Intervention de Frédéric Hayot

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 11 juin 2020 : 1ère réunion
Étude sur l'urgence économique outre-mer à la suite de la crise du covid-19 — Table ronde sur le numérique

Frédéric Hayot, directeur général de SFR Caraïbe :

SFR Caraïbe est un regroupement de trois sociétés fondées à la fin des années 90, pionnières dans le très haut débit ou dans le mobile et consolidées par le groupe Altice en 2013.

Nous opérons sur les trois départements français d'Amérique, la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane, des réseaux fixes très haut débit, des réseaux mobiles et des réseaux d'entreprises. Je représente également mon collègue de SFR qui couvre La Réunion et Mayotte.

Depuis le lancement de la 4G, nous avons consenti de très gros efforts d'investissements. Aujourd'hui, à l'exception de la Guyane, nous couvrons plus de 99 % de la population avec des débits qui vont jusqu'à 800 mégabits. En Guyane, nous couvrons 92 % de la population, majoritairement sur la côte. La qualité de nos réseaux 4G est très bonne, elle est reconnue par l'ARCEP dans ses différents rapports.

En Guyane, il y a des zones isolées qui posent problème, notamment sur les routes de l'ouest et de l'est, des routes très longues, dans la forêt équatoriale. Nous faisons face à des problématiques d'investissement et d'électrification. L'État avait annoncé des budgets pour aider à l'implantation de pylônes sur ces routes. Pour l'instant, nous restons sans nouvelle. Nous avons investi sur fonds propres mais le problème d'électrification demeure. Sur les villages isolés de Guyane, les villages qui sont en pleine forêt, la seule solution pour les relier est une solution satellite. Il y a eu plusieurs tentatives de mise en place de solutions satellite mais on fait face à des problèmes de maintenance. Il faudrait former des techniciens dans chacun des villages et pouvoir faire des déplacements réguliers par hélicoptère, ce qui est impossible.

À La Réunion, nous rencontrons des difficultés d'accès et des contraintes environnementales pour la couverture des cirques. À Mayotte, il y a des zones à couvrir qui sont très peu denses et sur lesquelles les investissements sont très lourds. Une intervention publique serait nécessaire.

Pour le déploiement de nos sites mobiles et de la 4G, nous sommes face à des délais administratifs très longs, de 6 à 12 mois pour implanter un pylône. Les délais de raccordement électriques par EDF sont aussi trop longs, de plusieurs mois à plusieurs années. Enfin, nous constatons une tendance à la hausse des loyers pour les sites. C'est dû à la pression foncière sur nos petits territoires mais aussi aux sociétés financières prédatrices qui rachètent des terrains pour faire monter les prix des loyers.

Pour la 5G dans l'océan Indien, l'ARCEP a mené en début d'année une consultation concernant l'utilisation de nouvelles bandes de fréquences 700 MHz, 3,4 à 3,8 GHz. Il y aura une consultation ultérieure pour les autres DROM. Nous estimons que le lancement se fera dans un an pour La Réunion et Mayotte et dans deux ans pour les Antilles et la Guyane.

Sur les équipements numériques, nous ne sommes pas les mieux placés pour répondre. Nous constatons que 80 % des domiens ont un ordinateur contre 88 % des métropolitains (chiffre Insee). 24 % des domiens n'ont pas utilisé internet dans l'année contre 15 % en métropole. Il y a donc un écart à la fois sur les équipements et sur l'utilisation. Partout, le smartphone est devenu le premier écran du quotidien. Aux Antilles et en Guyane, 58 % des internautes se connectent tous les jours depuis un smartphone et 41 % via un ordinateur. À La Réunion, c'est respectivement 54 % et 48 %.

S'agissant de l'utilisation de l'application Stop Covid, nous n'avons pas d'information.

Les abonnements sont plus chers jusqu'à 10 euros dans les DOM par rapport à la métropole. Les surcoûts sont liés à l'éloignement et à l'insularité. Pour déployer un réseau fixe ou mobile, il faut installer des plateformes centrales, des coeurs de réseau. Sur les continents ou dans les grands pays, on installe un coeur de réseau pour plusieurs millions d'habitants. Dans nos régions, nous sommes confrontés à la fois au faible nombre d'habitants et à l'isolement de nos îles. Pour prévenir les risques de cyclone, nous avons fait le choix de construire un coeur de réseau par île. Les coûts de construction sont également supérieurs à ceux de la métropole car ils intègrent des contraintes cycloniques et sismiques. Nous avons par ailleurs des coûts de transport et de stockage importants. Pour éviter les ruptures, nous avons l'obligation de stocker énormément, ce qui impacte les besoins en fonds de roulement des entreprises. Enfin, nous supportons le coût des câbles sous-marins qui nous permettent de nous raccorder à internet. Ces coûts sont d'autant plus importants que nous avons l'obligation, pour des questions de résilience du réseau, de nous raccorder à plusieurs câbles. Cela représente plusieurs euros par abonné et par mois.

Pour conclure, je voudrais souligner que nos réseaux ont tenu pendant la période de confinement. Nous avons aidé les entreprises et les administrations, notamment celles qui luttaient contre la pandémie, à poursuivre leur activité, grâce aux box 4G que nous avons déployées.

Dans nos régions, la question de l'accès au numérique est fondamentale. Nous avons des jeunes qui sont extrêmement motivés sur ces sujets, qui sont souvent très compétents et qui désirent développer leur région en étant sur place. Le développement des réseaux FTTH (Fiber to the home) est très important, parce qu'ils vont permettre de fixer nos jeunes dans nos régions. Ils pourront développer des projets innovants, pas seulement dans le numérique, mais avec le numérique.

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