Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’indiquait le ministre de l’économie, des finances et de la relance il y a un instant, les deux premiers projets de loi de finances rectificative comportaient des mesures pour répondre à l’urgence, préparer et accompagner les entreprises à surmonter des difficultés extrêmement fortes et conjoncturelles, qui auront des conséquences dans le temps.
Avec ce troisième projet de loi de finances rectificative, nous commençons à dévoiler les divers éléments de financement des plans de relance et de soutien à un certain nombre de secteurs, avant que le projet de loi de finances pour 2021 nous permette de formaliser et d’assurer le financement de toutes les mesures de relance.
Je l’ai dit, les deux premiers budgets rectificatifs avaient pour objet de répondre à l’urgence. Le présent texte complète les dispositifs, mais porte un regard particulier sur celles et ceux qui sont les plus fragilisés par la crise – c’est dans cette optique que nous avons élaboré ce texte –, c’est-à-dire les jeunes, les collectivités territoriales, l’outre-mer, qu’il s’agisse de nos compatriotes ultramarins ou des collectivités ultramarines.
Nous souhaitons compléter un certain nombre des réponses apportées par les deux premiers budgets rectificatifs. Je pense notamment au fonds de solidarité, étendu dans le cadre du plan Tourisme, qui a profité à plus de 1, 7 million d’entreprises pour un total de plus de 3, 5 millions de versements, soit près de 4 milliards d’euros engagés pour accompagner les TPE et les PME. Aujourd’hui, nous allons plus loin en injectant 500 millions d’euros supplémentaires à cette fin.
Nous prévoyons également 3 milliards d’euros de crédits additionnels pour financer le chômage partiel et accompagner les entreprises qui ont encore besoin de ce dispositif. Il faut avoir en tête que nous mettons en place, parallèlement à cette mesure, un dispositif d’activité partielle de longue durée.
Nous voulons également aller plus loin en matière de soutien aux entreprises. Bruno Le Maire l’a dit, nous avons préparé un plan d’exonération des cotisations sociales au bénéfice des entreprises, qui est à la fois exceptionnel et inédit tant par son ampleur – environ 4 milliards d’euros – que par ses modalités.
En effet, nous proposons que soient totalement exonérées de cotisations les entreprises de moins de dix salariés ayant fait l’objet d’une décision de fermeture administrative pour une période de trois mois, de même que les PME de moins de 250 salariés appartenant aux secteurs les plus touchés par la crise économique, ceux du tourisme, de l’hôtellerie, de la restauration, de la culture, de l’événementiel, du sport ou du commerce de détail non alimentaire, pendant quatre mois.
Avec l’article 18, nous veillons aussi, vous pouvez le constater, à accompagner les entreprises les plus dépendantes de celles qui sont ainsi exonérées de cotisations. Les entreprises ayant des activités connexes de ces secteurs pourront bénéficier d’exonérations, dès lors qu’elles auront perdu, sur la même période, une part importante de leur chiffre d’affaires.
Le travail conduit avec l’Assemblée nationale nous a permis d’élargir ce dispositif aux travailleurs indépendants, ainsi qu’aux non-salariés agricoles, qui pourront désormais bénéficier d’une remise partielle de leurs dettes de cotisations et contributions sociales dues au titre de l’année 2020, lorsqu’ils ont connu une perte d’au moins 50 % de leur chiffre d’affaires. Ce travail parlementaire nous a aussi permis de faciliter les plans d’apurement : les travailleurs indépendants pourront désormais les enclencher sur proposition des organismes de recouvrement.
Au-delà de ces initiatives à caractère sectoriel, je tiens à souligner que nous souhaitons créer un filet de protection pour l’ensemble des entreprises.
Ainsi, les entreprises de moins de cinquante salariés, qui ont perdu plus de la moitié de leur chiffre d’affaires sur la période pourront bénéficier au cas par cas de remises de cotisations pouvant aller jusqu’à 50 % du total des cotisations dues. Comme l’a indiqué le ministre de l’économie, des finances et de la relance il y a un instant, nous prévoyons la possibilité d’un étalement sur douze, vingt-quatre ou trente-six mois des cotisations de toutes les entreprises qui rencontreraient des difficultés et qui auraient besoin de ces mesures de trésorerie.
À ce titre, nous ouvrons 900 millions d’euros de crédits supplémentaires, afin de préserver l’équilibre de la sécurité sociale. Nous avons en effet fait le choix, conformément aux engagements que nous avions pris à l’époque avec Gérald Darmanin, de compenser toute nouvelle dépense que nous mettrions à l’actif de la sécurité sociale.
Le deuxième point sur lequel je souhaite m’arrêter concerne le soutien que nous voulons apporter aux territoires. Nous avons entendu les difficultés rencontrées par les collectivités locales, comme celles que connaissent l’État ou les organismes de sécurité sociale. Nous sommes convaincus de la nécessité de les accompagner et de garantir leurs ressources.
Ainsi, les communes et les intercommunalités, particulièrement mobilisées pendant cette crise, qui subissent une forte altération de leurs ressources, verront ces ressources garanties. Je fais ici référence au versement mobilité, aux droits de mutation à titre onéreux (DMTO), à l’octroi de mer, ou encore à la taxe de séjour.
