Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 16 juillet 2020 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2020 — Discussion générale

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

Il va donc nous falloir être très efficaces !

Si nous nous retrouvons aujourd’hui, ce n’est évidemment pas une surprise : déjà lors de l’examen du deuxième projet de loi de finances rectificative, nous avions indiqué que le scénario de croissance était très optimiste et qu’il y avait sans doute besoin d’amplifier les mesures de soutien à l’économie.

Sur ce point – nous allons y revenir tout au long des débats –, le compte n’y est pas. Il faudra des mesures de relance, dont Bruno Le Maire nous a d’ailleurs d’ores et déjà parlé.

La crise est bien là, et nous devons évidemment tous être au rendez-vous pour sauver notre économie. Comme nous le savons, les chiffres sont catastrophiques : un recul de plus de 11 % du PIB, qui n’a pas de précédent depuis 1944. Malheureusement, les principales organisations internationales placent la France parmi les pays qui devraient connaître le plus fort recul de leur PIB sur l’ensemble de l’exercice 2020.

Par rapport à nos voisins, notamment l’Allemagne, mais aussi à des pays comme la Suède, qui ont confiné moins longtemps, nous vivons une crise de plus forte et de plus longue intensité, qui place notre pays dans une situation particulièrement délicate.

Bruno Le Maire aime beaucoup les citations. Je rappellerai donc le sous-titre du Soulier de satin de Paul Claudel : « le pire n’est pas toujours sûr ». §Parfois, en effet, les nouvelles sont meilleures qu’attendu, et l’économie repose notamment sur la confiance.

Si la chute du PIB devrait être particulièrement marquée en France, les derniers développements conjoncturels suggèrent qu’elle pourrait être un peu moins forte que prévu, sous réserve bien sûr que l’épidémie ne redémarre pas.

La révision à la hausse du taux d’activité pendant le confinement par l’Insee, l’Institut national de la statistique et des études économiques, a ainsi majoré notre taux de croissance de deux points, si bien que la prévision gouvernementale présente maintenant un caractère que l’on peut qualifier de prudent.

Cette prévision de croissance gouvernementale implique désormais que le rattrapage soit quasiment achevé, ce qui est clairement pessimiste. L’Insee anticipe, pour sa part, un recul de 9 % du PIB.

La situation pourrait être encore meilleure si l’on stimulait davantage la consommation, notamment par le déblocage d’une partie des économies accumulées par les ménages, estimées à 75 milliards d’euros par l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE. Et ce montant pourrait être encore plus élevé à en croire le Gouvernement qui parlait, je crois, de 100 milliards d’euros.

Mais il faut aussi être prudent : une nouvelle vague épidémique, qui s’accompagnerait de mesures de confinement même partielles, risquerait de provoquer une rechute de l’activité.

Venons-en maintenant aux mesures figurant dans ce troisième projet de loi de finances rectificative.

Il s’agit d’un redimensionnement a minima du plan de soutien existant, dans l’attente d’un plan de relance qui a été annoncé, sur lequel Bruno Le Maire est largement revenu, mais que nous ne voyons toujours pas venir – nous sommes impatients. On nous l’annonce plutôt, si j’ai bien compris, pour le projet de loi de finances pour 2021.

Parmi les différentes composantes du plan de soutien, les mesures ayant une incidence sur le solde public connaissent une hausse de 15, 5 milliards d’euros, principalement due au chômage partiel, aux exonérations de charges et aux plans de soutien sectoriels. S’y ajoutent les mesures qui n’ont pas d’effet immédiat sur le déficit public : elles sont en augmentation de 19, 5 milliards d’euros. Je pense, notamment, aux reports des échéances fiscales et sociales pour plus de 7 milliards d’euros.

Par comparaison avec les autres économies avancées, le plan de soutien français continue de présenter un caractère singulier, la France mobilisant moins les mesures qui ont un impact sur le déficit public, alors qu’il s’agit pourtant de dispositions pouvant apporter un soutien plus direct à l’économie. Ce différentiel paraît d’autant plus paradoxal que la France est l’un des pays où la chute du PIB est parmi les plus fortes.

Cette stratégie s’explique tout d’abord par les moindres marges de manœuvre dont dispose la France sur le plan budgétaire. Il y a quelques jours, nous avons examiné le projet de loi de règlement : chaque année, nous répétons qu’il faut faire attention et faire des efforts pour avoir un déficit et un endettement moins élevés, ce qui n’est pas le cas. Nous partons avec un déficit à la base, en quelque sorte, et avec moins de marges de manœuvre que nos voisins, notamment l’Allemagne.

Quoi qu’il en soit, la révision à la baisse de la croissance et le redimensionnement du plan de soutien conduisent mécaniquement à une nouvelle dégradation de la trajectoire budgétaire : un déficit de 11, 5 % du PIB en 2020, une nouvelle hausse de l’endettement qui atteindrait 120, 9 % du PIB. Fort heureusement, il n’y aurait pas à ce stade de renchérissement des taux d’intérêt, ce qui nous laisse une certaine marge de manœuvre.

Concernant l’État, son déficit budgétaire passe de 93, 1 milliards d’euros – ce n’est pas la préhistoire, c’est ce que prévoyait le projet de loi de finances pour 2020 ! – à 224 milliards d’euros dans le texte adopté par l’Assemblée nationale. On observe une dégradation encore plus importante du solde – 39 milliards d’euros – par rapport au deuxième projet de loi de finances rectificative. Cette hausse du déficit résulte essentiellement d’une chute de nos recettes de 23, 5 milliards d’euros et d’une augmentation de nos dépenses de 12 milliards d’euros.

Ce déficit est évidemment totalement inédit, puisque, au plus fort de la crise de 2009, le déficit n’avait pas dépassé 150 milliards d’euros. En trois budgets rectificatifs, nous l’avons simplement creusé de 130 milliards d’euros. J’espère qu’il n’y aura pas de quatrième projet de loi de finances rectificative, mais le ministre nous a rassurés à ce sujet.

Les besoins de financement de l’État sont désormais colossaux : cette année, nous allons devoir emprunter 363, 5 milliards d’euros sur les marchés.

La situation de l’État est véritablement hors-norme : les recettes nettes diminuées des prélèvements sur recettes sont 2, 2 fois inférieures aux dépenses nettes. Ainsi, le budget général connaît un déficit supérieur au montant de ses recettes et égal à 55 % de ses dépenses.

Les recettes fiscales nettes prévues par le PLFR sont inférieures de 65, 9 milliards d’euros au niveau prévu en loi de finances initiale.

Du côté des crédits budgétaires, 13, 7 milliards d’euros sont ouverts sur le budget général et les ouvertures de crédits portent sur de très nombreuses missions.

Par ailleurs, alors que le Gouvernement a annoncé un plan de soutien sectoriel de 40 milliards d’euros, les crédits budgétaires ouverts par le troisième projet de loi de finances rectificative sont bien inférieurs : je les estime à 823 millions d’euros pour la filière automobile, à 135 millions d’euros pour le secteur aéronautique et à 2, 2 milliards d’euros pour le secteur du tourisme. Les sommes annoncées par le Gouvernement incluent aussi bien des mécanismes de prêts ou des dispositifs déjà existants.

En l’état, le redimensionnement a minima du plan de soutien du Gouvernement n’est pas à la hauteur des enjeux et doit être amplifié, sans attendre, par la mise en place d’un plan de relance afin de conforter la reprise.

Je le dis clairement, et beaucoup de voix s’exprimeront dans ce sens, je regrette la décision du Gouvernement de différer la mise en œuvre de ce dernier à la rentrée, …

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