Messieurs les délégués, Messieurs les présidents, Messieurs les directeurs, Madame la secrétaire générale, chers collègues. Nous poursuivons aujourd'hui le cycle d'auditions de la Délégation sénatoriale aux outre-mer sur l'urgence économique, avec une table ronde dédiée à deux secteurs qui représentent de très fortes spécificités dans nos territoires : l'agriculture et la pêche.
Compte tenu notamment de l'isolement et de la dimension océanique, ces secteurs sont essentiels pour l'approvisionnement des populations locales. La crise actuelle frappe non seulement des activités économiques essentielles - dans tous les aspects allant de l'exploitation à la transformation, à la commercialisation et à l'exportation des produits - mais souligne aussi et surtout leur importance vitale et le défi que représente l'autosuffisance alimentaire dans les outre-mer.
Ma conviction est que la crise doit être l'occasion de relever ce défi majeur pour l'avenir.
Bien avant cette crise, nous savions que les agricultures ultramarines étaient appelées à subir de profondes mutations, comme nous l'avait d'ailleurs rappelé lors d'une précédente audition M. Arnaud Martrenchar, délégué interministériel à la transformation agricole des outre-mer, que je remercie de sa présence parmi nous.
À ce jour, le Gouvernement a annoncé beaucoup de plans sectoriels (le tourisme, l'aéronautique, le bâtiment...) mais nous ne sommes pas informés de mesures spécifiques pour l'agriculture et la pêche. Elles sont pourtant nécessaires et nous sommes là pour entendre vos propositions.
Il est vrai aussi que ces secteurs sont particulièrement concernés par les politiques européennes, que des négociations de grande ampleur sont en cours et qu'elles auront sans doute un fort impact sur les aides futures. Nous resterons très vigilants sur les enjeux européens des politiques agricoles et de la pêche pour les outre-mer.
Nous vous remercions donc très vivement d'avoir accepté de participer à cette table ronde à l'invitation de nos trois rapporteurs : Stéphane Artano (RDSE, Saint-Pierre-et-Miquelon), Viviane Artigalas (Socialiste et républicain, Hautes-Pyrénées) et Nassimah Dindar (Union Centriste, La Réunion).
Comme les intervenants sont nombreux, pour le bon déroulement de cette table ronde, je vous propose de procéder en deux temps : une première partie de notre réunion sera consacrée à l'agriculture, puis la seconde partie traitera de la pêche.
À tous, je demanderai d'être le plus concis possible et de bien vouloir limiter son temps de parole. Vous pourrez adresser par la suite aux rapporteurs tous les documents utiles pour compléter leur information.
Si cette proposition vous convient, je cède sans plus tarder la parole à Stéphane Artano en vous précisant que la présente table ronde est ouverte à la presse et diffusée en direct sur le site du Sénat. Elle sera également disponible en VOD.
Pour le soutien d'urgence au secteur agricole pendant la crise, à quel niveau la production agricole en outre-mer a-t-elle réussi à se maintenir pendant le confinement ? Quelles initiatives ont été mises en place par les acteurs de la production locale pour s'adapter à la fermeture des marchés et au confinement de la population (circuits courts, drives, etc.) ?
Dans quelle mesure les exportations de produits agricoles ont-elles été impactées par la raréfaction et la hausse du coût du fret aérien ? La survie de certaines filières, comme celle du melon en Guadeloupe, de la mangue ou de l'ananas à La Réunion, dont près de 70 % de la production est destinée à l'export, est-elle menacée avec la crise ?
Quelles aides de l'État l'agroalimentaire ultramarin a-t-il pu recevoir pour faire face à la crise ? Pour compenser le surcoût du fret aérien, de quelles aides régionales le secteur a-t-il pu bénéficier ?
Pour le redémarrage de l'activité, quelles mesures doivent, selon vous, être prises pour permettre une reprise complète et rapide des activités agricoles et quels sont les enjeux en termes d'emploi et d'approvisionnement local ?
La « question de la faim » se pose-t-elle encore à Mayotte ? Y a-t-il aujourd'hui des difficultés pour l'approvisionnement alimentaire de certains territoires ? Comment les producteurs locaux ont-ils participé aux opérations de distributions de denrées alimentaires et de chèques alimentaires à Mayotte et en Guyane ?
Pensez-vous que des fonds européens supplémentaires pourront être mobilisés pour soutenir l'agriculture ? Je rappelle que le Parlement européen a notamment proposé fin avril le maintien du budget actuel du Poséi (Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité) après 2021 et l'augmentation du plafond du régime spécifique d'approvisionnement (RSA) pour les régions ultrapériphériques (RUP)...
Par rapport à la stratégie d'avenir, la crise n'a-t-elle pas rappelé encore davantage la nécessité d'une plus grande autosuffisance alimentaire des territoires ? Comment l'État va-t-il accompagner la transformation agricole des outre-mer ? Selon les territoires, quelles filières faut-il développer pour atteindre l'objectif d'autonomie alimentaire pour 2030 évoqué par le Président de la République ?
Comment permettre que la production locale puisse être vendue à un prix compétitif par rapport aux produits importés et à un prix raisonnable pour le consommateur ?
L'initiative du ministère des outre-mer « Outre-mer en commun », lancée avec l'AFD, vise à soutenir les collectivités locales et les entreprises ultramarines dans la crise et à préparer un plan de relance inclusive et décarbonée. Savez-vous si des mesures spécifiques à l'agriculture sont prévues ?
Je remercie nos rapporteurs et je vais donc passer la parole à notre collègue Victoire Jasmin qui souhaite ajouter une question en lui demandant d'être aussi concise que possible.
Je m'interroge sur les problématiques liées à l'octroi de mer. Des mesures ont été évoquées par le Premier Ministre, mais il faudrait peut-être avoir une réflexion globale sur les productions locales.
L'autre sujet qui me préoccupe concerne la filière canne. À l'usine de Marie-Galante, beaucoup de pannes ont été observées pendant le confinement (c'est un problème récurrent), même si cela redémarre.
En Guadeloupe, nous observons un autre problème lié à la richesse saccharine. Il conviendrait de vérifier que le laboratoire Centre technique interprofessionnel de la canne et du sucre (CTICS) fait l'objet de contrôles sur la qualité, sur la maintenance des appareillages, sur l'habilitation des professionnels qui réalisent les analyses, et si des mesures particulières sont mises en place pour vérifier cette richesse saccharine. Nous visons une démarche d'assurance continue avec une traçabilité réelle et régulière des équipements, des contrôles de qualité en interne et en externe. Cela est devenu préoccupant. Des compensations sont prévues par l'État pour aider les professionnels subissant des pertes, mais nous ne pouvons pas continuer si l'analyse ne contrôle pas vraiment la concentration en sucre dans ces filières.
Je vais m'arrêter là, car MM. Patrick Sellin et Charly Vincent évoqueront certainement les autres sujets concernant leurs filières.
Nous savons que les problématiques agricoles et de la pêche sont si vastes en outre-mer que la discussion risque d'être difficile à recadrer sur l'urgence post-crise. La crise sanitaire n'a fait qu'accentuer des problématiques déjà existantes. C'est pourquoi je vous demanderai d'être aussi concis que possible, pour traiter un maximum de sujets dans le temps imparti. Monsieur Arnaud Martrenchar, vous avez la parole.
Le secteur agricole ultramarin n'a pas été le secteur le plus impacté au niveau du maintien de la production. Il n'a pas eu à subir une fermeture brutale de toutes ses activités mais, au contraire, a été fortement sollicité pour alimenter la population. Néanmoins, il a subi d'importants dommages à la suite de la perte de nombreux débouchés tels que la fermeture des marchés, de l'arrêt de la restauration...
Les agriculteurs ont dû s'adapter. Nous avons pu observer une multitude d'initiatives et d'innovations portées par les agriculteurs. La Guyane a par exemple multiplié les livraisons par internet, les drives, les contacts directs avec les consommateurs... Dans les autres territoires, des démarches similaires ont été mises en place.
Aujourd'hui, nous tentons de chiffrer précisément le niveau de pertes de débouchés observé par filières. Nous commençons à recueillir quelques résultats : une diminution de 7 % sur les abattages en Guyane par rapport à l'année dernière par exemple. À La Réunion, la plupart des productions se sont correctement écoulées malgré quelques exceptions comme l'horticulture (mais ce problème existe aussi bien dans l'Hexagone qu'en outre-mer) ou la vanille (car elle dépend beaucoup de l'activité touristique).
Soulignons d'autres initiatives intéressantes comme des chartes d'entente entre la distribution et les producteurs locaux afin de mettre plus en avant les productions locales. Nous devrons travailler pour faire perdurer ces initiatives par la suite.
Toutes les activités dépendant du fret ont été fortement impactées. Plusieurs secteurs étaient concernés, en particulier la filière avicole. Pour les oeufs, la plupart des outre-mer (à l'exception des Antilles) est auto-suffisante en oeufs mais ne possède pas de reproducteurs. Les reproducteurs doivent venir sous forme d'oeufs à couver ou de poussins d'un jour. Ces produits ne peuvent voyager par bateau et arrivent par le fret aérien. Nous avons été contraints de gérer ces difficultés au jour le jour. Nous avons commencé par gérer l'urgence en portant toutes les demandes au niveau de la cellule interministérielle de crise, afin de trouver des disponibilités sur les avions. Très souvent la priorité se portait sur les produits médicaux, ce que chacun comprendra.
Pour l'export aussi, les filières ont été impactées. À La Réunion, les filières exportatrices de fruits (ananas, fruit de la passion...) ont pu en partie utiliser les filières d'agro-transformation locales.
Cela n'a pas été possible pour tous les territoires : je pense notamment au melon des Antilles, particulièrement de Guadeloupe. Seules environ 1 000 tonnes de melon ont pu être exportées au lieu de 2000 en temps normal. Même s'ils avaient pu les exporter, ces melons n'auraient pas trouvé preneur puisqu'une grande partie de la production est exportée vers l'Italie, où les frontières étaient fermées, mais aussi vers les restaurateurs, fermés eux aussi. Le melon guadeloupéen n'a donc pas manqué à Rungis. Néanmoins, nous avons subi un fort déficit, en train d'être chiffré.
Les secteurs de l'agriculture et de la pêche sont éligibles à l'ensemble des aides mises en place par l'État : le fonds de solidarité, le chômage partiel, le report des charges sociales, le prêt garanti par l'État (PGE). Tout le secteur a pu formuler des demandes sur ces aides. Parallèlement, Bruxelles a considérablement augmenté le plafond pour les aides d'État. Certaines collectivités ont ainsi pu aider des filières en difficulté, la collectivité régionale de Guadeloupe a apporté une aide d'environ 400 000 euros pour la filière melon.
Pour évaluer le redémarrage de l'activité, nous devons attendre d'avoir l'impact précis sur les différentes filières pour penser ce qui peut être mis en place.
Globalement, l'approvisionnement local a été assuré. Aucune rupture dans la distribution n'est à déplorer. Nous devrons être vigilants sur les produits de dégagement. Vous connaissez les mesures de stockage décidées au niveau européen. L'expérience montre que lorsque ces produits doivent être écoulés, plutôt que les vendre à bas prix sur le marché hexagonal (tirant alors le marché prioritaire des producteurs vers le bas), ils sont envoyés à perte sur le marché des outre-mer. Évidemment, les producteurs locaux ne peuvent pas faire concurrence à ces produits-là. Des outils réglementaires peuvent être mobilisés mais il conviendra d'être vigilant.
La « question de la faim » touche surtout la population vivant de l'économie informelle dans certains territoires, principalement à Mayotte et en Guyane. Des mesures ont été mises en place : le mécanisme de l'aide à la restauration scolaire a été adapté par exemple. Nous avons distribué cette prestation directement aux familles pour qu'elles continuent à en bénéficier. Les producteurs locaux se sont également impliqués dans les banques alimentaires, la filière rhum s'est impliquée dans la production de gel hydroalcoolique. Toutes ces initiatives honorent la production agricole outre-mer.
Quant aux fonds européens supplémentaires, le budget du cadre financier pluriannuel n'a pas encore été adopté, celui de la PAC non plus, même si la dernière proposition de la Commission européenne, d'environ 391 milliards, est un progrès par rapport aux premières propositions. Aujourd'hui l'enveloppe du Poséi n'est pas remise en cause. Pour l'instant, il est prévu que cette enveloppe soit maintenue.
Par ailleurs, un plan de relance est en cours de discussion avec la Commission européenne mais ne verra pas le jour avant 2021. Aujourd'hui, toutes les filières impactées par cette crise sont susceptibles d'émarger à ce fonds mais il est trop tôt pour en connaître les modalités. La Commission européenne s'est montrée ouverte pour que l'on puisse utiliser le budget disponible. Le revenu des producteurs est constitué par les aides européennes et la vente des produits. Si à cause de la crise, les producteurs n'ont pas pu atteindre le niveau de production souhaité, nous pourrons demander à déclencher le « mécanisme des circonstances exceptionnelles » : le producteur touchera son aide même s'il n'a pas produit ce qu'il souhaitait produire. La Commission européenne s'est montrée favorable à un examen au cas par cas dans le cadre du mécanisme des circonstances exceptionnelles.
La Commission européenne discute en outre d'un nouveau règlement qui permettrait aux autorités de gestion de consacrer 1 % ou 2 % de l'enveloppe régionale du programme de développement rural pour venir en aide directement aux agriculteurs (jusqu'à 5 000 ou 7 000 euros) et aux petites entreprises de l'agroalimentaire (jusqu'à 50 000 euros).
Le Président de la République a annoncé en octobre 2019 qu'il souhaitait un objectif d'autonomie alimentaire des territoires d'ici 2030. Vous le savez, la situation est très différente en fonction des produits et des territoires. Si je prends l'exemple des céréales, compte tenu des problèmes du foncier, de la production inexistante ou presque, aujourd'hui, ce n'est pas un objectif à court terme, mais un objectif lointain. Par contre, pour les fruits et légumes, la Guyane et Mayotte sont quasiment en autosuffisance, La Réunion est à 70 % et les Antilles sont à moins de 50 %. Les fruits et légumes sont donc un secteur pour lequel une autosuffisance peut être envisagée d'ici quelques années. Des missions vont être lancées, confiées à l'AFD, aux inspections générales, pour établir différents scénarios. Ceci devra se faire en lien avec les acteurs locaux : les parlementaires des territoires mais aussi les agriculteurs et leurs représentants.
Le problème du prix compétitif par rapport aux produits importés n'est pas spécifique aux outre-mer. L'Europe continentale souffre elle aussi de l'importation de produits arrivant de pays qui ne répondent pas aux mêmes normes sociales. Une frange non négligeable de la population ultramarine vit de revenus extrêmement faibles, beaucoup de personnes vivent avec 450 euros par mois. Si ces personnes ne disposent pas de produits peu chers, elles ne pourront pas s'approvisionner. Il faut veiller à maintenir une part de produits abordables pour ces populations-là.
Nos soutiens doivent être adaptés à cette réalité. Nous devons analyser les processus de production pour regarder où les aides doivent être apportées pour arriver à un prix abordable. C'était d'ailleurs un des objectifs du programme Développement de l'élevage et des filières des interprofessions (DEFI) à La Réunion.
Toutes les collectivités qui aident le secteur agricole ont été impactées par la crise à travers notamment des taxes non perçues, etc. Par définition, une collectivité en mauvaise santé financière ne peut aider les secteurs de l'agriculture et de la pêche. Le ministère a donc lancé l'initiative « outre-mer en commun » avec l'Agence française de développement. Ce plan possède différents volets : examen du report d'échéances des prêts des collectivités locales de l'AFD sur plusieurs dizaines de millions d'euros, accélération des décaissements pour les financements locaux à hauteur de 250 millions d'euros, accélération de l'instruction des prêts budgétaires annuels des grandes collectivités (250 millions d'euros).
Des prêts d'urgence d'aide à l'investissement sur 20 ans, avec 3 ans de différé et des modalités de déblocage accélérées : 40 % du prêt dès la signature à partir des projets déjà retenus dans les contrats collectivités -État.
Par ailleurs, à la demande du Gouvernement, l'AFD étudiera l'opportunité d'accorder des lignes de refinancement pour les banques locales des outre-mer. Nous avons également évoqué le dispositif de préfinancement du fonds de compensation de la TVA.
Une expérimentation sera lancée dès le second semestre 2020 à Mayotte pour les communes, leur permettant d'amorcer plus facilement leur projet d'investissement avec le soutien financier du ministère des outre-mer. Une extension aux autres territoires sera envisagée en 2021 si les résultats de l'expérience mahoraise sont concluants.
Pour conclure, l'AFD travaille à l'octroi d'une ligne de crédit à l'Association pour le droit à l'initiative économique, pour renforcer les capacités de microcrédit aux TPE ultramarines les plus fragiles.
Je vous remercie, Monsieur le délégué interministériel. Je vais passer la parole à M. Jacques Andrieu, directeur de l'ODEADOM.
Je tenterai d'être bref puisque la majorité des informations présentées par M. Arnaud Martrenchar sont des éléments que nous partageons. J'amènerai simplement des éléments d'éclairage complémentaires en me limitant aux quelques grands chapitres souhaités par les rapporteurs.
Sur les questions posées par M. Stéphane Artano, je suis en ligne avec ce qu'a indiqué M. Arnaud Martrenchar. J'ajouterai peut-être les problématiques de main-d'oeuvre pendant la crise. Les agriculteurs et les industries agroalimentaires ont dû faire face à des difficultés de main-d'oeuvre. Nous devrons chiffrer non seulement les pertes de production mais également les surcoûts qu'ont dû supporter les acteurs économiques (sur le fret aérien mais pas seulement).
