Intervention de Josiane Costes

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 2 juillet 2020 : 1ère réunion
Examen du rapport d'information de mme josiane costes et m. charles guené sur l'ingénierie territoriale et l'agence nationale de la cohésion des territoires

Photo de Josiane CostesJosiane Costes :

J'ai déjà eu l'occasion de vous présenter la création de l'ANCT le 4 juin dernier, lors de notre communication d'étape sur les 8 points de vigilance que nous lui avions communiqués, et sur lesquels sa présidente et son directeur général ont pu répondre lors de leur audition la semaine dernière.

Si nous avons eu des précisions sur les modalités d'intervention de l'Agence et la feuille de route qu'elle a adoptée le 17 juin dernier, l'essentiel des points de vigilance demeure, notamment la question des moyens financiers et humains, qui nous paraissent limités. À ce sujet, il a été intéressant d'entendre dire par la présidente du conseil d'administration de l'agence que les 10 millions d'euros initialement dédiés à l'ingénierie sur mesure ne sont pas suffisants et qu'elle en demandera le doublement pour les années suivantes.

Je vous ferai un rappel très bref de la création de l'ANCT.

Le principe d'une nouvelle agence a été annoncé par le Président de la République à l'occasion de la Conférence nationale des territoires organisée au Sénat le 17 juillet 2017. La loi portant création de l'ANCT a été promulguée en juillet 2019, pour une création juridique de l'agence au 1er janvier 2020.

L'ANCT est un « opérateur d'opérateurs », elle rassemble le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), l'Agence du numérique et l'Établissement public de restructuration et d'aménagement des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA).

Les trois axes d'intervention de l'ANCT sont « le déploiement de programmes d'appui territorialisés », « l'aide à la conception et à la mise en oeuvre de projets de territoires, dans le cadre de contrats territoriaux intégrateurs, les contrats de cohésion » et « l'appui en ingénierie et sur-mesure à des projets locaux qui ne pourraient aboutir sans le soutien spécifique de l'agence et de ses partenaires ».

Sur un effectif de 331 postes, 59 seront dédiés au soutien des collectivités territoriales au titre de l'ingénierie d'État.

Pour l'heure, il est évidemment bien trop tôt pour dresser un bilan. L'agence vient d'adopter sa feuille de route et les conventions avec ses cinq opérateurs de référence (le Cerema ; l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat - l'ANAH -, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine - l'ANRU -, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie - l'ADEME - et la Banque des territoires). En outre, un appel d'offres pour la désignation des prestataires locaux d'ingénierie est en cours.

La gouvernance locale de l'Agence reposera sur le préfet, en qualité de délégué territorial unique qui aura la charge de constituer et d'animer un comité local de cohésion des territoires.

Nous ne pouvons que souhaiter la réussite de cette agence. Cependant, il ne faudrait pas que derrière l'annonce d'un « retour de l'État dans les territoires », elle se limite à une réorganisation administrative et à une fusion de trois agences de l'État déjà existantes et sans moyens supplémentaires. Si l'ANCT n'est qu'un « opérateur d'opérateurs », qui eux-mêmes continuent à fonctionner en silo, le dispositif risque de ne pas changer significativement la donne au niveau local.

L'intervention de l'ANCT ne doit pas déstructurer ou désorganiser l'offre d'ingénierie préexistante.

Certains élus craignent une tentative de recentralisation plus ou moins directe de l'ingénierie qui, par ailleurs, existe de manière autonome à travers les Agences techniques départementales.

Pour les élus locaux, la priorité est que l'Agence soit en mesure de sortir de la logique verticale visant à décliner localement les programmes décidés à l'échelle nationale et soit à même de renforcer l'appui aux projets de territoire et l'aide à leur émergence.

Aussi, je vous exposerai une série de propositions spécifiques à l'ANCT pour l'accompagner dans son déploiement à travers les territoires. Ces propositions sont au nombre de 13, réparties en 5 objectifs :

- le premier objectif vise à conforter la gouvernance nationale et locale de l'ANCT dans le pilotage des politiques transversales. Pour cela, notre proposition 13 consiste à renforcer la dimension interministérielle de l'ANCT pour conforter sa mission de pilotage de politiques transversales multi opérateurs. Notre proposition 14 consiste à affirmer le rôle du préfet de département en qualité de délégué territorial de l'ANCT comme interlocuteur unique pour la mobilisation des moyens d'ingénierie de l'État et de ses opérateurs, et comme facilitateur en ce qui concerne le recours à l'ingénierie publique locale, dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales ;

- le deuxième objectif vise à faire de l'ANCT le pivot de la mutualisation des ressources locales d'ingénierie. Pour cela, notre proposition 15 consiste à créer une plateforme numérique, en données collaboratives et ouvertes, dressant la cartographie exhaustive de tous les moyens d'ingénierie publique au sens large, réunissant les moyens de l'État, de ses services déconcentrés, de ses agences, ainsi que ceux des collectivités, de leurs établissements publics, de l'ensemble des réseaux d'opérateurs, associatifs, consulaires et de l'offre privée. Notre proposition 16 consiste à diffuser les bonnes pratiques en développant une culture de réseau collaborative et de retour d'expérience sur les projets (entre comités locaux de cohésion des territoires, comité régional des financeurs, conférence des territoires et-ou conférence des maires organisée dans chaque département, le réseau des Secrétariats généraux pour les affaires régionales, SGAR, réseaux consulaires, etc.) ;

- le troisième objectif vise à faire de l'ANCT un acteur de la différenciation et de la subsidiarité. Pour cela, notre proposition 17 consiste à adapter la doctrine d'action de l'agence aux spécificités du maillage territorial, qu'il s'agisse des échelons communaux, départementaux et de la nécessaire coordination avec les stratégies régionales, mais aussi des intercommunalités et des PETR qui, dans les territoires de faible densité, constituent la maille adéquate de gestation et de réalisation des projets. Notre proposition 18 consiste à construire le guichet unique sur la base d'une culture de qualité de service et de résultat auprès des collectivités en confortant les moyens des services déconcentrés de l'État - notamment les Directions départementales des territoires et de la mer (DDT-M) - et en associant ses partenaires locaux ;

- le quatrième objectif vise à prioriser l'ingénierie sur mesure et écouter les besoins des territoires pour faire émerger les projets locaux. Pour cela, notre proposition 19 consiste à affecter les crédits de l'Agence pour le soutien à l'ingénierie sur mesure aux seuls projets initiés par les collectivités qui en ont le plus besoin, non à la déclinaison locale de programmes nationaux. Notre proposition 20 consiste à pérenniser et renforcer l'enveloppe budgétaire dédiée à l'ingénierie sur-mesure, et notre proposition 21 consiste à clarifier les rôles respectifs de la DGCL, de l'ANCT et des instances locales de gouvernance (Comités locaux de cohésion des territoires et Comité régional des financeurs) dans la décision d'attribution des crédits. Notre proposition 22 consiste à évaluer annuellement l'action de l'ANCT sur la base d'indicateurs de performance retraçant dans les documents budgétaires l'accompagnement des projets locaux, notamment ceux qui n'auraient pu se développer sans l'appui de l'Agence ;

- enfin, le cinquième objectif vise à faire de l'ANCT un outil de lutte contre les inégalités territoriales. Pour cela, notre proposition 23 consiste à sortir de la logique d'appel à projet pour favoriser l'émergence des projets initiés localement (élus locaux, initiatives citoyennes, etc.). Notre proposition 24 consiste à prioriser l'accompagnement dans les territoires les plus fragiles, et notre proposition 25 consiste à créer une offre de service d'ingénierie de conception de projets pour les territoires qui présentent des potentialités inexploitées.

Comme vous le voyez, nous ne formulons pas de critiques par avance. Nous souhaitons proposer une ligne de conduite à cette nouvelle agence pour prioriser le soutien aux projets locaux.

Je vous remercie.

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