Intervention de Patrick Sellin

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 4 juin 2020 : 1ère réunion
Étude sur l'urgence économique outre-mer à la suite de la crise du covid-19 — Table ronde sur l'agriculture et la pêche

Patrick Sellin, président de la chambre d'agriculture de la Guadeloupe :

Les problématiques agricoles en Guadeloupe présentent des similitudes avec les autres territoires mais restent particulières. La crise du Covid-19 nous a permis de mieux voir des choses qui existaient depuis longtemps. J'ai écouté avec attention mon homologue de la Martinique.

Nous avons l'impression, en écoutant M. le Délégué interministériel, d'être dans un « monde merveilleux ». Aujourd'hui, 80 % des agriculteurs sont en dehors des organisations professionnelles et sont en quelque sorte laissés pour compte. Ils vivent dans ces territoires dans une concurrence permanente, illégale, non concurrentielle par rapport à ceux qui perçoivent des aides.

La réalité est là, nous devons prendre garde à la sécheresse qui pourrait entraîner la disparition de 80 % de ces exploitations agricoles. Ces personnes ont des difficultés et ne disposent d'aucune aide. Les aides de la région ont encore été orientées vers les coopératives. Nous avons là deux poids deux mesures, c'est la réalité et elle doit être dite.

Notre agriculture est organisée sur le modèle agricole présent depuis toujours dans nos territoires : la petite agriculture. Cette agriculture-là n'est pas prise en compte, alors qu'elle représente une production importante, si ce n'est la plus importante du territoire. La sénatrice Victoire Jasmin a aussi évoqué le problème de l'usine de Marie-Galante, je ne rentre pas dans les détails tant la situation est catastrophique.

Aujourd'hui, pour que nous puissions être en harmonie avec notre volonté de bien faire les choses, nous devons faire le point sur l'emploi de ces aides. Il n'est pas normal que la production bovine passe de 84 000 têtes de bovins à 40 000 têtes. Nous devons réfléchir pour les rendre rationnelles et simplifiées. Nous subissons beaucoup de concurrence sur le marché avec des produits qui sont les rebuts de production de France ou d'Europe. Les accords passés dans beaucoup de conventions font que nous sommes Français, mais nous ne pouvons pas rivaliser avec nos amis des Caraïbes. Afin que tous les participants comprennent que la situation n'est pas rose, les problèmes doivent enfin être évoqués clairement.

Nous avons fait un congrès sur la petite agriculture familiale, socle de l'agriculture guadeloupéenne. Nos efforts doivent porter sur ce marché car c'est grâce à lui que la Guadeloupe a pu résister. Nous ne devons pas arrêter d'aider ceux qui bénéficient des aides mais aider ceux qui n'en bénéficient pas. Ce sont ces personnes-là qui font notre agriculture et sont en charge de 80 % de la production des fruits et légumes consommés sur notre territoire.

Je n'évoque pas l'exportation, ces produits sont très encadrés, aidés et beaucoup de gens ici maîtrisent ce sujet mieux que moi. Les autres doivent être encadrés au même titre. Nous avons la terre, nous avons des hommes... Nous devons prendre les mesures nécessaires afin de faire de ce territoire un territoire agricole dont c'est la vocation. Je m'arrête ici, la chambre d'agriculture se fera un réel plaisir, Monsieur le président, de vous adresser tous les chiffres dont nous disposons sur cette population de « laissés-pour-compte ».

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