Madame la ministre, j'ai souhaité appeler une nouvelle fois l'attention du garde des sceaux sur la réforme du financement des activités prud'homales que le Gouvernement veut faire adopter.
À la suite des vives critiques exprimées par l'ensemble des organisations syndicales dès la présentation de cette réforme au Conseil supérieur de la prud'homie le 5 mai 2006, j'avais interpellé M. le garde des sceaux au moyen d'une question écrite.
En dépit de sa réponse rapide, dans des termes qui se voulaient de surcroît rassurants, j'estime que ce projet de réforme, rejeté par les juges concernés au premier chef, demeure toutefois marqué par la volonté du Gouvernement de remettre en cause purement et simplement l'existence des conseils de prud'hommes.
Sous prétexte d'« encadrer » l'activité prud'homale, ce projet vise en réalité à limiter les moyens d'indemnisation des juges prud'homaux et, par là même, le temps que pourront consacrer les conseillers prud'homaux à chaque dossier.
Contrairement aux affirmations du Gouvernement et malgré les artifices sémantiques employés, la réforme en question revient à imposer la forfaitisation de l'indemnisation des conseillers prud'homaux, qui se verront contraints de rédiger les jugements en trois heures, les ordonnances en une heure et les rapports et procès-verbaux en trente minutes, quelles que soient la nature et la complexité des dossiers à traiter.
Il va sans dire que cette réforme va diminuer de façon drastique les moyens matériels et humains de la juridiction prud'homale, déjà très insuffisants, et porter atteinte aux droits des justiciables, à la fonction de magistrat.
Au-delà, j'y vois une attaque contre les droits des travailleurs et les conventions collectives. J'estime, pour ma part, que l'on ne doit pas sacrifier la justice prud'homale de notre pays sur l'autel de considérations budgétaires, a fortiori si elles tiennent à des présupposés idéologiques.
En revanche, compte tenu de leur spécificité, il convient de donner à ces juges, qui ne sont pas des professionnels, le temps nécessaire à la rédaction de jugements de qualité, temps qui varie en fonction de la complexité du dossier à traiter, de l'expérience, de l'ancienneté ou de la formation du rédacteur.
Les conseillers prud'homaux sont très inquiets quant à l'avenir de la justice prud'homale, d'autant plus que, selon une méthode pour le moins singulière, le Gouvernement et sa majorité soufflent le chaud et le froid en la matière.
Quelle est, en effet, cette méthode qui consiste à inscrire une réforme de la prud'homie dans le projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié, puis à la faire supprimer dès son passage à l'Assemblée nationale, avec l'appui de la majorité parlementaire de droite, par la voix de M. Ollier, au motif qu'elle aurait vocation à figurer dans le projet de loi de finances, pour la faire réapparaître ensuite au Sénat, grâce à un amendement déposé par M. Hyest et les membres du groupe UMP ? À quoi jouent donc le Gouvernement et sa majorité parlementaire ?
Ils voudraient étouffer la mobilisation des conseillers prud'homaux, qui ont manifesté contre ce projet de réforme à plusieurs reprises, qu'ils ne s'y prendraient pas autrement !
Madame la ministre, le garde des sceaux va-t-il prendre, aujourd'hui même, l'engagement de revenir sur cette réforme figurant désormais à l'article 30 A du texte pour le développement de la participation et l'actionnariat salarié et portant diverses dispositions d'ordre économique et social, texte qui doit encore être examiné par une commission mixte paritaire avant son adoption définitive ?
Va-t-il s'engager à rouvrir les discussions avec les partenaires sociaux, qui ont des propositions concrètes à formuler pour l'amélioration du fonctionnement et du financement des conseils de prud'hommes, en vue de parvenir enfin à un accord sur cette importante question ?