Madame la directrice, Messieurs les présidents, Messieurs les directeurs, mes chers collègues, après le transport aérien la semaine dernière, nous poursuivons aujourd'hui la seconde partie de notre étude sur l'urgence économique dans les outre-mer, avec une nouvelle audition thématique dédiée cette fois-ci aux secteurs du BTP et du logement social.
La Délégation sénatoriale aux outre-mer a souhaité aborder ces deux secteurs dans le cadre d'une même table ronde, tant leurs problématiques sont étroitement liées dans nos territoires.
Elles le sont sans doute encore davantage en raison de la crise actuelle. Il est à craindre que ses effets sur l'emploi soient de nature à créer les conditions d'une profonde crise sociale dans les outre-mer. Sans doute aurons-nous l'occasion d'en parler.
Lors de nos auditions précédentes, nous avons été alertés à plusieurs reprises sur l'impact considérable qu'a eu le confinement sur les chantiers en cours. Le BTP est sans conteste l'un des secteurs les plus touchés par les effets de la crise sanitaire.
Les répercussions de ce quasi-arrêt du BTP sur la construction de logements, et sur le logement social en particulier, nous préoccupent énormément car nous connaissons bien la situation de pénurie qui existe en outre-mer. Le Plan logement 2019-2022 du Gouvernement a suscité beaucoup d'attentes et nous nous interrogeons quant à son avenir.
Lors de nos auditions, plusieurs intervenants, je pense notamment à la présidente de l'ACCIOM, ont insisté sur l'importance d'un redémarrage rapide dans le BTP, avec bien entendu les mesures de protection sanitaire adéquates. La reprise dans le BTP pourrait avoir un réel effet de levier pour amorcer cette reprise.
Nous vous remercions donc très vivement, Madame et Messieurs, d'avoir accepté de participer à cette table ronde à l'invitation de nos trois rapporteurs : Stéphane Artano (RDSE, Saint-Pierre-et-Miquelon), Viviane Artigalas (Socialiste et républicain, Hautes-Pyrénées) et Nassimah Dindar (Union Centriste, La Réunion).
Nous avons donc le plaisir d'accueillir cet après-midi cinq fédérations pour le BTP :
- la Fédération des entrepreneurs et artisans du bâtiment et des travaux publics de Saint-Pierre-et-Miquelon (FEABTP) représentée par son président M. Roger Hélène ;
- la Fédération régionale du bâtiment et des travaux publics de La Réunion représentée par son président M. Anthony Lebon, accompagné de M. Stéphane Brossard, président de la commission technique, et Olivier Wagner, secrétaire général ;
- la Fédération régionale du bâtiment et des travaux publics de Martinique représentée par son président, M. Hervé Étilé ;
- le Syndicat des entrepreneurs en bâtiment, travaux publics et annexes de Martinique (SEBTPAM) représenté par son président M. Steve Patole ;
- la Fédération calédonienne du bâtiment et travaux publics (FCBTP) représenté par son président, M. Silvio Pontoni.
Pour le logement social, trois organismes sont présents : le CDC Habitat, représenté par M. André Yché, président ; l'Union sociale pour l'habitat outre-mer (USHOM) représentée par Mme Sabrina Mathiot, directrice, et l'Action logement services (ALS) représentée par M. Nicolas Bonnet, directeur Gouvernance et territoires.
Madame, Messieurs, nous comptons sur vos témoignages pour prendre la mesure, d'une part, de la situation dans les territoires où vous exercez vos activités, d'autre part de l'efficacité ou non des mesures qui ont été engagées par le Gouvernement.
Cette semaine, la ministre des outre-mer a annoncé, avec l'AFD, un Plan d'un milliard pour les outre-mer, avec notamment un nouveau fonds destiné à abonder « des programmes d'investissements publics vers une relance durable, notamment par le biais de prêts bonifiés ». Vous pourrez également nous faire part de vos réactions à ce sujet.
Pour le bon déroulement de cette table ronde, je vous propose de procéder en deux temps. Ainsi, une première partie sera consacrée au BTP, puis nous passerons dans un second temps à la partie sur le logement social.
Pour chaque partie, le déroulé sera identique. D'abord, les trois rapporteurs exposeront leurs questions. Vous répondrez à tour de rôle dans l'ordre de présentation que je viens d'énoncer, en fonction bien entendu des caractéristiques de votre situation. Enfin, mes collègues vous poseront des questions complémentaires pour un dernier échange.
Si cette proposition vous convient, je cède la parole à Stéphane Artano en vous précisant que la présente table ronde est ouverte à la presse et diffusée en direct sur le site du Sénat. Elle sera également disponible en VOD.
Je vais commencer par le questionnaire sur le BTP en situation d'urgence, en me focalisant sur trois points.
Comment les entreprises du secteur du BTP, que vous représentez, ont-elles traversé la période de confinement dans votre territoire ? Quel niveau d'activités avez-vous pu maintenir ? Compte tenu de l'état des liaisons aériennes et maritimes, avez-vous pu continuer à être approvisionnés en matériaux de construction ?
Avez-vous eu recours aux dispositifs d'aides de l'État (activité partielle, PGE, fonds de solidarité) ? Ces derniers vous ont-ils semblé adaptés à vos difficultés ?
L'ordonnance du 22 avril 2020 concernant les secteurs du BTP et de l'immobilier vous a-t-elle apporté plus de visibilité et de facilités pour la continuité de vos activités ? Est-il nécessaire de prévoir des mesures spécifiques aux territoires ultramarins, notamment au niveau de l'assouplissement des normes ?
Dans l'hexagone, le Gouvernement vise une reprise totale de l'activité BTP à la fin du mois de mai. Constatez-vous la même reprise des chantiers sur votre territoire ? Avez-vous été consultés (ou vos autorités locales) dans le cadre de la mission confiée au préfet Philippe Mahé, chargé de fournir des propositions sur la reprise rapide des chantiers ?
Comment compenser les surcoûts liés à des raisons sanitaires (acquisition de matériel de protection sanitaire, nouvelle organisation des chantiers, problèmes de déplacement et d'hébergement...) ? Qui doit, selon vous, les prendre en charge ? Allez-vous augmenter le cas échéant vos prix de marché ?
Enfin, quels seraient, selon vous, les leviers prioritaires à actionner pour accélérer la reprise de l'activité du BTP ?
Avez-vous ressenti les effets de la crise sur le niveau de la commande publique dans votre territoire ? L'évolution de la situation des finances des collectivités locales vous inquiète-t-elle par rapport à leur capacité d'intervention et d'investissements à l'avenir ?
Comptez-vous sur des institutions financières comme la Caisse des dépôts et consignations pour vous soutenir dans la durée, par exemple dans la construction de logements sociaux ?
Les objectifs fixés par les 77 mesures du Plan logement outre-mer 2019-2022 (PLOM) du Gouvernement (libération et aménagement du foncier, construction de logements neufs, réhabilitation du parc existant, lutte contre l'habitat indigne, engagement pour la transition énergétique...) sont-ils encore réalisables ou faut-il modifier en profondeur de ce plan ?
En ce qui concerne les mesures d'urgence et l'état de l'activité du BTP pendant le confinement, nous étions proches de 95 % de l'activité à l'arrêt. Si nous pouvons considérer qu'il n'y a pas eu de vraie rupture de la chaîne d'approvisionnement maritime ou aérienne, celle-ci n'était plus en mesure d'approvisionner le BTP dans la mesure où les fournisseurs, les industriels et les importateurs ont également cessé leur activité.
Les dispositifs d'État ont été sollicités massivement, certains à destination des salariés, d'autres en direction des entreprises. Pour les salariés, l'activité partielle a été sollicitée systématiquement et par tout le monde. Presque tout le monde était à l'arrêt. D'autres dispositifs ont également été sollicités, notamment le PGE.
À la question de savoir si ces dispositifs étaient adaptés, la réponse est oui, à très court terme. Selon nous, pour le temps de l'urgence, ces dispositifs ont permis de passer la période la plus compliquée, celle où il n'y avait plus aucune activité ni aucune rentrée d'argent. Néanmoins, ils n'ont nullement répondu à la perte d'activité et de chiffre d'affaires, donc à la couverture des frais généraux.
L'ordonnance du 22 avril 2020 qui concerne le BTP et l'immobilier a partiellement facilité la continuité de l'activité. Cependant, pour certaines activités, l'effet a été inverse. Nous pensions qu'à l'issue du confinement, les opérations ne pourraient démarrer puisque les délais d'instruction étaient épuisés, finalement ces derniers ont été reconduits. Sous le contrôle de Stéphane Brossard, nous allons vous faire une proposition sur l'assouplissement des normes.
Ce travail de fond a déjà fait l'objet d'un rapport sénatorial que vous avez piloté en 2017, Monsieur le président. Certaines mesures, malheureusement, sont restées totalement lettre morte. Nous en avions répertorié douze qui impactaient directement l'activité du BTP sur l'île de La Réunion ; sur ces douze mesures, seules deux ont été mises en oeuvre. Malgré tout ce qui a été émis, fruit d'une grande concertation et d'un partage d'informations entre tous les acteurs de la construction, tous les moyens ne sont pas mis en place. Certains services de l'État, je peux le dire ouvertement, notamment au niveau de la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) et du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), sont des freins à la mise en route au niveau des outre-mer. Nous le constatons ainsi, trois ans plus tard. Le Covid-19 en lui-même a eu comme impact une cessation de l'activité, notamment due à un arrêt de la commande publique, traduit par l'interruption des commissions d'appels d'offres, la fermeture des services instructeurs et l'absence de continuité de service.
Cette crise est malheureusement doublée par des élections communales qui n'ont pas été menées à leur terme, puisque le second tour est décalé au 28 juin. Certaines commissions n'ont donc pas été créées. La commande publique relative à la demande communale a été complètement stoppée. Nous ne planifions pas de retour de l'activité sur les marchés à bons de commande avant septembre de cette année.
De par la structuration de la filière et sa dépendance à la norme au niveau national, le Plan logement outre-mer (PLOM) en lui-même n'a pas été décliné sous forme de moyens, c'est également l'objet de votre analyse d'aujourd'hui. Il conviendra de mettre en place toutes les mesures répertoriées, notamment les quatre axes du PLOM. Nous voulons bien être force de proposition ; c'est ce que nous avons fait avec le Bureau de normalisation des techniques et équipements de la construction du bâtiment (BNTEC) dont la commission arrive à son deuxième agrément en termes de révision et d'adaptation des documents techniques unifiés (DTU), mais nous ne pouvons aller au-delà puisque ce processus dépend de la réglementation au niveau national.
Je vous remercie. Je souhaite préciser que nous connaissons bien le sujet pour y avoir beaucoup travaillé dans le cadre du rapport de la délégation « Le BTP outre-mer au pied du mur normatif : Faire d'un obstacle un atout » publié en 2017. Au niveau du CSTB, il me semblait qu'une approche nouvelle émergeait, qui pouvait être intéressante. La crise ne fait qu'accentuer ces difficultés et il conviendra sans doute de reprendre ce dossier.
Je souhaite poursuivre avec les questions de Mme Viviane Artigalas sur le redémarrage de l'activité. En métropole, il est fait état d'une reprise de la majorité des chantiers pour la fin du mois de mai. En tant que président de la commission BTP/logement de la FEDOM, je me permets de m'exprimer sur le tour de table effectué auprès de l'ensemble des fédérations des DOM. Il semblerait qu'à La Réunion et dans les DOM en général, la reprise soit plus lente. Dans plusieurs secteurs, nous savons même que des chantiers ne reprendront pas avant septembre ou octobre. Certains maîtres d'ouvrage jouent la carte de la sécurité et ne veulent payer aucun supplément. Le 10 juin, l'État devrait se prononcer quant à la détermination de l'affectation des surcoûts du Covid-19. Nous pensons que si les maîtres d'ouvrage devaient indemniser les entreprises au prorata du temps d'immobilisation, nombre d'entre eux seraient incités à reprendre l'activité plus vite que ceux qui le décident aujourd'hui en jouant l'immobilisme le plus total.
Nous n'avons pas été interrogés directement par le préfet Philippe Mahé dans le cadre de la mission que lui a confié le Gouvernement. Nous avons pourtant piloté à La Réunion des groupes de travail réunissant l'ensemble des acteurs sous l'égide du préfet de La Réunion.
Comme vous le savez, la situation du BTP est beaucoup plus dégradée que dans l'Hexagone. La structuration entrepreneuriale est en effet composée à 80 % d'entreprises de moins de 10 salariés (ce qui n'est pas le cas en métropole) d'une part ; le tissu est fragilisé par de longues années de crise suite à la crise de 2008 d'autre part. En 2019, La Réunion a connu son année la plus basse en termes d'activités du bâtiment depuis plus de 20 ans. Moins de 1 500 logements sociaux ont été construits l'année dernière alors qu'entre 5 000 et 6 000 logements annuels étaient construits dans les grandes années. Aujourd'hui, nous ne pensons pas pouvoir compenser les surcoûts du Covid-19, ni en trouvant des méthodes optimisées en termes de construction, ni en achetant mieux. Nous ne saurons pas construire plus et moins cher.
Je sais qu'il s'agissait de l'un des objectifs principaux du PLOM, mais nous n'y arrivions malheureusement pas déjà l'année dernière. Je pense dès lors que nous n'y arriverons pas cette année après l'épidémie de Covid-19. Nous n'avons pas de pistes pour compenser les surcoûts à moins, peut-être, d'un point de vue pratique, en refléchant les crédits LBU non consommés en 2020, en direction de l'indemnisation des maîtres d'ouvrages pour que, in fine, les entreprises en bénéficient.
Qui doit régler les surcoûts ? Nous pensons qu'il faut une équité dans le règlement, que ceux-ci soient assumés de manière équilibrée. L'État a pris sa part bien évidemment pour le côté salarial puisqu'il a abondé afin de maintenir l'activité partielle. Cependant, lors du temps d'immobilisation, les entreprises seules ont assumé les locations, les amortissements, les non mises en chantier, la couverture des frais généraux... Pour la reprise, ce sont les entreprises qui assument financièrement les surcoûts liés au Covid-19. De plus, surtout, le point le plus important, les entreprises assument seules la perte de productivité liée à la réorganisation de nos métiers, notamment avec le respect des gestes barrières. Elle est estimée entre 5 et 20 % selon les activités. Si nous n'avons pas d'aide forte et un appui de la part de nos instances, nous n'y parviendrons pas.
Nous avons des aides fortes en trésorerie pour ceux qui ont la chance de bénéficier du PGE. Néanmoins, sur la perte de rentabilité, le manque à gagner, la non-couverture des frais généraux, nous aurions besoin que le BTP soit inscrit en secteur de compétitivité renforcée. C'est une orientation forte que nous portons depuis la fin de l'année. Nous sommes conscients que cette évolution prendra du temps. En attendant, nous aimerions pouvoir bénéficier d'une exonération de charges de trois à six mois.
L'ironie de notre situation veut que le BTP, jugé essentiel à la vie de la Nation, soit retourné rapidement sur les chantiers. Nous n'avons donc pas eu d'arrêtés préfectoraux nous demandant de suspendre nos travaux. Ainsi, nos activités ne bénéficieront pas d'exonération de charges, d'où cette volonté d'inscription des entreprises du BTP en secteur de compétitivité renforcée, d'autant plus à La Réunion, où l'industrie du BTP est déjà en secteur de compétitivité renforcée. Il serait logique que les entreprises qui mettent en oeuvre les matériaux, les industriels de La Réunion, soient au même niveau de charges. Dans le cas inverse, une disproportion de concurrence risque de surgir, puisque certains industriels du BTP sont également des poseurs. Ils ne payent donc pas la même main d'oeuvre que les entreprises du BTP qui, elles, ne sont qu'en secteur de compétitivité traditionnelle et non renforcée.
Les leviers pour la reprise seraient donc, selon nous, une exonération de charges, une inscription en secteur de compétitivité renforcée et une prise en charge des surcoûts. Comment accélérer cette reprise ? Comme l'a évoqué Stéphane Brossard, en faisant le lien avec la stratégie d'avenir et le Plan logement outre-mer, nous pensons aujourd'hui qu'il ne faut surtout pas rediscuter ce dernier, à notre niveau en tout cas. Nous avons déjà passé de nombreux mois sur ces concertations et le risque est de perdre une nouvelle année ; l'ensemble des acteurs serait dans l'attentisme et l'immobilisme le plus total, retardant davantage la mise en service concrète du plan. Pour accélérer la reprise, le PLOM doit être opérationnel. Il est piloté par CDC Habitat et Action Logement ; à La Réunion en tout cas, les groupes de travail prévus pour démarrer ne se sont pas réunis. L'abondement conséquent annoncé est une aubaine pour l'avenir du territoire et les familles en souffrance, en demande de logements depuis plusieurs années.
Comment faire pour que ce plan soit réellement opérationnel ? Sur les territoires ultramarins, nous avons ciblé huit mesures particulières sur lesquelles nous pourrons revenir. Le PLOM semble être l'un des atouts principaux. Il doit démarrer sans plus attendre.
Enfin, concernant les communes, nous sommes inquiets puisque nous savons que certaines d'entre elles ont déjà du mal à régler les entreprises dans des délais convenables. Nous avons des délais qui varient entre trois voire six/sept mois de règlement. Bien évidemment, nous sommes pour la bonne santé de tous les organismes publics de notre territoire et nous savons que ce n'est pas simple. Nous n'avons pas la solution à notre niveau en tout cas.
Nous vous remercions pour votre message qui est particulièrement clair. Je passe la parole à Monsieur Hervé Etilé de la Fédération du bâtiment et des travaux publics de Martinique.
Le Covid-19 n'est qu'un facteur aggravant d'une situation qui dure depuis longtemps dans nos territoires. Le confinement et la réduction de l'activité ont eu des conséquences économiques sans précédent pour notre activité. La situation sanitaire et l'absence de matériel, le manque de stock et l'éloignement insulaire ont eu raison de l'activité. Quelques rares « tricheurs » ont continué à travailler sans respecter le confinement, ni les gestes barrières, ni les mesures d'hygiène sur chantier. Nous avons signalé ces manquements qui sont inacceptables. L'arrêt des liaisons maritimes et aériennes, l'augmentation record des coûts de fret, n'ont fait qu'enfoncer le BTP local dans cet immobilisme.
Les vols opérés par l'une des trois compagnies aériennes, Air France, n'avaient plus la même fréquence, ne transportaient que peu de passagers et le fret était réservé au matériel hospitalier. Les masques étaient réquisitionnés pour le personnel médical mais rien n'était prévu pour le personnel du BTP. Nous nous sommes donc retrouvés dans une période où l'État ne nous a pas demandé de ne pas travailler, mais où nous étions dans l'impossibilité de travailler puisque nous n'avions pas le matériel adéquat. Les négociants locaux en matériel de BTP ne pouvaient - et certains d'entre eux ne le peuvent toujours pas - nous communiquer de date d'arrivée pour les masques et le gel hydroalcoolique. Sur l'île, nous n'avons pas la possibilité de travailler selon les règles édictées par l'organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP), validées par le ministère de la santé. Le travail aujourd'hui se fait donc tant bien que mal, mais il apparaît que les entreprises ne travaillent pas dans les règles sanitaires requises actuellement.
La plupart d'entre elles n'a pas eu accès aux principales aides gouvernementales. Le FSE (les 1 500 euros pour les petites entreprises) et le chômage partiel, ont été peu utilisés. Aucune mesure forte et concrète n'a été prise pour le soutien massif de cette activité essentielle pour la Martinique, puisqu'elle rassemble près de 6 000 salariés, dans 4 530 entreprises et artisans du BTP. 80 % d'entreprises ont moins de 20 salariés. Nous estimons que la situation économique du BTP en Martinique est précaire, voire inacceptable, depuis 2002 en raison de plusieurs facteurs que sont la crise économique, les intempéries passées, la complexité administrative, l'accès à la commande publique, la fiscalité non adaptée au marché disponible, l'insularité qui nous empêche d'aller travailler ailleurs qu'en Martinique, les charges sociales qui pèsent sur le fonctionnement de nos entreprises... Cette difficulté d'accès à la commande publique, ainsi que le peu, voire l'absence d'information à court et moyen termes, impliquent des difficultés d'organisation pour les entreprises. Le niveau de prix est également trop bas, entraînant une concurrence féroce et suicidaire pour accéder à la signature d'un marché. Cette concurrence est en outre encouragée par les bailleurs sociaux.
Il serait nécessaire de s'intéresser au nombre de dépôts de bilan sur une année, pour déterminer combien ils coûtent à l'État. Et il serait judicieux de faire la balance avec ce que nous demandons depuis un certain nombre d'années, c'est-à-dire une révision de la fiscalité des entreprises outre-mer, celle des entreprises du BTP en tout cas. La rigidité du secteur bancaire est également à interroger, particulièrement vis-à-vis des entreprises du BTP, des PME, à qui aucune facilité n'est accordée (à moins d'apporter des garanties sans commune mesure avec la capacité des entreprises). Au contraire, les grands groupes nationaux bénéficient de facilités accordées par leurs maisons mères implantées en métropole, avec des taux inférieurs à ceux existant localement, sur un volume d'affaires incomparable.
J'évoquerai également le coût élevé des frais de Bpifrance pour les entreprises et le fait que l'aide est réservée à celles qui sont à jour de leurs cotisations, ce qui écarte beaucoup de petites entreprises qui pourraient prétendre à cette solution de soulagement. L'État, les parlementaires et les collectivités territoriales ne prennent pas la juste mesure du nombre de dépôts de bilan que nous sommes en train d'enregistrer et qui est catastrophique. La crise actuelle vient sonner le glas d'une profession moribonde. Les magasins sont aujourd'hui totalement dépourvus de masques et de gants, et nous ne savons pas comment refaire démarrer l'activité dans cette situation de pénurie de matériel.
Je poursuis avec l'ordonnance du 22 avril 2020, qui n'a pas vraiment apporté de solution, voire de résultat efficace sur le terrain. Certes, les entreprises avaient besoin de mesures d'accompagnement pour les salariés, leur mise en chômage partiel entre autres. Cependant, elles avaient également besoin de mesures fortes d'accompagnement, telles qu'une plus grande souplesse à l'accès aux marchés publics et aux logements sociaux, la mise en place d'un moratoire sur la dette des charges sociales et fiscales, voire même une annulation sur les deux dernières années afin de faire redémarrer les petites entreprises. Mon prédécesseur a bien signalé qu'à La Réunion, 80 % des entreprises ont moins de 10 salariés, c'est le cas également à la Martinique. La mise en place d'un contrat multipartite, signé avec l'entreprise, permettrait de garantir que 10 % du marché seraient réservés au paiement des charges fiscales et sociales au fur et à mesure de l'avancement d'un chantier.
Nous avons adressé un courrier au préfet, ainsi qu'au président de la collectivité territoriale, resté sans réponse jusqu'à présent. Je rappelle que la Fédération française du bâtiment compte 50 000 adhérents et plus d'un million d'employés sur l'ensemble de l'Hexagone. Nous avons trouvé dommage de ne pas avoir de réponse à notre proposition de sortie de crise qui était de sanctuariser les marchés pour nos petites entreprises avec un aménagement sur les charges afin que les entreprises aient une avance de démarrage. Aujourd'hui, nous sommes à la veille de dépôts de bilan en cascade lesquels coûteront une fortune à l'État (nous sommes en train de le quantifier avec un partenaire privé) ; nous souhaitons donc que soient étudiées nos propositions concernant ce redémarrage. Un apport de 15 % si possible avant démarrage, ainsi qu'un accompagnement auprès des entreprises locales pour la mise en place d'un paiement direct des fournitures, permettraient qu'il n'y ait pas de mélange de comptes et de chantiers. Nous préconisons l'injection de 6 millions d'euros par l'État, au minimum, dans le secteur du BTP local pour relancer l'activité. Au regard de la situation actuelle de ce secteur à la Martinique, ce montant serait bien plus favorable qu'un montant cumulé de dépôts de bilan, de dettes accumulées, auquel il faudrait rajouter les indemnités de chômage, etc.
Concernant le redémarrage de l'activité, la FFB Martinique n'a pas été consultée, à notre grand étonnement. Des réunions étaient organisées sans que nous soyons invités alors que d'autres instances étaient conviées. Nous avons formulé des demandes au préfet de la Martinique qui ne nous a pas répondu. Quant au redémarrage, il se fait de façon désorganisée, car l'asphyxie était de plus en plus forte entre mars et avril. Certaines entreprises ont bafoué l'ordre d'arrêt, et d'autres ont recommencé à travailler. Les maîtres d'ouvrage rechignent à payer les surcoûts que nous avons estimés à 30 %. Sur l'Hexagone, ce surcoût a été évalué à 20 % mais nous avons rajouté les frais liés à notre insularité, les difficultés d'approvisionnement, etc. Par exemple, aujourd'hui vous perdez au minimum une heure dans chaque magasin d'approvisionnement pour pouvoir amener le matériel sur chantier. Un de nos adhérents a dû revoir complètement son dispositif de transport car il avait mis en place un système de minibus pour amener ses salariés sur chantier, ce qui n'est plus possible.
Une synthèse rapide des difficultés recensées - puisque je pense que mes collègues vont reprendre les mêmes axes - montre qu'il est indispensable de faciliter l'accès à la commande publique, de relever les niveaux de prix, de geler les charges sociales et fiscales (et arrêter immédiatement les poursuites), de relancer les travaux structurants à moyen et court termes et, enfin, d'essayer de peser sur les banques pour qu'elles ne soient plus aussi frileuses sur notre secteur d'activité.
Je vous remercie, Monsieur le président. La parole est au Syndicat des entrepreneurs en bâtiment, travaux publics et annexes de Martinique, M. Steve Patole.
Sur les mesures d'urgence, je ne répéterai pas ce qu'ont bien précisé les intervenants avant moi, mais je confirme que l'activité du bâtiment a diminué de 75 à 80 %.
Concernant l'approvisionnement en matériaux, il n'y a pas encore de ruptures car, aux Antilles et en particulier à la Martinique, nous disposions d'un stock dû à notre insularité. Pendant cette période de confinement, les usines ont fermé en métropole. En revanche, le service maritime a fonctionné convenablement. Nous avons eu la chance d'avoir ce « surstock » pour permettre le redémarrage, mais les fournisseurs restent dans l'expectative et n'ont pas l'intention de se réapprovisionner s'ils n'ont pas une vision de l'avenir.
Concernant les dispositifs d'État, l'activité partielle a pu être mise en place mais avec beaucoup de difficultés dans le secteur du bâtiment. En effet, de nombreuses entreprises n'étaient pas éligibles et ont eu malheureusement le réflexe de fermer vite, plutôt que d'avoir à supporter la situation. Aujourd'hui, la prise en compte de la régularité des entreprises au regard des obligations sociales et fiscales ne permet pas à toutes de bénéficier de l'ensemble des aides disponibles. Il existerait peut-être des solutions intermédiaires, comme de se référer aux déclarations de décembre pour pouvoir bénéficier de ces aides. Peut-être également aurait-il été judicieux que les aides massives de l'État soient accordées aux collectivités publiques car ce sont elles le moteur de l'activité du BTP. Les PGE apportent des solutions de survie à très court terme pour les acteurs. En effet, ces prêts devront être remboursés et pèseront sur la capacité des entreprises à atteindre l'équilibre financier de leur exploitation à l'avenir. Les entreprises sauvées grâce aux aides de l'État le seront inutilement si elles n'ont pas de travaux à réaliser. Le retour à une activité soutenue du BTP nous intéresse davantage, puisqu'il permettra d'éviter une sinistralité catastrophique pour nos entreprises.
À propos de l'ordonnance du 22 avril, je retiendrai que, pour la Martinique, elle a son efficacité. Malheureusement les frais administratifs, les incompréhensions ne permettent pas sa pleine mesure. Les mesures spécifiques devront concerner les collectivités locales en grande difficulté pour le règlement de leurs factures. S'agissant de l'assouplissement des normes, nous sommes tous d'accord, le travail que vous avez fait est considérable, il faudra le poursuivre et veiller à sa mise en place.
Le redémarrage de l'activité me semble en revanche à exclure pour le département de la Martinique. L'incertitude qui règne sur l'attitude des collectivités locales ne nous permet pas de penser que, fin mai, nous puissions redémarrer convenablement.
Nous n'avons pas été consultés par le préfet Philippe Mahé, encore moins par le Conseil départemental de la Martinique qui considère qu'il n'a pas à recevoir notre secteur. Nous sommes toujours en évaluation pour déterminer avec justesse et rigueur l'incidence de cette baisse de rendement. Nous sommes attentifs à la question des éventuelles pénalités de retard sur les chantiers. Les entreprises ont dû faire face à des frais ; selon l'étude dont nous disposons, le surcoût avoisine actuellement 18 à 22 %. Le caractère pérenne de ces mesures sanitaires à adopter sur les chantiers remet de toute façon en cause la base des prix pour plusieurs opérations programmées, donc non démarrées, comme la construction de logements sociaux neufs ou à réhabiliter. Il faut donc anticiper ces difficultés pour ne pas se retrouver en surconsommation de la ligne budgétaire dans les prochains mois. Le surcoût doit faire partie d'une négociation globale. Il n'est pas possible que les entreprises de travaux publics soient pénalisées pour les conséquences de cette crise, qui relèvent à notre sens, d'un cas de force majeure.
Le premier des leviers me semble être la levée des incertitudes quant aux intentions des collectivités publiques concernant les créances des entreprises - les délais de règlement sont souvent dépassés - et la prise en charge du surcoût sur les six voire douze mois à venir. Les constructeurs sociaux devront s'expliquer sur les retards pris sur les objectifs du Plan logement. La Martinique et la Guadeloupe ont aussi souffert du manque d'eau en période de confinement alors que des projets existent.