À l’article 5 du projet de loi de finances rectificative, nous prévoyons de créer un prélèvement sur recettes de l’État à destination du bloc communal pour près d’un milliard d’euros, de manière à garantir aux EPCI et aux communes un niveau de ressources pour 2020 égal à la moyenne des recettes fiscales et domaniales constatée entre 2017 et 2019.
Pour les groupements de collectivités territoriales chargés de la mobilité, nous assurerons une compensation – selon les mêmes modalités – des pertes de ressources liées au versement mobilité qu’ils auront subies en 2020.
Après discussions avec l’Assemblée des départements de France (ADF), l’article 7 consacre un mécanisme d’avances remboursables, en section de fonctionnement, pour les départements et autres collectivités bénéficiaires des DMTO. Par ailleurs, le débat à l’Assemblée nationale nous a permis de modifier la durée de remboursement des avances de DMTO en la portant à trois ans pour un montant prévisionnel qui s’élève à 2, 7 milliards d’euros.
Je précise que, en ce qui concerne tant la garantie des ressources du bloc local estimées sur la moyenne des recettes fiscales et domaniales des années 2017 à 2019 que les avances remboursables des départements en matière de DMTO, les prévisions nous permettront, sur la base des douzièmes versés, lorsque nous aurons constaté la réalité des recettes perçues à l’issue de l’exercice, d’affiner le dispositif. Évidemment, nous ne pouvons que souhaiter, les uns et les autres, que moins d’argent soit nécessaire, mais s’il fallait en débloquer davantage, nous le ferons pour tenir notre engagement.
J’évoquerai encore deux points concernant les collectivités.
Tout d’abord, nous prévoyons de consacrer un milliard d’euros de crédits supplémentaires dans ce texte pour soutenir l’investissement local et permettre aux collectivités de continuer à jouer leur rôle en faveur de l’emploi, de l’attractivité et de la cohésion de notre pays.
Ensuite, il existe des mesures plus sectorielles, dont un soutien aux collectivités d’outre-mer auxquelles nous portons une attention particulière. Nous abordons donc la question de l’octroi de mer dans ce texte, mais aussi celle de dispositifs spécifiques, comme les taxes spéciales sur les carburants dont bénéficient certaines collectivités. Ce sont 60 millions d’euros qui seront consacrés à garantir les ressources de ces collectivités.
Nous avons aussi proposé à l’Assemblée nationale – elle l’a accepté – un fonds de soutien particulier à hauteur de 8 millions d’euros pour les collectivités qui profitent d’un système de financement additionnel. Je pense notamment à la Corse.
Enfin, nous offrons aux collectivités de nouvelles possibilités d’intervention : les collectivités du bloc local pourront, si elles le souhaitent, décider d’un abattement de deux tiers de la cotisation foncière des entreprises (CFE) pour les entreprises de leur territoire, sachant que l’État financera 50 % du dispositif, contrairement à la doctrine habituelle de non-compensation des décisions volontaires prises par les collectivités, et ce, évidemment, à titre exceptionnel.
Comme l’a dit le ministre de l’économie, des finances et de la relance, ce texte prévoit nombre de dispositions permettant d’améliorer le soutien à l’économie et aux entreprises.
Nous avons veillé à la fois à compléter et prolonger des dispositifs efficaces – je pense au fonds de solidarité, aux prêts garantis par l’État, aux différents dispositifs d’intervention – et inscrit 400 millions d’euros de crédits supplémentaires pour le développement de l’apprentissage dans le secteur privé, selon les modalités qu’a rappelées Bruno Le Maire il y a quelques minutes. Mes collègues Élisabeth Borne, Amélie de Montchalin et moi-même travaillons pour ouvrir ce dispositif d’aide à l’apprentissage aux employeurs de la fonction publique territoriale.
Nous prévoyons également 150 millions d’euros d’aides à destination des jeunes et des étudiants les plus précaires, ce qui correspond aux engagements pris par le Président de la République. De même, nous ouvrons 50 millions d’euros de crédits pour participer aux dépenses engagées par les départements, qui ont accepté de prendre en charge des jeunes majeurs confiés à l’ASE, l’aide sociale à l’enfance, jusqu’à la fin de l’année, quand bien même ceux-ci auraient atteint leur majorité au cours de l’année.
Les efforts que nous consentons et les dispositions que nous vous proposons sont importants. Ils permettront d’accompagner l’économie et nos concitoyens.
Je le répète, nous avons retenu un certain nombre de suggestions faites lors des débats à l’Assemblée nationale, qui nous ont amenés à renforcer les dispositifs que nous proposions pour un coût supplémentaire de 2 milliards d’euros.
Au cours de l’examen de ce texte, nous aurons l’occasion de revenir sur certaines dispositions et annonces faites par le Président de la République le 14 juillet ou par le Premier ministre, hier, lors de sa déclaration de politique générale devant l’Assemblée nationale ou, ce matin, devant le Sénat, de manière à pouvoir les compléter.
L’ensemble des mesures que Bruno Le Maire et moi-même avons l’honneur de vous présenter ont évidemment un coût, mesdames, messieurs les sénateurs. L’État engage 460 milliards d’euros, dont plus de 300 milliards d’euros de garanties.
Le projet de loi de finances rectificative se traduit par une dégradation sans équivalent de la situation des finances publiques, puisque le niveau du déficit public est estimé, à cette date, à 11, 5 %, ce qui représente pour l’État un déficit à hauteur de 220 milliards d’euros pour l’année 2020.