Intervention de Patrice Joly

Réunion du 16 juillet 2020 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2020 — Discussion générale

Photo de Patrice JolyPatrice Joly :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise sanitaire que nous traversons a des conséquences redoutables sur la vie de nos concitoyens. Des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants se retrouvent aujourd’hui dans des situations de grande précarité et d’insécurité pour leur avenir.

Face à l’urgence sociale, la question de l’examen d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative, prenant en compte l’incidence de la crise sur les comptes sociaux, aurait mérité d’être inscrite à l’ordre du jour du Parlement. Le Gouvernement n’a pas fait ce choix ; il s’est contenté de nous soumettre un troisième projet de loi de finances rectificative en nous martelant deux chiffres : une récession de 11 % et une dette représentant 120 % du PIB en 2020.

Nous écoutons le ministre nous dire, comme il aime à le répéter pour développer son discours sur les finances publiques, que nous nous sommes endettés pour sauver notre économie et que cette « dette covid », nous devrons la rembourser.

Toutefois, je souhaite le rappeler au Gouvernement, c’est lui qui a fait le choix politique d’un financement intégral par le déficit, donc par la dette. D’autres options étaient possibles, car l’on voit bien se dessiner le risque que l’on procède à un dégonflement des dettes publiques par des politiques d’austérité réduisant les dépenses publiques et les politiques sociales. Cela se traduirait nécessairement par une chute de l’activité, donc une baisse des recettes fiscales ; par conséquent, le ratio de la dette par rapport au PIB ne baisserait pas.

C’est au contraire par des ressources fiscales nouvelles qu’il faudrait aborder le sujet de la réduction de la dette, en privilégiant la taxation des hauts revenus, des hauts patrimoines et des entreprises multinationales, ainsi que la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Doit-on évoquer l’actualité et le scandale des 13 milliards d’euros d’avantages fiscaux obtenus par Apple, en Irlande, à cause du laxisme en matière de lutte contre les paradis fiscaux européens ?

Augmenter la fiscalité pesant sur les plus riches, c’est possible. N’avez-vous pas entendu, à l’échelon international, l’appel des Millionnaires pour l’humanité à ce sujet ? Il faut au plus vite rétablir l’ISF ; il faut revenir sur la flat tax, qui plafonne la fiscalité sur les dividendes et assujettir ceux-ci à l’impôt sur le revenu, car rien ne justifie que ce type de revenu fasse l’objet d’un traitement avantageux.

Ce sont autant de pistes que nous aurions aimé voir apparaître dans ce nouveau PLFR. Malheureusement, il n’en est rien. Nous aurons l’occasion d’en débattre au cours de l’examen du texte.

Il faut relancer notre pays par le biais des territoires, de tous les territoires, c’est-à-dire par les territoires urbains, qui ont besoin de logements, de services, d’équipements et d’accompagnement dans la formation et l’emploi. Il s’agit donc de renforcer la politique de la ville. C’est-à-dire aussi par les territoires ruraux. Je ne cesserai de rappeler, dans cet hémicycle et au-delà, que nos territoires ruraux sont une chance et un atout pour l’avenir de notre pays. Ils sont à même d’apporter les solutions aux problèmes que rencontre notre société, par leurs capacités d’accueil, les réseaux, les équipements et les services déjà présents et souvent non saturés. Ils offrent également des réponses alternatives aux phénomènes de concentration, de saturation et de pollution qui touchent les territoires urbains.

À cet égard, nous proposerons de voter le financement d’un nouveau programme, intitulé Villages du futur, pour favoriser le développement des villages constituant des pôles de centralité pour leur territoire et de ceux qui participent au maillage nécessaire pour fournir à la population les équipements, infrastructures et services indispensables.

Je proposerai également de réévaluer la DETR, la dotation d’équipement des territoires ruraux, qui constitue le soutien le plus efficace aux petites communes et participe ainsi indiscutablement à la cohésion des territoires. C’est aussi répondre aux attentes des populations urbaines souhaitant réaliser leur rêve de campagne, comme l’ont montré les flux de population lors du confinement.

Il ne peut y avoir de relance de notre économie sans soutien, via des dispositifs d’exonération fiscale et sociale, à nos zones rurales et aux entreprises qui souhaitent s’y installer et aux services qui y sont implantés. C’est le sens des amendements que nous défendrons, afin de proroger le bénéfice du classement en zones de revitalisation rurale (ZRR) pour les communes sortantes, jusqu’au 31 décembre 2021.

Pour financer les actions à destination de ces territoires, pourquoi ne pas envisager des rural bonds, afin d’orienter l’épargne locale en faveur de l’investissement dans les territoires ruraux ?

Je souhaite poursuivre mon intervention en évoquant deux sujets essentiels, insuffisamment pris en compte dans le projet de loi qui nous est soumis : la jeunesse et la transition écologique.

Il y a urgence à répondre à la détresse des 700 000 jeunes qui arriveront sur le marché de l’emploi dans les prochaines semaines, ainsi qu’à l’angoisse de ceux qui basculent déjà dans la précarité.

Le Président de la République a fait des annonces ce 14 juillet. Nous avons entendu hier et tout à l’heure celles du Premier ministre, que vous avez reprises, monsieur le ministre.

Afin d’être à la hauteur des enjeux, nous vous proposerons d’aller plus loin, en retenant deux dispositifs, une « prime rebond premier emploi », pour toutes les entreprises qui embauchent un jeune, et une « aide rebond premier emploi », à destination des jeunes disposant de faibles ressources et en recherche d’emploi.

En matière d’emploi, chaque jour, les plans sociaux tombent en cascade sur le pays, que ce soit au sein d’Air France, d’Airbus, d’Alstom ou de Sanofi ou d’entreprises plus modestes. Il devient urgent de réconcilier les différents acteurs de l’économie. Pour cela, nous avons besoin d’un nouvel esprit d’entreprise qui amplifie les efforts en faveur de plus de justice sociale, d’écologie et d’emploi. Il revient à l’État de n’accorder son soutien qu’aux entreprises qui poursuivent ces objectifs et qui renoncent à verser des dividendes à leurs actionnaires en 2020.

Sur le plan de la transition écologique, dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle doit être engagée rapidement, elle n’est toujours pas au programme du « monde d’après ». Dans les faits, est-il encore raisonnable de renflouer des multinationales polluantes, en toute opacité, sans contrôle démocratique, sans contraintes ni réelles contreparties exigées de leur part ? On ne peut injecter des dizaines de milliards d’euros dans l’économie et dans les entreprises, sous forme de prêts ou d’aides diverses, sans exiger des garanties pour le maintien de l’emploi et signer des engagements environnementaux forts.

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