, 8 milliards d’euros, portent pour l’essentiel sur la mission « Plan d’urgence », entérinant notamment le coût très élevé – 31 milliards d’euros au total – du dispositif de soutien au chômage partiel, certes indispensable, mais qui nécessitera un contrôle a posteriori particulièrement vigilant. Les risques de fraude sont très significatifs en l’absence de réel contrôle a priori et il conviendra de les traiter.

Le projet de loi de finances rectificative prévoit aussi une légère hausse du fonds de solidarité pour les entreprises et des exonérations de charges, mais l’essentiel du soutien provient de simples mesures de trésorerie. Les garanties pour les entreprises avaient déjà été entérinées par le premier PLFR, avec un plafond de 300 milliards d’euros, dont chacun espère bien sûr qu’il n’aura pas lieu d’être.

Tout cela est donc limité, même si le Premier ministre vient de nous annoncer un plan de relance de 100 milliards d’euros et le ministre de l’économie, des finances et de la relance, aujourd’hui même, une baisse des impôts de production de 20 milliards d’euros. Quoi qu’il en soit, les engagements pour l’avenir s’accumulent !

Ce collectif budgétaire était également attendu pour prendre en compte la situation des collectivités territoriales dont les recettes – versement transport, droits de mutation, taxe de séjour, octroi de mer – sont touchées par la crise. Or les collectivités doivent faire face à de nouvelles charges : là encore, les propositions du Gouvernement déçoivent, avec un plan limité à 4, 5 milliards d’euros, dont la moitié correspond à des avances remboursables.

Nous nous reverrons donc à l’automne pour débattre de nouvelles mesures. Mais il y a urgence, car la France va connaître cette année une récession sans précédent de 11 % du PIB, selon les estimations gouvernementales, supérieure à celle de nombre de ses partenaires européens, notamment de l’Allemagne qui a pourtant décidé très rapidement d’un plan de relance bien plus massif. Il n’y a guère que le Royaume-Uni, soumis à la double peine du Brexit et du covid, qui fasse plus mal que nous !

Cette récession sera d’autant plus forte que nous tarderons à mettre en œuvre les mesures de soutien nécessaires. Il y a urgence, car il s’agit non seulement de points de croissance, mais aussi des conséquences sociales : le dispositif de chômage partiel n’a apporté qu’une réponse temporaire ; les plans sociaux et les licenciements économiques pourraient s’enchaîner dans les mois à venir, avec des conséquences sur nos territoires.

D’ores et déjà, de grandes entreprises annoncent des suppressions d’emplois : 15 000 chez Airbus, dont un tiers en France, 7 580 chez Air France d’ici à la fin de l’année 2022, 4 600 chez Renault, 1 900 chez Conforama, dont le siège est situé à Lognes, commune dont j’ai été élu municipal pendant vingt-deux ans, 1 200 chez Nokia, etc. Par ailleurs, la situation est dramatique pour les petites et moyennes entreprises.

La collectivité nationale doit réagir en s’efforçant de faire les bons choix : soutenir des entreprises viables, privilégier la recherche et l’investissement, prendre en compte la responsabilité sociale et environnementale. La puissance publique dispose aujourd’hui de leviers de changement inédits et d’une opportunité historique de transformer notre économie pour le bénéfice des générations futures.

À cet égard, nous cherchons encore les indices de cette transformation : conditionner une prise de participation de l’État à des engagements en matière de réduction de gaz à effet de serre à travers la simple publication d’un rapport annuel, sans autre conséquence, n’est clairement pas à la hauteur des enjeux !

Enfin, il faudra malgré tout rester attentifs à nos finances publiques, afin de fixer un cap un tant soit peu cohérent : nous en discuterons dans le cadre du débat d’orientation des finances publiques.

Après des années d’application du pacte de stabilité, la crise a fait exploser tous nos repères : les déficits et la dette publique s’envolent à des niveaux que personne n’aurait pu imaginer il y a seulement quelques mois. Le Gouvernement évoque le « cantonnement » de la dette, comme si cette procédure comptable pouvait la faire disparaître…

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

… tout en refusant de faire participer les contribuables les plus aisés à la solidarité nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Quand le temps de l’urgence sera passé, il nous faudra faire les comptes…

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. … et justifier la dépense publique auprès des contribuables qui seront appelés à l’assumer !

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. le président. La parole est à M. Pascal Savoldelli.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne voyons, dans nombre d’indicateurs jugés positifs par le Gouvernement, que des signes préoccupants !

Les indicateurs de santé publique, tout d’abord, font état d’une remontée des hospitalisations et des cas de contamination par le covid-19.

Les indicateurs économiques, ensuite, évoquent une récession de 11 % pour 2020. Vous n’allez pas me dire que la situation est positive quand on nous annonce la suppression au minimum de 800 000 emplois d’ici à la fin de l’année, sans parler des plans sociaux qui commencent à pleuvoir, qu’il s’agisse de Nokia, d’Air France, d’Airbus, de Sanofi ou de la grande distribution !

Les indicateurs de cohésion sociale sont également des alertes sérieuses puisqu’ils montrent que le nombre de demandeurs d’emploi et des allocataires du revenu de solidarité active explose. Il faudra bientôt y ajouter les travailleurs saisonniers, affectés par la baisse de la fréquentation touristique, et l’arrivée au mois de septembre de 800 000 jeunes sur le marché de l’emploi.

Si l’on y adjoint la très faible participation lors des élections municipales, nous nous trouvons face à un parfait cocktail explosif d’une crise de sens et d’unité populaire, donc d’une crise politique sur fond de confinement de la démocratie !

Comment le Gouvernement et le Président de la République envisagent-ils de répondre à la crise ? Reprendront-ils le guidon ou continueront-ils de pédaler droit dans le mur ?

Le 14 juillet, le chef de l’État nous a délivré son message pour tracer le nouveau chemin, un « nouveau chemin » qui s’inscrit finalement dans les mêmes sillons que l’ancien ! Avec toute la considération que je dois à MM. Le Maire et Dussopt, pour baisser le coût du capital, on prend les mêmes et on recommence !

Sourires sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Il ne s’agira ni d’un tournant social ni d’un tournant écologique. Il ne sera pas question non plus de revenir sur les cadeaux fiscaux aux plus riches, mais il faudra en revanche travailler plus et faire payer encore une fois les salariés et les retraités de ce pays !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Ce que révèle surtout cette intervention présidentielle, par ailleurs on ne peut plus paternaliste, c’est que le Gouvernement continue de privilégier la communication politique du « en même temps » au détriment de l’action politique.

Avec ce troisième PLFR et les annonces dites de soutien ou de relance, nous en avons la parfaite illustration : sur les 40 milliards d’euros prévus pour relancer différentes filières – aéronautique, automobile, tourisme –, ce sont en réalité 3 milliards d’euros qui seront effectivement traduits en crédits budgétaires.

Et le financement de ce texte repose, tout comme celui des deux précédents, sur le bon vouloir des marchés financiers, comme l’a rappelé M. le rapporteur général.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Pas de nouvelles mesures fiscales, nous dites-vous. Mensonge !

La seule recette connue est la prolongation de la CRDS de 0, 5 % sur les revenus : peu importe que ceux-ci soient bas ou hauts, tous les Français participeront au même niveau, pour collecter plus de 160 milliards d’euros d’ici à 2042 !

Cela dit, il aura fallu attendre un troisième texte financier pour voir un plan de soutien aux collectivités annoncé en grande pompe. Mais si l’intention est bien là, le compte n’y est pas !

Le Gouvernement a demandé au député Jean-René Cazeneuve – ce n’est pas un député communiste ! – de faire le point sur les pertes financières des collectivités. Si nous reprenons ses premiers résultats, notre collègue chiffre la perte à 7, 5 milliards d’euros pour 2020 : 3, 2 milliards d’euros pour le bloc communal, 3, 4 milliards d’euros pour les départements et 0, 9 milliard d’euros pour les régions. Ça commence mal, par rapport aux 4, 5 milliards d’euros annoncés !

Mais si l’on y regarde de plus près, les choses empirent. Il y a un écart entre l’offre et la demande, entre l’argent frais que vous proposez aux collectivités et l’argent qui est vraiment mis sur la table ! Ce plan de soutien financier est un mirage, car vous ne débloquerez réellement que 1, 75 milliard d’euros pour les collectivités, monsieur le ministre.

Le bloc communal, à mon grand soulagement, est le plus épargné grâce à la clause de sauvegarde, qui est la bienvenue. Elle est néanmoins incomplète, puisqu’elle ne prend notamment pas en compte les pertes de recettes tarifaires.

Pour ce qui concerne les départements, qui ont tiré le signal d’alarme, vous leur avez seulement concédé des avances remboursables qui correspondent à plus de la moitié de ce plan !

Comment évoquer sincèrement à longueur de temps les territoires et ne pas voir que leurs dépenses sociales flambent ou que leur seconde ressource principale, les DMTO, risque de chuter de 35 % ? Plutôt que de pouvoir compter sur l’État, les élus départementaux sont renvoyés à l’expectative d’un possible futur rebond économique. En gros, ils doivent se débrouiller avec ça !

Mais comment voulez-vous que les départements parviennent à faire face à l’afflux d’inscriptions au RSA, aux demandes d’aide sociale de personnes licenciées par des entreprises pourtant soutenues par l’État, et qui aujourd’hui se permettent d’organiser des plans sociaux et des délocalisations en toute impunité ?

Quant aux régions, ne cherchez pas, mes chers collègues, il n’y a rien pour elles !

La réactivité et l’inventivité des collectivités territoriales ont été sans commune mesure. Elles ont permis de tenir la barre à travers la tempête du covid-19. Malgré les signaux contradictoires reçus d’en haut, voire parfois l’absence de signaux, les collectivités locales ont prouvé la solidité de l’organisation territoriale française, pourtant continuellement remise en question.

Tous les rapports le prouvent, les collectivités sont les principaux investisseurs. Quand on veut promouvoir la relance et la confiance, il importe de leur donner de la solidité financière.

La confiance des Françaises et des Français appelait un nouveau chemin d’égalité sociale et territoriale. Ce projet de loi de finances rectificative n’est pas à la hauteur. C’est la raison pour laquelle nous ne le voterons pas. Pour les élus du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, la confiance n’est pas une forme de paresse ; c’est une exigence de la conscience !

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Menonville

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sauvetage de notre économie est loin d’être terminé que la relance doit déjà commencer. C’est une nécessité impérieuse pour sauvegarder nos entreprises et l’emploi, et tracer des perspectives d’avenir. Telle devra être l’ambition de ce troisième projet de loi de finances rectificative qui nous est présenté et dont nous entamons aujourd’hui l’examen. La montée en puissance des dispositifs doit se poursuivre.

Si la propagation du virus semble pour le moment avoir été maîtrisée, même si nous devons redoubler de prudence, la crise économique, quant à elle, ne fait malheureusement que commencer. S’il faut se prémunir contre une deuxième vague épidémique à l’automne, il faut aussi craindre une vague de difficultés économiques, déjà perceptible sur nos territoires.

C’est pourquoi nous devons continuer à déployer des mesures pour soutenir nos entreprises et l’emploi. C’est l’aspect défensif de la politique qui est menée depuis le mois de mars. Il est essentiel, car il a permis à notre économie de tenir. Sans entreprises, pas de reprise : il fallait donc d’abord et avant tout sauvegarder le tissu économique.

Cet aspect défensif est essentiel, mais il ne suffit déjà plus, car la menace des faillites se renforce. On prévoit un automne sombre en la matière. Faisons donc en sorte qu’il ne soit pas catastrophique.

Monsieur le ministre, votre politique doit dès maintenant être davantage offensive, en plus d’être défensive. Il s’agit de promouvoir la relance en plus de prévoir le sauvetage.

Ce troisième volet du plan de sauvetage de l’économie vise à amplifier la réponse globale. Je pense, notamment, à l’abondement supplémentaire au fonds de solidarité pour les PME, les TPE et les indépendants ou aux compensations de cotisations sociales pour les entreprises les plus touchées.

Au-delà de ces mesures, d’autres plus spécifiques complètent utilement les dispositifs de soutien pour les secteurs les plus exposés à cette crise : automobile, aéronautique. À cet égard, les dispositions en faveur du tourisme, de l’hôtellerie, des activités culturelles et de l’événementiel sont les bienvenues. Elles sont ô combien nécessaires, comme nous le constatons tous les jours sur nos territoires.

Je me réjouis également que le Gouvernement ait fait le choix de privilégier une action publique au plus près du terrain et des collectivités. C’est notamment le cas avec la possibilité laissée au bloc communal de procéder à des dégrèvements exceptionnels de cotisation foncière des entreprises, ou CFE, pour les PME les plus touchées, ainsi qu’à des exonérations de taxe de séjour en 2020.

Il s’agit là de faire confiance aux acteurs de terrain qui connaissent le mieux les difficultés et les réalités locales. Néanmoins, les délais sont trop contraints. Il n’est pas sérieux d’imaginer que les EPCI, à peine installés, ou les communes pourront prendre de telles décisions avant le 31 juillet, soit quelques jours à peine après la promulgation de la loi. Nous proposerons donc plusieurs amendements visant à mieux appréhender cette réalité locale.

Les collectivités territoriales et les élus locaux ont été en première ligne lors de la crise sanitaire. Je veux à cet instant les saluer. Le plan de soutien, dont le montant global s’élève à 4, 5 milliards d’euros, va bien évidemment dans le bon sens. Mais je crois que nous devons encore en accentuer l’ambition. Je suis certain que le Sénat y sera particulièrement vigilant. Il y va de l’intérêt général de la Nation et de sa cohésion.

Je pense, notamment, à la dotation instituée par l’article 5, qui vise à compenser les pertes de certaines recettes fiscales liées aux conséquences économiques de l’épidémie. Le minimum de 1 000 euros n’est sans doute pas suffisant. Nous devons augmenter l’effort à destination des petites communes. C’est le sens d’un amendement que j’ai déposé concernant la dotation particulière « élu local », la DPEL, pour les communes de 200 habitants et moins.

Pour rappel, et à titre de comparaison, dès le début de la crise financière, nous avons voté des mesures de soutien aux petites entreprises par le biais du fonds de solidarité, avec un minimum de 1 500 euros.

Enfin, mon groupe se félicite que les actions engagées par la Commission européenne et par l’Europe occupent une place significative dans ce projet de loi. Je pense, notamment, aux garanties apportées par l’État au mécanisme SURE et à la Banque européenne d’investissement, pour des montants respectifs de 4, 4 milliards et de 4, 7 milliards d’euros.

Toutes ces mesures sont nécessaires pour préserver l’économie de nos territoires et la solidarité nationale. Le Sénat saura, sans nul doute, enrichir ce troisième projet de loi de finances rectificative.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chômage partiel – il s’agit finalement d’une forme de nationalisation des emplois privés –, fonds de solidarité, prêts garantis : les réponses apportées par l’État dans le cadre des deux premières lois de finances rectificatives ont été immédiates et massives. Certes, les mesures étaient coûteuses, mais elles étaient absolument nécessaires au regard de la déflagration économique, financière et sociale provoquée par la pandémie de covid-19.

Il s’agissait d’éviter l’effondrement de nos entreprises et ses conséquences sociales, de sauver notre tissu économique, les emplois dans les territoires, de protéger les plus fragiles, au moment où l’économie de notre pays et celle de nos voisins étaient à l’arrêt.

Avec ce troisième projet de loi de finances rectificative, le coût budgétaire des grandes mesures de soutien à l’économie et à l’emploi sera porté à environ 50 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent près de 70 milliards d’euros de pertes de recettes fiscales, ce qui porterait notre déficit budgétaire à plus de 220 milliards d’euros à la fin de l’année, soit largement plus du double que ce qui était prévu en loi de finances initiale.

Ces chiffres sont vertigineux, mais pouvait-il en être autrement compte tenu de l’urgence qu’il y avait à soutenir nos entreprises, leurs salariés et, au-delà, les plus fragiles de nos concitoyens ? Désormais, un deuxième rendez-vous, tout aussi important, nous attend : celui de la relance. Nous devons absolument le réussir !

Relancer la machine économique tout en saisissant les opportunités qui nous sont données de transformer durablement nos modes de production, de reconquérir notre souveraineté dans des domaines stratégiques, de faire de la transition écologique un moteur de développement des territoires et de la justice sociale le ferment de la cohésion nationale, telle doit être notre feuille de route. Il s’agit d’opportunités parfois exigeantes, mais elles sont réellement cruciales pour l’avenir de notre société.

Ce PLFR amorce ce virage en soutenant les secteurs les plus durement touchés – tourisme, culture, automobile, aéronautique, nouvelles technologies –, tout en s’inscrivant dans la perspective de la transition écologique.

À ce titre, nous saluons l’ajout de l’article 19 conditionnant les prises de participation de l’Agence des participations de l’État au sein du capital des grandes entreprises à la souscription d’engagements en matière de transition écologique.

Au-delà de l’inquiétude que suscite le dévissage de nos finances publiques, c’est bien la multiplication des destructions d’emplois et la perspective de milliers de jeunes sans débouchés immédiats qui doivent nous alerter. On nous annonce pas moins de 800 000 suppressions d’emplois d’ici à la fin de l’année, alors que, dans le même temps, arriveront tout d’un coup plus de 700 000 jeunes sur un marché du travail fragilisé.

C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous avons accueilli favorablement les différentes annonces qui ont été faites dans ce domaine, qu’il s’agisse des primes pour l’emploi d’un apprenti ou de la réduction du coût d’embauche des jeunes. Peut-être aurons-nous d’ailleurs l’occasion, compte tenu de l’urgence de la situation, de débattre de ces propositions dans le présent PLFR, sans attendre le prochain texte budgétaire.

Quoi qu’il en soit, ce PLFR va dans le bon sens et nous approuvons l’exonération de cotisations et de contributions sociales et patronales prévue à l’article 18. Associé à un crédit de cotisations, il s’agit là d’un dispositif inédit qui bénéficiera automatiquement à un grand nombre de secteurs de l’économie : l’hôtellerie, la restauration, le tourisme, l’événementiel, le sport, la culture, ou encore le transport aérien.

L’article 18, dont le champ d’application a été opportunément étendu, comporte en outre un filet de sécurité pour toutes les entreprises, indépendamment de leur secteur d’activité. Cela nous paraît aussi bienvenu.

Bien sûr, sur tous ces sujets, la copie gouvernementale reste perfectible et la commission des finances, comme mon groupe, proposera des amendements visant à l’améliorer.

Enfin, tout au long de cette crise, le besoin de remettre le local au centre de notre modèle s’est manifesté avec force à l’échelle du pays. La relance passe par la relance au cœur des territoires : les collectivités locales ont un rôle essentiel à jouer pour y parvenir. Il importe donc que le Gouvernement leur en donne les moyens.

À ce titre, je regrette que ce collectif budgétaire ne prenne pas suffisamment en compte la situation des départements. Ces derniers pourraient pourtant demain apporter leur pierre à la dynamique économique des territoires. L’avance proposée pour compenser les pertes de recettes des DMTO de 2, 7 milliards d’euros est certes nécessaire, mais cette mesure doit être complétée. Nous proposerons par conséquent des améliorations.

En revanche, le soutien apporté, à hauteur de 1, 7 milliard d’euros, en faveur de l’investissement du bloc communal nous paraît décisif.

C’est l’une des vertus de ce budget rectificatif que de prévoir, là encore de façon inédite, une compensation intégrale des pertes de recettes fiscales et domaniales des communes et intercommunalités.

En ouvrant par ailleurs 1 milliard d’euros de crédits supplémentaires de dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), ce budget préfigure la relance à venir dans les territoires autour de la transition écologique, de la résilience sanitaire, mais également, et c’est important, de la rénovation du patrimoine public bâti et non bâti.

Sur ce sujet, monsieur le ministre, il me semblerait opportun que ces crédits soient, pour la moitié au moins, fléchés vers les préfets de département. Ce serait un beau message adressé à l’échelon départemental, à l’échelon local qui, tout au long de la crise sanitaire, a su répondre dans la proximité, avec agilité et efficacité aux besoins des habitants.

Enfin, le versement du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) en année n+1 pour toutes les collectivités serait de nature à accélérer l’investissement local. Nous défendrons un amendement en ce sens.

Pour conclure, sachez, monsieur le ministre, que dans un esprit toujours positif les membres du groupe Union Centriste auront à cœur, au cours de ces trois prochains jours, d’enrichir ce texte qui va dans le bon sens, et qu’ils soutiendront dans leur grande majorité.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Indépendants. – M. Didier Rambaud applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en mars dernier, le Président de la République annonçait une France « en guerre ». Aujourd’hui, l’ennemi invisible est moins prégnant, mais toujours menaçant, tandis qu’une bataille reste à gagner : celle de l’emploi. Elle en cache d’autres : la bataille de la justice sociale et la bataille des territoires.

Le Premier ministre l’a rappelé ce matin, la crise de la covid a accentué certaines fractures au sein de notre modèle économique et social.

L’urgence sanitaire demeure, et une deuxième vague est possible dans notre pays. C’est dans ce contexte sanitaire incertain qu’il nous faut relancer l’économie dans les prochains mois. L’équation n’est pas facile : l’incertitude affecte l’indice de confiance du côté tant des ménages que des entreprises. Aussi, le succès de la relance sera conditionné à la capacité de l’exécutif de dynamiser en même temps l’emploi, l’investissement et la consommation.

À ce stade, les « airbags » jouent leur rôle. Toutes les mesures de soutien mises en place par le Gouvernement aident notre économie à surmonter le choc du confinement, du moins à court terme.

Regardons le recours au chômage partiel. Il a permis de protéger les ménages en limitant la chute de leurs revenus à 3, 2 % pendant le confinement, alors qu’au même moment le revenu national baissait de près d’un tiers, selon l’Insee. Le soutien au pouvoir d’achat, au travers du dispositif d’activité partielle, a ainsi permis à la consommation des ménages de rebondir plus fortement que prévu : en juin, l’activité économique a déjà comblé près des trois cinquièmes de l’écart qui la séparait, au pic du confinement, de son niveau d’avant la crise.

Pour autant, l’épargne reste forte, trop forte. Chiffrée à près de 80 milliards d’euros début juillet, elle oblitère le potentiel de consommation. Il faut donc absolument la déconfiner, afin qu’elle ne se transforme pas en épargne de précaution. Des mesures doivent mises en œuvre pour en flécher une partie vers la consommation et l’investissement. L’article 4 du projet de loi de finances rectificative sur le déblocage de l’épargne retraite est un bon début…

Quant aux outils de soutien à la liquidité des entreprises, ils ont également fait leurs preuves. Avec 105 milliards d’euros de prêts garantis par l’État, la France est le pays européen dans lequel cette forme de soutien a été la plus fortement mobilisée ! Ce volume important a certainement contribué à repousser le risque d’une grande vague de faillites, en permettant aux entreprises d’étaler l’incidence du confinement.

Cependant, comment contenir les plans sociaux qui pourraient se présenter dès l’automne ? Le Président de la République l’a plusieurs fois déclaré : « La rentrée sera difficile. »

En effet, en dépit de ces mesures de soutien, les pertes de revenus des entreprises restent très importantes : 54 milliards d’euros entre les mois de mars et de juillet. Une demande insuffisante, je l’ai dit, et la contraction de l’économie mondiale vont durablement peser sur l’activité.

Soyons réalistes : pour faire face à cette récession sans précédent et afin que les difficultés conjoncturelles ne se transforment pas en crise durable, la France devra consentir un effort public soutenu et encore plus important. C’est l’objet de ce troisième projet de loi de finances rectificative, qui, tout en assurant la continuité des mesures précédentes, a le mérite de cibler les secteurs les plus touchés.

Comme on le sait, les conséquences du confinement sont dramatiques sur l’aéronautique, le tourisme et la culture. Par rapport à d’autres pays européens, nous sommes là face à une vraie difficulté, car les avantages comparatifs de la France se situent dans des secteurs structurellement plus exposés aux effets de la fermeture des économies mondiales. Alors, comme l’a souligné avec pertinence la commission des finances, ce soutien sera-t-il suffisant au regard des enjeux que représentent ces secteurs, dont le poids est fondamental pour notre économie et l’équilibre de nos territoires ?

La dégringolade, au fil des budgets rectificatifs, de la prévision de croissance pour 2020 témoigne de la spécificité française. Alors qu’elle était initialement fixée à -1 % du PIB, le Gouvernement l’estime désormais à -11 %, ce qui fait de la France un des pays les plus touchés, avec l’Italie, au sein de la zone euro.

Nous connaissons les conséquences implacables de cette contraction : une hausse massive du déficit conjoncturel par rapport aux projections de la loi de finances initiale, soit une baisse de 7, 1 points de PIB, une dette publique qui pourrait atteindre les 121 % d’ici à la fin de l’année. Ces chiffres nous auraient horrifiés il y a seulement quelques mois. Mais, partout au sein de la zone euro, la ligne rouge a été franchie dans un contexte – je le rappelle – où la règle européenne qui fixe le niveau d’endettement à 60 % du PIB maximum est devenue obsolète.

Le risque d’effondrement économique a pris l’avantage sur la question de la dette et la sacro-sainte orthodoxie budgétaire. Pouvons-nous faire autrement ? Je ne le crois pas et mon groupe vous soutient, monsieur le ministre, dans cette direction, pourvu qu’elle soit provisoire.

Mais dans cette entreprise de remobilisation économique, nous avons besoin de tous les leviers. Je pense aux collectivités locales qui n’ont pas ménagé leur peine pour prendre le relais de l’État à bien des égards, quand celui-ci s’est parfois révélé insuffisant, voire défaillant. Le projet de loi de finances rectificative les met à contribution en leur permettant de soutenir les TPE et PME, notamment au travers du dégrèvement exceptionnel de cotisation foncière des entreprises (CFE). Soyons cependant vigilants quant à la compensation de leurs recettes fiscales, car nos collectivités locales vont jouer un rôle fort d’amortisseur social dans les mois qui viennent, ce qui implique le maintien de leurs moyens budgétaires.

Monsieur le ministre, vous le savez, les régions s’inquiètent du projet de baisse de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, même si l’on peut comprendre le principe d’un allégement des impôts de production.

Mes chers collègues, nous examinons ce projet de loi de finances rectificative alors que se profile déjà un nouveau plan de relance annoncé par le Président de la République, et relayé par le Premier ministre. Doté d’au moins 100 milliards d’euros, un programme de cette ampleur nous permet de mieux envisager l’avenir et de rendre de l’espoir à tous les acteurs économiques. Je pense en particulier aux jeunes : ils doivent entendre autre chose que la promesse d’un horizon de dettes qui s’amoncellent.

Comme vous le savez, ils seront près de 700 000 en septembre à postuler à un emploi ! Le dispositif exceptionnel d’exonération des charges jusqu’à 1, 6 SMIC annoncé me semble tout à fait intéressant et essentiel à l’insertion de la jeunesse qui entre sur un marché du travail en pleine récession. Cependant, peut-être pourrons-nous aller un peu au-delà de ce seuil, de façon à toucher également les diplômés de l’enseignement supérieur. Nous en reparlerons…

Pour finir, je rappellerai l’entier soutien du RDSE au plan de relance européen Next Generation EU, pas seulement parce qu’il pourrait profiter à la France à hauteur de 40 milliards d’euros, mais parce qu’il concrétise un effort de solidarité, au travers d’une forme de mutualisation des dettes, nécessaire à la cohésion de l’Union européenne. Il reste à souhaiter que tous les États membres en soient convaincus pour que ce plan soit rapidement mis sur pied ; nous le souhaitons ardemment.

En attendant, mes chers collègues, nous examinerons avec bienveillance ce troisième budget rectificatif qui, je l’espère, conduira la France sur la voie du redressement.

Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « tout commence par une interruption », dit le vers de Paul Valéry. J’ignore si tel est le cas. Les formules de Paul Valéry sont parfois mystérieuses… En tout cas, tout doit recommencer après une interruption.

Les signaux, pas seulement sanitaires, sont contradictoires de ce point de vue. On annonce une contraction inédite, à moins 11 %, mais aussi des capacités de rebond, soulignées par la Commission européenne, l’Insee, ou encore la Banque de France.

Nous sommes donc à la croisée des chemins. Le mécanisme d’activité partielle, qui a été très robuste dans notre pays, a permis de soutenir l’activité. À titre de comparaison, ce dispositif a concerné, en France, 45 % des salariés percevant jusqu’à 84 % de leurs revenus, et en Allemagne, 27 % des salariés touchant jusqu’à 60 % de leurs revenus.

Dans les 460 milliards d’euros de dépenses, ce mécanisme a joué un rôle très important, et nous savons qu’il était indispensable.

Je retiens principalement cinq points de ce troisième projet de loi de finances rectificative : il recharge les crédits des mesures prises ; il déploie les plans sectoriels de soutien, notamment avec les exonérations de cotisations à hauteur de 4 milliards d’euros et le soutien au petit commerce ; il soutient la jeunesse, en particulier grâce aux primes exceptionnelles à l’embauche des apprentis ; il accompagne les collectivités territoriales en prévoyant jusqu’à 4, 5 milliards d’euros de crédits ; enfin, il protège les plus fragiles d’entre nous, au travers de l’hébergement d’urgence, des aides aux moins de 25 ans, ou encore de la lutte contre le décrochage scolaire.

Au cours du débat qui nous attend, mon groupe s’intéressera à trois principales lignes directrices.

Premièrement, le critère qu’il convient de retenir est non pas le coût ou le caractère budgétaire ou extrabudgétaire des mesures, mais leur efficacité. Certaines d’entre elles, qui n’entraînent pas de déficit, peuvent être très efficaces parce qu’elles fabriquent de la confiance. Il en est ainsi des prêts garantis qui, s’ils ne relèvent pas du budgétaire pur, donnent de la visibilité et permettent de réenclencher un cercle vertueux, et donc une dynamique.

Deuxièmement, essayons d’être cohérents. Comment peut-on se dire soucieux de l’aggravation de la dette pour les générations futures tout en ajoutant, amendement après amendement, des dépenses supplémentaires ? Il faut décider : soit on en fait trop, soit on n’en fait pas assez !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

M. Jean-François Husson. C’est le « en même temps » !

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

J’entends parfois les deux discours en même temps, alors qu’il faudrait plutôt trancher.

Troisièmement, il ne faut pas augmenter pas les impôts. L’un des grands enseignements de Keynes, en effet, est que ce n’est pas le moment, lorsque l’activité est déprimée et que les investissements privés et la consommation baissent, d’augmenter les impôts ou de réduire les dépenses publiques. Cela ne signifie pas que le sujet du financement par l’impôt ne sera pas posé… Mais il nous faudra voir où nous en serons en termes d’activité et d’emploi en 2022 avant de décider ce qu’il convient de faire. Je mets en garde contre des hausses qui déprimeraient davantage l’économie !

Mon groupe a déposé des amendements qui sont, parfois, proches de ceux d’autres groupes. Ils concernent notamment la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), la culture, les outre-mer, les autorités organisatrices de mobilité (AOM), des sujets qui nous préoccupent particulièrement ; nous serons donc particulièrement attentifs aux divers amendements y afférents.

Après ce projet de loi de finances rectificative, qui vise à continuer d’aider dans la riposte, la réponse et l’urgence, viendra le plan de relance annoncé. Dans le bref temps de parole qui m’est imparti, je voudrais poser quatre premiers jalons au sujet de quatre E.

Premièrement, E comme Europe. Le plan annoncé doit évidemment s’articuler avec le plan de relance européen. Je souhaite que l’initiative franco-allemande aboutisse à une réussite européenne, même si ce n’est pas gagné.

Sur ces travées, nous pouvons partager l’envie d’une telle réussite et l’ambition que le plan français soit parfaitement cohérent avec un plan européen qui sera, nous l’espérons, le plus ambitieux possible.

Deuxièmement, E comme écologie. L’urgence écologique et climatique est là. L’écologie doit être un levier de la croissance, et non un frein à la relance. Ce sera l’un des grands principes que nous devrons examiner.

Troisièmement, E comme entreprises. C’est par la croissance et le développement de celles-ci que nous pourrons financer les dépenses engagées. La croissance des entreprises et de l’emploi permettra en effet de financer les dettes qui se sont accumulées, mais qu’il était indispensable de contracter face à cette crise inédite.

Quatrièmement, E comme éducation, combinée à la formation. Cela a été dit, la jeunesse doit être au cœur de la reconquête : c’est indispensable, et nous le lui devons. Nous aurons l’occasion d’en reparler tous ensemble.

Cela étant, mon groupe soutiendra ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.

M. Thani Mohamed Soilihi remplace M. Philippe Dallier au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons déjà voté deux projets de loi de finances rectificative et plus de 460 milliards d’euros de mesures sectorielles depuis le début de l’épidémie.

Nous n’avons pas rechigné à vous soutenir, mais, cette fois, permettez-moi de vous dire que ce projet de loi de finances rectificative n’est pas à la hauteur de la grave crise économique dans laquelle vous nous avez plongés avec le confinement.

Les prévisions de croissance pour 2020 annoncent une chute de 11 % du PIB et une perte de 1 million d’emplois, et nous en sommes toujours à discuter de 43 milliards d’euros supplémentaires. En Allemagne, le gouvernement fédéral a injecté près de 130 milliards d’euros, soit une ambition trois fois supérieure à la nôtre !

Je rappelle tout de même que le présent projet de loi fait exploser notre déficit de 11, 4 % et porte notre dette publique à 120 % du PIB. C’est un poids colossal que nous devrons assumer et que nous faisons déjà supporter par les générations futures. Certes, cette crise économique est due à la crise du coronavirus, que vous n’avez pas su gérer, mais elle aussi le résultat de vos choix politiques et économiques des dernières décennies.

Avec 8 milliards d’euros pour le fonds de solidarité, votre projet manque à l’évidence d’ambition pour soutenir les TPE et PME. On ne peut pas cantonner les exonérations de charges aux entreprises contraintes à une fermeture administrative. Il faut élargir le périmètre aux sous-traitants et aux fournisseurs pendant la durée nécessaire à la reprise d’une activité normale, c’est-à-dire identique aux mois précédents, compte tenu du confinement.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

À la rentrée, le chômage des jeunes va exploser : 50 000 apprentis sont menacés d’ici au 1er septembre, et 800 000 jeunes arriveront sur le marché du travail à la même période. La baisse des taxes pour l’embauche des jeunes, si elle se produit, ne suffira pas à absorber un tel choc.

Il est temps de revoir l’efficacité décisionnelle de nos politiques en consacrant le principe de subsidiarité, en supprimant les échelons de décision inutiles, comme les agences régionales de santé (ARS), qui ont fait preuve de leur inefficacité, le Conseil économique, social et environnemental (CESE), les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER), et certaines intercommunalités qui coûtent tant et rapportent si peu.

Il faut s’affranchir du carcan européen, qui a brillé par son inaction durant la crise sanitaire. En parallèle, nous dégagerons des moyens financiers, nous baisserons la dépense publique inutile et nous pourrons redonner une autonomie financière aux communes qui se sont tant battues, et souvent seules.

Par ailleurs, le soutien aux entreprises par le recours au chômage partiel et les 31 milliards d’euros qui sont prévus est une bonne chose, car protéger les entreprises, c’est protéger les salariés. Cependant, le parquet de Paris a annoncé qu’il enquêtait sur des escroqueries massives. Votre ministère doit impérativement border le dispositif pour éviter la fraude, monsieur le ministre.

Nous sommes en récession en raison de votre impréparation et de votre incompétence durant la crise du coronavirus. Ce ne sont pas le discours de politique générale de ce matin, qui ressemblait à un réquisitoire contre la politique appliquée – ou plutôt infligée – par le précédent gouvernement, et ce projet de loi de finances rectificative manquant d’ambition, qui changeront quoi que ce soit à la situation catastrophique dans laquelle vous avez plongé le pays !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, PLFR 1, puis 2, puis 3, en attendant le quatrième… Les textes devaient s’enchaîner pour tenter de contenir les effets de la crise, qui s’annonce très profonde, mais, souhaitons-le, avec un rebond substantiel possible dès 2021, à la condition sine qua non de prendre les bonnes décisions en temps et en heure.

Parmi les questions que nous devons nous poser au moment d’examiner ce texte, celle du tempo des mesures est au moins aussi importante que celle du contenu.

Le Gouvernement avait qualifié les deux premiers textes « d’urgence », « de sauvegarde », et celui-ci de « résilience »… Mais ce troisième projet de loi de finances rectificative aurait pu être – rien ne vous en empêchait –, outre un plan de soutien complémentaire aux secteurs les plus en difficulté de notre économie, le grand plan de relance annoncé en fait depuis mars, dont les mesures, si elles avaient été adoptées en juillet, auraient pu être opérationnelles à la rentrée, au moment notamment où 700 000 jeunes arriveront sur le marché du travail et où, c’est à craindre, le nombre des défaillances d’entreprises va commencer à augmenter.

Le Gouvernement a fait un autre choix sans que nous en comprenions vraiment les raisons, sauf à considérer que le changement de Premier ministre et le remaniement ministériel ont bouleversé l’agenda. Le Parlement aurait pu travailler trois ou quatre semaines de plus avant la coupure estivale… Mais le texte de la relance ne sera prêt qu’à la fin du mois d’août et ne sera finalement intégré qu’au projet de loi de finances pour 2021, ce qui repoussera de facto la mise en œuvre des mesures décidées au début de l’année prochaine. Ces six mois perdus pourraient, au final, nous coûter très cher.

Avant d’en venir au détail du texte et à nos propositions, je veux, monsieur le ministre, revenir un instant sur la situation de la France d’avant et le tableau qu’en brosse généralement Bruno Le Maire. C’est aujourd’hui notre point de départ, avant la crise.

Le ministre de l’économie, des finances et de la relance met souvent en avant le net recul du chômage, sous les 8 % – c’est exact –, le regain d’intérêt pour l’apprentissage – exact là aussi –, la bonne tenue de l’investissement privé – exact également –, et même la bonne tenue de la consommation des ménages jusqu’en 2019 – exact encore.

Permettez-moi cependant de relativiser ces propos en rappelant simplement quelques chiffres.

Ceux de la croissance, d’abord : 2, 3 % en 2017 ; puis 1, 8 % en 2018 ; enfin, 1, 5 % en 2019. Une belle pente descendante, avec un acquis de croissance de seulement 0, 1 % pour 2020, avant la crise, ce qui est le plus mauvais chiffre depuis 2012.

Ceux du déficit du budget de l’État, ensuite : 67, 6 milliards d’euros en 2017 ; puis 76 milliards d’euros en 2018, et 92, 7 milliards d’euros en 2019, soit une belle pente ascendante. La raison en est simple : aucune réduction du déficit structurel en 2018 et 2019, pas plus que dans la loi de finances initiale pour 2020, donc avant la crise. Quant au déficit prévisionnel pour 2020, il était de 93, 1 milliards d’euros.

J’en viens au déficit public : 3 % du PIB en 2019. Pour la première fois depuis 2011, il est reparti à la hausse.

Quant à la dette publique, elle a frôlé l’an dernier les 100 % du PIB. Nul doute que ce seuil aurait été franchi en 2020 avec une prévision de croissance en berne, faute toujours d’effort structurel.

Alors oui, monsieur le ministre, il y avait quelques points positifs, mais le tableau d’ensemble était plutôt sombre. Surtout, en ces matières-là, il faut se comparer… Et là, pour le coup, la comparaison ne rassure pas, elle inquiète…

Nous avons abordé la crise dans une situation économique et financière bien plus dégradée que la plupart des autres États européens.

En 2019, nous étions en queue de peloton : sur 27, nous étions 23e pour la croissance et l’endettement public, 24e pour le taux de chômage, 26e pour le déficit public. Même avec un taux de chômage de 8, 1 % en février dernier, seules l’Italie, l’Espagne et la Grèce faisaient moins bien que nous.

Avec un taux de croissance de -0, 1 % au quatrième trimestre 2019, seules l’Italie, la Finlande et la Grèce faisaient moins bien que nous.

Avec 98, 1 % de taux d’endettement, seuls la Belgique, le Portugal, l’Italie et la Grèce faisaient moins bien que nous.

Avec un déficit public de 3 % du PIB en 2019, seule la Roumanie faisait pire que nous.

Nous n’avons donc pas appréhendé cette crise avec les mêmes armes que les autres pays européens qui, eux, ont fait des efforts pendant dix ans, ce qui leur permet de mieux aborder la situation.

Monsieur le ministre, vous n’êtes pas entièrement responsable de cette situation. Rappelons cependant que le retour à l’équilibre de nos comptes publics, prévu en 2021, au début du quinquennat, n’est plus qu’un vieux souvenir. Il vous a fallu essayer d’éteindre l’incendie provoqué par la crise des « gilets jaunes ». Voilà pourquoi 2020 s’annonçait déjà comme une année difficile.

Mais maintenant, l’incendie à éteindre est d’une tout autre ampleur et il y a urgence. Nous n’avons pas dix ans devant nous. Voilà pourquoi nous pensons que vous perdez du temps par rapport à nos grands voisins.

M. Le Maire a beau nous dire que l’effort de la France est comparable à celui de l’Allemagne, notre rapporteur général démontre, dans son rapport, qu’il n’en est strictement rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Les mesures de soutien ayant une incidence budgétaire s’élèvent à 2, 6 points de PIB en France, quand elles atteignent 9, 4 points de PIB en Allemagne. Cela traduit bien la faiblesse de nos marges de manœuvre. Ce n’est pas l’envie qui fait défaut ; nous ne pouvons pas faire plus !

Pourtant, au début de la crise, le Président de la République a utilisé l’expression, probablement hasardeuse, « quoi qu’il en coûte ». Et le 14 juillet dernier, il nous a annoncé un plan de relance de 100 milliards d’euros. Mais quand et comment, nous ne le savons pas exactement.

Considérant que notre économie ne peut attendre six mois de plus, mon groupe déposera des amendements sur ce texte, comme notre rapporteur général, au nom de la commission des finances, mais aussi les autres commissions, à commencer par celle des affaires économiques, qui ont travaillé, auditionné, préparé des mesures de relance.

Les sénateurs Les Républicains proposeront ainsi de baisser les impôts de production, afin d’améliorer la compétitivité de nos entreprises et de favoriser la relocalisation d’activité autant que faire se peut.

Nous vous proposerons de commencer par la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), promise depuis si longtemps par le Président de la République – l’actuel comme l’ancien, d’ailleurs ; vous devez vous en souvenir, monsieur le ministre ! –, et par la suppression du forfait social pour les PME et les ETI.

Nous proposerons également de baisser les charges sociales, pour diminuer le coût du travail et lutter contre le chômage, en soutenant l’emploi des jeunes et la création d’entreprise par les demandeurs d’emploi.

Nous proposerons de doper les investissements dans le capital des entreprises. La plupart d’entre elles sont aujourd’hui fragilisées et la question de leur solvabilité va être essentielle. Leurs besoins en fonds propres sont estimés entre 10 et 30 milliards d’euros par la Banque de France, un montant considérable.

Les chiffres sont éloquents : l’effondrement des recettes fiscales de 66 milliards d’euros sera dû, pour moitié, à l’effondrement des bénéfices des entreprises, avec une perte estimée, pour 2020, à 32, 4 milliards d’euros de recettes d’impôt sur les sociétés. La chute de la consommation, avec 19, 8 milliards de baisse des recettes de TVA, ne vient qu’en second. Les revenus des ménages n’ont diminué, pour leur part, si j’ose dire, que de 6 milliards d’euros.

Nous proposerons aussi de renforcer le soutien à certains secteurs, comme les transports et le logement, des secteurs clés dont dépend aussi le bon fonctionnement de notre économie.

Concernant les transports, les AOM doivent être accompagnées, y compris en Île-de-France, région qui avait été bizarrement oubliée. Même si des avancées ont bien eu lieu à l’Assemblée nationale, elles sont insuffisantes.

Notre rapporteur général vous proposera d’aller plus loin, afin que la région capitale, où la qualité des transports en commun est vitale pour nos entreprises et où les besoins sont – c’est le moins que l’on puisse dire – considérables, ne soit pas laissée pour compte.

Quant au logement, si l’accent est mis sur la rénovation thermique de l’existant – sujet certes important –, nous n’avons pas vraiment le sentiment que tout soit fait pour soutenir la construction neuve. Pourtant, les besoins sont, là aussi, réels. Les emplois concernés sont non délocalisables et la chute du nombre de logements construits, tant dans le parc privé que dans le logement social, ne pourra qu’alimenter la fournaise des prix, que nous n’arrivons toujours pas à enrayer.

Toujours en matière de logement, je ne résiste pas à l’envie de vous demander, monsieur le ministre, des nouvelles de la réforme des aides personnalisées au logement (APL), dont l’entrée en vigueur a été repoussée, pour des raisons d’abord techniques, puis d’opportunité politique, en lien avec la crise. Est-elle donc, oui ou non, définitivement abandonnée pour 2020 ?

Si oui, ce que je crois, pourquoi n’en tirez-vous aucune conséquence budgétaire, puisqu’il manquera alors vraisemblablement près de 1 milliard d’euros pour le Fonds national d’aide au logement (FNAL) ? Après l’examen de ce projet de loi de finances rectificative, le déficit budgétaire atteindra probablement 224 milliards d’euros, donc 1 milliard d’euros de plus ou de moins correspond, si j’ose dire, à une toute petite épaisseur du trait… Mettez au moins les pendules à l’heure dans ce domaine !

Par ailleurs, nous proposerons d’encourager l’investissement public, soutenu principalement par les collectivités territoriales, en reprenant la mesure sur le Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), qui avait été efficace dans le cadre du plan de relance de 2009. Cette disposition avait d’ailleurs été reconduite plusieurs années de suite.

Nous soutiendrons également des mesures favorisant la transition énergétique, notre conviction étant que le rebond passera aussi par la croissance écologique et non par la décroissance verte, comme l’a très justement souligné M. le Premier ministre.

Enfin, nous proposerons de soutenir la consommation, qui a fortement chuté, au travers de mesures visant à libérer l’épargne des Français, qui s’est accumulée pendant le confinement. Les estimations varient entre 75 milliards et 100 milliards d’euros, c’est considérable !

Toutefois, la relance de la consommation des ménages dépendra aussi de la confiance des Français, qui repose sur plusieurs éléments : le maintien des filets sociaux de sécurité, mais aussi la stabilité fiscale promise par le Président de la République. De ce point de vue, nous regrettons les propos contradictoires qui sont exprimés à ce sujet au sein de votre majorité, monsieur le ministre.

Ainsi, le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, pourtant réputé proche du Président de la République, a laissé entendre qu’il faudrait davantage taxer les premiers de cordée, ceux-là mêmes sur lesquels la fiscalité est déjà hyperconcentrée, puisque – je le rappelle –, en France, 20 % des ménages paient 85 % de l’impôt sur le revenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

De même, le Président de la République a laissé entendre, lors de son entretien du 14 juillet dernier, que la suppression de la taxe d’habitation pour les 20 % de ménages les plus aisés serait sans doute reportée ; mais reportée comment et de combien de temps ? Nul ne sait et Mme Gourault était, ce matin, à la télévision, bien en peine d’expliquer ce qu’il en est…

Nous étions opposés à la suppression de la taxe d’habitation, qui coûte très cher à l’État – 17 milliards d’euros par an – et qui va couper le lien fiscal entre, grosso modo, la moitié des habitants et leur commune, mais, dès lors que sa suppression sera effective d’ici à quelques mois, elle doit l’être pour tout le monde ; le Conseil constitutionnel l’a préconisé, pour ne pas dire imposé. Vous n’avez donc pas d’autre choix que de pousser cette réforme à son terme.

Cela dit, toutes les mesures que nous proposerons en matière de reprise économique ne peuvent pas figurer dans une loi de finances, car certaines d’entre elles seraient déclarées irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution. Je souhaite donc vous faire part de quelques idées, qui pourraient utilement être reprises par le Gouvernement, monsieur le ministre.

En ce qui concerne la relance verte, et pour soutenir la filière automobile, nous vous proposons d’augmenter le bonus écologique en supprimant les conditions de ressources pour l’attribution de la prime à la conversion en faveur d’un véhicule propre. Nous souhaiterions également que le bonus écologique soit élargi aux véhicules électriques ou à hydrogène d’occasion et que la prime à la conversion soit rétablie dans sa version antérieure au mois de juillet 2019.

En matière de soutien à nos agriculteurs, qui ont également souffert de la crise, nous prônons la mise en place d’une aide compensant 50 % de leurs pertes d’exploitation s’ils ont subi une baisse de leur chiffre d’affaires supérieure à 30 %.

Pour qui concerne le soutien à l’emploi des jeunes, dont 700 000 arriveront prochainement sur le marché du travail, nous ferons plusieurs propositions, mais nous demandons également au Gouvernement d’étendre aux entreprises de plus de 250 salariés son aide majorée pour l’apprentissage.

Quant au soutien aux demandeurs d’emploi, nous demandons que soit abaissé de 1 000 à 500 le seuil au-delà duquel une entreprise doit offrir un congé de reclassement à ses salariés en cours de licenciement et nous souhaitons que ce mécanisme soit étendu à au moins une année. Cette mesure pourrait être utilement combinée avec le dispositif de chômage partiel de longue durée.

Toutes ces mesures de relance ont bien évidemment un coût, nous en sommes conscients, mais nous n’avons pas changé de discours : pour les financer, en partie seulement, bien évidemment, il faudra faire des réformes structurelles et dégager des économies. Il faudra simplifier les normes et les multiples procédures – nous le répétons depuis assez longtemps ; la crise a mis cette nécessité en exergue, les collectivités locales ayant montré qu’elles étaient plus réactives et efficaces que l’État, qui est trop centralisé et bureaucratique.

Il faudra enfin avoir le courage de supprimer les doublons dans notre organisation territoriale, d’achever la décentralisation et de diminuer le nombre d’agences de l’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Malheureusement, le temps est devenu très court et nous allons devoir réformer en pleine crise. Comme François Hollande, Emmanuel Macron n’a eu de cesse de repousser les efforts à plus tard, et voilà que nous allons devoir faire ces réformes structurelles au moment où ce sera le plus difficile.

Selon les prévisions de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) du 10 juin dernier, la France connaîtra, en 2020, la récession la plus forte au monde, avec le Royaume-Uni ; il faudrait d’ailleurs pouvoir distinguer, pour ce pays, ce qui relève des conséquences du Brexit et ce qui relève de la crise.

Une récession de 11 % – c’est le chiffre retenu dans ce collectif budgétaire –, cela signifie une perte de 267 milliards d’euros. Cette baisse est à comparer avec celle de 2, 9 % en 2009 ; le choc de cette crise sera donc trois fois supérieur à celui de la crise de 2008. Le taux de dépenses publiques passera ainsi mécaniquement de 54 % à 63 %, un niveau jamais atteint.

Pour financer tout cela, nous n’avons pas d’autre moyen, dans un premier temps, que de laisser filer le déficit et la dette, qui atteindra 120 % du PIB. Néanmoins, il faut avoir le courage de le dire aux Français, cette dette, il faudra la rembourser et je terminerai mon intervention sur ce point. Il circule une idée : cantonner cette dette dans un coin, la planquer sous le tapis et faire comme si elle n’existait pas, comme on a fait pour la dette sociale avec la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. Philippe Dallier. On vient d’en reprendre pour dix ans avec la Cades et le ministre de l’économie nous propose même de la proroger jusqu’en 2042, pour y loger les 100 milliards d’euros de la dette dite « covid ». Appelez cette dette comme vous le voulez, monsieur le ministre, logez-la où vous voulez, mais ayons tous le courage de dire aux Français qu’il faudra bien la rembourser, qu’il faut faire les efforts nécessaires.

M. Stéphane Piednoir approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Alors, disons-le collectivement, c’est le meilleur moyen d’entraîner le pays tout entier.

C’est dans cet esprit que le groupe Les Républicains aborde l’examen de ce texte ; il adoptera ce projet de loi de finances rectificative tel que modifié par la Haute Assemblée.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. le rapporteur général de la commission des finances et Mme Nathalie Goulet applaudissent également.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà réunis, avant la trêve estivale, pour évoquer le quatrième budget pour l’année 2020.

Cette situation est – chacun le mesure – extrêmement atypique ; nous sommes amenés à examiner un texte présentant un déficit de plus de 11 % du PIB et une dette de plus de 120 % du PIB. Mes chers collègues, nous aurions tous été horrifiés, si l’on nous avait annoncé cela au mois de décembre dernier, lors de l’examen du projet de loi de finances initial pour 2020 ; pourtant, nous en sommes là…

Je note la nature très ambivalente de ce texte, qui n’est ni pleinement un plan d’urgence ni véritablement un plan de relance. En soi, le contenu du texte n’est pas mauvais, il convient de le dire, mais un effort de transparence et de clarté serait nécessaire, pour ne pas additionner, comme l’on dit chez moi, des carottes et des navets, des baisses de recettes et des dépenses annuelles ou globalisées sur plusieurs exercices, des prêts garantis par l’État – lesquels, nous l’espérons, ne seront pas toujours appelés –, ou encore des reports de charges… Autant de décisions qui ont des effets directs sur le budget de l’État, mais également sur les dépenses de sécurité sociale et de retraite, en raison d’exonérations non compensées de cotisations.

J’observe, par ailleurs, que de nombreux crédits sont ouverts pour traiter des conséquences de la crise sanitaire et économique que nous connaissons.

Toutefois, le groupe socialiste et républicain du Sénat ne peut que déplorer le manque d’ambition de ce projet de loi. Le parti socialiste et ses deux groupes parlementaires, à l’Assemblée nationale et au Sénat, ont produit un plan de relance, présenté à la presse le 9 juin dernier. Ce plan identifiait ce que nous considérons comme des manques flagrants dans l’action du Gouvernement. Nous pensons qu’il faut aller plus loin dans le soutien à certains secteurs et dans le rééquilibrage de l’économie, tant sur le volet social que sur le volet environnemental.

Des quarante-cinq propositions que nous avons formulées à cette occasion, nous avons introduit dans notre débat, par le biais d’amendements, toutes les mesures qui pourraient trouver leur place dans le présent projet de loi de finances rectificative.

Nous voulons ouvrir cette discussion, qui nous semble d’autant plus nécessaire que le Gouvernement tarde à mettre en œuvre un vrai plan de relance et qu’il multiplie certaines annonces contradictoires : y aura-t-il un projet de loi de finances rectificative ou un projet de loi ordinaire ? À quelle échéance ? Nous souhaiterions des engagements fermes à ce sujet, monsieur le ministre ; le Premier ministre a évoqué, dans son discours de politique générale, le début du mois de septembre.

Parce qu’il n’est pas possible d’évoquer l’ensemble des sujets qui mériteraient de l’être lors de la discussion générale, je veux aborder les quatre points qui me semblent les plus importants ou qui, à tout le moins, appellent l’attention du groupe socialiste et républicain. Mon collègue Patrice Joly reviendra précisément sur certains sujets lors de son intervention.

Je pense, en premier lieu, au financement de l’action publique. Au travers des récents projets de loi organique et de loi relatifs à la dette sociale et à l’autonomie, vous avez créé, de facto, un nouvel impôt, en prolongeant de neuf ans la durée d’existence de la Cades. Vous pouvez bien le nier, cela n’en demeure pas moins la stricte vérité. Comble de l’ironie, vous n’assumerez même pas ce nouvel impôt, qui interviendra à partir de 2024.

Ainsi, chaque Français, y compris parmi les plus modestes, sera mis à contribution sans qu’aucune progressivité soit prévue. Nous demandons, une nouvelle fois, davantage de justice sociale et fiscale et nous vous proposerons des mesures allant dans ce sens : rétablissement de l’ISF, suppression de la flat tax, réintroduction de la taxe sur les hauts salaires, contribution exceptionnelle des encours d’assurance vie les plus élevés, renforcement de la taxe sur les transactions financières et sur les dividendes. Vous avez l’embarras du choix, alors que nos recettes nettes devraient fléchir fortement – environ 66 milliards d’euros – entre la loi de finances initiale et ce troisième projet de loi de finances rectificative.

Cela permettrait d’avancer sur un chemin nouveau – non un « nouveau chemin » – socialement plus juste, alors que, aujourd’hui, en exemptant les plus riches au détriment de nos enfants et de nos petits-enfants, vous faites le choix de l’irresponsabilité du « quoi qu’il en coûte », financé par de la dette.

Deuxième point : la culture, au sens le plus large du terme. Nous avons le sentiment que le Gouvernement ne prend pas véritablement la mesure de la gravité de la crise que traverse ce secteur. Nous proposerons, au lieu d’une multitude de petits amendements très spécifiques, la mise en place d’un plan global de sauvegarde et de relance de la vie culturelle dans notre pays. C’est indispensable et très complémentaire d’une politique touristique.

Troisième point, qui doit absolument être musclé : la transition environnementale. Il s’agit non pas de contraindre un tissu économique en souffrance, mais de préparer l’économie de demain, en instaurant des mécanismes de fléchage des fonds et de conditionnalité de certaines aides. La majorité présidentielle a introduit, à l’Assemblée nationale, un amendement en la matière, mais nous estimons qu’il faut aller au-delà du vœu pieux et trouver un équilibre entre incitation et obligation ; ce n’est pas le cas, à ce stade. Il faut faire de cette crise un atout pour transformer notre économie, d’autant que certains investissements d’avenir ne sont pas délocalisables ; nous défendrons plusieurs amendements en ce sens.

Quatrième point : les collectivités territoriales. Nous devons garantir le niveau de ressources de celles-ci, car c’est dans les territoires, avec l’appui des élus locaux, que nous pourrons disposer des leviers les plus efficaces pour relancer les systèmes productifs locaux. En effet, les choix successifs en matière de fiscalité locale conduisent à une disparition de l’autonomie fiscale, comme en témoigne l’annonce du projet de suppression des impôts de production, comme la CVAE, perçue par les collectivités territoriales, notamment les régions. Certes, cette suppression devrait être compensée, mais nous doutons d’une évolution positive des compensations, qui, en règle générale, au mieux, stagnent et, au pire, diminuent, alors que l’on demande toujours plus aux collectivités territoriales.

Je veux insister, enfin, sur les AOM, qui devront jouer un rôle fondamental dans la sortie de cette crise, tant les transports ont été, on le voit, affectés et remis en cause. C’est dans cette perspective que nous avons souhaité garantir leur niveau de ressources et favoriser une réflexion et l’engagement d’une action publique résolument dynamique en matière de transports urbains au sens large, mais aussi de mobilités urbaines, avec l’effort désormais incontestable en matière de circulations dites « douces ».

J’aurais pu aborder de nombreux autres points, comme la recherche, l’enseignement supérieur, l’emploi, la lutte contre le chômage des jeunes qui vont arriver sur le marché du travail, ou encore l’agriculture et l’alimentation, mais nous aurons l’occasion d’y revenir.

Voilà, en quelques mots, mes chers collègues, l’état d’esprit dans lequel nous abordons ce texte. Vous l’aurez compris, le vote du groupe socialiste et républicain dépendra du sort réservé à ses propositions.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de budget rectificatif en budget rectificatif, la situation se dégrade. Nous sommes passés, du budget initial pour l’année 2020 à ce projet de loi de finances rectificative, d’une prévision de croissance de 1, 3 % à une prévision de récession de 11 %.

Face à une telle évolution, il m’eût semblé normal que l’on révise aussi les dépenses pour l’année 2020. Dans toutes les communes, dans toutes les collectivités, mais également dans tout ménage et dans toute entreprise, quand les recettes baissent significativement, on revoit ses dépenses. J’ai été très surpris, monsieur le ministre, que, dans les budgets rectificatifs que vous nous avez présentés, qu’il s’agisse d’urgence ou de soutien, il n’y ait aucun gel, aucun report, aucune annulation de dépenses. Nous avons entendu le Président de la République indiquer que l’on allait reporter la suppression de la taxe d’habitation pour les 20 % restants des ménages, mais, en matière de report ou d’annulation de dépense : néant. C’est une logique budgétaire que je ne peux pas suivre.

Vous nous présentez un troisième projet de loi de finances rectificative comportant deux fois plus de dépenses que de recettes. J’y insiste, il faut que les Français aient bien conscience de cet équilibre. Pour moi, c’est difficile à accepter.

Nous avons une autre priorité, au sein du groupe Union Centriste – ma collègue Nathalie Goulet, ici présente, est souvent intervenue sur ce sujet : la fraude fiscale et sociale. Ce qui s’est passé avec le chômage partiel ne nous rassure vraiment pas ; ce qui a été demandé aux entreprises, pour pouvoir bénéficier de ce dispositif, était vraiment le strict minimum, et encore… J’espère que ce combat contre la fraude fiscale et sociale sera poursuivi, y compris pour ce qui concerne le chômage partiel.

Cela dit, la question que l’on peut se poser, après tout ce que nous avons vécu, est la suivante : qui va payer ? J’ai écouté attentivement le Président de la République et le Premier ministre, mais personne n’a répondu à cette question. En deux ans – 2020 et 2021 –, le pays aura perdu 350 milliards d’euros ; parallèlement, les Français, dans leur ensemble, ont épargné 100 milliards d’euros supplémentaires.

Finalement, ceux qui ont payé, pour l’instant, ce sont certains commerçants, certains artisans, certains indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Mais ce n’est pas le gros de la troupe, cela représente à peu près 10 % des Français.

Certains, à ma gauche, prônent le rétablissement de l’ISF, pour faire payer les riches.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Pas le rétablissement de l’ISF, un nouvel impôt, vous n’avez pas bien écouté, mon cher collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Soit, un nouvel impôt, monsieur le président, mais l’ISF rapportait 4, 2 milliards d’euros et l’IFI rapporte presque 2 milliards d’euros. Donc, en admettant que l’on rétablisse cet impôt ou que l’on en crée un nouveau, cela rapportera 2 milliards ou 3 milliards d’euros supplémentaires. Vous le constatez, on est loin de la perte de richesse de 350 milliards d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Nous n’avons jamais prétendu que cela réglerait tout le problème, mais ce n’est pas une raison pour ne pas le faire !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Bref, c’est hors de proportion…

Malheureusement, je pense que, comme d’habitude, notre génération n’assumera pas ses choix, ses décisions et les malheurs qu’elle subit. Nous transférerons cette charge sur les générations futures. Personnellement, je ne peux pas assumer ce transfert de charges.

Alors, que nous dit-on ? Que l’on va enregistrer la dette dans un compte spécial et que la croissance future permettra de la financer. Mais je crois, monsieur le ministre, qu’il faut mettre fin à ce rêve d’une croissance perpétuelle. On nous refait chaque fois le coup ; on nous dit de ne pas nous inquiéter, que les choses iront mieux et que nous aurons, dans quelque temps, de la croissance qui nous permettra d’avoir des recettes supplémentaires. Il faut être réaliste ; or la réalité, c’est que nous vivons sans doute une époque dans laquelle la croissance sera bien inférieure à ce qu’elle a pu être dans le passé. Il faut bâtir des stratégies budgétaires qui en tiennent compte.

Enfin, j’aimerais que nous nous attelions tous à une réflexion : la croissance que nous souhaitons est-elle compatible avec la lutte contre le réchauffement climatique, qui est la priorité de tous ? Si l’on écoute bien chacun, cette lutte est consensuelle. Or il y a, à mon avis, un problème de compatibilité entre une croissance perpétuelle, souhaitable dans l’absolu du point de vue budgétaire, et cette lutte nécessaire contre le réchauffement climatique.

Je souhaite donc qu’il y ait, monsieur le ministre, plus de clarté, de transparence et de vérité, afin de déterminer qui va payer le coût de cette crise et quand.

Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et Les Indépendants.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Deromedi

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il était temps qu’un projet de loi de finances rectificative prévoie enfin des crédits et engagements pour nos compatriotes français de l’étranger, qui subissent de plein fouet la crise pandémique.

Lorsque l’on est expatrié, on est étranger dans le pays d’accueil, et, en tant que tel, on a, à la fois, peu de droits et le devoir de respecter les règles du pays d’accueil. S’il y a des licenciements, ce sont les étrangers qui voient leurs contrats interrompus, sans indemnités ; ils doivent pourtant continuer de faire vivre leur famille.

Les membres de certains couples français ont tous les deux perdu leur emploi. Ils ne veulent pas rentrer pour autant, mais il leur faut du temps pour retrouver un emploi et faire face à leurs dépenses. De plus, dans beaucoup de pays, les permis de séjour sont liés aux contrats de travail.

Le plan de soutien prévoyait un dispositif de 50 millions d’euros de crédits, destiné à aider nos compatriotes les plus démunis touchés par la crise. Deux mois après l’annonce de cette aide exceptionnelle, seulement 2 700 de nos compatriotes ont pu bénéficier de cette aide, totalisant à peine 390 000 euros, soit moins de 1 % de l’enveloppe destinée à soutenir les Français de l’étranger en grande difficulté.

Serait-ce parce que, finalement, ces Français résidant hors de France vont mieux ? Pas du tout, mais les critères d’attribution de ces aides sont opaques et mal connus. Ils ne font pas l’objet d’un texte réglementaire ; nul ne comprend pourquoi tant de personnes ne sont pas éligibles à ces subventions, alors qu’elles se retrouvent, brutalement, totalement démunies.

Les dossiers sont étudiés par les postes diplomatiques, dont la compétence n’est pas remise en cause, mais qui n’ont pas toujours une parfaite connaissance de la situation individuelle des personnes en difficulté. Or les conseillers des Français de l’étranger, qui, eux, connaissent cette situation, ne sont pas consultés.

Si le pays de résidence accorde une aide, comme à Madagascar, où les étrangers perçoivent une aide de 23 euros, les demandeurs ne sont plus éligibles à l’aide exceptionnelle. En outre, même lorsque toutes les conditions sont remplies, le montant accordé est ridiculement bas, puisqu’il s’élève à 150 euros au maximum, plus 100 euros par enfant.

Les conseillers des Français de l’étranger nous font part de leur totale incompréhension face à l’obligation de ne verser cette aide qu’une seule fois, alors que, chacun en convient et l’annonce, la crise sera longue. En tout état de cause, cette aide est totalement sous-dimensionnée par rapport aux besoins.

Il faut établir, de toute urgence, des critères adaptés, qui tiennent compte des problèmes individuels de chacun et qui permettent de payer le loyer, la scolarité et les frais de la vie quotidienne pendant au moins six mois, quitte à ce qu’il s’agisse d’un prêt remboursable. Il faut donner la possibilité d’utiliser cette subvention, à moins qu’elle ne soit qu’un leurre…

Les Français qui ont créé de petites entreprises à l’étranger connaissent également des difficultés. M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État, avait donné quelques espérances en réponse à ma question d’actualité du 1er juillet. Il avait reconnu des lacunes concernant nos entreprises en déclarant : « Je souhaite mettre en place un volet complémentaire, à destination des entrepreneurs, dont certains ne bénéficient pas d’aides locales ; je suis en train d’y travailler avec mes collègues de Bercy. » Or il n’y a aucun crédit ni aucune mesure pour ces entreprises dans ce troisième PLFR.

Il est urgent de mettre en place un plan de soutien aux entrepreneurs français à l’étranger qui permette à ceux-ci d’obtenir le financement de six mois de trésorerie par des avances remboursables à partir de 2022.

Enfin, en ce qui concerne nos établissements scolaires français à l’étranger, il a été, là encore, prévu une enveloppe de bourses supplémentaires pour faire face aux frais de scolarité, que les parents ne veulent ou ne peuvent pas régler, en particulier du fait de l’enseignement à distance. Malheureusement, les établissements scolaires n’ont pas d’autre choix que de facturer l’intégralité des écolages, déduction faite des frais n’ayant pas été supportés.

Là aussi, l’information n’a pas été correctement diffusée. Les décisions d’octroi sont prises non pas sur place, par les personnes qui connaissent les situations des familles, mais à Paris, et les critères sont également totalement opaques. La plupart des dossiers sont refusés. On va encore nous dire que la totalité de l’enveloppe des bourses n’a pas été consommée, alors que beaucoup de familles ne peuvent pas payer le troisième trimestre et risquent de ne pas réinscrire leurs enfants l’année prochaine. Cela est susceptible de mettre en grande difficulté les établissements eux-mêmes.

Quand on compare les centaines de milliards d’euros distribués en France et en outre-mer aux 220 millions d’euros qui ne seront même pas totalement distribués à l’étranger, on a le droit de s’interroger. En France, c’est « quoi qu’il en coûte ». Nous aimerions qu’il en soit ainsi pour les Français résidant à l’étranger. Il serait regrettable que l’on soit obligé de rapatrier ceux qui n’auront pas réussi à passer la vague, simplement parce qu’ils n’auront pas reçu le soutien ponctuel nécessaire durant cette crise.

Monsieur le ministre, quoi qu’il m’en coûte, je continuerai de me battre pour faire entendre leurs voix, en espérant que, un jour, ils auront la place qu’ils méritent.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Joly

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise sanitaire que nous traversons a des conséquences redoutables sur la vie de nos concitoyens. Des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants se retrouvent aujourd’hui dans des situations de grande précarité et d’insécurité pour leur avenir.

Face à l’urgence sociale, la question de l’examen d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative, prenant en compte l’incidence de la crise sur les comptes sociaux, aurait mérité d’être inscrite à l’ordre du jour du Parlement. Le Gouvernement n’a pas fait ce choix ; il s’est contenté de nous soumettre un troisième projet de loi de finances rectificative en nous martelant deux chiffres : une récession de 11 % et une dette représentant 120 % du PIB en 2020.

Nous écoutons le ministre nous dire, comme il aime à le répéter pour développer son discours sur les finances publiques, que nous nous sommes endettés pour sauver notre économie et que cette « dette covid », nous devrons la rembourser.

Toutefois, je souhaite le rappeler au Gouvernement, c’est lui qui a fait le choix politique d’un financement intégral par le déficit, donc par la dette. D’autres options étaient possibles, car l’on voit bien se dessiner le risque que l’on procède à un dégonflement des dettes publiques par des politiques d’austérité réduisant les dépenses publiques et les politiques sociales. Cela se traduirait nécessairement par une chute de l’activité, donc une baisse des recettes fiscales ; par conséquent, le ratio de la dette par rapport au PIB ne baisserait pas.

C’est au contraire par des ressources fiscales nouvelles qu’il faudrait aborder le sujet de la réduction de la dette, en privilégiant la taxation des hauts revenus, des hauts patrimoines et des entreprises multinationales, ainsi que la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Doit-on évoquer l’actualité et le scandale des 13 milliards d’euros d’avantages fiscaux obtenus par Apple, en Irlande, à cause du laxisme en matière de lutte contre les paradis fiscaux européens ?

Augmenter la fiscalité pesant sur les plus riches, c’est possible. N’avez-vous pas entendu, à l’échelon international, l’appel des Millionnaires pour l’humanité à ce sujet ? Il faut au plus vite rétablir l’ISF ; il faut revenir sur la flat tax, qui plafonne la fiscalité sur les dividendes et assujettir ceux-ci à l’impôt sur le revenu, car rien ne justifie que ce type de revenu fasse l’objet d’un traitement avantageux.

Ce sont autant de pistes que nous aurions aimé voir apparaître dans ce nouveau PLFR. Malheureusement, il n’en est rien. Nous aurons l’occasion d’en débattre au cours de l’examen du texte.

Il faut relancer notre pays par le biais des territoires, de tous les territoires, c’est-à-dire par les territoires urbains, qui ont besoin de logements, de services, d’équipements et d’accompagnement dans la formation et l’emploi. Il s’agit donc de renforcer la politique de la ville. C’est-à-dire aussi par les territoires ruraux. Je ne cesserai de rappeler, dans cet hémicycle et au-delà, que nos territoires ruraux sont une chance et un atout pour l’avenir de notre pays. Ils sont à même d’apporter les solutions aux problèmes que rencontre notre société, par leurs capacités d’accueil, les réseaux, les équipements et les services déjà présents et souvent non saturés. Ils offrent également des réponses alternatives aux phénomènes de concentration, de saturation et de pollution qui touchent les territoires urbains.

À cet égard, nous proposerons de voter le financement d’un nouveau programme, intitulé Villages du futur, pour favoriser le développement des villages constituant des pôles de centralité pour leur territoire et de ceux qui participent au maillage nécessaire pour fournir à la population les équipements, infrastructures et services indispensables.

Je proposerai également de réévaluer la DETR, la dotation d’équipement des territoires ruraux, qui constitue le soutien le plus efficace aux petites communes et participe ainsi indiscutablement à la cohésion des territoires. C’est aussi répondre aux attentes des populations urbaines souhaitant réaliser leur rêve de campagne, comme l’ont montré les flux de population lors du confinement.

Il ne peut y avoir de relance de notre économie sans soutien, via des dispositifs d’exonération fiscale et sociale, à nos zones rurales et aux entreprises qui souhaitent s’y installer et aux services qui y sont implantés. C’est le sens des amendements que nous défendrons, afin de proroger le bénéfice du classement en zones de revitalisation rurale (ZRR) pour les communes sortantes, jusqu’au 31 décembre 2021.

Pour financer les actions à destination de ces territoires, pourquoi ne pas envisager des rural bonds, afin d’orienter l’épargne locale en faveur de l’investissement dans les territoires ruraux ?

Je souhaite poursuivre mon intervention en évoquant deux sujets essentiels, insuffisamment pris en compte dans le projet de loi qui nous est soumis : la jeunesse et la transition écologique.

Il y a urgence à répondre à la détresse des 700 000 jeunes qui arriveront sur le marché de l’emploi dans les prochaines semaines, ainsi qu’à l’angoisse de ceux qui basculent déjà dans la précarité.

Le Président de la République a fait des annonces ce 14 juillet. Nous avons entendu hier et tout à l’heure celles du Premier ministre, que vous avez reprises, monsieur le ministre.

Afin d’être à la hauteur des enjeux, nous vous proposerons d’aller plus loin, en retenant deux dispositifs, une « prime rebond premier emploi », pour toutes les entreprises qui embauchent un jeune, et une « aide rebond premier emploi », à destination des jeunes disposant de faibles ressources et en recherche d’emploi.

En matière d’emploi, chaque jour, les plans sociaux tombent en cascade sur le pays, que ce soit au sein d’Air France, d’Airbus, d’Alstom ou de Sanofi ou d’entreprises plus modestes. Il devient urgent de réconcilier les différents acteurs de l’économie. Pour cela, nous avons besoin d’un nouvel esprit d’entreprise qui amplifie les efforts en faveur de plus de justice sociale, d’écologie et d’emploi. Il revient à l’État de n’accorder son soutien qu’aux entreprises qui poursuivent ces objectifs et qui renoncent à verser des dividendes à leurs actionnaires en 2020.

Sur le plan de la transition écologique, dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle doit être engagée rapidement, elle n’est toujours pas au programme du « monde d’après ». Dans les faits, est-il encore raisonnable de renflouer des multinationales polluantes, en toute opacité, sans contrôle démocratique, sans contraintes ni réelles contreparties exigées de leur part ? On ne peut injecter des dizaines de milliards d’euros dans l’économie et dans les entreprises, sous forme de prêts ou d’aides diverses, sans exiger des garanties pour le maintien de l’emploi et signer des engagements environnementaux forts.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Joly

Enfin, que dire du soutien à nos collectivités locales, qui sont les parents pauvres de ce budget, alors même qu’elles vont subir une perte évaluée à 7, 5 milliards d’euros ?

Je veux évoquer plus particulièrement les départements : après avoir assumé matériellement et financièrement les dispositifs de protection, on leur demande, dans l’urgence, de porter la responsabilité exclusive du financement des primes dont devrait légitimement bénéficier le personnel des Ehpad et des services à domicile. Les départements prennent également en charge l’accompagnement des personnes en difficulté. La réforme de l’assurance chômage fait peser sur eux un risque financier sérieux. De même, l’augmentation importante du nombre de nouveaux demandeurs d’emploi entraînera un accroissement du RSA qu’ils devront assumer. Or, pour l’heure, en matière de soutien concret aux départements, il n’existe essentiellement que des avances, lesquelles ne leur permettront pas de rétablir leurs équilibres financiers.

