Intervention de Jacky Deromedi

Réunion du 16 juillet 2020 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2020 — Discussion générale

Photo de Jacky DeromediJacky Deromedi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il était temps qu’un projet de loi de finances rectificative prévoie enfin des crédits et engagements pour nos compatriotes français de l’étranger, qui subissent de plein fouet la crise pandémique.

Lorsque l’on est expatrié, on est étranger dans le pays d’accueil, et, en tant que tel, on a, à la fois, peu de droits et le devoir de respecter les règles du pays d’accueil. S’il y a des licenciements, ce sont les étrangers qui voient leurs contrats interrompus, sans indemnités ; ils doivent pourtant continuer de faire vivre leur famille.

Les membres de certains couples français ont tous les deux perdu leur emploi. Ils ne veulent pas rentrer pour autant, mais il leur faut du temps pour retrouver un emploi et faire face à leurs dépenses. De plus, dans beaucoup de pays, les permis de séjour sont liés aux contrats de travail.

Le plan de soutien prévoyait un dispositif de 50 millions d’euros de crédits, destiné à aider nos compatriotes les plus démunis touchés par la crise. Deux mois après l’annonce de cette aide exceptionnelle, seulement 2 700 de nos compatriotes ont pu bénéficier de cette aide, totalisant à peine 390 000 euros, soit moins de 1 % de l’enveloppe destinée à soutenir les Français de l’étranger en grande difficulté.

Serait-ce parce que, finalement, ces Français résidant hors de France vont mieux ? Pas du tout, mais les critères d’attribution de ces aides sont opaques et mal connus. Ils ne font pas l’objet d’un texte réglementaire ; nul ne comprend pourquoi tant de personnes ne sont pas éligibles à ces subventions, alors qu’elles se retrouvent, brutalement, totalement démunies.

Les dossiers sont étudiés par les postes diplomatiques, dont la compétence n’est pas remise en cause, mais qui n’ont pas toujours une parfaite connaissance de la situation individuelle des personnes en difficulté. Or les conseillers des Français de l’étranger, qui, eux, connaissent cette situation, ne sont pas consultés.

Si le pays de résidence accorde une aide, comme à Madagascar, où les étrangers perçoivent une aide de 23 euros, les demandeurs ne sont plus éligibles à l’aide exceptionnelle. En outre, même lorsque toutes les conditions sont remplies, le montant accordé est ridiculement bas, puisqu’il s’élève à 150 euros au maximum, plus 100 euros par enfant.

Les conseillers des Français de l’étranger nous font part de leur totale incompréhension face à l’obligation de ne verser cette aide qu’une seule fois, alors que, chacun en convient et l’annonce, la crise sera longue. En tout état de cause, cette aide est totalement sous-dimensionnée par rapport aux besoins.

Il faut établir, de toute urgence, des critères adaptés, qui tiennent compte des problèmes individuels de chacun et qui permettent de payer le loyer, la scolarité et les frais de la vie quotidienne pendant au moins six mois, quitte à ce qu’il s’agisse d’un prêt remboursable. Il faut donner la possibilité d’utiliser cette subvention, à moins qu’elle ne soit qu’un leurre…

Les Français qui ont créé de petites entreprises à l’étranger connaissent également des difficultés. M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État, avait donné quelques espérances en réponse à ma question d’actualité du 1er juillet. Il avait reconnu des lacunes concernant nos entreprises en déclarant : « Je souhaite mettre en place un volet complémentaire, à destination des entrepreneurs, dont certains ne bénéficient pas d’aides locales ; je suis en train d’y travailler avec mes collègues de Bercy. » Or il n’y a aucun crédit ni aucune mesure pour ces entreprises dans ce troisième PLFR.

Il est urgent de mettre en place un plan de soutien aux entrepreneurs français à l’étranger qui permette à ceux-ci d’obtenir le financement de six mois de trésorerie par des avances remboursables à partir de 2022.

Enfin, en ce qui concerne nos établissements scolaires français à l’étranger, il a été, là encore, prévu une enveloppe de bourses supplémentaires pour faire face aux frais de scolarité, que les parents ne veulent ou ne peuvent pas régler, en particulier du fait de l’enseignement à distance. Malheureusement, les établissements scolaires n’ont pas d’autre choix que de facturer l’intégralité des écolages, déduction faite des frais n’ayant pas été supportés.

Là aussi, l’information n’a pas été correctement diffusée. Les décisions d’octroi sont prises non pas sur place, par les personnes qui connaissent les situations des familles, mais à Paris, et les critères sont également totalement opaques. La plupart des dossiers sont refusés. On va encore nous dire que la totalité de l’enveloppe des bourses n’a pas été consommée, alors que beaucoup de familles ne peuvent pas payer le troisième trimestre et risquent de ne pas réinscrire leurs enfants l’année prochaine. Cela est susceptible de mettre en grande difficulté les établissements eux-mêmes.

Quand on compare les centaines de milliards d’euros distribués en France et en outre-mer aux 220 millions d’euros qui ne seront même pas totalement distribués à l’étranger, on a le droit de s’interroger. En France, c’est « quoi qu’il en coûte ». Nous aimerions qu’il en soit ainsi pour les Français résidant à l’étranger. Il serait regrettable que l’on soit obligé de rapatrier ceux qui n’auront pas réussi à passer la vague, simplement parce qu’ils n’auront pas reçu le soutien ponctuel nécessaire durant cette crise.

Monsieur le ministre, quoi qu’il m’en coûte, je continuerai de me battre pour faire entendre leurs voix, en espérant que, un jour, ils auront la place qu’ils méritent.

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