Sur la stratégie d'avenir, la commande publique est le levier principal de l'activité du BTP. Au cours des dix dernières années, les dépenses d'équipement ont chuté de moitié. Nous sommes d'autant plus inquiets que la crise actuelle s'accompagne nécessairement d'une baisse des recettes fiscales des collectivités locales et donc des capacités d'investissements. Des dispositifs doivent être mis en place pour éviter une dégradation supplémentaire de la commande publique. La Martinique a perdu environ 1 500 emplois dans le secteur du bâtiment entre 2016 et 2020, la crise du Covid-19 vient s'y ajouter. Nous avons donc des inquiétudes légitimes, nous sommes même paniqués. Nous rejoignons la position de La Réunion, il faut mettre le Plan logement en action.
En conclusion, il convient de soutenir la demande publique et de penser à l'avenir pour les petites entreprises qui composent l'ensemble de notre tissu. Les projets sont nombreux. L'un des problèmes qui se posent vient de la difficulté pour nos collectivités de mobiliser les fonds européens. Il faudrait mettre en place une structure qui aide ces collectivités, ces communes, à préparer les études, pour mobiliser ces fonds. Nous sommes extrêmement inquiets quant à l'avenir car nous avions déjà des difficultés avant la crise du Covid-19, et d'autres difficultés viennent s'ajouter. Je ne sais pas ce que nous réserve l'avenir, mais nous sommes prêts à en discuter avec l'administration, l'État, le Conseil départemental de la Martinique... Jusqu'à maintenant nous n'avons pas de réponse sur les discussions ou les propositions que nous avons déjà faites.
Je vous remercie beaucoup pour votre intervention et souhaite faire une observation. Vous avez dit qu'il ne fallait pas oublier qu'au début le secteur du BTP n'était pas éligible à l'activité partielle. Or, le BTP n'était pas exclu des mesures d'urgence. Les préfets se sont retrouvés confrontés à d'autres obligations et ont laissé circuler des messages qui n'ont pas contribué à la fluidité et à l'efficacité des démarches. Nous reviendrons sur ce sujet. Il a été réglé assez rapidement mais cela a donné lieu à quelques malentendus. Je passe maintenant la parole à la Fédération calédonienne du BTP représentée par M. Silvio Pontoni.
La Nouvelle-Calédonie connaît une récession économique générale et le BTP est donc concerné. La difficulté est notamment liée à des échéances électorales sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie. Nous étions déjà en crise, le Covid-19 vient s'y ajouter. Heureusement, au plan sanitaire, nous avons été très peu impactés. En effet, nous sommes entrés en confinement le 23 mars 2020 et sortis avec un déconfinement partiel le 20 avril. Nous avons été le premier territoire français à sortir du confinement strict. Au début nous n'étions pas inclus dans le dispositif du chômage partiel. Nous avons rencontré nos élus, en expliquant que nous n'étions pas en mesure de faire les gestes barrières, faute de matériels et de formation. Puis, nous avons été inclus parmi les ayants droit pour le chômage partiel, ce qui s'est traduit par une baisse d'activité de 65 % pendant une quinzaine de jours.
Au début, une partie de nos effectifs, soit 40 % de notre masse salariale, a déserté les chantiers, par peur ou méconnaissance. Lorsque nous avons su que nous étions en confinement strict, nous avons été voir les salariés pour leur dire qu'ils devaient venir sur les chantiers, sinon ils ne seraient pas pris en charge. Le message est difficilement passé. Certains chantiers ont été interrompus par des maîtres d'ouvrage, par mesure de prudence. Nous avons eu des zones près des tribus où la population locale nous a interdit les accès sur différents sites de travaux. En l'occurrence, sur les îles Loyauté, tous les vols aller-retour ont été bloqués dans les premiers jours. Tous les travaux dans les îles ont été complètement arrêtés.
Nous avons manqué de directives au début de cette crise. Nous nous sommes retrouvés, en tant que chefs d'entreprises, avec une responsabilité énorme pour essayer de faire tourner l'économie et éviter qu'une crise économique ne s'ajoute à la crise sanitaire. Nous avons eu une perte d'environ 42 millions d'euros sur cette période, alors que le chiffre d'affaires du BTP en Nouvelle-Calédonie s'élève à 1 milliard d'euros. La perte de chiffre d'affaires est donc énorme (36 % pour certaines entreprises sur cette période), tout comme la perte de masse salariale.
Concernant les approvisionnements, les matières premières pour l'enrobé et le ciment, nous n'avons pas à craindre de pénurie mais nous avons des inquiétudes pour les produits fabriqués en Europe ou ailleurs, où les usines sont fermées. Pour l'instant nous avons un peu de stock mais nous ne savons pas comment nous allons être approvisionnés lors des prochaines commandes. Pour le fret aérien, nous sommes passés de deux vols tous les jours depuis la métropole, à deux vols par semaine. Le fret maritime lui, se poursuit normalement. Pour l'instant, à part la rupture avec les usines en Europe, nous n'avons donc pas encore de répercussion.
En revanche, nous avons actuellement un énorme problème avec les agents de maîtrise, les techniciens supérieurs, qui venaient faire des séjours d'environ une semaine en Nouvelle-Calédonie pour des programmations d'engineering, de machines. Nous sommes complètement à l'arrêt, des chantiers vont bientôt se bloquer, à l'instar de trois centres commerciaux (deux en rénovation, un en phase de livraison) où tout le système d'incendie ne peut pas être mis en fonctionnement. Le chantier ne peut être achevé et on ne pourra pas ouvrir ces installations.
Un technicien qui vient en Nouvelle-Calédonie a une quatorzaine obligatoire dans un hôtel puis une semaine dans un lieu si possible sécurisé. Les techniciens ne viennent plus, puisqu'il est impossible pour une entreprise de prendre en charge ces frais-là. Nous avons discuté avec le gouvernement de Nouvelle-Calédonie afin de trouver des solutions. Nous sommes donc face à un mur et la situation devient problématique. J'évoquerai des cas encore plus sérieux, tels que ceux de trois usines de nickel en Nouvelle-Calédonie, dont deux à pyrolyse qui nécessitent un travail d'entretien permanent. Les équipes spécialisées sont rares dans le monde. Normalement, des équipes de Portugais viennent faire ces travaux mais nous ne pouvons plus les faire venir. Or, ces fours doivent impérativement être entretenus.
Pour les aides de l'État, en Nouvelle-Calédonie, environ 15 200 salariés ont bénéficié du chômage partiel, dont 13 % dans le secteur du BTP. Nous étions le quatrième secteur le plus demandeur pour le chômage partiel après le tourisme, la restauration et les services. Cela nous a permis d'avoir un peu de temps pour mettre en place ces fameux gestes barrières, mais nous avons eu, comme mes confrères ultramarins, des problèmes d'approvisionnement ne serait-ce que pour les masques, le gel, etc. Au début, les hôpitaux de Nouvelle-Calédonie ont demandé aux entreprises du BTP de leur fournir des masques FFP2 ou FFP3. Ce sont donc les entreprises du BTP qui leur ont donné des masques au début de la pandémie. Le temps que le réapprovisionnement se mette en place normalement, nous avons donc été nous aussi, en situation de pénurie. Le chômage partiel a donc quand même permis de mettre nos salariés dans une situation de distanciation acceptable sur un chantier en diminuant les effectifs. Le prêt garanti par l'État est aussi très sollicité par les entreprises, il s'avère vraiment nécessaire en raison de cette perte de chiffre d'affaires. Nous verrons sa répercussion dans un trimestre. Le chef d'entreprise a besoin de visibilité pour souscrire à ce prêt et nous ne disposons, là aussi, que d'une visibilité très réduite sur le secteur du BTP à moyen et long termes.
La Nouvelle-Calédonie est compétente en la matière ; l'ordonnance du 22 avril ne nous concerne pas.
Pour le redémarrage des activités, les maîtres d'ouvrage, tant publics que privés, ont été très solidaires. Nous sommes des îliens, la solidarité a été tout de suite très forte. Des maîtres d'ouvrage nous ont appelés pour signer des ordres de service afin de nous arranger ; ils ont été très réactifs face à notre situation. Le chiffre d'affaires du BTP en Nouvelle-Calédonie provient à 60 % du secteur privé et à 40 % du secteur public. Sur le total, 30 % sont les maîtres d'ouvrage sociaux. Trois maîtres d'ouvrage sociaux représentent 30 % de notre chiffre d'affaires.
La crise à laquelle nous sommes confrontés, avec les différents référendums mis en place sur le devenir de la Nouvelle-Calédonie, a gelé une grande partie des investissements du privé. Nous nous sommes donc tournés vers le secteur public pour lui demander de soutenir notre activité. Il a essayé de le faire mais ses moyens financiers sont très réduits. En l'occurrence, la Direction des infrastructures, de la topographie et des transports terrestres (DITTT) - notre principal donneur d'ordre public -, nous a dit clairement que ses fonds d'investissement ont été utilisés pour gérer la crise, par exemple les hôtels réquisitionnés pour les quatorzaines des Calédoniens qui n'étaient pas encore rentrés sur le territoire. Les projets existent donc mais les caisses sont vides.
Quant aux surcoûts, nous sommes sur une crise d'activité et la compétition entre les entreprises est très dure. Nous avons des frais imputables au Covid-19, mais nous ne pouvons pas demander aux maîtres d'ouvrage de les assumer (ils sont estimés entre 5 et 10 % puisque nous avons été moins confinés qu'en métropole). Cependant, les gestes barrières nous ont imposé des changements de cadence, sur le transport du personnel également. En effet, le transport urbain ne fonctionnait plus, le covoiturage non plus, nous organisions des navettes dans les quartiers avec les véhicules des entreprises. Ce transport peut-il être pris en charge ? Le gouvernement de Nouvelle-Calédonie est ouvert mais il n'a plus de moyens. Il a dû recourir à une aide du Gouvernement français, même si le montant obtenu n'est pas celui qui était demandé.
Pour les leviers prioritaires, la relance économique avait été demandée avant la crise de Covid-19. Nous avons listé les grands projets nécessaires. Nous ne demandons pas la création d'une énième usine de nickel, nous en avons déjà trois et nous avons un hôpital flambant neuf. En revanche, des grands projets structurants seraient nécessaires comme l'assainissement et l'eau. Notre lagon a été inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO. Cependant, à part Nouméa et les grandes villes autour qui commencent à s'équiper en stations d'épuration, aucune des communes de l'intérieur du territoire ou des îles Loyauté n'est équipée d'un traitement des eaux digne de ce nom. Nous avons encore beaucoup de communes confrontées à d'énormes pénuries d'eau en période de sécheresse. Il existe un projet de barrage dans le Nord mais il peine à voir le jour. Nous avons des problèmes avec les liaisons routières entre Nouméa à l'extrême Sud et Koumac et Koné à l'extrême Nord. Regardez les statistiques du nombre de morts par an, nous sommes parmi les plus mauvais élèves en termes de morts sur la route par habitant sur tout le territoire français. Nous avons des projets structurants, le gouvernement essaye de nous accompagner mais il faut des ressources pour les financer.
Je vous remercie beaucoup Monsieur le président. Je passe la parole à M. Roger Hélène, le dernier intervenant du volet BTP.
Je rejoins ce qu'ont dit mes confrères sur la situation économique de nos territoires. Sur Saint-Pierre-et-Miquelon, nous avons subi les mêmes difficultés. Je précise que notre secteur représente 25 % du secteur privé.
Nos difficultés sont surtout liées à la saisonnalité, puisque nous nous arrêtons en moyenne quatre mois pendant l'hiver. En conséquence, nous peinons déjà à traverser cette période. Le Covid-19 ne nous a pas aidés et a freiné les chantiers en activité, notamment du fait de la peur des salariés et des arrêts maladie, entraînant un surcoût pour les entreprises qui avaient de l'activité. Nous peinons aujourd'hui à redémarrer. Nous avons fait face à quelques difficultés de lancement d'appels d'offres infructueux. Cette situation est dommageable pour la profession car nous avons besoin de travailler.
Aujourd'hui, la lisibilité par rapport à l'avenir, pour la programmation de l'activité, est le sujet qui nous importe. Une amélioration s'est faite sentir grâce aux discussions que nous avons eues avec les maîtres d'ouvrage, par l'intermédiaire de l'Observatoire de la demande publique. Par rapport aux années 2000, une baisse de 40 % de l'activité dans le secteur du BTP est observée sur l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Les grandes difficultés que nous rencontrons aujourd'hui sont consécutives aux prix bas, à la sous-estimation des projets et aux relances continuelles des appels d'offres. Les entreprises travaillent pour rien, elles ont des surcoûts et les dossiers ne sortent pas. La méconnaissance du territoire par les maîtrises d'oeuvre extérieures occasionne un ralentissement sur l'organisation de l'activité.
Sur l'archipel, compte tenu du manque d'aide et d'accompagnement, le logement intermédiaire pose davantage problème que le logement social qui est relayé par les collectivités. Par le passé, sur le territoire nous disposions de la LBU. Nous l'avons redemandée pour faire face au manque de logement sur le territoire. La réhabilitation du patrimoine bâti peine aussi à démarrer. Comme le disait l'un de mes confrères, les banques sont très frileuses pour financer les projets. Souvent des réponses sont attendues sept, huit mois, voire un an pour un projet d'investissement. À partir du moment où les demandes d'investissements sont verrouillées, le territoire se meurt. C'est un problème qu'il faut débloquer sur Saint-Pierre-et-Miquelon.
Nous enregistrons une baisse de 40 % de l'activité par rapport aux années 2000. Les maîtres d'ouvrage ont essayé de jouer le jeu, de lancer des chantiers susceptibles de commencer de suite avec des matériaux dont nous disposons sur l'archipel. En revanche, nous rencontrons des difficultés d'approvisionnement pour les produits en provenance d'Europe. En effet, les usines sont fermées et les fournisseurs ne nous répondent que très tardivement. J'estime que la saison sera très réduite concernant le bâtiment. Quant aux travaux publics, les matériaux présents sur le territoire devraient permettre un fonctionnement correct.
Je déplore toujours le manque de lisibilité à moyen terme. Un des grands projets que nous souhaiterions mettre en place porte sur l'attractivité du territoire, en remettant aujourd'hui la ville en état, ses chaussées, etc. Aujourd'hui, ce projet peine à se développer. Les chantiers de voirie et réseaux divers (VRD) devraient être lancés, notamment pour la protection des littoraux qui pourraient donner de l'activité tout de suite au bâtiment. Nous avons des coûts d'importation de matériaux considérables en provenance d'Europe. Par exemple, un container de 40 pieds coûte actuellement environ 10 000 euros, soit un surcoût élevé, voire prohibitif, pour des matières premières de base comme le plâtre, l'acier, le ciment ou le béton.
Nous vous remercions, Monsieur le président, pour votre intervention. Si je fais une brève synthèse, il existe une situation structurelle en outre-mer et la crise a aggravé cette situation. J'ai noté que vous êtes tous intervenus sur les charges, d'où la question des exonérations. C'est le débat que nous retrouvons dans toutes nos auditions sur lesquelles le Gouvernement devra trancher.
Vous avez été plusieurs à évoquer aussi la LBU. La ministre des outre-mer, Mme Annick Girardin, a donné des garanties affirmant que la ligne ne serait pas diminuée et que le total sera consommé. Le sujet reviendra sans doute lors du débat en loi de finances. Il est toujours difficile de reconduire ce que l'on n'a pas dépensé l'année d'avant et de rajouter autant pour l'année suivante. Il y a des jeux d'écriture, qui font que les collectivités sont souvent perdantes.
J'ai bien noté que vous souhaitiez tous que le PLOM soit relancé aussi vite que possible sans le remettre en débat. Je sais que la remise en débat des contrats de convergence a été évoquée, mais pas pour le PLOM. J'ai relevé que La Réunion souhaite également mettre l'accent sur la compétitivité renforcée.
La loi de finances rectificative a apporté une garantie vis-à-vis des banques car les banques locales font souvent preuve d'une trop grande frilosité. Bpifrance doit pouvoir se substituer à une banque et se porter garante. Encore faut-il que ce dossier soit suivi. Enfin, vous avez insisté sur les surcoûts liés à l'épidémie qui viennent s'ajouter aux surcoûts structurels que nous connaissons.
La seconde phase de notre table ronde que nous abordons à présent est consacrée au logement social.
Je vous remercie Monsieur le président. Je soulèverai à nouveau quelques questions pour ouvrir la discussion. Comment le secteur du logement social est-il, d'ores et déjà, économiquement impacté par la crise du BTP ? Si vous avez des exemples sur vos différents territoires (chantiers interrompus, nécessité d'adaptation des logements...), cela nous intéresse d'avoir ces éléments.
Comment ont été gérés les problèmes de confinement et de risque sanitaire dans le parc social de votre territoire ? Quelles difficultés spécifiques aux outre-mer pouvez-vous signaler ?
Avez-vous renforcé votre système d'accompagnement pendant cette crise sanitaire pour aider les familles les plus modestes dans la période récente ?
J'ai également trois questions à vous poser. Pensez-vous que la crise économique dans les outre-mer se doublera d'une grave crise sociale ? Quelles évaluations prévisionnelles des besoins supplémentaires en logement social faites-vous ?
Pensez-vous qu'une politique de relance de la construction de logements sociaux serait un levier efficace pour la reprise et croyez-vous cette politique possible dans le contexte actuel ?
Et enfin, quelles synergies serait-il utile de mettre en place au niveau local entre la collectivité, les services de l'État, le secteur du bâtiment et les acteurs du logement social ?
Pour ma part, ma première question concerne le déficit de logements sociaux estimé à environ 90 000 en outre-mer. Quelles sont vos préconisations pour répondre à ce besoin de logement, principalement à destination des ménages ultramarins les plus modestes, dans ce contexte économique très difficile et sans doute durable après la crise du Covid-19 ?
Ma deuxième question porte sur les fonds européens. L'Europe est en train d'élaborer un plan de relance économique pour répondre à cette crise. Le secteur du logement est-il en mesure de faire des propositions pour les outre-mer afin qu'ils puissent bénéficier d'un investissement massif en faveur du logement social et intermédiaire ? Nous savons que jusqu'à présent, le logement n'est pas un domaine aidé par l'Europe.
Enfin, ma troisième question porte sur la résilience des économies ultramarines à la suite de la crise du Covid-19 : construction de logements, réhabilitation mais aussi peut-être la vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) qui pourrait revenir, offriraient-ils une solution ?
Je remercie les rapporteurs et donne à présent la parole au président André Yché au nom de CDC Habitat.
En préambule, je souhaite préciser que notre première préoccupation face à la crise sanitaire a été la sécurité de nos salariés. Il fallait donc procéder aux mesures de confinement, en même temps qu'assurer au minimum le fonctionnement de nos entreprises. Cela était aussi vrai en métropole que dans les outre-mer. Très rapidement, nous avons décidé d'anticiper et de prendre en considération que, selon toute probabilité, la crise sanitaire se traduirait par une crise économique et probablement par une crise sociale qui lui serait concomitante. Cela est vrai dans l'Hexagone, et à plus forte raison encore dans les outre-mer. Ainsi, dès le début du confinement, tout en gérant l'actualité, nous nous sommes attelés à cette problématique de la crise économique.
Dans des délais très brefs, nous avons monté un plan de relance sur l'ensemble du territoire national. Le 27 mars, nous avons lancé un appel à projets, portant initialement sur 40 000 logements que nous étions disposés à acquérir très rapidement, essentiellement en VEFA. En très peu de temps, nous avons dépassé les 40 000 logements. Aujourd'hui, nous avons dépassé les 60 000 en termes de propositions. Si l'on se focalise sur les outre-mer, en trois semaines, 8 000 propositions ont été reçues (actuellement nous devons être à 9 000) : 700 pour la Guadeloupe, 3 200 pour la Guyane, 1 250 pour la Martinique, 800 à Mayotte et un peu plus de 2 000 pour La Réunion. Après un rapide examen, nous pensons que les degrés d'avancement de ces projets devraient nous permettre de contractualiser de 5 000 à 6 000 propositions, soit les deux tiers. Cela représente en constructions neuves, un effort supplémentaire d'un milliard d'euros pour l'ensemble des territoires.
Pour vous donner une idée de l'avancement du plan de relance, nous avons exprimé 2 500 projets en comité d'engagement, et la semaine prochaine nous en examinerons 2 500 de plus. Il nous reste à vérifier que les prix proposés par les promoteurs sur ces opérations sont conformes à la pratique générale mais il n'y a pas d'écart majeur constaté à ce stade. En temps normal, le flux de nos commandes est de 600 millions d'euros par an, 500 sur des constructions neuves, une centaine sur le volet de la réhabilitation. Pour nous, le plan de relance consiste à augmenter le volume d'investissements que nous comptons réaliser dans les 12 à 18 mois. Il faut que la LBU soit disponible à l'horizon 2020-2024. Dès que la contractualisation finale sera avisée, la question sera la réactivité des services administratifs, quels qu'ils soient.
Nous devons également avoir une bonne coordination avec les collectivités territoriales sur la garantie des prêts. Du côté de la Caisse des Dépôts (CDC), il n'y a pas de difficultés puisque nous sommes intégrés dans un plan Habitat d'ensemble, de telle sorte que les disponibilités du côté des fonds d'épargne ne posent pas de problème.
Cette crise n'amène pas de nouveaux problèmes, mais elle met en évidence leur caractère urgent et parfois structurel concernant la santé des entreprises et la coordination des acteurs sur chaque territoire. La santé des sociétés aujourd'hui est plutôt meilleure que ce qu'elle était il y a quelques années. Si je prends comme exemple la situation à La Réunion, plusieurs sociétés étaient déjà en difficulté même si deux d'entre elles sont aujourd'hui remises à flot, la Semader et la Sodiac. Pour que le secteur redémarre, il faut bien que les sociétés soient en état de le faire redémarrer. Depuis deux ans, nous constatons une amélioration de ce point de vue-là sur tous les territoires où nous sommes présents, il n'y aura pas de problème pour être au rendez-vous.
Je crois que la question de la coordination entre le groupe de la Caisse des Dépôts, CDC Habitat et Action Logement a été évoquée. De ce point de vue, nous avons une convention qui, à ma connaissance, a été approuvée par toutes nos instances de direction. C'est maintenant une question de jours pour que nous puissions signer un accord avec l'ensemble des partenaires.
Tous les chantiers ont été arrêtés, autant dans l'Hexagone que dans les outre-mer. Aujourd'hui, un mouvement de reprise s'enclenche. Pour l'accompagner, nous avons signé avec la Fédération française du bâtiment (FFB), au niveau national, un accord général sur les modalités selon lesquelles nous allons gérer la question des surcoûts. Dans les outre-mer, le redémarrage concerne entre deux tiers et trois quarts des chantiers. Il reste encore des sujets de discussion, non pas avec des entreprises locales mais avec « des majors », qui se font parfois un peu tirer l'oreille. Nous devrions pouvoir parvenir à régler ce sujet sur la base de l'accord conclu avec la Fédération française du bâtiment.
Reste le sujet lancinant de la coordination entre les acteurs. Chacun a son rôle à jouer : l'État, les collectivités territoriales ou nous-mêmes et un certain nombre de prestataires (aménageurs...). Pour que cet impact soit rapide et massif, la question est celle du carnet de commandes évoquée par un certain nombre d'intervenants. Nous estimons que le carnet de commandes sera largement reconstitué courant juillet. C'est une occasion de mettre en oeuvre le Plan logement pour les outre-mer et de multiplier par trois le potentiel d'investissements. Encore faut-il que tous soient au rendez-vous.
Un déficit de coordination existe localement entre tous les acteurs. À plusieurs reprises nous avons émis le souhait de faire émerger une sorte de « cluster aménagement habitat », tourné à la fois sur la maîtrise d'ouvrage, sur l'exploitation, etc. Un plan de relance tel qu'il est décrit ici, qui sera accentué par l'appui d'Action Logement, est l'occasion de mettre en place cette démarche de coordination qui est l'avenir de l'habitat en outre-mer. Tant que nous n'aurons pas réussi à structurer ces « clusters », nous aurons toujours ces délais, cette concurrence interne, ces difficultés sur l'action foncière etc.
Il ne faut pas considérer que la crise sanitaire et la crise économique révèlent de nouveaux problèmes. Les problèmes étaient sous-jacents depuis plusieurs années, elles les révèlent de manière crue, de telle sorte que la réponse à apporter de manière massive à cette situation devrait permettre d'avancer aussi dans leur résolution. Mais encore une fois, il faut donner la priorité à la visibilité et à l'injection de ressources nouvelles.
Le plan dont je vous ai parlé pourrait être accompagné par une accélération des réhabilitations sur un certain nombre de sites d'une part, et par une accélération au programme antisismique dans les Antilles d'autre part. De notre point de vue, par rapport à notre volume d'investissements, cela revient à injecter 1,2 milliard, sur un investissement annuel de 1 600 millions d'euros. C'est-à-dire malgré tout, une masse significative pour donner de la visibilité aux entreprises qui n'ont plus dès lors de raison de ne pas remonter en puissance et ne pas assurer la reprise à 100 % de leur activité, voire même au-delà.
Je vous remercie, Monsieur le président, pour la rigueur et la clarté de votre message. J'ai bien noté que vous faites preuve d'optimisme à l'opposé de l'attitude qui consisterait à s'enfermer sur soi-même, à la condition qu'une coordination puisse être mise en place, et que tous les moyens soient mobilisés. Je donne maintenant la parole à Mme Sabrina Mathiot, directrice de l'Union sociale pour l'habitat outre-mer.
Je vous remercie de nous avoir conviés à cette table ronde qui sera forcément constructive quant à ce qui pourrait être déployé sur nos territoires.
J'aborderai d'abord les mesures prises par les bailleurs ultramarins pendant la crise, puis l'impact de celles-ci avant de traiter les leviers de relance et pour finir avec l'Europe et les synergies à mettre en oeuvre.
La crise du BTP existait avant la crise sanitaire qui est venue l'accentuer. Pendant le confinement, nos bailleurs ont engagé sur les territoires une sécurisation des personnels, pour leur permettre le télétravail, ou quand ils travaillent sur site, le faire avec toutes les précautions nécessaires. Ils ont servi de relais pour la communication sur toutes les mesures sanitaires et ont continué leur activité d'exploitation, hors chantier. Effectivement, en exploitation, l'entretien des bâtiments s'est avéré très rapidement nécessaire, pour permettre aux personnes confinées d'être en sécurité, tout en assurant la propreté des lieux et l'évacuation des déchets. À La Réunion, le problème des déchetteries fermées a donné lieu à un partenariat avec les EPCI, pour ne citer qu'un exemple. S'agissant du soutien aux entreprises, il est très important de dire que les bailleurs, en dépit de l'impact de la crise, ont tenu à assurer des paiements très rapides. Ils ont même accéléré les paiements aux entreprises pour les prestations déjà accomplies.
En matière d'accompagnement social, les vulnérabilités en outre-mer sont autrement plus importantes que dans l'Hexagone, notamment pour la population âgée, qui a bénéficié d'un accompagnement particulier. Outre des appels téléphoniques, nous avons assuré un véritable relai, avec les CCAS et les prestataires d'interventions, auprès des personnes âgées pour les repas par exemple. Nos bailleurs ont assuré, à La Réunion, l'accompagnement et le logement d'urgence des femmes victimes de violence. Une convention signée avec la CAF permet au bailleur social de se soustraire à l'obligation de signaler les impayés qui ont beaucoup augmenté pendant la crise, pour que les familles bénéficient quand même des allocations sociales. Comme vous le savez, si un impayé est signalé, l'ensemble des allocations est bloqué. Cette convention a donc permis de permettre aux familles de respirer financièrement.
Les deux pans de notre activité que sont la construction/réhabilitation et l'exploitation des logements proprement dite ont été impactés. Comme ailleurs, l'impact sur la construction des chantiers en cours a été énorme puisque tout s'est arrêté. Pour la réhabilitation, il n'a pas été possible, sauf pour les logements vacants, de maintenir l'activité car les locataires en sites occupés refusent, encore maintenant, la reprise des chantiers. Les gens veulent se sentir en sécurité. Tous ces chantiers ont donc enregistré un retard conséquent, qui impactera les loyers et donc les recettes des bailleurs.
Avant la crise, nous avions déjà, et cela est particulièrement vrai pour La Réunion compte tenu du prix du béton, des appels d'offres infructueux. Cela soulève des interrogations. Environ un chantier sur deux connaît une défaillance des entreprises. Ce qui veut dire que les entreprises déposent le bilan pour les chantiers en cours, ce qui relance la procédure des appels d'offres, etc. In fine, ce phénomène est destructeur pour le tissu économique du secteur du BTP mais engendre également des retards conséquents pour les bailleurs sociaux. En matière d'exploitation, les impayés ont effectivement augmenté comme nous pouvions nous y attendre. De plus, le poids de l'économie informelle sur nos territoires va nécessairement impacter la vulnérabilité des familles, il faut en prendre conscience.
Dans un second temps, il convient de relever le problème des impayés. Un bailleur en particulier, que je ne peux citer, a recensé une augmentation de 29 % des impayés. Cela interpelle et en dit long sur l'impact de cette crise que l'on mesurera pleinement d'ici trois mois.
Pour répondre à la question sur les demandes de logements et la nécessité de redoubler d'efforts, nous observons en effet que la demande de logements est importante. C'est vrai dans les DOM. En Nouvelle-Calédonie, le système de financement est particulier et n'émarge pas sur la LBU mais s'inscrit dans le cadre de la défiscalisation. Sur ce territoire, il serait utile d'adapter l'offre à la demande en ce sens que les loyers « de sortie » ne sont pas acceptables pour les niveaux de revenus des Calédoniens. On pourrait considérer que le PIB calédonien est élevé, comme à Saint-Pierre-et-Miquelon. Or, le montant du PIB est biaisé par l'exploitation du nickel en Nouvelle-Calédonie, comme par la pêche à Saint-Pierre-et-Miquelon, ce n'est pas révélateur de la vulnérabilité des familles et de la réalité sociale locale. Il y a un important travail d'adaptation du parc social à faire en Nouvelle-Calédonie, et des investissements massifs à mener dans les DOM.
Sur le partage des surcoûts, il y a effectivement des accords au niveau national, comme le rappelait le président Yché. La situation est très différente d'un territoire à un autre avec une estimation variant de 4 à 15 %. Pour un bailleur social, dans son bilan d'opération, les imprévus dépassent en règle générale rarement 3 %. Au-delà, si le bailleur social porte cette charge sur son bilan, cela se traduira par une augmentation du loyer. Le revenu moyen est deux fois moins important que dans l'Hexagone. Pour nos compatriotes des territoires ultramarins, il n'est pas raisonnable de penser que cette charge soit portée par le locataire. Nous le concevons parfaitement, et nous sommes aussi solidaires des fédérations du BTP dont nous comprenons parfaitement les difficultés, qui par ailleurs rejaillissent sur notre activité. Une défaillance d'entreprise impacte aussi le bailleur dans son activité et nécessite beaucoup de démarches coûteuses. Néanmoins, nous ne pensons pas que le partage de surcoût soit la solution.
Des réflexions émanent des territoires. Faire porter cette charge sur la LBU nous semble en tout cas beaucoup plus pertinent, compte tenu à la fois de la structuration du tissu économique domien dans le BTP et de la vulnérabilité des ménages sur lesquels nous ne pouvons absolument pas faire porter cette surcharge.
Sur les leviers de relance, la chaîne de valeur économique du logement social est une chaîne vertueuse ; elle intervient selon un spectre économique large sur les secteurs primaire et secondaire, à travers la production et l'exploitation, le BTP, les fournisseurs de matériaux etc. L'exploitation touche aussi ce secteur des services à travers l'entretien des ascenseurs, des bâtiments, etc. C'est un véritable levier pour relancer la mécanique économique.
La réhabilitation est également un levier important : qu'elle soit lourde ou légère, elle implique des entreprises de petite taille. Nous savons tous que cela représente une forte proportion de nos entreprises. De plus, sur des chantiers de réhabilitation, lourde ou légère, nous pouvons mobiliser dans un temps beaucoup plus court que la construction d'un bâtiment. Comme vous le savez, trouver le foncier, faire l'étude, demander le permis, demander les financements... est souvent très long. Il faut donc faire les deux, mais en premier lieu de la réhabilitation car elle agira tout de suite sur l'économie. La construction est bien entendu aussi nécessaire pour que nous ne nous retrouvions pas dans le même cas de figure dans deux ans ou dans cinq ans.
Par conséquent, il faut intégrer la réhabilitation dans la réflexion. Quant aux modalités, il faut d'abord penser à alléger les conditions de prestations de commandes publiques. Si nous voulons agir rapidement, il faut compter sur la commande publique, au travers d'un relèvement des seuils, quand cela concerne des chantiers qui ne sont pas d'importance. De plus, même si certains ont peut-être des positions dogmatiques sur la question, à défaut d'un moratoire ou d'un effacement de dettes des charges sociales ou fiscales des entreprises, ce qui émane de nos adhérents, c'est qu'ils ne sont pas opposés à donner un marché à une entreprise qui a une dette fiscale ou sociale. Il y a comme un cercle vicieux, consistant à dire que si vous ne payez pas vos charges fiscales et sociales, vous ne pouvez pas aller sur les chantiers publics... Je ne dis pas qu'on a la solution, je n'ai pas la compétence ou la légitimité, mais nous pourrions étudier cette proposition.
L'autre point qui doit absolument être renforcé concerne les Directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) qui sont clairement très investies. On le voit au niveau des territoires, à chaque fois que l'on conduit un projet, elles sont là, elles sont actives. Il faut saluer le travail et le dynamisme de ces acteurs au plus près des préoccupations locales. Néanmoins, il faut encore travailler sur le dossier d'instruction et sur la mobilisation de la LBU. L'année dernière, cela a posé problème à La Réunion. On peut comprendre que les aides sociales soient différenciées sur les territoires en fonction des spécificités. En revanche, il n'est pas acceptable que le dossier d'instruction de la LBU soit différent d'un territoire à un autre. Les pièces constitutives devraient être les mêmes partout. Si, au niveau local, nous voyons des demandes particulières dans des domaines eux aussi particuliers, finalement cela ne permet pas de mobiliser correctement la LBU. Pour être plus efficaces, il faut jouer collectif, c'est un axe de travail qui pourrait s'avérer vraiment payant.
Un autre type de solution, pour l'utilisation de la réhabilitation comme levier de relance du secteur du BTP, serait d'étendre le crédit d'impôt hors zone Quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Si vous allez voir un bailleur social en lui expliquant qu'il mobilisera son crédit d'impôt en faisant une opération de construction, il commencera nécessairement par là où il a le plus de subventions, étant donné le coût de loyers que cela engendrera. Pour ne pas tomber dans un cercle vicieux, le crédit d'impôt hors zone QPV a du sens. Nous considérons que l'on peut ainsi aller plus vite et mieux.
Aujourd'hui, il y a une position dogmatique sur le fait de ne pas construire de logements dans les zones de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Nous savons tous que la mobilisation du foncier est très difficile dans les territoires d'outre-mer. Il faut agir dessus. En dehors des efforts que nous devrons faire pour aménager moins cher le foncier et permettre aux bailleurs sociaux de pouvoir accéder à ces chantiers, nous pensons qu'il faut construire des logements dans ces zones ANRU. En outre-mer, ce n'est pas un non-sens. Le dogme qui consiste à penser qu'il ne faut pas le faire car cela participe de la construction de quartiers difficiles n'y est pas applicable. 80 % de la population est éligible au logement social et c'est très compliqué dans un territoire où il n'y a pas de foncier ou de disponibilité. La mixité sociale ne peut pas être lue avec les mêmes critères que ceux de l'Hexagone. Il me semble qu'il faut lever ce genre de frein. Cela se fera forcément en concertation avec l'ensemble des acteurs, aucun bailleur n'ira dans un quartier s'il n'est pas sûr de trouver un locataire, il n'a pas intérêt à le faire. Des personnes âgées sont dans des zones ANRU car on ne peut pas reconstruire du logement social, elles refusent de quitter leur logement, cela bloque des opérations et cet aspect est à prendre en compte.
Je vous remercie Madame la directrice. Je donne la parole à M. Nicolas Bonnet, directeur d'Action Logement services.
Je vous remercie d'abord pour l'initiative que vous avez prise d'organiser cette réunion qui me paraît extrêmement pertinente dans le contexte actuel. C'est sur la coordination et l'action conjointe au service des outre-mer que je voudrais insister aujourd'hui.
Action Logement est un groupe paritaire dont la gouvernance est structurée autour de syndicats de salariés et de syndicats d'employeurs. Nous sommes extrêmement attentifs à la présence et à la représentation du groupe dans l'ensemble des territoires. C'est la raison pour laquelle nous avons prévu des relais dans les cinq départements ultramarins (Martinique, Guadeloupe, La Réunion, Mayotte et Guyane), au travers de comités territoriaux qui représentent ce groupe et nous signalent les difficultés ou les forces et faiblesses des territoires. Nous avions engagé, avant la crise sanitaire, une démarche volontariste d'investissement dans les outre-mer qui s'inscrit dans cette dynamique. J'y reviendrai tout à l'heure.
Trois types de mesures d'urgence ont été déployées par notre groupe. Il s'est d'abord agi de mesures d'urgence en faveur des locataires, dans le secteur social comme dans le parc privé. Dans le secteur social, nous avons demandé à nos filiales immobilières de se montrer extrêmement attentives et de mettre sur pied des cellules d'appui auprès des locataires afin de tenir compte des situations individuelles et de déterminer les mesures à mettre en place (report, dégrèvement de loyers, etc.). D'une façon plus générale, nous avons un ensemble de collaborateurs - souvent des collaboratrices - qui assurent un accompagnement auprès des salariés rencontrant des difficultés, que ceux-ci soient locataires du parc privé ou en accession à la propriété. Je pense notamment à tous les salariés qui ont subi une baisse de revenu du fait du chômage partiel. Action Logement peut alors prendre en charge une partie du coût du loyer ou des emprunts (dans le cas de l'accession à la propriété), voire mettre en place un dispositif d'accompagnement pour l'hébergement d'urgence, lorsque les personnes se retrouvent à la rue. Nous avons également déployé des mesures à l'intention de femmes victimes de violences qui se retrouveraient en quelque sorte prisonnières chez elles afin de leur trouver un hébergement d'urgence. En complément, nous avons aussi apporté notre contribution afin de loger des soignants au plus près de leur lieu de travail lorsque c'était nécessaire.
Un deuxième axe a consisté à accompagner les entreprises. En premier lieu, nous avons demandé à nos filiales immobilières et à Action Logement Service d'accélérer au maximum, voire d'anticiper le paiement de nos fournisseurs. Bercy a d'ailleurs cité Action Logement comme l'une des entreprises ayant joué un rôle très positif durant la crise. Cet effort représente environ un milliard d'euros injecté dans l'économie de façon rapide, afin d'éviter aux entreprises des difficultés de trésorerie. En second lieu, nous avons demandé à nos filiales immobilières d'être en première ligne pour aider les entreprises du bâtiment dans la reprise de chantiers ou le démarrage de nouveaux chantiers. Tel est bien notre rôle. C'est d'ailleurs ce que nous ont demandé nos prestataires sociaux. À la Martinique, à La Réunion et en Guadeloupe, 60 % à 70 % des chantiers ont redémarré. L'objectif est qu'ils aient tous redémarré d'ici début juin.
Enfin, je signalerai, à titre d'illustration, la façon dont nous avons traité les 18 000 collaborateurs du groupe. Dans un souci de solidarité et d'exemplarité, nous n'avons pas eu recours au chômage partiel : le groupe a pris en charge, en cas de rupture de rémunération, la rémunération des collaborateurs. Nous avons naturellement favorisé le télétravail le plus largement possible. Parallèlement, nous avons bien sûr veillé à donner aux collaborateurs qui devaient rester sur le terrain (à commencer par nos gardiens, dans les résidences sociales, qui ont joué un rôle majeur durant la période de confinement) tous les moyens nécessaires à l'exercice de leur mission (notamment les masques, gels, etc.). Nous avons aussi permis de décaler leurs horaires de travail afin qu'ils débutent plus tôt, de façon à éviter qu'ils ne croisent des locataires. Nous avons par ailleurs demandé à nos filiales de s'engager, dans le cadre des relations sociales au sein des CSE, dans des démarches en vue du versement d'une prime de 1 000 euros aux collaborateurs qui avaient été particulièrement mobilisés sur le terrain vis-à-vis des clients et locataires.
Quant à l'accompagnement du redémarrage, Sabrina Mathiot a évoqué les surcoûts de chantier et les réflexions en cours au sein de la LBU et de la DEAL. Nous veillerons à accompagner au maximum les acteurs, ce que devrait favoriser notre implantation régionale, voire locale, ainsi que nos habitudes de travail avec nos prestataires et les entreprises du bâtiment. Le dialogue avec elles s'est avéré très constructif et nous allons le poursuivre afin de favoriser la reprise des chantiers et le lancement de nouveaux.
Je souhaite également que nous activions plusieurs dispositifs de façon importante, en liaison étroite avec les collectivités locales. Cette table ronde vient donc particulièrement à point nommé. Je pense d'abord au plan d'investissements volontaires, que nous avions évoqué, Monsieur le président, il y a quelques semaines. Ce plan représente 9 milliards d'euros d'investissements et englobe des dispositifs applicables à l'ensemble des territoires (y compris en outremer, lequel bénéficie d'une enveloppe supplémentaire de 1,5 milliard d'euros). Au titre de l'enveloppe générale, deux mesures me semblent à activer plus fortement, en lien avec les collectivités locales, les entreprises du bâtiment et les artisans. La première porte sur l'accompagnement à la rénovation énergétique de logements. Nous accompagnerons les ménages modestes en leur apportant une subvention pouvant atteindre 20 000 euros et couvrant 100 % du coût des travaux. Ce mécanisme irriguant l'ensemble des territoires, il favorisera l'existence d'autant de chantiers supplémentaires pour les artisans. C'est un outil de démarrage extrêmement fort à déployer.
La seconde mesure, qui répond également aux enjeux qu'a mis en lumière la période de confinement, porte sur l'aide que nous pouvons apporter aux personnes âgées afin d'adapter leur logement au vieillissement. La période de confinement a révélé des besoins importants en la matière et il me paraît important que nous aidions cet effort d'adaptation. Nous mettons en place une subvention pouvant atteindre 5 000 euros pour ce faire, de façon à ce que ces personnes restent le plus longtemps possible, dans les meilleures conditions possibles, dans leur logement. Là aussi, cet effort doit donner de l'activité aux artisans qui maillent les territoires afin d'entreprendre les travaux d'adaptation nécessaires.
Une autre mesure, contenue dans le plan d'investissement volontaire, consiste à accompagner nos filiales par le renforcement de leurs fonds propres afin de leur permettre d'accroître leurs investissements en constructions neuves et en réhabilitation, si besoin est, voire en quasi-fonds propres pour les bailleurs sociaux, en vue de la restructuration du secteur HLM. Je pense naturellement aux OPH, qui n'ont pas de fonds propres mais des quasi fonds propres.
Quant aux crédits de 1,5 milliard d'euros spécifiquement dédiés aux outremer, le plan mis en place se veut adapté à chacun des cinq territoires précédemment cités, dans le cadre d'une vision pragmatique, en liaison étroite avec les collectivités locales. Nous sommes un financeur important du programme « Action coeur de ville » qui a été évoqué tout à l'heure et un certain nombre de dossiers relevant de cette démarche ont été retardés. L'accompagnement des plans de revitalisation des villes n'en demeure pas moins un levier de relance important. Nous allons plus loin, en outremer, pour aider les collectivités dans la restructuration des centres-bourgs, car il existe des besoins importants en la matière. La question rejoint celle, plus large, de l'accompagnement du réaménagement du territoire. Le logement en constitue un aspect mais n'épuise pas les problématiques à couvrir. Il faut également intégrer les problématiques du commerce, de la circulation et des services. C'est dans ce cadre que nous devons envisager nos actions.
Les fonds européens constituent naturellement un sujet ancien en matière de financement du logement social. Si nous pouvons trouver là un outil complémentaire de mobilisation, nous aurons tout à y gagner. Mayotte rencontre des difficultés immenses en matière de logement et les conditions dramatiques qui prévalent dans l'archipel, en la matière, vont malheureusement aggraver les conséquences de la crise du Covid-19, alors même que la dengue y sévit aussi.
Comme vous le constatez, nous sommes en mesure de mobiliser des moyens importants pour accompagner les opérations de construction et, si besoin est, de réhabilitation, principalement en direction des ménages modestes. Je souhaite également que nous accompagnions les démarches permettant de « dépenser utile », en structurant par exemple les filières de matières premières et de formation, afin d'alimenter de façon beaucoup plus importante le vivier de jeunes susceptible de travailler plus tard sur les chantiers. Il s'agit aussi de créer des filières d'assistance à maîtrise d'ouvrage et de veiller à l'efficacité dans l'utilisation des moyens mobilisés. Le Plan d'investissement volontaire outremer prévoit une enveloppe de 50 millions d'euros pour accompagner des expérimentations ou des innovations en matière de procédés constructifs. Action Logement est prêt à accompagner ces innovations afin de créer les conditions d'une reprise pérenne au sein des territoires, toujours en liaison étroite avec les collectivités locales et avec les entreprises. Je n'omets pas de mentionner les entreprises car cette relance ne doit pas créer de dé-corrélation entre les zones de logements et les zones d'activité. Nous avons d'ailleurs l'occasion de repenser le positionnement du logement, lequel pourrait être plus près des zones d'activité. Nous nous étions rendus dans les Antilles, début février dernier, pour promouvoir le Plan d'investissement volontaire. Nous avions rencontré de nombreux élus, maires, parlementaires et préfets. La crise du Covid-19 nous a empêchés de nous rendre à Mayotte et nous espérons pouvoir bientôt nous rendre dans les autres territoires. Soyez en tout cas assurés que notre groupe est pleinement engagé à vos côtés et à ceux des salariés afin de soutenir le redémarrage dans les territoires ultramarins.
Je tiens à vous remercier, Monsieur le directeur, pour votre présentation. Nous avions eu l'occasion d'évoquer le Plan d'investissement volontaire outre-mer et la politique mise en place par le groupe Action Logement, qui a pu mobiliser des moyens permettant de participer très concrètement à la relance et à l'aboutissement de nombre de projets, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. J'ai relevé l'importance que vous avez accordée, dans votre propos, au lien social et à la solidarité, ainsi qu'au rôle des élus qui participent à la mise en place de la politique globale de chaque territoire.
Je tiens à remercier tous les intervenants de cette table ronde passionnante. Nous voyons à quel point cette crise nous oblige à nous interroger encore davantage quant à la coordination qui doit exister entre les différents acteurs. Nous sommes persuadés, depuis le début, qu'en outremer, en particulier, la résilience vient lorsqu'on parvient à fédérer tous les acteurs pour agir dans la même direction. Vous nous montrez que vous êtes prêts à effectuer ce travail. Je vous en félicite et nous nous ferons le relais de vos propos.
Je voudrais également remercier l'ensemble des interlocuteurs qui nous ont éclairés sur maints aspects du sujet. Je suis convaincue que la relance et l'accompagnement du logement constituera, au même titre que le tourisme, un moteur de la reprise d'activités dans les outremers.
Je sais que des fonds européens ont pu être mobilisés, à l'époque, avec le comité de suivi, au bénéfice de personnes en situation de handicap. Nous devons pouvoir trouver ces vecteurs de mobilisation de fonds européens.
Nous ne savons pas encore de quelle façon les fonds de 1,5 milliard d'euros seront activés mais nous remercions l'ensemble des acteurs.
J'ai débuté la séance en évoquant, Monsieur le président, votre rapport sénatorial sur les normes, qui stigmatisant le carcan normatif ont conduit à des prix jugés anormalement élevés pour le logement outre-mer et limitant la production. La crise sanitaire révèle encore davantage l'obligation de produire davantage et différemment.
Nicolas Bonnet proposait d'accélérer l'innovation. Nous avons besoin, pour ce faire, d'un organisme d'évaluation de la conformité des matériaux. Nous nous battons en ce sens depuis quinze ans à La Réunion. Une telle structure est indispensable afin d'ouvrir à toutes les zones périphériques des outremer la possibilité d'importer des matériaux. Je pense, pour La Réunion, à l'Afrique du Sud, à l'Australie ou même à l'Inde. Le PLOM prévoit une action sur la conformité des matériaux, avec pour objectif de stimuler la production locale, en permettant aux acteurs économiques d'accéder au marché du logement tout en permettant l'importation de pays périphériques. Il faut absolument accélérer et je propose qu'un groupe de travail soit créé sur ce sujet à l'occasion de la prochaine visite d'Action Logement à La Réunion.
J'avais indiqué, lors de notre déplacement à La Réunion, que je comprenais la politique mise en place par les élus réunionnais car leur champ d'action va de l'Afrique du Sud à l'Inde. Je partage, en tant qu'îlien, cette vision élargie, de la même façon que les Néo-Calédoniens insistent pour la prise en compte des spécificités liées à leur vaste environnement régional, qui inclut l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
Concluons par une note positive : si la crise, à l'évidence, a été brutale pour tous, elle pourrait faire naître des opportunités dans la mesure où elle a accéléré la prise de conscience des réalités qui sont les nôtres. Si nous, ultramarins, pouvons tirer parti de ce contexte pour associer davantage d'acteurs à la résolution des problèmes que nous rencontrons, sans doute ferons-nous un bond en avant.
Il me revient de vous remercier, toutes et tous, pour la qualité de nos échanges. Je suis très heureux que chacun se soit prêté au jeu et ait usé de la liberté de parole que nous avons souhaité vous donner. Fidèle à ses habitudes, la délégation sera preneuse de toutes les informations écrites que vous voudrez bien nous transmettre.
Nous vous remercions très chaleureusement, au nom de l'ensemble des territoires et fédérations du BTP de nous avoir permis de nous exprimer. Trop longtemps, nous avons eu le sentiment que le BTP n'était plus au centre des préoccupations. Nous nous permettrons de vous soumettre par écrit quelques propositions pragmatiques.