Dans un récent rapport, le Haut Conseil des finances publiques recommande d’aider les collectivités à accompagner les acteurs locaux sur le terrain. Notre pays a besoin d’un investissement massif pour soutenir les communes, les conseils départementaux et les conseils régionaux dans leurs projets de transition écologique sur divers thèmes – mobilités alternatives, rénovation énergétique des bâtiments publics, agriculture locale de qualité, économie circulaire notamment.

Vous l’aurez compris, ce PLFR porte un plan de soutien inachevé du point de vue économique, social et écologique. C’est pourquoi, mes chers collègues, nous espérons que les solutions que nous vous proposerons lors de nos débats retiendront toute votre attention et bénéficieront de votre soutien.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Guyane vit actuellement une situation unique au sein de la République. C’est le seul territoire français à continuer à être frappé de plein fouet et avec virulence par la pandémie.

Les derniers chiffres, qui sont tombés aujourd’hui, sont très éloquents. Pour une population de 280 000 habitants, on compte 6 393 cas confirmés, avec un R0 oscillant entre 2, 5 et 3, 166 patients hospitalisés, dont 26 en réanimation, 12 évacuations sanitaires vers les Antilles – les lits en réanimation font souvent défaut en Guyane, ce qui nécessite d’évacuer nos malades vers les Antilles – et 34 décès. Et le pic épidémique n’est prévu que pour la fin du mois !

Sur le plan économique, la situation est tout aussi inédite, avec un confinement qui n’a, en fait, jamais cessé depuis le 17 mars. En effet, le déconfinement de juin s’est vite traduit par un confinement ciblé, avec des restrictions sévères, comme la mise en quarantaine de quartiers et de villages ou l’instauration d’un couvre-feu. Les conséquences sont dramatiques : nombreuses disparitions d’entreprises, augmentation du chômage, accentuation de la précarité, recul de l’activité de plus de 25 %…

Aussi, si je salue les mesures déjà prises par le Gouvernement pour compenser les effets de la crise et celles qui sont proposées dans ce PLFR 3 pour les entreprises et les collectivités locales, la situation des collectivités de Guyane appelle une attention particulière, en raison de ce contexte si singulier dans lequel elles continuent d’évoluer. L’état d’urgence sanitaire y a d’ailleurs été prorogé et est toujours en vigueur, comme à Mayotte.

Le Premier ministre, le ministre des solidarités et de la santé et le ministre des outre-mer ont pu s’en rendre compte lors de leur tout récent déplacement en Guyane. Élus locaux, syndicats, collectifs citoyens, socioprofessionnels, tous se sont mobilisés pour leur présenter des demandes légitimes et précises, avec une attente très forte de réponses concrètes et positives. Si certaines de ces demandes peuvent être satisfaites par décret, comme un fléchage des fonds de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) mieux adapté aux réalités des départements et régions d’outre-mer, d’autres sont d’ordre législatif et peuvent déjà entrer dans le champ de ce PLFR 3.

Aussi, je compte sur vous, mes chers collègues, pour soutenir mes amendements, qui se justifient tous par la nécessité d’éviter un scénario catastrophe sur le plan social pour la Guyane.

M. le président de la commission des finances applaudit.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Je veux d’abord remercier tous les intervenants de leurs propos et de leurs propositions. Je ne doute pas que, lors de l’examen des amendements, nous essaierons d’apporter des réponses et de trouver des consensus chaque fois que c’est possible.

Je veux m’arrêter sur quelques points qui ont fait l’objet de questions récurrentes.

Premièrement, pour ce qui concerne l’articulation entre le PLFR 3, le plan de relance et le projet de loi de finances pour 2021, nous avons fait le choix, eu égard au calendrier, de ne pas présenter de PLFR 4. L’examen du troisième PLFR va nous occuper jusqu’à la fin du mois de juillet. Le PLF sera ensuite présenté au conseil des ministres à la fin du mois de septembre prochain, avec des mesures de financement.

Cela ne signifie pas que nous n’avons pas d’autres outils ou d’autres véhicules pour assurer le financement de mesures en 2020. En effet, nous avons la possibilité de redéployer un certain nombre de crédits. Surtout, nous disposons d’un projet de loi de finances rectificative de fin d’exercice, que nous utilisons traditionnellement pour adapter la fin de gestion. Cette dernière sera aussi l’occasion d’augmenter autant que nécessaire les crédits dont nous avons besoin.

Nous veillons à ce que toutes les mesures qui ont été annoncées soient financées. Vous pardonnerez, j’en suis convaincu, mesdames, messieurs les sénateurs, le caractère non pas acrobatique, mais parfois un peu compliqué de ce financement. Nous nous adaptons à la crise, à ses conséquences et nous veillons à ce que les dispositifs qui ont été mis en place soient alimentés, pour qu’ils puissent être financés tout au long de la crise. Nous évoquerons également avec vous, pendant ce débat, le financement des mesures annoncées par le Premier ministre et le Président de la République, sachant que certaines d’entre elles feront l’objet de financements soit dans le cadre de la fin de gestion, soit au moyen de redéploiements.

Je tiens à préciser, notamment pour rassurer celles et ceux qui s’inquiéteraient d’une impossibilité de financer les mesures de relance sur la fin de l’exercice 2020, que les premières mesures mises en œuvre – je pense, par exemple, à la prime pour l’apprentissage – sont contenues dans ce PLFR et pourront donc être financées, mais aussi que nous savons pertinemment que les investissements qui seraient décidés aujourd’hui ne donneront pas lieu à décaissement avant le début de l’année 2021. De cette manière, nous savons que nous pouvons sécuriser les financements des différentes actions.

Deuxièmement, je tiens à revenir sur un certain nombre d’interrogations qui ont pu être exprimées.

M. Dallier, comme lors de l’examen du PLFR 2, a évoqué l’équilibre du Fonds national d’aide au logement. Ainsi que je l’ai indiqué, notre perspective est celle de la réforme des APL. Lorsque nous mettrons en œuvre cette réforme, nous tiendrons compte des conséquences budgétaires qui ont été évoquées à l’occasion de la discussion du PLFR 2 pour honorer les engagements pris et prendre en considération le retard. Le PLFR de fin de gestion nous permettra de procéder à ces corrections. Nous ne le faisons pas à ce stade, considérant qu’il est trop tôt pour prendre de telles dispositions, mais nous travaillons toujours à la mise en œuvre de la réforme des APL.

Je veux également aborder la question des collectivités locales. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen de chacun des articles les concernant, mais je veux souligner le caractère totalement inédit des mesures que nous proposons. À aucun moment de l’histoire récente, les conséquences d’une crise n’ont été compensées auprès des collectivités sous forme de garantie de ressources. La dernière crise systémique que nous ayons connue, celle de 2008-2009, s’était traduite, pour les collectivités, par la possibilité d’anticiper le versement d’une annuité de FCTVA en recettes d’investissement. À aucun moment n’avait été évoquée une compensation des pertes de recettes, qu’elles soient fiscales ou domaniales.

La garantie de recettes sur un niveau moyen calculé sur trois ans que nous mettons en œuvre est donc inédite. Si nous avons retenu cette période de trois ans, c’est à la fois dans un souci de lissage, pour tenir compte de variations qui peuvent être exceptionnelles dans certaines collectivités, mais aussi parce que c’est la durée habituelle pour l’évaluation des transferts de charges, notamment dans le cadre de l’intercommunalité.

Je veux dire à M. le sénateur Menonville que le versement de 1 000 euros minimum ne répond pas à une logique d’aide forfaitaire aux collectivités, puisque nous prenons en charge la différence entre les recettes perçues en 2020 et la moyenne des recettes des trois dernières années. En revanche, l’Assemblée nationale a adopté, avec le soutien du Gouvernement, une mesure selon laquelle ce versement sera au minimum de 1 000 euros pour les collectivités bénéficiaires. Cependant, les collectivités dont les recettes, en 2020, seront égales ou supérieures à la moyenne de celles des trois années précédentes ne seront pas éligibles à un versement. Nous ne pouvons pas admettre la comparaison avec le fonds de solidarité et une forme de versement forfaitaire.

J’entends les demandes de modification des dates butoirs pour les délibérations des collectivités tant pour la CFE que pour certaines exonérations sur des recettes domaniales. Nous aurons l’occasion d’y revenir, mais je le dis d’emblée : nous sommes allés au bout des délais que nous pouvons imposer à la direction générale des finances publiques (DGFiP). En raison de la crise, nous sommes aujourd’hui déjà très en retard par rapport aux délais habituels. Reporter les dates butoirs de délibération mettrait les services des finances publiques dans l’impossibilité de respecter un certain nombre d’étapes à venir. Je pense notamment aux conséquences qu’un report pourrait avoir d’ici à quelques mois sur la production des états 1259, qui sont attendus par les collectivités.

C’est la raison pour laquelle nous communiquons actuellement – nous savons gré au Parlement de nous le pardonner – auprès des élus pour les inciter à délibérer, y compris de manière anticipée par rapport à l’adoption des dispositions par le Parlement. Ce n’est pas une formule totalement classique, j’en conviens bien volontiers, mais c’est la seule que nous ayons trouvée pour permettre aux collectivités de procéder aux délibérations, puis de régulariser celles-ci.

Nombre d’entre vous ont évoqué les départements, considérant qu’il aurait peut-être été préférable que ceux-ci soient accompagnés au moyen non d’une avance remboursable, mais d’une subvention. Nous avons discuté de la formule de l’avance remboursable avec le bureau de l’ADF, avec lequel nous travaillons à la fois sur des sujets extrêmement récurrents, comme le financement des minima sociaux, et sur une forme de clause de retour à bonne fortune. En effet, nous avons aussi en tête que, lors de la dernière crise systémique de 2008-2009, les DMTO avaient diminué de 10 à 11 % la première année et de 25 % la deuxième année, mais qu’ils avaient augmenté de 30 % dès 2010 et de nouveau de 25 % en 2011. Autrement dit, l’inversion des cycles en matière de DMTO peut être extrêmement rapide, ce qui nous amène à considérer que les avances, telles que nous les avons pensées, sont tout à fait opportunes et pertinentes pour répondre aux difficultés des départements.

Je terminerai en évoquant des points plus généraux.

Nous sommes effectivement dans une situation extrêmement particulière, avec une dette qui va atteindre 120 % du PIB et un déficit qui s’élève à 220 milliards d’euros, soit 11 % de celui-ci.

M. le sénateur Delahaye nous dit que nous aurions dû proposer des gels ou des baisses de dépenses. Je note cependant que, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, les propositions en ce sens ne sont pas légion, pour ne pas dire qu’elles sont inexistantes, ce qui est bien normal : il faudrait alors préciser quelles sont les dépenses que l’on diminue…

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Nous avons fait le choix du financement de la dette résultant de la covid par un endettement.

M. le sénateur Joly a plaidé pour le rétablissement d’un certain nombre d’impôts ou pour l’augmentation de la contribution des plus riches, en nous faisant le reproche – il n’y a pas d’autre terme, mais les reproches sont normaux quand l’on débat – d’avoir privilégié le choix du financement des mesures d’urgence et de relance par la dette.

Dès ce stade, nous engageons, indépendamment du plan de relance, plus de 130 milliards d’euros de crédits et nous allons engager une centaine de milliards d’euros pour la relance, dont il faut convenir qu’une partie sera mobilisée par Bpifrance et la Caisse des dépôts et qu’une partie pourra aussi être prise en charge dans le cadre du plan européen. Cela signifie que, si nous avions recours à la fiscalité pour financer ces mesures d’urgence et d’accompagnement, ce n’est pas un choc, mais un tsunami fiscal que subiraient les Français et les entreprises ! Si je suis votre logique, monsieur le sénateur, il faudrait trouver une centaine de milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires, ce qui conduirait à l’asphyxie, à la thrombose du système économique.

Les chocs économiques et fiscaux qu’ont connus les Français à la fois en 2012-2013 et en 2010 nous incitent plutôt à faire le pari de la croissance et au minimum du maintien, voire de la baisse du poids des prélèvements obligatoires sur la production, pour favoriser le retour de la croissance, sur la base des perspectives relativement positives pour l’année prochaine qu’ont tracées l’Insee ou le FMI. Cela nous paraît la meilleure façon de faire, y compris en travaillant sur la question du cantonnement.

C’est ce qui nous amène d’ailleurs – je le dis en écho à ce qu’a dit M. le sénateur Dallier – à considérer qu’un milliard reste un milliard et que, bien qu’extrêmement particulière, la situation, qui nécessite des crédits et un engagement massif pour répondre à la dette, ne doit pas nous détourner de la nécessité d’une forme de rigueur – c’est à dessein que je ne parle pas d’austérité, notre pays ne l’ayant jamais connue. En effet, il convient de veiller à ce que, au-delà des crédits ponctuels engagés pour faire face à la crise, nous soyons les plus proches possible de la trajectoire triennale qui a été fixée et des engagements que nous avons pris. C’est l’une des conditions de la solidité et de la crédibilité de la signature de notre pays sur les marchés financiers.

On peut nous reprocher d’être à leur merci, mais il faut aussi reconnaître que c’est sur les marchés financiers que nous trouvons les financements nécessaires pour répondre à la crise, mais aussi, plus généralement et plus traditionnellement, pour assurer le financement de l’État. Alors que nous empruntons encore aujourd’hui dans des conditions tout à fait favorables, l’une des lignes de conduite que nous devons observer consiste à garantir la crédibilité de cette signature, pour que les choses soient tenables. C’est ce qui nous amène, sur des crédits qui peuvent avoir un caractère récurrent, à nous en tenir à une certaine rigueur. C’est ce qui m’amène désormais, dans les relations que je peux avoir avec mes collègues pour la préparation du PLF pour 2021, à faire preuve de cette même attention à ce que la trajectoire pluriannuelle soit la mieux respectée possible.

Monsieur le sénateur Patient, je veux vous remercier de vos propos et vous dire l’attention du Gouvernement à la situation de la Guyane et, au-delà, de l’outre-mer. Vous avez très justement noté que, à l’Assemblée nationale, j’ai eu l’occasion de défendre des amendements visant à ce que les dispositifs principaux de lutte contre la crise, comme le fonds de solidarité, les prêts garantis, ou encore le dispositif plein et maximal de chômage partiel, soient prolongés, en Guyane, non pas jusqu’à une date butoir arrêtée par la loi, mais jusqu’au dernier jour du dernier mois au cours duquel nous aurons constaté l’état d’urgence, de manière que la durée de ces dispositifs soit adaptée à la situation de ce territoire. Cela dit, je sais que d’autres engagements sont attendus.

Monsieur le sénateur Savoldelli, vous avez estimé que les indicateurs sociaux donnaient le signe qu’il faut agir. Je ne doute donc pas que je pourrai compter sur votre soutien sur un certain nombre de dispositifs. Je pense notamment aux dispositions du projet de loi de finances rectificative qui tendent à soutenir soit l’embauche des plus jeunes, soit l’accompagnement des jeunes précaires, en particulier des étudiants. Je vous rejoins sur la nécessité de faire attention à ces indicateurs. Les dispositions que nous prenons visent à apporter une réponse.

Pour terminer, je fais mien le constat par lequel M. le sénateur Collin a ouvert son propos : la bataille reste à gagner. C’est une évidence. Nous espérons aussi que le plan de relance que nous aurons l’occasion de présenter dès la rentrée, avant même que le projet de loi de finances soit soumis au conseil des ministres, nous fournira des armes supplémentaires pour gagner cette bataille.

MM. Julien Bargeton et Yvon Collin applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La discussion générale est close.

Je rappelle que la discussion des articles commencera demain, à onze heures.

Je vais suspendre la séance ; elle sera reprise à dix-huit heures pour les questions d’actualité au Gouvernement.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat à une heure quelque peu inhabituelle.

Au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun de vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect, qu’il s’agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.

Je rappelle qu’il vous est demandé de laisser un siège vide entre deux sièges occupés ou de porter un masque.

Les sorties de la salle des séances, pour les sénateurs, devront exclusivement s’effectuer par les portes situées au pourtour de l’hémicycle. Pour les membres du Gouvernement, les sorties se feront par le devant de l’hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour le groupe La République En Marche.

Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition écologique.

« D’ici à la fin de 2021, nous souhaitons que tous les territoires – j’y insiste – soient dotés de contrats de développement écologique avec des plans d’action concrets, chiffrés, mesurables » a annoncé le Premier ministre hier, à l’Assemblée nationale, et ce matin au Sénat.

Votre gouvernement, madame la ministre, acte 20 milliards d’euros pour la croissance écologique, dans l’optique de gagner la bataille pour le climat et la biodiversité, afin que l’économie française devienne la plus verte et la plus décarbonée d’Europe.

Un de vos objectifs consiste à produire une alimentation plus locale et durable. Voilà une dizaine de jours, nous en débattions ici même sur la base du rapport que Jean-Luc Fichet et moi-même avons rendu, fin mai dernier, lequel comporte de nombreuses propositions pour une transition réussie.

D’autres objectifs ont également été fixés : soutenir les technologies vertes de demain, mieux recycler, moins gaspiller… Une politique ambitieuse pour le vélo doit également être mise en place.

À cela, il faut ajouter le plan de relance envers l’industrie, avec des contreparties, afin de faire évoluer notre modèle de production.

Madame la ministre, quelle sera la place des collectivités, en particulier des maires, dans ces politiques d’avenir ? Quel cahier des charges pour les contrats de développement écologique, avec quels financements ? Quelle complémentarité entre les collectivités et l’État pour développer ces politiques d’avenir ?

Ici, comme en Gironde et partout en France, les actions visant à savoir comment mieux manger, comment mieux circuler, comment mieux respirer sont au cœur de notre vie quotidienne, plébiscitées par nos concitoyennes et nos concitoyens. La crise nous l’a rappelé très fortement. Nous devons y répondre.

Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

Madame Cartron, je tiens tout d’abord à vous remercier de l’excellent travail que vous avez réalisé avec votre collègue. Je suis certaine qu’il nous sera utile.

Comme l’a souligné le Premier ministre, d’ici à la fin de 2021, tous les territoires – c’est-à-dire tous les bassins de vie – devront être dotés d’un contrat de relance et de développement écologique. Il existe déjà des outils, nationaux ou locaux : Actions cœur de ville, Territoires d’industrie, contrats de ruralité…

Mon ministère a soutenu le développement des contrats de transition écologique que 107 territoires et 250 EPCI ont déjà signé, sur la base de plus de 1 000 actions concrètes – soit plus de 1, 5 milliard d’euros mobilisés.

Nous voulons en accélérer le déploiement et associer tout le monde – jeunes, entreprises, associations, élus… Ces contrats doivent être globaux et concerner tous les sujets qui permettent de relancer l’activité dans le sens de la transition écologique. Je pense à l’urbanisme, au vélo, aux réseaux d’eau, à la réfection des bâtiments, à l’adduction au réseau électrique dans certains territoires ruraux…

Nous devons porter une vision globale concrète sur tous ces aspects. L’État sera bien évidemment à vos côtés. Il existe déjà des outils pour vous aider, notamment l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), qui peut apporter l’ingénierie nécessaire aux territoires qui en ont besoin.

