Intervention de Florence Berthelot

Commission d'enquête Concessions autoroutières — Réunion du 16 juillet 2020 à 14h00
Table ronde d'associations d'usagers des autoroutes

Florence Berthelot, déléguée générale de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) :

Je vous remercie de ne pas avoir oublié les usagers professionnels. Nous sommes 40 000 entreprises qui emploient onze salariés en moyenne. Nous sommes donc d'abord des PME et des TPE. Les infrastructures routières sont notre espace de travail. La question des autoroutes doit être intégrée plus globalement dans la problématique des infrastructures routières.

Comme nous l'avons indiqué dans un communiqué en 2014, après la publication du rapport de l'Autorité de la concurrence, il y a un lien direct entre la privatisation des sociétés d'autoroute et la taxe poids lourds. En effet, l'AFITF, créée en 2004, avait vocation à être financée par les dividendes, mais son financement a été brutalement asséché en 2006 avec la privatisation.

Souvenons-nous que les deux candidats finalistes de la présidentielle de 2007 - Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal - avaient inscrit la création d'une taxe poids lourds dans leur programme. Nous y étions farouchement opposés. Elle ne figure pas dans la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, été adoptée à l'unanimité par les deux chambres, moins quatre abstentions. Nous nous sommes battus sur la question de la répercussion de l'écotaxe : on parle d'utilisateur-payeur et de pollueur-payeur mais doit payer celui qui bénéficie de la livraison du produit. Je vous renvoie au rapport du député Chanteguet.

L'Autorité de la concurrence rend son rapport au mois de septembre, et en octobre, la ministre décide de reporter définitivement la taxe poids lourds, qui, dans une seconde mouture, ne rapportait finalement plus que 600 millions d'euros - et non plus le 1,3 milliard d'euros attendu. Ce report ne s'est pas fait gratuitement, mais a été accompagné d'une augmentation générale de 4 centimes de la fiscalité du carburant.

La qualité de service - à l'exception de la période de la crise sanitaire - est plutôt bonne, mais la question du financement du réseau non concédé est lancinante, car les recettes du réseau concédé ne vont pas là où elles devraient aller.

On entend toujours : « les poids lourds doivent payer ! » Or les poids lourds représentent seulement 15 % du trafic sur autoroutes, mais 32 % des recettes. Nous payons donc au-delà de notre utilisation du réseau concédé, et nous couvrons aussi nos coûts. En 2017, dans le cadre des Assises de la mobilité, nous avons participé à un groupe de travail intitulé « pour un transport plus soutenable », afin de trouver des pistes de financement du réseau non concédé - qui se dégrade, alors que le réseau concédé se maintient. Mais on en revient toujours à « comment taxer les poids lourds ? » ! Nous l'avons encore entendu lors de la convention citoyenne... Nous ne sommes pas les ennemis de l'environnement : sur les aspects de transition énergétique, nous faisons le maximum, avec nos moyens, sur l'offre de camions.

Le problème est là : la route fournit 100 % des recettes de l'AFITF, mais au moins 50 % des projets financés par l'AFITF ne sont pas orientés vers la route...

Dans le cadre des Assises de la mobilité, un conseil d'orientation des infrastructures a remis un rapport. L'annexe 7 de ce rapport - que je pourrais vous remettre - fait état d'un rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), longuement évoqué durant les Assises, mais jamais publié. Ce rapport prend en compte les externalités et considère que les poids lourds diesel assument jusqu'à 225 % du taux de couverture sur autoroute. De manière générale, réseau concédé et réseau non concédé confondus, ce coût est couvert à 130 %. Il faudra se mettre d'accord sur les chiffres, à un moment donné, plutôt que de toujours penser aux poids lourds !

Nous payons beaucoup sur les autoroutes, mais cet argent, du fait de la structure des contrats de concession, ne va pas vers l'État qui se débrouille ensuite comme il peut pour trouver des financements pour entretenir le réseau non concédé. C'est un problème. Dans le cadre des Assises de la mobilité, une reprise immédiate des concessions, financée à l'aide d'un emprunt, a été évoquée.

Nous sommes des clients des autoroutes. Contrairement à ce qui a été dit - et tout cela relève de la directive Eurovignette -, le péage n'est autre que la contrepartie de l'usage de l'infrastructure. Il n'est pas la contrepartie d'un service. La preuve en est que, pendant la crise sanitaire, durant laquelle nous étions presque les seuls à rouler, la gratuité des péages n'a pas été donnée pour autant. Les conditions d'accueil de nos conducteurs ont été terribles, surtout au début de la crise : douches et sanitaires fermés, lieux de restauration inaccessibles, etc. Il a fallu que l'on intervienne, car nos conducteurs avaient évidemment été oubliés.

Nous faisons partie du comité des usagers. Je vais vous dire brutalement les choses. C'est une réunion aimable où l'on nous annonce quelles seront les augmentations de tarifs à partir du mois de février de l'année suivante, et puis c'est tout. Nous pouvons effectivement dire un certain nombre de choses. Comme je l'ai dit, nous avons peu à dire concernant la qualité du service et de l'infrastructure.

S'agissant des augmentations, de toute façon, quel que soit le modèle retenu, en définitive nous paierons. À travers l'idée du camion qui abîme les routes, ou qui est extrêmement polluant - alors que nous circulons aux dernières normes, et si possible au gaz naturel pour véhicules biologique (bioGNV) -, nous continuerons à payer. Nous n'avons aucun doute là-dessus. Cependant, nous aimerions aussi un peu plus de transparence voire de participation des usagers et des clients. Pour nous, la route en général, qu'elle soit concédée ou non concédée, est aussi un service public.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion