Dans la négociation, rien n'a été imposé par les sociétés d'autoroutes. Le protocole d'accord reflète l'équilibre d'une négociation, avec des concessions réciproques - certains éléments tenant davantage au coeur d'une partie, d'autres à celui de l'autre partie.
Dans mon souvenir, la clause de plafonnement n'était pas liée à une recommandation européenne. L'État avait la volonté d'introduire une clause dite « de surprofit ». C'était assez logique, car le coeur de la discussion à l'époque n'était pas la redevance domaniale ni même la question des tarifs, intervenue par la suite avec l'annonce unilatérale de la ministre. Cette question des tarifs est intervenue en réalité comme une forme de réponse politique à la problématique du surprofit, qui était au coeur de la polémique politique qui s'en est suivie, et de la réponse que l'État devait y apporter. Il était naturel pour lui de faire de l'introduction d'une clause de cette nature un objectif de la négociation.
Il s'agissait par ailleurs d'une innovation. Dans les contrats conclus précédemment, il n'existait pas de clause de ce type. Le simple fait d'introduire une clause de plafonnement me semble être une avancée utile pour les contrats en cours et pour les suivants. Comme je le disais, plus une clause est ajoutée tôt dans la négociation, au moment de la conclusion du contrat de concession, plus elle peut être mordante au regard de l'équilibre contractuel. En l'espèce, le seuil de 30 % reflète l'équilibre de la négociation. Si nous nous étions situés au début des concessions, l'État aurait probablement obtenu une clause plus mordante. Nous pouvons en tout cas l'espérer.
Cette clause était dans mon souvenir particulièrement contestée par l'autre partie, qui l'aurait souhaitée symétrique. Nous nous situions quelques années après une crise économique importante durant laquelle le trafic routier, notamment de poids lourds, avait fortement diminué. L'autre partie s'appuyait donc sur cet élément pour justifier la possibilité d'une clause protectrice en cas de sous-profit. Comme vous pouvez le constater, il n'existe pas de clause de cette nature. C'est le fruit d'une négociation, mais c'est aussi illustratif d'une forme d'asymétrie pour le coup en faveur de l'État.
J'en viens au taux de rentabilité interne (TRI). Ce taux est représentatif du taux de rentabilité attendu au regard d'un taux sans risque - il a diminué entre-temps, raison pour laquelle le taux de 8 % peut paraître élevé - et d'une prime de risque liée à la volatilité de l'activité. Cette prime est généralement plutôt faible dans un secteur comme celui des infrastructures d'ordinaire assez résilient à la conjoncture économique. Il est toutefois vrai que la baisse du trafic des années précédentes a suscité des débats sur ce point.
Le taux de 8 % apparaissait alors dans la fourchette de ce qui était acceptable, qui allait, dans mon souvenir, d'un taux bien inférieur à un taux légèrement supérieur.
Dans le plan de relance négocié préalablement à partir de 2012 figurait en outre un TRI autour de 8 %. Ce TRI lié au plan de relance et qui venait tout juste d'être négocié par les services de l'État a servi de base à la discussion. Je le dis d'autant plus librement que je n'étais pas impliqué dans cette négociation. Le plan de relance a été validé par la Commission européenne. Implicitement, celle-ci a considéré qu'il n'emportait pas d'aide d'État et n'était pas surestimé. La négociation a donc démarré sur la base d'un TRI négocié par l'État pour un plan de relance validé par la Commission européenne et situé à l'intérieur d'une fourchette. Il aurait évidemment été dans l'intérêt de l'État que ce taux soit plus bas, et dans celui des sociétés d'autoroutes qu'il soit plus élevé, celles-ci arguant qu'au moment de la privatisation le taux était estimé à cette hauteur, voire à des niveaux supérieurs. Les services de l'État ont indiqué qu'il n'y avait pas, de leur point de vue, de surprofit.
Je ne vous dirai pas que ce TRI est idéal, mais, au regard de l'équilibre de la négociation, il me semble convenable.