Intervention de André Yché

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 28 mai 2020 : 1ère réunion
Étude sur l'urgence économique outre-mer à la suite de la crise du covid-19 — Table ronde sur le btp et le logement social

André Yché, président du CDC Habitat :

En préambule, je souhaite préciser que notre première préoccupation face à la crise sanitaire a été la sécurité de nos salariés. Il fallait donc procéder aux mesures de confinement, en même temps qu'assurer au minimum le fonctionnement de nos entreprises. Cela était aussi vrai en métropole que dans les outre-mer. Très rapidement, nous avons décidé d'anticiper et de prendre en considération que, selon toute probabilité, la crise sanitaire se traduirait par une crise économique et probablement par une crise sociale qui lui serait concomitante. Cela est vrai dans l'Hexagone, et à plus forte raison encore dans les outre-mer. Ainsi, dès le début du confinement, tout en gérant l'actualité, nous nous sommes attelés à cette problématique de la crise économique.

Dans des délais très brefs, nous avons monté un plan de relance sur l'ensemble du territoire national. Le 27 mars, nous avons lancé un appel à projets, portant initialement sur 40 000 logements que nous étions disposés à acquérir très rapidement, essentiellement en VEFA. En très peu de temps, nous avons dépassé les 40 000 logements. Aujourd'hui, nous avons dépassé les 60 000 en termes de propositions. Si l'on se focalise sur les outre-mer, en trois semaines, 8 000 propositions ont été reçues (actuellement nous devons être à 9 000) : 700 pour la Guadeloupe, 3 200 pour la Guyane, 1 250 pour la Martinique, 800 à Mayotte et un peu plus de 2 000 pour La Réunion. Après un rapide examen, nous pensons que les degrés d'avancement de ces projets devraient nous permettre de contractualiser de 5 000 à 6 000 propositions, soit les deux tiers. Cela représente en constructions neuves, un effort supplémentaire d'un milliard d'euros pour l'ensemble des territoires.

Pour vous donner une idée de l'avancement du plan de relance, nous avons exprimé 2 500 projets en comité d'engagement, et la semaine prochaine nous en examinerons 2 500 de plus. Il nous reste à vérifier que les prix proposés par les promoteurs sur ces opérations sont conformes à la pratique générale mais il n'y a pas d'écart majeur constaté à ce stade. En temps normal, le flux de nos commandes est de 600 millions d'euros par an, 500 sur des constructions neuves, une centaine sur le volet de la réhabilitation. Pour nous, le plan de relance consiste à augmenter le volume d'investissements que nous comptons réaliser dans les 12 à 18 mois. Il faut que la LBU soit disponible à l'horizon 2020-2024. Dès que la contractualisation finale sera avisée, la question sera la réactivité des services administratifs, quels qu'ils soient.

Nous devons également avoir une bonne coordination avec les collectivités territoriales sur la garantie des prêts. Du côté de la Caisse des Dépôts (CDC), il n'y a pas de difficultés puisque nous sommes intégrés dans un plan Habitat d'ensemble, de telle sorte que les disponibilités du côté des fonds d'épargne ne posent pas de problème.

Cette crise n'amène pas de nouveaux problèmes, mais elle met en évidence leur caractère urgent et parfois structurel concernant la santé des entreprises et la coordination des acteurs sur chaque territoire. La santé des sociétés aujourd'hui est plutôt meilleure que ce qu'elle était il y a quelques années. Si je prends comme exemple la situation à La Réunion, plusieurs sociétés étaient déjà en difficulté même si deux d'entre elles sont aujourd'hui remises à flot, la Semader et la Sodiac. Pour que le secteur redémarre, il faut bien que les sociétés soient en état de le faire redémarrer. Depuis deux ans, nous constatons une amélioration de ce point de vue-là sur tous les territoires où nous sommes présents, il n'y aura pas de problème pour être au rendez-vous.

Je crois que la question de la coordination entre le groupe de la Caisse des Dépôts, CDC Habitat et Action Logement a été évoquée. De ce point de vue, nous avons une convention qui, à ma connaissance, a été approuvée par toutes nos instances de direction. C'est maintenant une question de jours pour que nous puissions signer un accord avec l'ensemble des partenaires.

Tous les chantiers ont été arrêtés, autant dans l'Hexagone que dans les outre-mer. Aujourd'hui, un mouvement de reprise s'enclenche. Pour l'accompagner, nous avons signé avec la Fédération française du bâtiment (FFB), au niveau national, un accord général sur les modalités selon lesquelles nous allons gérer la question des surcoûts. Dans les outre-mer, le redémarrage concerne entre deux tiers et trois quarts des chantiers. Il reste encore des sujets de discussion, non pas avec des entreprises locales mais avec « des majors », qui se font parfois un peu tirer l'oreille. Nous devrions pouvoir parvenir à régler ce sujet sur la base de l'accord conclu avec la Fédération française du bâtiment.

Reste le sujet lancinant de la coordination entre les acteurs. Chacun a son rôle à jouer : l'État, les collectivités territoriales ou nous-mêmes et un certain nombre de prestataires (aménageurs...). Pour que cet impact soit rapide et massif, la question est celle du carnet de commandes évoquée par un certain nombre d'intervenants. Nous estimons que le carnet de commandes sera largement reconstitué courant juillet. C'est une occasion de mettre en oeuvre le Plan logement pour les outre-mer et de multiplier par trois le potentiel d'investissements. Encore faut-il que tous soient au rendez-vous.

Un déficit de coordination existe localement entre tous les acteurs. À plusieurs reprises nous avons émis le souhait de faire émerger une sorte de « cluster aménagement habitat », tourné à la fois sur la maîtrise d'ouvrage, sur l'exploitation, etc. Un plan de relance tel qu'il est décrit ici, qui sera accentué par l'appui d'Action Logement, est l'occasion de mettre en place cette démarche de coordination qui est l'avenir de l'habitat en outre-mer. Tant que nous n'aurons pas réussi à structurer ces « clusters », nous aurons toujours ces délais, cette concurrence interne, ces difficultés sur l'action foncière etc.

Il ne faut pas considérer que la crise sanitaire et la crise économique révèlent de nouveaux problèmes. Les problèmes étaient sous-jacents depuis plusieurs années, elles les révèlent de manière crue, de telle sorte que la réponse à apporter de manière massive à cette situation devrait permettre d'avancer aussi dans leur résolution. Mais encore une fois, il faut donner la priorité à la visibilité et à l'injection de ressources nouvelles.

Le plan dont je vous ai parlé pourrait être accompagné par une accélération des réhabilitations sur un certain nombre de sites d'une part, et par une accélération au programme antisismique dans les Antilles d'autre part. De notre point de vue, par rapport à notre volume d'investissements, cela revient à injecter 1,2 milliard, sur un investissement annuel de 1 600 millions d'euros. C'est-à-dire malgré tout, une masse significative pour donner de la visibilité aux entreprises qui n'ont plus dès lors de raison de ne pas remonter en puissance et ne pas assurer la reprise à 100 % de leur activité, voire même au-delà.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion