Sur les mesures d'urgence, je ne répéterai pas ce qu'ont bien précisé les intervenants avant moi, mais je confirme que l'activité du bâtiment a diminué de 75 à 80 %.
Concernant l'approvisionnement en matériaux, il n'y a pas encore de ruptures car, aux Antilles et en particulier à la Martinique, nous disposions d'un stock dû à notre insularité. Pendant cette période de confinement, les usines ont fermé en métropole. En revanche, le service maritime a fonctionné convenablement. Nous avons eu la chance d'avoir ce « surstock » pour permettre le redémarrage, mais les fournisseurs restent dans l'expectative et n'ont pas l'intention de se réapprovisionner s'ils n'ont pas une vision de l'avenir.
Concernant les dispositifs d'État, l'activité partielle a pu être mise en place mais avec beaucoup de difficultés dans le secteur du bâtiment. En effet, de nombreuses entreprises n'étaient pas éligibles et ont eu malheureusement le réflexe de fermer vite, plutôt que d'avoir à supporter la situation. Aujourd'hui, la prise en compte de la régularité des entreprises au regard des obligations sociales et fiscales ne permet pas à toutes de bénéficier de l'ensemble des aides disponibles. Il existerait peut-être des solutions intermédiaires, comme de se référer aux déclarations de décembre pour pouvoir bénéficier de ces aides. Peut-être également aurait-il été judicieux que les aides massives de l'État soient accordées aux collectivités publiques car ce sont elles le moteur de l'activité du BTP. Les PGE apportent des solutions de survie à très court terme pour les acteurs. En effet, ces prêts devront être remboursés et pèseront sur la capacité des entreprises à atteindre l'équilibre financier de leur exploitation à l'avenir. Les entreprises sauvées grâce aux aides de l'État le seront inutilement si elles n'ont pas de travaux à réaliser. Le retour à une activité soutenue du BTP nous intéresse davantage, puisqu'il permettra d'éviter une sinistralité catastrophique pour nos entreprises.
À propos de l'ordonnance du 22 avril, je retiendrai que, pour la Martinique, elle a son efficacité. Malheureusement les frais administratifs, les incompréhensions ne permettent pas sa pleine mesure. Les mesures spécifiques devront concerner les collectivités locales en grande difficulté pour le règlement de leurs factures. S'agissant de l'assouplissement des normes, nous sommes tous d'accord, le travail que vous avez fait est considérable, il faudra le poursuivre et veiller à sa mise en place.
Le redémarrage de l'activité me semble en revanche à exclure pour le département de la Martinique. L'incertitude qui règne sur l'attitude des collectivités locales ne nous permet pas de penser que, fin mai, nous puissions redémarrer convenablement.
Nous n'avons pas été consultés par le préfet Philippe Mahé, encore moins par le Conseil départemental de la Martinique qui considère qu'il n'a pas à recevoir notre secteur. Nous sommes toujours en évaluation pour déterminer avec justesse et rigueur l'incidence de cette baisse de rendement. Nous sommes attentifs à la question des éventuelles pénalités de retard sur les chantiers. Les entreprises ont dû faire face à des frais ; selon l'étude dont nous disposons, le surcoût avoisine actuellement 18 à 22 %. Le caractère pérenne de ces mesures sanitaires à adopter sur les chantiers remet de toute façon en cause la base des prix pour plusieurs opérations programmées, donc non démarrées, comme la construction de logements sociaux neufs ou à réhabiliter. Il faut donc anticiper ces difficultés pour ne pas se retrouver en surconsommation de la ligne budgétaire dans les prochains mois. Le surcoût doit faire partie d'une négociation globale. Il n'est pas possible que les entreprises de travaux publics soient pénalisées pour les conséquences de cette crise, qui relèvent à notre sens, d'un cas de force majeure.
Le premier des leviers me semble être la levée des incertitudes quant aux intentions des collectivités publiques concernant les créances des entreprises - les délais de règlement sont souvent dépassés - et la prise en charge du surcoût sur les six voire douze mois à venir. Les constructeurs sociaux devront s'expliquer sur les retards pris sur les objectifs du Plan logement. La Martinique et la Guadeloupe ont aussi souffert du manque d'eau en période de confinement alors que des projets existent.
Sur la stratégie d'avenir, la commande publique est le levier principal de l'activité du BTP. Au cours des dix dernières années, les dépenses d'équipement ont chuté de moitié. Nous sommes d'autant plus inquiets que la crise actuelle s'accompagne nécessairement d'une baisse des recettes fiscales des collectivités locales et donc des capacités d'investissements. Des dispositifs doivent être mis en place pour éviter une dégradation supplémentaire de la commande publique. La Martinique a perdu environ 1 500 emplois dans le secteur du bâtiment entre 2016 et 2020, la crise du Covid-19 vient s'y ajouter. Nous avons donc des inquiétudes légitimes, nous sommes même paniqués. Nous rejoignons la position de La Réunion, il faut mettre le Plan logement en action.
En conclusion, il convient de soutenir la demande publique et de penser à l'avenir pour les petites entreprises qui composent l'ensemble de notre tissu. Les projets sont nombreux. L'un des problèmes qui se posent vient de la difficulté pour nos collectivités de mobiliser les fonds européens. Il faudrait mettre en place une structure qui aide ces collectivités, ces communes, à préparer les études, pour mobiliser ces fonds. Nous sommes extrêmement inquiets quant à l'avenir car nous avions déjà des difficultés avant la crise du Covid-19, et d'autres difficultés viennent s'ajouter. Je ne sais pas ce que nous réserve l'avenir, mais nous sommes prêts à en discuter avec l'administration, l'État, le Conseil départemental de la Martinique... Jusqu'à maintenant nous n'avons pas de réponse sur les discussions ou les propositions que nous avons déjà faites.