Le sénateur Stéphane Artano s'interroge sur les inquiétudes pour les filières exportatrices. Comme cela a été énoncé pour la filière melon Martinique/Guadeloupe, les conseils d'administration de la filière sont véritablement inquiets. Nous devons nous mobiliser pour continuer à faire vivre cette filière. Nous n'observons donc pas de problème de demande : les melons étaient vendus dès leur arrivée en métropole, même avec des coûts supplémentaires. Le problème était celui de l'approvisionnement des marchés métropolitains.
Quant aux questions de Mme Viviane Artigalas, tous les acteurs se sont mobilisés en vue de la reprise d'activité. L'extrême mobilisation de tous les acteurs est le véritable enseignement de la période : producteurs, entreprises et organisations interprofessionnelles. Cette mobilisation doit être saluée par tous. La reprise est anticipée, les gens sont déjà au travail.
Nous devrons être en mesure de capitaliser sur les initiatives nées dans cette période. M. Martrenchar en a cité un certain nombre. Nous devons nous interroger la manière de mettre en avant les approvisionnements locaux. Des initiatives en la matière ont été assez parlantes, à La Réunion notamment : les marchés ont été largement approvisionnés par les producteurs locaux et les consommateurs ont largement apprécié.
Enfin, pour les fonds européens supplémentaires, il revient d'abord au ministère de se prononcer sur cette question. Nous restons vigilants. La mise en oeuvre du dispositif « circonstances exceptionnelles » est urgente pour que les aides d'État ne soient pas perdues pour les producteurs lorsqu'ils font face à des baisses de production. Les aides d'État dans les outre-mer sont couplées de manière très spécifique à la production : lors d'une baisse de production, les producteurs subissent donc une double peine. La Commission européenne s'est montrée très ouverte sur le sujet, la mise en oeuvre de ce dispositif doit être l'une des priorités des prochaines semaines.
La question de l'autonomie alimentaire trouve un éclairage nouveau après cette crise. Nous devrons capitaliser sur ce qui a été vécu par l'ensemble des acteurs durant la crise du Covid-19. Nous devrons travailler sur la confiance du consommateur : par l'identification des origines, du marquage de ces origines, d'un logo qui permettrait d'assurer cette traçabilité.
J'aimerais partager un message d'optimisme, je ne crois pas du tout que les outre-mer soient condamnées à avoir un défaut de compétitivité sur l'ensemble des productions. Les territoires sont très riches d'un point de vue agro-économique, les marchés de consommateurs sont présents. Certes, nous avons un effort à faire vers la restauration collective, avec un véritable travail d'accompagnement ; mais nous devons nous focaliser sur les atouts actuels des outre-mer.
Pour nous, la priorité de cette période a été de maintenir des rythmes de paiement : il ne s'agissait pas de pénaliser en plus les opérateurs avec des difficultés de mise en oeuvre des paiements publics. Nous sommes arrivés tant bien que mal à tenir le rythme.
Je m'arrête là et reste à votre disposition pour toutes les questions que vous vous poserez.
Je vous remercie Monsieur le directeur. Je sais que cette efficacité dans le règlement du paiement aux agriculteurs caractérise l'ODEADOM. J'apprécie beaucoup l'optimisme dont vous faites preuve. Capitaliser sur les effets positifs produits par la crise me semble être l'orientation à adopter. Je passe la parole M. Louis Daniel Bertome, président de la chambre d'agriculture de la Martinique.
Pardon, je me rends compte que je n'ai pas répondu aux questions de Mme Victoire Jasmin.
J'ai bien entendu vos préoccupations sur la sucrerie de Marie-Galante, croyez que c'est un sujet que nous suivons presque quotidiennement. Nous sommes en contact avec tous les acteurs impliqués mais aussi avec le ministère de l'énergie. Vous le savez, il existe un projet de centrale thermique qui permettrait de restaurer la chaudière et l'installation de la sucrerie, même si les modalités sont complexes. La commission de régulation de l'énergie (CRE) étudie le dossier puisqu'il s'agirait de produire de l'énergie uniquement dans les six prochains mois, générant donc un coût beaucoup plus important. Il faut donc que nous discutions avec Bruxelles sur ce projet complexe.
S'agissant de la saccharine, nous avons demandé aux services locaux de l'État de vérifier ces dossiers. Au départ, il y a eu des désaccords entre les planteurs qui estiment que la richesse en sucre mesurée est inférieure à la réalité, et l'industriel qui estime que sa richesse en sucre est exacte. Nous sommes intervenus auprès des services locaux pour tirer cette affaire au clair, afin qu'un sentiment d'injustice n'habite pas certains planteurs et qu'une transparence totale soit établie sur la façon dont la teneur en sucre est mesurée.
