Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 16 juillet 2020 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2020 — Discussion générale

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

Les mesures de soutien ayant une incidence budgétaire s’élèvent à 2, 6 points de PIB en France, quand elles atteignent 9, 4 points de PIB en Allemagne. Cela traduit bien la faiblesse de nos marges de manœuvre. Ce n’est pas l’envie qui fait défaut ; nous ne pouvons pas faire plus !

Pourtant, au début de la crise, le Président de la République a utilisé l’expression, probablement hasardeuse, « quoi qu’il en coûte ». Et le 14 juillet dernier, il nous a annoncé un plan de relance de 100 milliards d’euros. Mais quand et comment, nous ne le savons pas exactement.

Considérant que notre économie ne peut attendre six mois de plus, mon groupe déposera des amendements sur ce texte, comme notre rapporteur général, au nom de la commission des finances, mais aussi les autres commissions, à commencer par celle des affaires économiques, qui ont travaillé, auditionné, préparé des mesures de relance.

Les sénateurs Les Républicains proposeront ainsi de baisser les impôts de production, afin d’améliorer la compétitivité de nos entreprises et de favoriser la relocalisation d’activité autant que faire se peut.

Nous vous proposerons de commencer par la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), promise depuis si longtemps par le Président de la République – l’actuel comme l’ancien, d’ailleurs ; vous devez vous en souvenir, monsieur le ministre ! –, et par la suppression du forfait social pour les PME et les ETI.

Nous proposerons également de baisser les charges sociales, pour diminuer le coût du travail et lutter contre le chômage, en soutenant l’emploi des jeunes et la création d’entreprise par les demandeurs d’emploi.

Nous proposerons de doper les investissements dans le capital des entreprises. La plupart d’entre elles sont aujourd’hui fragilisées et la question de leur solvabilité va être essentielle. Leurs besoins en fonds propres sont estimés entre 10 et 30 milliards d’euros par la Banque de France, un montant considérable.

Les chiffres sont éloquents : l’effondrement des recettes fiscales de 66 milliards d’euros sera dû, pour moitié, à l’effondrement des bénéfices des entreprises, avec une perte estimée, pour 2020, à 32, 4 milliards d’euros de recettes d’impôt sur les sociétés. La chute de la consommation, avec 19, 8 milliards de baisse des recettes de TVA, ne vient qu’en second. Les revenus des ménages n’ont diminué, pour leur part, si j’ose dire, que de 6 milliards d’euros.

Nous proposerons aussi de renforcer le soutien à certains secteurs, comme les transports et le logement, des secteurs clés dont dépend aussi le bon fonctionnement de notre économie.

Concernant les transports, les AOM doivent être accompagnées, y compris en Île-de-France, région qui avait été bizarrement oubliée. Même si des avancées ont bien eu lieu à l’Assemblée nationale, elles sont insuffisantes.

Notre rapporteur général vous proposera d’aller plus loin, afin que la région capitale, où la qualité des transports en commun est vitale pour nos entreprises et où les besoins sont – c’est le moins que l’on puisse dire – considérables, ne soit pas laissée pour compte.

Quant au logement, si l’accent est mis sur la rénovation thermique de l’existant – sujet certes important –, nous n’avons pas vraiment le sentiment que tout soit fait pour soutenir la construction neuve. Pourtant, les besoins sont, là aussi, réels. Les emplois concernés sont non délocalisables et la chute du nombre de logements construits, tant dans le parc privé que dans le logement social, ne pourra qu’alimenter la fournaise des prix, que nous n’arrivons toujours pas à enrayer.

Toujours en matière de logement, je ne résiste pas à l’envie de vous demander, monsieur le ministre, des nouvelles de la réforme des aides personnalisées au logement (APL), dont l’entrée en vigueur a été repoussée, pour des raisons d’abord techniques, puis d’opportunité politique, en lien avec la crise. Est-elle donc, oui ou non, définitivement abandonnée pour 2020 ?

Si oui, ce que je crois, pourquoi n’en tirez-vous aucune conséquence budgétaire, puisqu’il manquera alors vraisemblablement près de 1 milliard d’euros pour le Fonds national d’aide au logement (FNAL) ? Après l’examen de ce projet de loi de finances rectificative, le déficit budgétaire atteindra probablement 224 milliards d’euros, donc 1 milliard d’euros de plus ou de moins correspond, si j’ose dire, à une toute petite épaisseur du trait… Mettez au moins les pendules à l’heure dans ce domaine !

Par ailleurs, nous proposerons d’encourager l’investissement public, soutenu principalement par les collectivités territoriales, en reprenant la mesure sur le Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), qui avait été efficace dans le cadre du plan de relance de 2009. Cette disposition avait d’ailleurs été reconduite plusieurs années de suite.

Nous soutiendrons également des mesures favorisant la transition énergétique, notre conviction étant que le rebond passera aussi par la croissance écologique et non par la décroissance verte, comme l’a très justement souligné M. le Premier ministre.

Enfin, nous proposerons de soutenir la consommation, qui a fortement chuté, au travers de mesures visant à libérer l’épargne des Français, qui s’est accumulée pendant le confinement. Les estimations varient entre 75 milliards et 100 milliards d’euros, c’est considérable !

Toutefois, la relance de la consommation des ménages dépendra aussi de la confiance des Français, qui repose sur plusieurs éléments : le maintien des filets sociaux de sécurité, mais aussi la stabilité fiscale promise par le Président de la République. De ce point de vue, nous regrettons les propos contradictoires qui sont exprimés à ce sujet au sein de votre majorité, monsieur le ministre.

Ainsi, le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, pourtant réputé proche du Président de la République, a laissé entendre qu’il faudrait davantage taxer les premiers de cordée, ceux-là mêmes sur lesquels la fiscalité est déjà hyperconcentrée, puisque – je le rappelle –, en France, 20 % des ménages paient 85 % de l’impôt sur le revenu.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion