Je vous remercie d'abord pour l'initiative que vous avez prise d'organiser cette réunion qui me paraît extrêmement pertinente dans le contexte actuel. C'est sur la coordination et l'action conjointe au service des outre-mer que je voudrais insister aujourd'hui.
Action Logement est un groupe paritaire dont la gouvernance est structurée autour de syndicats de salariés et de syndicats d'employeurs. Nous sommes extrêmement attentifs à la présence et à la représentation du groupe dans l'ensemble des territoires. C'est la raison pour laquelle nous avons prévu des relais dans les cinq départements ultramarins (Martinique, Guadeloupe, La Réunion, Mayotte et Guyane), au travers de comités territoriaux qui représentent ce groupe et nous signalent les difficultés ou les forces et faiblesses des territoires. Nous avions engagé, avant la crise sanitaire, une démarche volontariste d'investissement dans les outre-mer qui s'inscrit dans cette dynamique. J'y reviendrai tout à l'heure.
Trois types de mesures d'urgence ont été déployées par notre groupe. Il s'est d'abord agi de mesures d'urgence en faveur des locataires, dans le secteur social comme dans le parc privé. Dans le secteur social, nous avons demandé à nos filiales immobilières de se montrer extrêmement attentives et de mettre sur pied des cellules d'appui auprès des locataires afin de tenir compte des situations individuelles et de déterminer les mesures à mettre en place (report, dégrèvement de loyers, etc.). D'une façon plus générale, nous avons un ensemble de collaborateurs - souvent des collaboratrices - qui assurent un accompagnement auprès des salariés rencontrant des difficultés, que ceux-ci soient locataires du parc privé ou en accession à la propriété. Je pense notamment à tous les salariés qui ont subi une baisse de revenu du fait du chômage partiel. Action Logement peut alors prendre en charge une partie du coût du loyer ou des emprunts (dans le cas de l'accession à la propriété), voire mettre en place un dispositif d'accompagnement pour l'hébergement d'urgence, lorsque les personnes se retrouvent à la rue. Nous avons également déployé des mesures à l'intention de femmes victimes de violences qui se retrouveraient en quelque sorte prisonnières chez elles afin de leur trouver un hébergement d'urgence. En complément, nous avons aussi apporté notre contribution afin de loger des soignants au plus près de leur lieu de travail lorsque c'était nécessaire.
Un deuxième axe a consisté à accompagner les entreprises. En premier lieu, nous avons demandé à nos filiales immobilières et à Action Logement Service d'accélérer au maximum, voire d'anticiper le paiement de nos fournisseurs. Bercy a d'ailleurs cité Action Logement comme l'une des entreprises ayant joué un rôle très positif durant la crise. Cet effort représente environ un milliard d'euros injecté dans l'économie de façon rapide, afin d'éviter aux entreprises des difficultés de trésorerie. En second lieu, nous avons demandé à nos filiales immobilières d'être en première ligne pour aider les entreprises du bâtiment dans la reprise de chantiers ou le démarrage de nouveaux chantiers. Tel est bien notre rôle. C'est d'ailleurs ce que nous ont demandé nos prestataires sociaux. À la Martinique, à La Réunion et en Guadeloupe, 60 % à 70 % des chantiers ont redémarré. L'objectif est qu'ils aient tous redémarré d'ici début juin.
Enfin, je signalerai, à titre d'illustration, la façon dont nous avons traité les 18 000 collaborateurs du groupe. Dans un souci de solidarité et d'exemplarité, nous n'avons pas eu recours au chômage partiel : le groupe a pris en charge, en cas de rupture de rémunération, la rémunération des collaborateurs. Nous avons naturellement favorisé le télétravail le plus largement possible. Parallèlement, nous avons bien sûr veillé à donner aux collaborateurs qui devaient rester sur le terrain (à commencer par nos gardiens, dans les résidences sociales, qui ont joué un rôle majeur durant la période de confinement) tous les moyens nécessaires à l'exercice de leur mission (notamment les masques, gels, etc.). Nous avons aussi permis de décaler leurs horaires de travail afin qu'ils débutent plus tôt, de façon à éviter qu'ils ne croisent des locataires. Nous avons par ailleurs demandé à nos filiales de s'engager, dans le cadre des relations sociales au sein des CSE, dans des démarches en vue du versement d'une prime de 1 000 euros aux collaborateurs qui avaient été particulièrement mobilisés sur le terrain vis-à-vis des clients et locataires.
Quant à l'accompagnement du redémarrage, Sabrina Mathiot a évoqué les surcoûts de chantier et les réflexions en cours au sein de la LBU et de la DEAL. Nous veillerons à accompagner au maximum les acteurs, ce que devrait favoriser notre implantation régionale, voire locale, ainsi que nos habitudes de travail avec nos prestataires et les entreprises du bâtiment. Le dialogue avec elles s'est avéré très constructif et nous allons le poursuivre afin de favoriser la reprise des chantiers et le lancement de nouveaux.