M. Arnaud Martrenchar l'a dit au début de son intervention, l'agriculture n'a pas été la plus impactée par la situation que nous connaissons en ce moment. La Martinique a subi une forte sécheresse en 2019 et depuis le début de l'année, nous connaissons à nouveau cette situation. L'agriculture souffre beaucoup de cette sécheresse. Le confinement a aggravé les choses. Les agriculteurs ont dû réviser à la baisse leurs programmes de production.
Nous avons très vite constaté que les débouchés se sont réduits avec le confinement : à titre d'exemple, puisque les écoles étaient fermées, la restauration collective ne fonctionnait pas. De plus, en début de confinement, les consommateurs ont préféré stocker des produits secs (pâtes, riz, lentilles...), importés majoritairement, plutôt que consommer des produits frais.
Dans un premier temps, la production déjà réduite par la sécheresse a eu du mal à trouver preneur dans les circuits de la grande distribution. La chambre d'agriculture a pris des initiatives pour arriver à sortir de cette situation. Des écueils sont apparus dans la mise en place des étals tout en respectant les conditions sanitaires. Nous nous sommes rabattus sur l'organisation de marchés en vente directe, mais beaucoup de producteurs subissaient des difficultés pour s'approvisionner en masques et en gel hydroalcoolique.
Nous avons observé des difficultés pour répondre à la demande des consommateurs en produits agricoles diversifiés sur un même lieu. En définitive, les producteurs ont réduit leur surface de production pour répondre aux difficultés d'approvisionnement en intrants et aux incertitudes d'écoulement. La production agricole s'est réduite avec pour conséquence, une hausse des prix.
Beaucoup de structures et d'organisations de producteurs ont expérimenté la vente directe à tel point que la grande distribution s'est retrouvée confrontée à une quantité insuffisante de fruits et légumes et à un manque d'approvisionnement en produits locaux. Concernant les exportations de produits agricoles, la banane n'a pas subi énormément de difficultés contrairement au melon.
Comme M. Jacques Andrieu l'a rappelé, nous avons aussi rencontré des problèmes liés à la main-d'oeuvre.
Les exportations ont fléchi en raison du coût du fret mais surtout de la raréfaction des vols. Le marché interne n'a pas pu absorber toute la production destinée à l'export. La filière a revu à la baisse les surfaces de production et a arrêté plus tôt ses plantations. La sécheresse a largement impacté la production de melons, dans le Sud de l'île, faute d'approvisionnement en eau d'irrigation.
Le problème du fret aérien a aussi touché les importations, nous l'avons vu pour la volaille.
Concernant les aides de l'État sur l'agroalimentaire, je ne dispose pas de beaucoup d'éléments.
La crise sanitaire a malheureusement confirmé notre analyse sur la fragilité des exploitations agricoles, en particulier les petites exploitations qui - faute de soutien - disparaissent à grande vitesse depuis plusieurs années. Le principal problème est celui de l'offre et des capacités de production.
Contrairement à ce qui souvent avancé, il ne s'agit pas d'un problème d'organisation de l'offre mais d'un problème de production. Le marché interne est peu soutenu alors que la concurrence et les difficultés sanitaires sont de plus en plus importantes. Un petit nombre d'exploitants seulement peut bénéficier des dispositifs de soutien public, dont l'enveloppe est limitée pour les fruits et légumes et l'élevage. La Martinique a perdu trop d'exploitations, entraînant un fort impact négatif sur l'emploi agricole et notre capacité à fournir le marché (taux d'approvisionnement du marché à 20 %). La concentration de la production sur un petit nombre d'exploitations est une tendance à inverser.
À la Martinique, moins de 20 % des agriculteurs sont bénéficiaires des fonds européens. Ces fonds ne jouent pas leur rôle de levier et ne stimulent pas l'agriculture. La très grande majorité des agriculteurs restent en dehors de tout dispositif d'aide européen, la production destinée au marché local est très peu soutenue. Quand elle l'est, elle se voit appliquer une enveloppe plafonnée. Nous avons besoin de moyens supplémentaires.
Concernant les questions de Mme Nassimah Dindar, la crise fait ressurgir des situations déjà connues. La Martinique produisait, au début des années 1980, plus de 60 000 tonnes pour le marché interne, aujourd'hui nous sommes à moins de 30 000 tonnes. Il ne faut pas transformer l'agriculture mais réactiver les unités de production en sous-exploitation : les surfaces agricoles en friche, les capacités de production sous-utilisées faute de moyens...
Le projet d'autonomie alimentaire doit d'abord s'intéresser aux agriculteurs et aux exploitations agricoles avant de parler filière ou produits. L'autonomie alimentaire par la revitalisation des capacités de production ne saurait être atteinte sans un dispositif consolidé d'accompagnement et de conseils aux exploitations agricoles. Or les chambres agricoles d'outre-mer sont dans une incertitude financière et cela est particulièrement vrai en Martinique.
Le prix ne doit pas être la seule valeur vendue au consommateur : la qualité, la proximité, l'identité de la production sont tout autant importantes et recherchées. Les produits qui nous concurrencent le plus souvent ne sont pas comparables. Les conditions et leur coût de production ne sont pas les mêmes, les molécules interdites chez nous sont souvent utilisées par les concurrents de la zone. Il s'agit d'un véritable sujet pour traiter l'autonomie alimentaire.
Je terminerai avec deux constats pour les collectivités locales. D'abord, les collectivités devraient simplifier l'utilisation des produits locaux dans les cantines scolaires par exemple. Ensuite, elles doivent respecter les délais de paiement pour ne pas mettre en péril les producteurs locaux et leurs structures coopératives.
Pour la valeur écologique, à la Martinique et en outre-mer en général, nous avons une agriculture qui utilise des méthodes à coût environnemental et écologique qu'il conviendrait de considérer à sa juste valeur : le concept de l'agriculture agro-écologique de petite échelle que défendent les chambres d'agriculture, repris par l'Académie d'agriculture de France. Nous demandons un dispositif de soutien public adapté à ce type d'agriculture, productrice de biodiversité et non de monoculture.
Les problématiques agricoles en Guadeloupe présentent des similitudes avec les autres territoires mais restent particulières. La crise du Covid-19 nous a permis de mieux voir des choses qui existaient depuis longtemps. J'ai écouté avec attention mon homologue de la Martinique.
Nous avons l'impression, en écoutant M. le Délégué interministériel, d'être dans un « monde merveilleux ». Aujourd'hui, 80 % des agriculteurs sont en dehors des organisations professionnelles et sont en quelque sorte laissés pour compte. Ils vivent dans ces territoires dans une concurrence permanente, illégale, non concurrentielle par rapport à ceux qui perçoivent des aides.
La réalité est là, nous devons prendre garde à la sécheresse qui pourrait entraîner la disparition de 80 % de ces exploitations agricoles. Ces personnes ont des difficultés et ne disposent d'aucune aide. Les aides de la région ont encore été orientées vers les coopératives. Nous avons là deux poids deux mesures, c'est la réalité et elle doit être dite.
Notre agriculture est organisée sur le modèle agricole présent depuis toujours dans nos territoires : la petite agriculture. Cette agriculture-là n'est pas prise en compte, alors qu'elle représente une production importante, si ce n'est la plus importante du territoire. La sénatrice Victoire Jasmin a aussi évoqué le problème de l'usine de Marie-Galante, je ne rentre pas dans les détails tant la situation est catastrophique.
Aujourd'hui, pour que nous puissions être en harmonie avec notre volonté de bien faire les choses, nous devons faire le point sur l'emploi de ces aides. Il n'est pas normal que la production bovine passe de 84 000 têtes de bovins à 40 000 têtes. Nous devons réfléchir pour les rendre rationnelles et simplifiées. Nous subissons beaucoup de concurrence sur le marché avec des produits qui sont les rebuts de production de France ou d'Europe. Les accords passés dans beaucoup de conventions font que nous sommes Français, mais nous ne pouvons pas rivaliser avec nos amis des Caraïbes. Afin que tous les participants comprennent que la situation n'est pas rose, les problèmes doivent enfin être évoqués clairement.
Nous avons fait un congrès sur la petite agriculture familiale, socle de l'agriculture guadeloupéenne. Nos efforts doivent porter sur ce marché car c'est grâce à lui que la Guadeloupe a pu résister. Nous ne devons pas arrêter d'aider ceux qui bénéficient des aides mais aider ceux qui n'en bénéficient pas. Ce sont ces personnes-là qui font notre agriculture et sont en charge de 80 % de la production des fruits et légumes consommés sur notre territoire.
Je n'évoque pas l'exportation, ces produits sont très encadrés, aidés et beaucoup de gens ici maîtrisent ce sujet mieux que moi. Les autres doivent être encadrés au même titre. Nous avons la terre, nous avons des hommes... Nous devons prendre les mesures nécessaires afin de faire de ce territoire un territoire agricole dont c'est la vocation. Je m'arrête ici, la chambre d'agriculture se fera un réel plaisir, Monsieur le président, de vous adresser tous les chiffres dont nous disposons sur cette population de « laissés-pour-compte ».