À ce stade, je tiens à saluer le travail déjà réalisé sur ces questions par Jacqueline Gourault, Sébastien Lecornu et Emmanuelle Wargon. Je vais continuer, avec cette dernière, à aider à la mise en place de réalisations concrètes dans les territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Ma question s’adresse à Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, et à M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports.

Une politique de modernisation des infrastructures de transport au service de l’aménagement du territoire et de la protection de l’environnement doit être intégrée au programme d’investissements publics de notre pays pour la prochaine décennie.

Il faut rendre compatibles et complémentaires le développement économique, l’écologie et le désenclavement des territoires. La mutation des modes de transport en est un élément majeur.

À côté du transport routier, auquel il manque quelques maillons, et du transport fluvial, dont le développement doit être accéléré – le canal Seine-Nord-Europe a pris beaucoup de retard –, se pose la problématique du transport ferroviaire qui constitue un levier essentiel de l’accessibilité des territoires et de la démarche écologique, cette dernière étant parfois – trop souvent à mon sens – dogmatique, punitive ou cosmétique.

Bien évidemment, c’est le niveau d’équipement et d’offres commerciales du transport de voyageurs, c’est-à-dire des Intercités et des petites lignes qu’évoquait ce matin le Premier ministre, à l’exception de la grande vitesse, qui en pâtit. La situation est très dégradée, voire ubuesque – je pense notamment au train jour-nuit Paris-Rodez qui reste stationné à minuit en gare de Brive pendant trois heures et demie…

Plus grave encore, le fret ferroviaire connaît une régression continue depuis plusieurs décennies. À l’échelon national, la part modale du fer et du fleuve atteint aujourd’hui 9 % du tonnage contre 46 % en 1974, la moyenne européenne étant de 17 %. Cette faiblesse structurelle se caractérise par l’abandon de dessertes industrielles, aussi bien en termes d’approvisionnement que d’expéditions, et par l’affaiblissement de la capacité logistique de nos activités portuaires.

En termes de fret ferroviaire, y compris pour le ferroutage, nous sommes à la traîne de l’Europe. Il s’agit pourtant d’un domaine créateur d’emplois et hautement stratégique dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Monsieur le ministre, le Gouvernement est-il prêt à lancer sur dix ans un plan Marshall ferroviaire nécessitant plusieurs dizaines de milliards d’euros d’investissements pour remettre notre pays à niveau et permettre de dégager une offre de service plus compétitive et plus écologique ?

Applaudissements sur les travées du groupe R DSE . – M. François Patriat applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

Debut de section - Permalien
Jean-Baptiste Djebbari

Monsieur Gabouty il s’agit d’une question importante, chère aux territoires, singulièrement au nôtre.

Depuis 2017, le Gouvernement a investi très massivement dans les transports pour désenclaver nos territoires et verdir les transports. Nous mobilisons plus de 13 milliards d’euros sur le quinquennat pour les travaux d’entretien et de régénération et pour le développement des infrastructures nécessaires à l’ensemble du territoire, en métropole comme en outre-mer.

Debut de section - Permalien
Jean-Baptiste Djebbari

De premiers actes importants ont été réalisés. Je pense notamment aux protocoles « petites lignes » dont les premiers ont été signés le 20 janvier dernier avec les régions Grand Est et Centre-Val de Loire. Je ne doute pas que d’autres régions suivront.

Nous investissons de manière inédite dans la régénération du réseau routier. Nous avons voulu préserver les lignes aériennes d’aménagement du territoire selon une philosophie qui consiste à mieux articuler les modes de transport entre eux pour répondre aux spécificités des territoires et aux besoins de leurs habitants et de leurs entreprises, afin de garantir, comme vous l’avez souligné, leur attractivité.

Nous allons encore accélérer. Le Président de la République et le Premier ministre ont eu l’occasion de s’exprimer récemment sur ces questions. Les transports seront au cœur du plan de relance. Nous poursuivrons la contractualisation avec l’ambition de sauver les 9 000 kilomètres de petites lignes ferroviaires. Nous voulons créer de nouvelles lignes de trains de nuit – vous avez mentionné cette ligne importante qui passe par Brive et Rodez.

Nous avons pour ambition de doubler la part modale du fret ferroviaire, encore trop faible dans notre pays. Nous aurons l’occasion d’annoncer la création de nouvelles autoroutes ferroviaires prochainement.

Monsieur le sénateur, ces projets ont vocation à se déployer d’ici à la fin du quinquennat. Plusieurs milliards d’euros y seront alloués. Nous avons beaucoup d’ambition pour les transports : pourvoyeurs d’emplois non délocalisables, ils irriguent nos territoires et sont au cœur du développement économique et écologique que nous voulons pour notre pays.

Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le président, madame la ministre de la transition écologique, mes chers collègues, la Convention citoyenne pour le climat, créée sur l’initiative du président Macron, a formulé 149 propositions. Le chef de l’État avait promis la transcription de celles-ci dans la loi.

Dès le 29 juin, il annonçait pourtant qu’au moins trois d’entre elles ne seraient pas retenues, dont la taxe de 4 % sur les dividendes. Et pourtant, point d’écologie sans solidarité ni justice sociale !

Le lendemain, Agnès Pannier-Runacher révélait que le moratoire demandé sur la 5G, luxe énergivore bien inutile dans un pays dont les territoires ne sont même pas desservis en totalité par internet, n’était pas non plus envisagé.

Le 14 juillet dernier, le président Macron a certes parlé d’écologie – il est vrai que ce thème semble aujourd’hui pourvoyeur de voix. Annoncer des mesures déjà envisagées dès 2018, comme la rénovation thermique des écoles et des Ehpad, c’est faire du neuf avec du vieux. En revanche, combien de petites lignes ferroviaires sauvées ? Combien de tonnes de fret ferroviaire supplémentaires ?

Il s’agit non pas d’opposer « croissance écologique » et « décroissance verte », mais de l’impérieuse nécessité de changer de modèle social et économique. À quand le référendum visant à inscrire dans la Constitution la lutte contre le réchauffement climatique et la protection de la biodiversité ? À quand le projet de loi validant les propositions de la Convention ? Ferez-vous en 600 jours ce que vous n’avez pas fait en trois ans ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

Madame Benbassa, pas de transition écologique sans justice sociale, c’est une évidence. Vous pouvez compter sur moi pour y veiller, avec le reste du Gouvernement, également sur cette ligne.

La Convention citoyenne pour le climat était constituée de citoyens qui n’étaient pas, au départ, sensibilisés à la question écologique. Ils ont travaillé longtemps, ils se sont renseignés et ont fait des propositions dont certaines vont même au-delà de ce que proposent les écologistes depuis longtemps.

Le Président de la République s’est engagé à les transcrire, de différentes manières. Comme vous le savez, puisque vous les avez lues, certaines propositions relèvent du domaine réglementaire et feront l’objet d’un examen lors du prochain conseil de défense écologique qui déterminera comment les appliquer.

D’autres relèvent d’engagements et de négociations internationales : le Président de la République a commencé à les soutenir lors de sa rencontre avec la chancelière Merkel, dans les heures qui ont suivi sa rencontre avec les citoyens.

D’autres encore relèvent des collectivités locales qui seront associées à la transposition de ces mesures. L’idée est non pas d’agir d’en haut, mais de travailler avec les élus pour transposer les solutions proposées par les citoyens dans les territoires.

Enfin, d’autres mesures sont d’ordre législatif. Pour ces dernières, nous resterons fidèles à notre méthode : nous allons constituer un groupe de travail avec Marc Fesneau §associant parlementaires et citoyens pour aboutir à un projet de loi qui sera déposé à la fin de l’été pour une adoption, au plus tôt, au début de 2021, après l’exercice budgétaire.

Nous allons mettre en œuvre ces propositions.

Le Premier ministre a annoncé ce matin que 30 % du montant du plan de relance allaient être investis dans la transition écologique, ce qui permettra de financer nombre de ces mesures. Nous avions besoin de ces financements, c’est une très bonne chose.

Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Alors, soyez favorable aux amendements déposés sur le PLF 3 !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mme Esther Benbassa . Nous avons déjà eu suffisamment de paroles, madame la ministre, nous attendons des actes et seulement des actes !

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Muriel Cabaret, pour le groupe socialiste et républicain, dont je salue la première intervention dans cet hémicycle.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Cabaret

Mme Muriel Cabaret . En votre « âme et conscience », monsieur le Premier ministre, vous avez nommé Gérald Darmanin ministre de l’intérieur. Pourtant, celui-ci fait de nouveau l’objet d’une enquête pour viol, harcèlement et abus de confiance concernant une sombre affaire d’échange de faveurs sexuelles contre une intervention à la Chancellerie.

Murmures sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Cabaret

Depuis 2017, nous avons vu nombre de ministres démissionner à la suite d’affaires fiscales ou financières, ou encore pour consommation intempestive de homards…

Mais dans ce cas précis, rien : « circulez, il n’y a rien à voir ! » et rien à comprendre. Il n’y a pas de problème non plus. Avec le Président de la République, vous affichez votre soutien sans faille au ministre de l’intérieur sans même attendre la fin de la procédure judiciaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Cabaret

C’est une erreur éthique et politique d’une violence symbolique inouïe.

Que nous dites-vous en réalité ? Que M. Darmanin est innocent, que la victime ment, au mépris des principes d’équité, du contradictoire et d’équilibre entre les parties. Pis, vous ignorez le conflit d’intérêts en puissance que représente cette nomination : que se passera-t-il en cas de mise en examen d’un ministre qui sera l’autorité hiérarchique des policiers chargés d’enquêter sur ses agissements ?

Que les députés LaREM se rassurent, il s’agit non pas de nier la présomption d’innocence

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Muriel Cabaret

… mais de vous interroger sur le signal délétère envoyé à toutes les victimes.

Vous qui en appelez à l’exemplarité de la politique et à la lutte contre les violences faites aux femmes, quel message envoyez-vous aux Françaises et aux Français lorsque vous faites fi de la parole des victimes ? Mesurez-vous bien les conséquences de cette nomination ?

Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Madame la sénatrice, je comprends que c’est votre première intervention.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

M. Julien Bargeton. Ce n’est pas la meilleure !

Exclamations sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

M. Jean Castex, Premier ministre. Vous dites que je défends M. Darmanin. Mais ce n’est pas lui que je défends, ce sont les principes fondamentaux de l’État de droit.

Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants. – MM. Olivier Cadic et Max Brisson applaudissent également. – Protestations sur des travées des groupes SOCR et CRCE.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Je suis ici en tant que chef du Gouvernement dans une assemblée parlementaire. M. Darmanin n’est pas mis en examen. M. Darmanin n’a fait l’objet d’aucune condamnation et, à ce que je sache, chaque fois que l’autorité judiciaire a eu à se prononcer dans cette affaire, elle a rendu des actes consacrant son innocence. M. Darmanin a droit au respect des principes de la République comme tous les citoyens.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC, LaREM, Les Indépendants et RDSE. – Exclamations sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Nous assistons à des dérives inadmissibles. Je le dis ici avec solennité et gravité.

Debut de section - Permalien
Jean Castex

Comme vous le savez, il m’appartient, aux termes de la Constitution, de proposer au Président de la République la nomination des membres de mon gouvernement. C’est en mon âme et conscience, madame, au-delà du respect des principes fondamentaux de la République, que j’ai fait cette proposition.

Votre intervention suppose donc que j’aurais biaisé avec ma conscience, ce que je ne vous autorise pas à dire.

Vifs applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Malgré de belles avancées, la situation au Sahel reste préoccupante.

Nous avons atteint un objectif important avec l’élimination du chef d’AQMI. Pour autant, comme nous avons pu le voir lors des événements du week-end dernier, les Maliens manifestent une colère antigouvernementale.

La France s’est beaucoup investie au Mali. Je veux rendre hommage aux militaires français blessés ou tués au cours de ces opérations. Nous avons payé un lourd tribut. Nous devons donc faire preuve d’une vigilance particulière à l’égard de ce territoire.

Le G5 Sahel est un soutien fondamental au cœur duquel se trouve le Mali, puissance disposant d’un territoire très vaste. Ces derniers jours, des manifestations ont réuni une foule considérable à Bamako. Des incidents très violents ont éclaté : on a dénombré onze morts et plus de cent cinquante blessés. La situation est dramatique. Le Gouvernement est remis en cause à la suite des élections législatives de mars et avril derniers.

Nous sommes en droit de nous inquiéter. Nous avons besoin d’un État malien fort et légitime pour mener à bien ces luttes antiterroristes.

Nos ressortissants français, nombreux dans ce pays, sont-ils en sécurité ? Que peut faire la communauté internationale pour éviter que le Mali ne sombre dans le chaos, que le Gouvernement ne soit renversé par un groupe terroriste ou par un coup d’État militaire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité.

Debut de section - Permalien
Franck Riester

Monsieur Guerriau, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Jean-Yves Le Drian, en déplacement à l’étranger.

Vous avez raison, le Mali traverse une crise politique ayant conduit aux graves débordements du week-end dernier, réprimés en faisant usage d’une force manifestement excessive. La France, qui a clairement condamné les débordements de toutes parts, appelle les différentes parties à retrouver le chemin du dialogue.

Elle est bien évidemment aux côtés de ses ressortissants, à travers son ambassade, pour assurer leur sécurité, et aux côtés de ses partenaires internationaux pour appuyer une solution d’avenir.

Nous soutenons toutes les initiatives des forces politiques et sociales qui conduiraient à retrouver le chemin du dialogue. Le président Keïta s’est adressé à la Nation et a pris un certain nombre d’engagements. La France l’encourage maintenant à les mettre en œuvre, notamment l’abrogation du décret de nomination des membres de la Cour constitutionnelle et la constitution d’un gouvernement de consensus. Le Premier ministre Cissé y travaille.

Nous pouvons aussi noter avec satisfaction que celles et ceux qui avaient été arrêtés lors des débordements ont été libérés. Nous appelons le président Keïta à continuer dans cet esprit de responsabilité.

Nous soutenons la nouvelle mission de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), après celle dont les conclusions ont été rendues en juin, qui devrait nous permettre de proposer des solutions d’avenir pour le Mali.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Nous sommes extrêmement attentifs à la situation au Mali. Hier encore, sept villageois dogons ont été tués par des terroristes. La présence française est donc importante.

Je crains toutefois que le Gouvernement n’ait montré une certaine fragilité. Afin de légitimer parfaitement son pouvoir, il serait bon qu’IBK reprenne un chemin démocratique.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Mardi soir, il est vingt-trois heures trente sur le petit parking du stade Jean-Laloyeau, à Étampes, dans l’Essonne, département que j’ai l’honneur de représenter dans cette enceinte avec quatre autres de mes collègues. Un sapeur-pompier, qui intervient sur un incendie de voiture, est la cible d’un tir par arme à feu et voit une balle lui traverser le mollet.

Notre collègue Franck Marlin, maire d’Étampes, présent sur les lieux au moment de cette véritable tentative d’homicide, pourrait égrener les actes d’incivilité, de violence urbaine insupportable dont sa ville est victime depuis tant d’années, à l’instar de très nombreuses villes en France.

Vous étiez hier sur place, à ses côtés, pour témoigner de votre soutien aux soldats du feu, ainsi qu’à l’ensemble des forces de l’ordre. Nous vous en remercions.

Monsieur le ministre, je vous sais homme d’action et de responsabilité. Mais au-delà du dépôt de plainte systématique que vous avez appelé de vos vœux hier, ce qui constitue, reconnaissons-le, un strict minimum, comment comptez-vous sortir de la posture, des tweets et des discours creux auxquels votre prédécesseur nous a malheureusement trop souvent habitués durant cette triste première moitié de quinquennat ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

M. Jean-Raymond Hugonet. Vous avez déclaré hier : « la République est partout chez elle ». Assurément, monsieur le ministre ! Dès lors, comment comptez-vous mettre hors d’état de nuire ceux qui n’ont pas cette idée de la France que nous avons en partage et qui est notre fierté nationale ? En d’autres termes, quand et comment comptez-vous sortir la France de la chienlit dans laquelle elle se trouve plongée ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Monsieur Hugonet, j’ai bien rendu visite, hier soir, à ce sapeur-pompier et à ses camarades de brigade pour leur dire l’émotion qu’a suscitée non pas ce simple fait divers, mais cette attaque contre la République, contre les sapeurs-pompiers qui portent l’uniforme de la solidarité.

L’un d’entre eux a été blessé par balle lors d’une intervention – somme toute banale – visant à éteindre un incendie de véhicule sur un parking. Encore plus choquant, il s’agissait de la troisième agression en dix mois que connaissait ce sergent-chef. Comme nombre de ses camarades de l’Essonne et de beaucoup de villes de France, il intervient chaque jour la peur au ventre, alors qu’il est là pour aider les autres – c’est la vocation d’un pompier, qu’il soit professionnel ou volontaire.

À la demande du Premier ministre, j’ai annoncé un dépôt de plainte systématique de l’administration en plus de ce que décideront les victimes.

J’ai évoqué, avec le préfet de département et les forces de police, la façon dont on pourrait protéger encore mieux – nous en sommes arrivés là, monsieur le sénateur – les pompiers lors d’interventions que l’on peut qualifier de « très difficiles ».

En attaquant les pompiers, les policiers, les gendarmes, les conducteurs de bus, comme celui qui a été tué dans des conditions particulièrement ignobles à Bayonne, mais aussi les professeurs, les médecins et les infirmiers et les infirmières, on attaque la République.

Partout chez elle, la République est pourtant attaquée. Tout ne sera pas réglé en un jour. Dans certains endroits – je sais de quoi je parle, élu d’un territoire que l’on dit difficile –, la République est mise en joue.

La volonté du gouvernement de Jean Castex et du Président de la République n’est pas de se contenter de mots, monsieur le sénateur, mais bien de passer aux actes. Je serai partout où il le faudra pour faire reculer ceux qui veulent que nous reculions.

Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

J’entends votre réponse pleine de responsabilité, monsieur le ministre.

La République est attaquée. Mais plus que la République, c’est la Nation qui est attaquée. Il va bien falloir que ce gouvernement fasse ce qui n’a jamais été fait en s’attaquant à ceux qui sont contre cette nation et qui n’ont plus rien à voir avec notre société républicaine.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour le groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Il y a quelques semaines, lors des débats sur l’état d’urgence sanitaire, je vous interrogeai, ainsi que votre collègue Cédric O, sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à choisir Microsoft, l’un des Gafam, pour gérer les données de santé recueillies par la plateforme Health Data Hub, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Cette décision a été prise à l’automne 2019 dans des conditions opaques, dénoncées par un collectif d’experts, sans appel d’offres, au détriment de toute entreprise française ou européenne.

La réponse de Cédric O, arguant qu’il n’y avait aucune entreprise française capable de répondre aux exigences techniques de cette gestion, a été édifiante. Elle a d’ailleurs soulevé beaucoup de protestations dans les jours qui ont suivi.

Depuis, les débats vont bon train. Je me réjouis qu’il y ait une prise de conscience, y compris dans les rangs de votre majorité, s’agissant de menaces sérieuses pour notre souveraineté.

Je note que, lors de la conférence de presse relative à l’application StopCovid, vous avez annoncé un nouvel appel d’offres. À cette occasion, le directeur de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’Anssi, a fortement suggéré de sélectionner des entreprises ayant leur siège en Europe.

La présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, ne dit pas mieux dans les avis formulés depuis cette annonce.

Mon groupe aimerait connaître le calendrier de cet appel d’offres et les conditions d’élaboration de son cahier des charges, qui doit permettre que des entreprises françaises bâtissent cette plateforme et de ne pas dépendre de sociétés américaines, ce qui nous soumettrait à une législation étrangère peu protectrice.

En l’état, monsieur le ministre, je vous poserai deux questions fondamentales, qui attendent des réponses politiques, et non techniques.

Oui ou non les données des Français sont-elles un actif stratégique majeur, auquel cas elles ne sauraient être remises entre les mains d’acteurs étrangers ?

Oui ou non allons-nous nous doter enfin d’une politique industrielle offensive permettant d’accompagner nos entreprises et appliquer la préférence communautaire, comme ont su le faire les Américains, créant l’écosystème que nous connaissons et dans lequel nous vivons aujourd’hui ?

Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SOCR et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Madame la sénatrice Morin-Desailly, je vous remercie de cette question comme de votre implication dans ce dossier fondamental. J’ai d’ailleurs lu récemment dans la presse l’une de vos interviews, et je m’attendais à cette question quand j’ai su que vous alliez m’interroger. Cela m’a permis de travailler un peu le sujet, puisque – vous l’avez vous-même souligné – cette décision a été prise bien avant mon arrivée, même si j’en suis évidemment, par essence même, solidaire.

Vous soulevez quelques questions fondamentales.

Premièrement, les données de santé sont-elles un enjeu de souveraineté ? Cet enjeu est-il important ? La réponse est évidemment oui. Et je n’ai pas passé ici quelques journées et quelques nuits à débattre de StopCovid, Contact Covid et autres applications pour vous dire aujourd’hui le contraire !

Les données de santé, leur exploitation, leur partage, leur sécurisation, sont absolument essentiels. Évidemment, leur gestion et leur sécurisation doivent rester françaises.

Deuxièmement, si je comprends bien et si je résume votre question, quand serons-nous à la hauteur des Américains ou de puissances type Gafam en matière de capacité à développer du numérique ? Madame la sénatrice, vous le savez comme moi, et personne ici n’en est plus responsable qu’un autre, la France a investi, ces dernières années, quelques centaines de millions d’euros par an dans les technologies du numérique, là où les États-Unis investissaient plusieurs dizaines de milliards de dollars par an sur la même période.

Il y a là un enjeu majeur, et Cédric O, qui était secrétaire d’État au numérique, y a évidemment énormément travaillé.

Cela étant, pour ce que sais du dossier – je l’ai étudié dans son entièreté –, il y a eu une phase de préfiguration au cours de laquelle il a fallu agir vite pour identifier un acteur capable de développer une plateforme de gestion et de sécurisation des données. Factuellement et juridiquement – le président de l’Anssi l’a d’ailleurs confirmé –, Microsoft est considéré, dans son entité gestionnaire des données de santé françaises, comme une entité européenne, même si le groupe est américain.

Protestations sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

M. Olivier Véran, ministre. Et j’espère que nous pourrons identifier un grand acteur européen, voire, pourquoi pas, français, pour assurer dans la durée la gestion, le stockage et le partage de ces données.

Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Ma question, monsieur le ministre, est on ne peut plus d’actualité, puisque nous apprenons aujourd’hui que, considérant que les risques d’ingérence des services de renseignement américains sur les données des Européens étaient trop importants, la Cour de justice de l’Union européenne vient d’invalider l’accord de transfert des données dit Privacy Shield. Et Microsoft obéit bien à la législation américaine, ne nous y trompons pas !

Je pense qu’il nous faut désormais un cadre législatif qui impose la data residency : les données européennes traitées en Europe ! Il faut y travailler. Et je propose aussi – monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé un plan de relance de 40 milliards d’euros – que l’on investisse massivement dans ces filières pour garantir notre souveraineté industrielle et numérique.

Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes SOCR et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Entre 90, 1 et 98, 4 % : il ne s’agit ni du taux d’approbation des dernières orientations du Politburo ni du résultat d’un vote à main levée dans un parti politique en mal de démocratie interne. Non : ces chiffres traduisent le niveau de réussite au baccalauréat session 2020, de la filière professionnelle à la filière générale. Ce taux de réussite atteint globalement, à 95, 7 %, un record national qui sera bien difficile à battre, en tout cas tant que nous consentirons à rester sous la barre des 100 % !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Après avoir assuré la continuité pédagogique, les professeurs ont donc été particulièrement attentifs à la demande de leur ministre de tutelle en se montrant bienveillants lors de l’examen des dossiers des candidats au baccalauréat.

Certes on peut se réjouir de cette indulgence des jurys de délibération, mais le risque de dévaluation du diplôme n’est quand même pas très loin…

Ce taux de réussite exceptionnel a en outre un effet collatéral : conjugué à une classe d’âge assez nombreuse, il va mécaniquement produire une augmentation du nombre d’étudiants sur les bancs de l’enseignement supérieur d’environ 35 000, soit l’équivalent des étudiants de l’université de Nantes !

À ceux-là viendront s’ajouter les jeunes qui choisiront de poursuivre leur formation pour repousser leur entrée sur un marché du travail sinistré.

Nos universités, qui sont déjà en souffrance, s’inquiètent de la rentrée à venir, qui s’annonce comme la quadrature du cercle : accueillir davantage de monde dans des locaux exigus construits il y a plus de quarante ans ; appliquer des règles sanitaires de distanciation sociale pour éviter la propagation du virus ; proposer des modules de remédiation pour tenir compte d’une année scolaire qui a été très largement tronquée.

Madame la ministre, que proposez-vous aux établissements d’enseignement supérieur pour leur permettre de faire face à ces lourdes contraintes ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal

Mme Frédérique Vidal, ministre de l ’ enseignement supérieur, de la recherche et de l ’ innovation. Monsieur le sénateur Piednoir, permettez-moi tout d’abord de féliciter l’ensemble des lycéens qui ont obtenu leur baccalauréat après une année scolaire aussi perturbée, aussi difficile.

Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Frédérique Vidal

Oui, vous avez raison, cette année, nous devrons accompagner l’ensemble de ces jeunes : ceux qui vont entrer dans l’enseignement supérieur, ceux qui désireront poursuivre leurs études, et ceux qui vont entrer sur le marché du travail. Et nous savons que ce sera compliqué. C’est pourquoi le Président de la République, le 14 juillet, et le Premier ministre, hier, lors de son discours de politique générale, ont indiqué que notre priorité serait de trouver une solution pour chacun de ces jeunes.

Vous le savez, puisque vous avez tous, ici, participé à la construction de la loi Orientation et réussite des étudiants : nous avons des outils à cette fin. Plus d’un milliard d’euros sont investis dans le plan Étudiants, et des outils ont été créés par les établissements pour accompagner les jeunes et les prendre tels qu’ils sont de manière à les amener vers la réussite. Quant à la plateforme Parcoursup, elle a fait la preuve de sa robustesse : avant les résultats du baccalauréat, tous les lycéens y sont inscrits ; à la veille de la clôture de la première phase, 88 % des lycéens ont reçu une proposition, et nous sommes en train d’en accompagner individuellement plus de 9 000. Nous avons travaillé à la création de plusieurs milliers de places en BTS, en filières courtes, en formations professionnalisantes, et de plus de 1 000 nouvelles formations en apprentissage, parce que nous devons aussi accompagner les jeunes qui ont besoin de l’apprentissage pour étudier.

Nous trouverons une solution pour chacun de nos jeunes ; cet engagement a été pris au plus haut niveau.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

M. Stéphane Piednoir. Madame la ministre, je ne doute pas de votre volonté et de celle du Président de la République de régler ce problème. Néanmoins, nous avons un problème structurel. Les services du ministère ont programmé, jusqu’en 2028, une augmentation considérable des effectifs dans l’enseignement supérieur. La rentrée s’annonce singulière, avec cette crise sanitaire. Je ne suis pas sûr que le nombre de places en BTS et en apprentissage que vous avez annoncé suffise à accueillir ces 35 000 étudiants supplémentaires. Nous suivrons évidemment cela avec attention.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour le groupe socialiste et républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Ma question s’adresse à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Ces derniers mois, les initiatives conduites par les collectivités des différents échelons territoriaux et les solidarités qu’elles ont organisées ont manifestement contribué à assurer la protection sanitaire des Français et la continuité des services publics et à soutenir les tissus économiques locaux. Le Gouvernement a d’ailleurs fait reposer en grande partie sa stratégie de gestion de la crise et de déconfinement sur les collectivités. Les élus locaux ont fait preuve de réactivité et d’adaptabilité, compensant certaines rigidités et imprécisions de l’État, et démontrant de nouveau l’importance des acteurs de proximité.

La dégradation de la situation financière des collectivités, résultat de la baisse importante de leurs recettes – les pertes de recettes sont évaluées à 7, 5 milliards d’euros pour 2020 et à plus de 10 milliards d’euros pour 2021 –, conjuguée à l’augmentation simultanée des dépenses sociales, les fragilise grandement. En plus de réduire leurs capacités de mobilisation, cette chute des ressources altère aussi leur agilité, alors que les collectivités seront amenées à jouer un rôle central dans le plan de développement économique annoncé. Je pense notamment à la relance de l’investissement et de la commande publique, pour cette année et pour 2021.

Le troisième projet de loi de finances rectificative actuellement en discussion contient des mesures, à hauteur de 4, 5 milliards d’euros, destinées aux collectivités – essentiellement des avances remboursables. Celles-ci viennent partiellement amortir le choc financier ; mais ces aides suffiront-elles à maintenir la capacité d’investissement des collectivités dans des secteurs décisifs tels que les mobilités, le déploiement du numérique, la relance verte ou la relocalisation d’activités stratégiques ? Les collectivités seront-elles en capacité de poursuivre leur action en faveur de l’égalité territoriale et de la justice sociale et de permettre aux territoires ruraux de relever le défi démographique par une politique d’accueil ?

Plus globalement, n’est-il pas temps, madame la ministre, de libérer les collectivités de tout un ensemble de contraintes budgétaires qui réduisent leur autonomie fiscale et d’amorcer un virage ouvertement décentralisateur ?

Pourriez-vous enfin nous préciser dans quelle mesure l’Agence nationale de la cohésion des territoires sera mobilisée pour accompagner tant les porteurs de grands programmes que les projets émergents locaux, dont le nombre devrait être multiplié en vue d’impulser la relance ?

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Monsieur le sénateur Lozach, votre question est assez vaste, et je vais essayer, pour vous répondre, de prendre des exemples concrets. Vous avez démontré le rôle des collectivités territoriales et, bien sûr, leur engagement dans la relance.

Le Premier ministre l’a dit hier à l’Assemblée nationale et ce matin ici même au Sénat : un plan de relance d’environ 100 milliards d’euros sera présenté à la fin de l’été. Naturellement, ce plan concerne aussi les collectivités territoriales.

Nous avons plusieurs outils à notre disposition – vous venez de le rappeler. Je commencerai par le programme Territoires d’industrie : cet outil est prêt.

Mme Sophie Primas s ’ en étonne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Vous savez aussi que cette année est l’année de reconduction des contrats de plan État-région (CPER). Nous négocions actuellement avec les régions, et le Premier ministre a reçu leurs représentants cette semaine. Nous avons parlé de ce plan de relance et de ces CPER. L’idée est bien sûr de bâtir un plan commun de relance, immédiate et à long terme, pour les collectivités territoriales.

J’ajoute que les CPER comprennent un volet territorial qui concerne tous les niveaux de collectivités : les communes, les intercommunalités, les départements. Nous allons donc décliner, au sein de ces contrats, tous les sujets tels que la transition écologique, la formation des jeunes, le développement de l’outil industriel ou la réindustrialisation des territoires – c’est fondamental. Toutes les collectivités seront associées.

J’ajoute également, pour terminer, que cette année est l’année du renouvellement des fonds européens dits de cohésion. Ces fonds représenteront évidemment un apport considérable au plan de relance, en plus des 35 milliards d’euros exceptionnels négociés par la France avec l’Allemagne à l’échelon européen.

Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition écologique.

Dans la valse des milliards, qui finit par donner le vertige, les nouveaux crédits consacrés à l’écologie sont passés en une semaine de 15 à 20 milliards d’euros. Important en valeur absolue, certes, cet engagement annoncé ne représente pourtant qu’à peine 4 % des plus de 500 milliards d’euros de crédits débloqués par le Gouvernement.

Malgré ces sommes, nous avons du mal à comprendre tant la cohérence de votre politique environnementale et écologique que la stratégie qui la sous-tend, alors, madame la ministre, que vous êtes la quatrième ministre chargée de l’écologie en à peine trois ans.

Haut Conseil pour le climat, Convention citoyenne, conseil de défense écologique… : autant de paravents pour mieux masquer vos incertitudes et tenir à distance les propositions du Parlement.

À ce stade, madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quelle stratégie et quel plan d’action concret vous voulez mettre en œuvre pour permettre à la France de redonner corps à une ambition écologique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

Monsieur le sénateur Jean-François Husson, vous avez une vue un peu sélective : dire, d’abord, que rien n’a été fait jusqu’à maintenant, c’est quand même oublier les textes qui ont été examinés par le Parlement. En tant qu’ancienne parlementaire, je peux vous dire que la loi d’orientation des mobilités, qui entérine l’abandon des grands plans et le retour aux mobilités du quotidien, a été une grande avancée. Je citerai également la loi relative à l’économie circulaire, la loi Énergie-climat, l’arrêt des centrales à charbon, et j’en passe. Affirmer que rien n’a été fait me paraît donc un petit peu exagéré.

Vous dites ensuite que vous ne voyez que du flou dans ce que nous proposons. Non ! Au contraire : nous avons l’opportunité, due à la terrible crise que nous vivons, d’impulser de nouvelles orientations et, surtout, d’accélérer la mise en œuvre de cette politique. L’accélération va se traduire très visiblement, pour ce qui concerne la transition écologique, dans le plan de relance.

Vous pouvez d’ailleurs revoir vos chiffres à la hausse à mesure que nous évaluons ce que nous pouvons mettre dans ce plan : sur 100 milliards d’euros, plus de 30 % vont être consacrés à la transition écologique, à des enjeux essentiels de baisse des émissions des gaz à effet de serre, dans des secteurs tels que les transports – j’en ai déjà parlé –, la rénovation thermique des logements, l’agriculture, l’industrie. Bref, tout va être mis en place pour lancer des dynamiques et, aussi, pour que les acteurs puissent se former – nous avons besoin de formation sur les territoires pour utiliser des emplois locaux et arrêter soit de faire venir les travailleurs de l’extérieur soit de recourir à des usines à l’autre bout du monde.

Et nous allons présenter au Parlement le projet de loi qui reprend les propositions d’ordre législatif de la Convention citoyenne pour le climat, pour l’élaboration duquel Marc Fesneau et moi-même avons décidé de créer des groupes de travail, afin d’associer tout le monde et de prendre en compte la parole des parlementaires – j’y serai très vigilante, vous l’imaginez bien.

Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

En termes simples, je vous dirai que le disque est rayé et que les Français n’ont plus confiance. Le Premier ministre l’a lui-même expressément reconnu.

Pour développer la filière hydrogène, vous alignez 100 millions d’euros, quand l’Allemagne met plus de 10 milliards d’euros sur la table.

Vous prônez une économie décarbonée sans rendre d’arbitrages clairs en faveur des énergies renouvelables, et vous affaiblissez notre filière nucléaire, acteur majeur de décarbonation.

Vous parlez de réduire les émissions polluantes, mais, depuis trois ans, rien n’a été fait pour la qualité de l’air. Pour preuve : le Conseil d’État vient de condamner l’État à une amende de 10 millions d’euros par semestre. Les enjeux écologiques sont étroitement liés aux problèmes sanitaires et de santé publique, comme la crise actuelle nous le rappelle.

Vite, donc, au-delà de la « vélorution » magique post-covid, abandonnez la verticalité de vos politiques et faites de l’environnement le socle d’un nouveau pacte de confiance, reposant sur trois piliers, écologique, économique et social. Nous en avons besoin ! Il nous faut sortir définitivement de cette écologie punitive, …

Debut de section - Permalien
Barbara Pompili

Je l’attendais, celle-là…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

M. Jean-François Husson. … qui a donné lieu à la crise des « gilets jaunes ». Faites enfin le choix d’une écologie positive au service de la France !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Ma question s’adresse à Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Dans le discours de politique générale de M. le Premier ministre qui nous a été lu hier, on retrouve le mot « territoire » à vingt-cinq reprises. Dans les mêmes phrases, on parle de « confiance », on parle d’« intelligence », on parle de « proximité ».

Vous imaginez combien ici, au Sénat, nous sommes sensibles à tout cela. Notre pays a pu compter sur les collectivités territoriales pour gérer et assumer les charges de la crise sanitaire. Il aura besoin, demain, de ces mêmes collectivités pour panser les plaies et relancer la machine économique.

Les conseils départementaux, avec leur compétence sociale, ont été inventifs ; ils ont essayé d’apporter une aide adaptée aux besoins les plus criants.

Ainsi en est-il en Haute-Savoie, où les élus ont voté un dispositif d’aide à 1 600 entrepreneurs qui ont été très sévèrement touchés par la crise.

À l’instant où je vous parle, le virement de ces aides, bien que celles-ci aient été considérées comme conformes au droit au terme du contrôle de légalité du préfet, n’est toujours pas effectif. Cette situation est pénalisante et suscite la plus grande des inquiétudes parmi les élus.

Madame la ministre, sans attendre que la différenciation devienne un principe organique ou constitutionnel, comment entendez-vous permettre aux collectivités d’être de vrais acteurs de l’après-crise ?

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Cher Loïc Hervé, merci pour votre question. Je veux rappeler quelques éléments de contexte. Vous le savez, les départements sont compétents, comme vous l’avez vous-même rappelé, en matière de politique sociale, qui est le substrat fondamental de leur action. Et vous connaissez mon attachement au respect de la loi s’agissant de la répartition des compétences.

Vous avez indiqué que le conseil départemental de Haute-Savoie a adopté un règlement d’aide en faveur des travailleurs non salariés ne bénéficiant pas du chômage partiel. Sa délibération a été transmise au préfet, ainsi qu’au directeur départemental des finances publiques pour qu’ils puissent en examiner la légalité. Et, vous le savez, le contrôle de légalité est un service à rendre aux collectivités. Ce contrôle a été effectué en lien avec le président du conseil départemental, qui a eu l’occasion de fournir toutes les informations utiles.

À l’issue de cette instruction, dont je rappelle qu’elle est parfaitement normale dans un État de droit, il apparaît que le règlement adopté par le département institue bien une aide de nature sociale destinée à des personnes physiques et conditionnée à des plafonds de ressources.

À votre question, que m’ont posée également les députés de Haute-Savoie, je réponds qu’aujourd’hui il n’existe aucun problème particulier – j’associe à mon propos Olivier Dussopt – concernant la légalité de cette délibération. Il y va donc non d’une souplesse particulière, mais, tout simplement, de la stricte application des textes. Vous voilà rassuré, me semble-t-il, monsieur le sénateur !

M. François Patriat applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Un mot pour remercier Mme la ministre de cette bonne nouvelle non seulement pour le conseil départemental de la Haute-Savoie et pour ses élus, mais surtout pour ces travailleurs non salariés, qui sont, en règle générale, à la tête de toutes petites entreprises et qui se trouvaient bien démunis dans la situation économique qui est la nôtre.

Je profite également de l’avènement de la loi 3D – décentralisation, différenciation et déconcentration – dans les mois qui viennent pour vous dire combien nous sommes attentifs, ici, au Sénat, à déverrouiller l’action des collectivités territoriales, à leur donner de nouvelles libertés et une capacité à répondre aux nouveaux défis de la période qui est devant nous.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. Yves Bouloux applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Delmont-Koropoulis

Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Monsieur le ministre, à l’occasion de la traditionnelle interview du 14 juillet, le Président de la République a affirmé, avec assurance : « Nous avons réussi à endiguer le virus et à retrouver presque une vie normale ».

En tant que médecin ayant exercé pendant la crise et en tant que parlementaire informée des remontées du terrain, j’ai l’impression que nous ne vivons pas la même réalité.

Depuis plusieurs semaines déjà, les indicateurs nous alertent : le virus est toujours là et, dans certains départements, il progresse de nouveau, et de façon très inquiétante.

Monsieur le ministre, nous ne sommes pas sortis d’affaire, loin de là, et le chemin vers la vie presque normale risque d’être beaucoup plus long qu’annoncé au vu des mesures que vous prenez trop tardivement, ou que vous ne prenez pas.

Partout ailleurs, en Europe, au Canada, le port du masque dans les lieux publics a déjà été rendu obligatoire, et ce sans incompréhensible période préalable de quinze jours.

Notre président de groupe, Bruno Retailleau, a demandé ce matin l’application immédiate de cette mesure, et vous avez finalement entendu raison, mais quelle perte de temps !

Par ailleurs, des dépistages systématiques et massifs doivent être organisés régulièrement, car c’est bien là le moyen le plus efficace pour briser les chaînes de contamination.

Nous avons le sentiment que vous n’avez rien appris : nous sommes dans la même situation qu’au mois de février, avec un virus qui reprend sa progression.

Monsieur le ministre, face à l’urgence, le Gouvernement doit entendre l’inquiétude des professionnels de santé et adopter une stratégie offensive ; cette épidémie ne sera éradiquée que par des mesures drastiques.

Ma question est donc la suivante : qu’attendez-vous pour cesser d’être spectateur ? Il faut agir ; nous perdons du temps.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Merci, madame la sénatrice, pour cette question qui, comme on le dit en médecine – vous et moi sommes médecins –, a été posée avec tact et mesure.

Laissez-moi vous féliciter sincèrement d’avoir repris la blouse pendant la période épidémique. Je pense que les Français vous en savent gré.

Nous pouvons nous entendre, madame la sénatrice, sur plusieurs constats. S’agissant d’abord du port du masque, qui sera rendu obligatoire dans les milieux fermés, vous soulevez la question du 1er août. Vous le savez, nous faisons confiance à l’esprit de responsabilité des Français. Nous expliquons ; nous accompagnons. Décréter une obligation du jour au lendemain nous semble un peu brutal, d’autant qu’il y a également un travail à faire avec les entreprises ou avec les milieux culturel et sportif pour que chacun puisse préparer cette obligation du port du masque.

Néanmoins, madame la sénatrice, vous avez été entendue avant même d’avoir posé votre question, puisque le Premier ministre s’est engagé ce matin à ce que l’obligation soit entérinée dès la semaine prochaine. Je peux même vous dire que, en l’état actuel de la réflexion, nous nous dirigeons vraisemblablement vers une obligation à compter de lundi ou mardi, en tout cas du tout début de la semaine prochaine. Et, sans attendre, j’appelle les Français à porter un masque lorsqu’ils sont en milieu fermé et que de surcroît ils sont un certain nombre à être rassemblés, comme c’est le cas par exemple, madame la sénatrice, dans cet hémicycle sénatorial.

Vous considérez que nous sommes inactifs. Je pourrais vous faire constater qu’un certain nombre de pays ont été conduits à un reconfinement territorial parfois généralisé, y compris des pays dont j’ai souvent entendu parler dans cet hémicycle, pendant la période épidémique, comme étant des modèles. Si cela n’a pas été le cas en France, c’est pour une simple raison, madame la sénatrice : pendant douze semaines, les indicateurs se sont améliorés continuellement.

En revanche, vous avez raison de souligner que certains indicateurs doivent nous alerter et nous inquiéter – je l’ai dit tout à l’heure à l’Assemblée nationale –, dans certains hôpitaux parisiens ou en Mayenne, notamment. C’est pourquoi nous démultiplions les capacités de tests et de contact tracing.

J’ai débattu ici des heures durant pour expliquer pourquoi il était fondamental de ne pas désarmer juridiquement l’exécutif, le Gouvernement, dans sa capacité à agir et à prendre les bonnes décisions au bon moment alors que nous sortions de l’état d’urgence sanitaire. Je vous propose, madame la sénatrice, de relire les comptes rendus des débats : vous y verrez que je n’étais certainement pas celui qui prônait le moins d’action, au contraire.

Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Annie Delmont-Koropoulis, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Delmont-Koropoulis

Oui, mettre en place de telles mesures nécessite du temps ; mais vous auriez dû les prendre avant, et ne pas vous y résoudre au dernier moment.

Soyez vigilant, monsieur le ministre : demain, lorsque la population sacrifiée et les familles vous demanderont des comptes, vous ne pourrez plus dire : « nous ne savions pas ».

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

Cela a été annoncé par le Président de la République comme par le Premier ministre : la jeunesse est la priorité des mois qui viennent, car il ne faut pas ajouter à la crise sanitaire la difficulté des jeunes à accéder à l’emploi.

Les difficultés d’insertion professionnelle des jeunes ne datent pas du mois de mars dernier, et votre prédécesseure, madame la ministre, avait déjà entrepris beaucoup – je pense notamment au plan d’investissement dans les compétences.

Cette épreuve exceptionnelle appelle des décisions exceptionnelles, en particulier pour les quelque 700 000 jeunes qui vont entrer sur le marché du travail.

Notre jeunesse, dans sa diversité, a plus que jamais besoin de perspectives d’avenir. Le meilleur des plans de relance, c’est celui qui ne laisse aucun jeune en plan !

C’est pourquoi des mesures ambitieuses sont très attendues. Nous examinerons demain le troisième budget d’urgence, dans lequel figurent, notamment, une prime à l’embauche exceptionnelle pour le recrutement des apprentis, allant jusqu’à 8 000 euros, ou bien une prime de 200 euros pour les jeunes les plus précaires.

Prime à l’embauche pour inciter les entreprises à recruter des jeunes, accroissement des dispositifs d’insertion, renforcement du service civique : la bonne application de ces mesures dans les territoires sera la garantie du succès de cette démarche.

Dès lors, madame la ministre, et sans préjuger ce que sera la concertation avec les partenaires sociaux, quels sont les objectifs, les axes, le calendrier de mise en route des mesures de mobilisation pour l’emploi des jeunes ?

Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Vous avez raison, monsieur le sénateur Bargeton, il y a urgence pour notre jeunesse ! Afin de protéger nos aînés, nous lui avons demandé des sacrifices importants pendant le confinement ; nous devons aujourd’hui lui renvoyer l’ascenseur.

Notre objectif est donc clair : faire en sorte, grâce à des réponses adaptées à chaque situation, qu’aucun jeune ne reste sans solution.

Pour les jeunes les plus proches de l’emploi, nous allons favoriser les embauches, avec une compensation de charges de 4 000 euros par an appliquée aux CDI ou aux CDD dès lors qu’ils ont une certaine durée.

Pour les jeunes souhaitant s’engager sur un contrat d’apprentissage ou un contrat de professionnalisation, nous devons veiller à ce qu’ils puissent trouver une entreprise d’accueil. C’est ce que nous faisons en prévoyant une prime de 5 000 euros pour les moins de 18 ans, 8 000 euros pour les autres. Nous allons donc continuer à mettre le paquet sur l’apprentissage.

Par ailleurs, nous créerons 100 000 services civiques supplémentaires, pour permettre à des jeunes de s’engager dans des missions utiles à la société en attendant une conjoncture meilleure.

Pour les jeunes les plus en difficulté, 300 000 parcours ou contrats d’insertion supplémentaires seront déployés, en nous appuyant sur les dispositifs existants. Avec les acteurs locaux, nous devons faire de ces parcours et contrats d’insertion de véritables tremplins vers des emplois durables.

La réponse que nous proposons est donc globale. Ce plan fera l’objet, dès demain, d’une concertation avec les partenaires sociaux, conformément à la méthode qui, mesdames, messieurs les sénateurs, vous a été exposée ce matin par M. le Premier ministre. Vous aurez l’occasion de soutenir ces mesures lors de l’examen du troisième projet de loi de finances rectificative.

Notre jeunesse ne peut pas attendre ! C’est pourquoi nous préparons, avec les partenaires sociaux, avec les territoires, avec les parlementaires, une réponse à la hauteur des enjeux !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cuypers

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Au mois d’août 2016, le Gouvernement œuvrait pour l’interdiction, à compter du 1er septembre 2018, de certains produits sanitaires, fongicides et insecticides, dont, d’ailleurs, la non-dangerosité sur l’homme a été prouvée.

Le Président de la République avait déclaré à l’époque qu’il n’y aurait pas d’arrêt sans produits de substitution sous trois ans. Or il est aujourd’hui prouvé que les produits proposés par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’Anses, sont totalement inefficaces et contre-productifs – vous avez pu le vérifier mardi dernier, monsieur le ministre, et je vous remercie de l’avoir fait.

Que fait le Gouvernement ? Il est en train de ruiner les cultures françaises, en particulier celle de la betterave, qui se trouve atteinte par une invasion de pucerons lui transmettant la jaunisse virale, avec des pertes colossales à la clé – de 30 % à 70 % de rendement en moins.

Tout un pan, dynamique, de notre économie agricole est atteint cette année. C’est inadmissible, alors que vous étiez prévenu, depuis des mois, de l’inefficacité des produits et des risques encourus, en termes de conséquences économiques et sociales ou de fermetures d’usines.

Si les bonnes dispositions ne sont pas prises d’ici à quinze jours, il n’y aura plus d’alcool – plus de gel hydroalcoolique –, plus de sucre, plus d’alimentation pour le bétail ! Les Français consommeront alors des produits importés et fabriqués avec les substances en l’espèce interdites. Est-ce ainsi que l’on dynamise une filière qui fonctionne ? Voulez-vous l’anéantir ? Quelle est votre solution ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Debut de section - Permalien
Julien Denormandie

Vous le savez, monsieur le sénateur Cuypers, je partage votre inquiétude face à cette jaunisse de la betterave qui, au moment où je vous parle, entraîne des baisses de rendement dans les champs allant parfois jusqu’à 30 % ou 40 %. La faute en incombe à un puceron vert, infectant du syndrome de la jaunisse les betteraves, lesquelles, par manque de photosynthèse, ne peuvent plus former leur racine tubérisée remplie de sucre.

Cette inquiétude est d’autant plus forte que, en effet, les champs de betteraves et les betteraviers ne sont pas les seuls touchés. C’est l’ensemble de la filière qui est affecté : quand, dans un territoire donné, des chutes de rendement sont enregistrées dans les champs de betteraves, la sucrerie d’à côté est forcément mise en difficulté.

Soyez donc certain – mais vous le savez – que je partage pleinement vos inquiétudes.

Là où je ne vous rejoins pas, en revanche, c’est sur l’action du Gouvernement.

Le Gouvernement n’est pas en train de mettre à mal la filière ; il cherche à trouver une solution. Il applique une loi datant de 2016.

Le 14 juillet, par le biais de ma personne, le Gouvernement a tenu à rendre hommage à toutes les actrices et tous les acteurs du monde agricole pour ce qu’ils ont fait pendant l’épidémie de covid-19. Ce jour-là, je me suis rendu en Seine-et-Marne, sur un champ de betteraves, pour discuter avec les représentants de la filière. Le 15 juillet, c’est-à-dire hier, une réunion a été organisée à mon ministère avec l’ensemble de ces professionnels.

Ma détermination à trouver une solution est donc aussi forte que mon inquiétude. Elle est totale !

Faut-il prévoir des dérogations à la loi ? Le point a été évoqué, mais c’est très compliqué.

Faut-il rechercher des alternatives ? Effectivement, on sait depuis quatre ans qu’il y a une difficulté et l’alternative n’a toujours pas été trouvée. Des produits phytosanitaires sont appliqués ici ou là, mais le mouvement doit être accéléré : il faut investir pour pouvoir trouver cette alternative.

Se pose, enfin, la question de la compensation.

Mais je ne vous apprends rien, monsieur le sénateur, en évoquant ces trois aspects. Je prends en tout cas un engagement devant vous : celui de tout faire pour trouver la solution. Cet engagement, je le prends sans démagogie aucune et m’engage à y travailler avec beaucoup d’énergie.

Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cuypers

Le temps nous presse, monsieur le ministre.

Le Président de la République, lors de son allocution, a de nouveau affirmé qu’il fallait réapprendre à produire ce dont on a besoin. Vous-même, monsieur le Premier ministre, vous affirmiez hier que nous sommes trop dépendants de nos partenaires extérieurs.

Je prends acte de vos propos et, en même temps, de vos contradictions.

Aussi, je le dis avec force, j’accuse le Gouvernement de la destruction de la filière betterave. J’accuse le Gouvernement de la destruction de la filière alcool et de la fragilisation de notre production d’énergie et d’aliments pour le bétail. Une attitude semblable est incompréhensible pour notre société et pour le monde agricole, déjà au bord du gouffre. Faites vite, monsieur le Premier ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Yves Daudigny, pour le groupe socialiste et républicain.

C’est la dernière question de cette séance, mais aussi la dernière prise de parole dans ce cadre de notre collègue Yves Daudigny, dont je voudrais saluer le travail au sein de cette assemblée, comme secrétaire du Sénat, mais aussi, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre des solidarités et de la santé, comme auteur, avec M. Jean-Pierre Decool, d’un rapport datant de 2018 sur la pénurie de médicaments et de vaccins. De la prescience, au vu de ce que nous avons vécu !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Merci de vos paroles, monsieur le président. Peut-être aurai-je encore l’occasion, la semaine prochaine, d’intervenir au sujet de la dette sociale…

Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.

« La situation de la psychiatrie en France est passée de grave à catastrophique » titre une récente tribune de presse, dénonçant la pression financière à l’exclusion de toute autre vision maintenue sur ce secteur.

Dans le contexte présent – suppression des deux tiers de lits en psychiatrie, insuffisance des accueils alternatifs et des équipes mobiles, financement sans lien avec les besoins locaux, accès difficile aux centres médico-psychologiques, 20 % des postes du secteur public non pourvus, pédopsychiatrie sinistrée, disparités territoriales extrêmes –, la vague psychiatrique liée au covid-19 est en train de monter et pourrait déferler, à la rentrée, sur un système à bout de souffle.

« L’après-covid sera psychiatrique » affirme la professeure Marion Leboyer.

Pendant le confinement, les pertes de suivi, les ruptures de traitement ont concerné 10 % des malades. Faute de moyens humains suffisants, ont été mises en œuvre des privations de liberté injustifiées sur le plan médical et illégales, dans des conditions indignes pour les malades.

Mme Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de liberté, attire l’attention sur la question des droits des patients, sur l’enfermement de plus en plus important des malades mentaux. Elle s’interroge sur les nouvelles règles des hospitalisations sans consentement, sur l’utilisation abusive de l’isolement et de la contention.

Monsieur le ministre, avez-vous la volonté politique de donner à la psychiatrie et à la santé mentale, dans notre pays, toute leur place en termes de qualité et en réponse aux besoins de la population ?

Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE, ainsi que sur des travées du groupe UC

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Olivier Véran

Puisqu’il me revient l’immense honneur d’être le dernier à vous répondre dans cette noble assemblée, monsieur le sénateur Daudigny, permettez-moi de souligner, à mon tour, votre travail considérable, notamment en matière de politique de santé. Nous avons eu l’occasion d’en discuter, bien avant, sous une mandature précédente… Je crois que vous manquerez au Sénat.

La question que vous soulevez à propos d’un risque de vague psychiatrique est tout à fait juste, et j’ai déjà pu y répondre à d’autres occasions.

Le traumatisme psychologique qu’ont suscité, pour l’ensemble de la population, le confinement, la peur de tomber malade, la perte d’êtres chers que l’on ne pouvait même pas enterrer en famille est important, sans doute considérable. Il faut donc entamer, au plus vite, un travail de résilience collective avec les Français.

Pendant toute la période de crise épidémique, des soutiens psychologiques ont été mis en place par des associations et des professionnels du secteur sanitaire et médico-social, y compris, d’ailleurs, à destination des soignants eux-mêmes, qui ont été soumis à un stress épouvantable, semaine après semaine, mois après mois.

Vous évoquez, monsieur le sénateur, des abus dans le secteur de la psychiatrie, abus recensés dans un rapport de Mme Adeline Hazan. Je ne voudrais pas que vous gardiez cette image de la gestion de la crise du covid par le milieu de la psychiatrie. Celui-ci a fait face avec une dignité et un professionnalisme à toute épreuve.

Quand vous devez expliquer à des patients en état de délire qu’il y a un virus, une agression invisible, quand vous devez isoler des personnes en pleine période de confinement, c’est extrêmement difficile. Pourtant, le secteur de la psychiatrie a tenu !

Ce secteur, monsieur le sénateur, je le chéris tout comme vous. C’est pourquoi, parmi les 15 000 postes annoncés par le Premier ministre dans le cadre du Ségur de la santé, des postes seront dédiés à la psychiatrie. Et je vous confirme ce qui a été dit l’année dernière, à savoir que, quoi qu’il arrive, l’augmentation du budget des soins de santé mentale ne pourra être inférieure à l’augmentation générale du budget de la santé. Cette mesure est en rupture avec ce qui se passait les années précédentes.

Il y a beaucoup à faire pour la psychiatrie et la pédopsychiatrie, énormément pour la santé mentale, de manière générale, dans notre pays. Croyez en ma détermination sur ce sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Je vous remercie de vos propos, monsieur le ministre, qui me touchent particulièrement. L’engagement et le dévouement des soignants ne sont pas mis en doute, mais la psychiatrie et la santé mentale soulèvent deux enjeux. Le premier est un enjeu de santé publique, bien évidemment, avec plus de 2 millions de personnes concernées. Le second consiste à réconcilier les malades mentaux et les soignants en psychiatrie avec le pays. À mon sens, ce serait un élément constitutif d’un humanisme républicain. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mercredi 22 juillet 2020, à 15 heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, vendredi 17 juillet 2020 :

À onze heures, quatorze heures trente et le soir :

Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2020, adopté par l’Assemblée nationale (texte n° 624, 2019-2020).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à dix-neuf heures quinze.

Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d ’ administration générale.

Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai d ’ une heure prévu par l ’ article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée.

Mme Catherine Belrhiti est membre de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d ’ administration générale.