Je souhaite également que nous activions plusieurs dispositifs de façon importante, en liaison étroite avec les collectivités locales. Cette table ronde vient donc particulièrement à point nommé. Je pense d'abord au plan d'investissements volontaires, que nous avions évoqué, Monsieur le président, il y a quelques semaines. Ce plan représente 9 milliards d'euros d'investissements et englobe des dispositifs applicables à l'ensemble des territoires (y compris en outremer, lequel bénéficie d'une enveloppe supplémentaire de 1,5 milliard d'euros). Au titre de l'enveloppe générale, deux mesures me semblent à activer plus fortement, en lien avec les collectivités locales, les entreprises du bâtiment et les artisans. La première porte sur l'accompagnement à la rénovation énergétique de logements. Nous accompagnerons les ménages modestes en leur apportant une subvention pouvant atteindre 20 000 euros et couvrant 100 % du coût des travaux. Ce mécanisme irriguant l'ensemble des territoires, il favorisera l'existence d'autant de chantiers supplémentaires pour les artisans. C'est un outil de démarrage extrêmement fort à déployer.
La seconde mesure, qui répond également aux enjeux qu'a mis en lumière la période de confinement, porte sur l'aide que nous pouvons apporter aux personnes âgées afin d'adapter leur logement au vieillissement. La période de confinement a révélé des besoins importants en la matière et il me paraît important que nous aidions cet effort d'adaptation. Nous mettons en place une subvention pouvant atteindre 5 000 euros pour ce faire, de façon à ce que ces personnes restent le plus longtemps possible, dans les meilleures conditions possibles, dans leur logement. Là aussi, cet effort doit donner de l'activité aux artisans qui maillent les territoires afin d'entreprendre les travaux d'adaptation nécessaires.
Une autre mesure, contenue dans le plan d'investissement volontaire, consiste à accompagner nos filiales par le renforcement de leurs fonds propres afin de leur permettre d'accroître leurs investissements en constructions neuves et en réhabilitation, si besoin est, voire en quasi-fonds propres pour les bailleurs sociaux, en vue de la restructuration du secteur HLM. Je pense naturellement aux OPH, qui n'ont pas de fonds propres mais des quasi fonds propres.
Quant aux crédits de 1,5 milliard d'euros spécifiquement dédiés aux outremer, le plan mis en place se veut adapté à chacun des cinq territoires précédemment cités, dans le cadre d'une vision pragmatique, en liaison étroite avec les collectivités locales. Nous sommes un financeur important du programme « Action coeur de ville » qui a été évoqué tout à l'heure et un certain nombre de dossiers relevant de cette démarche ont été retardés. L'accompagnement des plans de revitalisation des villes n'en demeure pas moins un levier de relance important. Nous allons plus loin, en outremer, pour aider les collectivités dans la restructuration des centres-bourgs, car il existe des besoins importants en la matière. La question rejoint celle, plus large, de l'accompagnement du réaménagement du territoire. Le logement en constitue un aspect mais n'épuise pas les problématiques à couvrir. Il faut également intégrer les problématiques du commerce, de la circulation et des services. C'est dans ce cadre que nous devons envisager nos actions.
Les fonds européens constituent naturellement un sujet ancien en matière de financement du logement social. Si nous pouvons trouver là un outil complémentaire de mobilisation, nous aurons tout à y gagner. Mayotte rencontre des difficultés immenses en matière de logement et les conditions dramatiques qui prévalent dans l'archipel, en la matière, vont malheureusement aggraver les conséquences de la crise du Covid-19, alors même que la dengue y sévit aussi.
Comme vous le constatez, nous sommes en mesure de mobiliser des moyens importants pour accompagner les opérations de construction et, si besoin est, de réhabilitation, principalement en direction des ménages modestes. Je souhaite également que nous accompagnions les démarches permettant de « dépenser utile », en structurant par exemple les filières de matières premières et de formation, afin d'alimenter de façon beaucoup plus importante le vivier de jeunes susceptible de travailler plus tard sur les chantiers. Il s'agit aussi de créer des filières d'assistance à maîtrise d'ouvrage et de veiller à l'efficacité dans l'utilisation des moyens mobilisés. Le Plan d'investissement volontaire outremer prévoit une enveloppe de 50 millions d'euros pour accompagner des expérimentations ou des innovations en matière de procédés constructifs. Action Logement est prêt à accompagner ces innovations afin de créer les conditions d'une reprise pérenne au sein des territoires, toujours en liaison étroite avec les collectivités locales et avec les entreprises. Je n'omets pas de mentionner les entreprises car cette relance ne doit pas créer de dé-corrélation entre les zones de logements et les zones d'activité. Nous avons d'ailleurs l'occasion de repenser le positionnement du logement, lequel pourrait être plus près des zones d'activité. Nous nous étions rendus dans les Antilles, début février dernier, pour promouvoir le Plan d'investissement volontaire. Nous avions rencontré de nombreux élus, maires, parlementaires et préfets. La crise du Covid-19 nous a empêchés de nous rendre à Mayotte et nous espérons pouvoir bientôt nous rendre dans les autres territoires. Soyez en tout cas assurés que notre groupe est pleinement engagé à vos côtés et à ceux des salariés afin de soutenir le redémarrage dans les territoires ultramarins.