Intervention de Vincent Eblé

Réunion du 16 juillet 2020 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2020 — Discussion générale

Photo de Vincent EbléVincent Eblé :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a un peu moins de trois mois, lorsque nous examinions le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2020, j’avais souligné que ce texte ne constituait qu’une étape, avant un troisième PLFR qui serait, je le pensais, celui des arbitrages politiques.

J’avais alors interrogé le Gouvernement pour qu’il dévoile ses intentions sur sa stratégie de relance de notre économie, sur les moyens de la financer et sur les secteurs prioritaires, car ces questions, posées depuis longtemps, ne semblaient pas avoir trouvé véritablement de réponse.

Aujourd’hui, le temps est venu d’examiner ce texte tant attendu, mais, malheureusement, nombre de mes questions restent sans réponse !

Tout d’abord, nous sommes encore suspendus aux résultats des négociations sur les perspectives financières pluriannuelles et sur le fonds de relance européen. Les discussions vont reprendre demain. L’accord franco-allemand de mai dernier et les propositions de la Commission européenne vont dans le bon sens, encore faut-il clarifier certaines zones d’ombre – je pense notamment aux financements – et désormais transformer l’essai !

Ensuite, le texte qui nous est soumis est finalement non pas un plan de relance, sans cesse différé, même si vous nous en avez beaucoup parlé, monsieur le ministre, mais un ajustement budgétaire qu’il faut bien qualifier « d’attente », du fait notamment de cette absence d’accord européen, et d’une ampleur limitée au regard du soutien dont notre économie a besoin.

Les crédits nouveaux sur le budget général, soit 13, 8 milliards d’euros, portent pour l’essentiel sur la mission « Plan d’urgence », entérinant notamment le coût très élevé – 31 milliards d’euros au total – du dispositif de soutien au chômage partiel, certes indispensable, mais qui nécessitera un contrôle a posteriori particulièrement vigilant. Les risques de fraude sont très significatifs en l’absence de réel contrôle a priori et il conviendra de les traiter.

Le projet de loi de finances rectificative prévoit aussi une légère hausse du fonds de solidarité pour les entreprises et des exonérations de charges, mais l’essentiel du soutien provient de simples mesures de trésorerie. Les garanties pour les entreprises avaient déjà été entérinées par le premier PLFR, avec un plafond de 300 milliards d’euros, dont chacun espère bien sûr qu’il n’aura pas lieu d’être.

Tout cela est donc limité, même si le Premier ministre vient de nous annoncer un plan de relance de 100 milliards d’euros et le ministre de l’économie, des finances et de la relance, aujourd’hui même, une baisse des impôts de production de 20 milliards d’euros. Quoi qu’il en soit, les engagements pour l’avenir s’accumulent !

Ce collectif budgétaire était également attendu pour prendre en compte la situation des collectivités territoriales dont les recettes – versement transport, droits de mutation, taxe de séjour, octroi de mer – sont touchées par la crise. Or les collectivités doivent faire face à de nouvelles charges : là encore, les propositions du Gouvernement déçoivent, avec un plan limité à 4, 5 milliards d’euros, dont la moitié correspond à des avances remboursables.

Nous nous reverrons donc à l’automne pour débattre de nouvelles mesures. Mais il y a urgence, car la France va connaître cette année une récession sans précédent de 11 % du PIB, selon les estimations gouvernementales, supérieure à celle de nombre de ses partenaires européens, notamment de l’Allemagne qui a pourtant décidé très rapidement d’un plan de relance bien plus massif. Il n’y a guère que le Royaume-Uni, soumis à la double peine du Brexit et du covid, qui fasse plus mal que nous !

Cette récession sera d’autant plus forte que nous tarderons à mettre en œuvre les mesures de soutien nécessaires. Il y a urgence, car il s’agit non seulement de points de croissance, mais aussi des conséquences sociales : le dispositif de chômage partiel n’a apporté qu’une réponse temporaire ; les plans sociaux et les licenciements économiques pourraient s’enchaîner dans les mois à venir, avec des conséquences sur nos territoires.

D’ores et déjà, de grandes entreprises annoncent des suppressions d’emplois : 15 000 chez Airbus, dont un tiers en France, 7 580 chez Air France d’ici à la fin de l’année 2022, 4 600 chez Renault, 1 900 chez Conforama, dont le siège est situé à Lognes, commune dont j’ai été élu municipal pendant vingt-deux ans, 1 200 chez Nokia, etc. Par ailleurs, la situation est dramatique pour les petites et moyennes entreprises.

La collectivité nationale doit réagir en s’efforçant de faire les bons choix : soutenir des entreprises viables, privilégier la recherche et l’investissement, prendre en compte la responsabilité sociale et environnementale. La puissance publique dispose aujourd’hui de leviers de changement inédits et d’une opportunité historique de transformer notre économie pour le bénéfice des générations futures.

À cet égard, nous cherchons encore les indices de cette transformation : conditionner une prise de participation de l’État à des engagements en matière de réduction de gaz à effet de serre à travers la simple publication d’un rapport annuel, sans autre conséquence, n’est clairement pas à la hauteur des enjeux !

Enfin, il faudra malgré tout rester attentifs à nos finances publiques, afin de fixer un cap un tant soit peu cohérent : nous en discuterons dans le cadre du débat d’orientation des finances publiques.

Après des années d’application du pacte de stabilité, la crise a fait exploser tous nos repères : les déficits et la dette publique s’envolent à des niveaux que personne n’aurait pu imaginer il y a seulement quelques mois. Le Gouvernement évoque le « cantonnement » de la dette, comme si cette procédure comptable pouvait la faire disparaître…

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