Intervention de Gérard Allard

Commission d'enquête Concessions autoroutières — Réunion du 16 juillet 2020 à 14h00
Table ronde d'associations d'usagers des autoroutes

Gérard Allard, membre du réseau Transports et mobilité durables de France nature environnement (FNE) :

Je vous remercie de nous auditionner. FNE, qui est la Fédération française des associations de protection de la nature et de l'environnement, est le porte-parole de 3 500 associations. Au sein du réseau thématique sur le transport et les mobilités durables, je suis plus particulièrement les questions relatives au transport de marchandises et je participe depuis dix ans aux réunions du comité des usagers du réseau routier national, sous la présidence de François Bordry.

Le réseau national autoroutier concédé est globalement bien entretenu, à la différence du retard pris sur le réseau non concédé. Les usagers routiers bénéficient d'un bon niveau de service.

Mais l'État est ficelé par des contrats de concession d'un autre temps, permettant le versement de dividendes exorbitants - 3 à 4 milliards d'euros, pour 10 milliards d'euros de recettes. Il est regrettable qu'il soit impossible d'augmenter les taxes et redevances versées à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) - taxe d'aménagement du territoire et redevances domaniales - sans avoir une répercussion automatique sur le coût des péages payé par l'usager.

L'État porte la mise en concession autoroutière d'itinéraires sans aucune viabilité économique, à fort impact environnemental et avec des péages très élevés, comme, par exemple, l'A65-Autoroute de Gascogne, bientôt la route Centre-Europe Atlantique (RCEA), ou encore Toulouse-Castres.

Les concessionnaires sont très bien armés juridiquement pour faire valoir leurs droits économiques et politiques. J'en veux pour exemple le plan de 2010 : 1 milliard d'euros d'investissements - dont 50 % consacrés à du péage sans arrêt, synonyme de moins de guichetiers et donc d'une meilleure rentabilité pour les opérateurs -, pour un an de prolongation, cela fait près de 5 milliards d'euros de recettes. Les concessionnaires essayent de mettre un peu de peinture verte dans les contrats, mais sans réelle stratégie pour inscrire l'environnement comme axe de progrès. La politique tarifaire en est un bon exemple. Les concessionnaires historiques ont refusé d'intégrer les externalités dans les péages, et lorsqu'ils le font, c'est vraiment très minime : les 10 % prévus sur l'A63 ne sont pas assez incitatifs pour investir dans des camions moins polluants. Je ne connais que très peu de cas de réduction du tarif de péage en faveur des véhicules à très faible émission ou du covoiturage.

Nous sommes opposés à l'allongement des concessions comme cela a été fait en 2010 et en 2015. Depuis 2015, il faut néanmoins l'accord du Parlement pour prolonger les concessions : c'est une bonne chose.

Nous sommes favorables au principe utilisateur-payeur. Les hausses annuelles sont contractuelles et résultent de choix politiques antérieurs qu'il faut assumer. Ou alors il faut dénoncer les contrats, mais à quel coût ? Souvenez-vous d'Écomouv et de l'écotaxe !

N'oublions pas non plus l'usager du train : il paye également un péage d'utilisation de l'infrastructure - souvent élevé, notamment sur les lignes à grande vitesse - et subit des hausses annuelles de tarifs souvent supérieures à celles des péages autoroutiers.

Nous devons nous interroger sur l'impact des poids lourds sur l'infrastructure, qui est largement supérieur au coefficient multiplicateur « poids lourds » actuel, de l'ordre de 3.

Une augmentation de la taxe d'aménagement du territoire permettrait d'investir en faveur du réseau national routier non concédé, mais aussi des infrastructures ferroviaires et fluviales.

Il faut également incorporer les externalités - pollution, bruit - dans les péages. La directive « Eurovignette » le permet. Mais, paradoxalement, alors que la France en avait été à l'initiative, grâce à Dominique Bussereau en 2009, notre pays refuse aujourd'hui de la mettre en oeuvre, contrairement à l'Allemagne ou à l'Autriche.

Nous espérons que votre rapport tirera les enseignements de tous ces dysfonctionnements et interrogera le maintien de projets autoroutiers à forts impacts environnementaux. Les péages doivent encourager l'utilisation de véhicules plus propres et incorporer les externalités. À la fin des concessions des autoroutes historiques, nous souhaitons le maintien des péages, selon le principe de l'utilisateur-payeur, avec une gestion en régie ou sous la forme de délégations de service public sur la collecte des péages et l'entretien, avec des contrats courts et réexaminés régulièrement par la représentation nationale et, si possible, par les citoyens. Il faudra en outre un plan volontariste de rattrapage des problématiques environnementales sur certaines concessions, avec des avenants spécifiques.

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