Merci pour avoir organisé cette rencontre très importante. Cette crise sanitaire a su révéler nos forces mais aussi nos faiblesses. La chambre d'agriculture de La Réunion, dès le lendemain du confinement, a mis en place des réunions pour essayer de mieux s'approprier les outils apparus en début de crise. Nous avons subi pendant toute une semaine la fermeture des marchés, nous avons dû trouver rapidement des solutions.
Nous avons ainsi organisé des marchés de producteurs où les fruits d'importation étaient interdits qui ont très bien fonctionné. Nous avons fait les gendarmes, moi-même en tant que président de la chambre d'agriculture, pour faire retirer ces produits si cela n'était pas respecté. Le consommateur a pris conscience que nous pouvions nous en sortir sans les produits d'importation.
Ce n'est pas parce que la population est pauvre qu'elle doit consommer des produits bon marché et bas de gamme. Nous avons fait la démonstration à La Réunion, qu'à quelques centimes près, nous pouvions proposer des produits de qualité aux gens qui ont très peu de moyens. Autant profiter des produits frais de La Réunion, comme c'est possible en métropole.
Sur les produits de dégagement, je rejoins mes collègues. Ces produits sont la pire insulte faite à l'agriculture réunionnaise, c'est considérer le territoire de La Réunion comme un marché de dégagement. Nous devons dénoncer cela. Nous nous attendons à l'arrivée massive de pommes de terre non consommées en France, alors que nous commençons ici la saison de la pomme de terre. Pour nous aider, les politiques doivent faire comprendre aux exportateurs de métropole et aux importateurs de La Réunion, que cette dernière n'est pas une poubelle destinée à accueillir tout ce qui ne se vend pas en métropole. Tous les produits non consommés en métropole ne doivent pas obligatoirement être envoyés vers les outre-mer.
Nous avons vu émerger différents canaux de distribution de fruits et légumes : vente à la ferme, drives fermiers, vrais marchés de producteurs sans produits d'importation, une cellule de veille à la chambre d'agriculture pendant ces huit semaines Cette cellule de veille a notamment permis d'obtenir de la place dans les avions pour les poussins d'un jour, difficulté commune aux outre-mer. Nous importons beaucoup d'oeufs à couver et de poussins, la diminution de la fréquence des avions à trois avions par semaine a rendu la situation très difficile.
Cette crise a notamment souligné nos faiblesses quant aux importations massives de certains produits. Je pense notamment aux épices largement utilisées à La Réunion comme l'oignon ou l'ail. Cela a failli déclencher des émeutes : les gens préféraient avoir des oignons pour faire la cuisine plutôt que des masques pour se protéger ! Nous avons dû nous battre contre ces idées reçues de produits d'importation indispensables. Je n'évoque même pas la spéculation subie autour de ces produits.
La crise a montré notre fragilité dans ce secteur car par ailleurs nous sommes à 70 % autonomes en fruits et légumes et à 100 % en viande. Il nous reste 30 % qui sont facilement atteignables avec un plan d'autonomie alimentaire. Nous pourrions être autonomes en 2030 sur les productions aujourd'hui fortement concurrencées, comme la pomme de terre (alors que nous étions autonomes il y a 10 ans). Aujourd'hui, nous recevons beaucoup de containers de pommes de terre, de carottes en provenance d'Australie et de Chine, d'oignons d'Inde, du Pakistan et de Chine. L'oignon d'Inde au détail est vendu 79 centimes d'euros le kilo. Les importateurs sans scrupule profitent de la misère dans ces pays-là, sans s'inquiéter des conditions de travail des producteurs. Leur but est d'envoyer des produits bon marché à destination de La Réunion sans considération éthique. À la chambre d'agriculture, nous nous sommes donc fixés comme objectif de regagner des parts de marché sur l'importation. À titre d'information, nous sommes descendus à 400 tonnes de production d'oignons et 300 tonnes de production d'ail par an. Nous importons 8 000 tonnes d'oignons et 3 000 tonnes d'ail par an.
Nous sommes accompagnés par le département, notamment pour soutenir tous les petits agriculteurs qui ne bénéficient pas du Poséi, et ont des difficultés d'accès au FEADER. Nous travaillons avec la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane, nous nous félicitons de ce projet commun. Nous avons également un projet pour accompagner la petite agriculture, initié par la chambre d'agriculture de la Martinique et l'Académie de l'agriculture de France. Des petits agriculteurs travaillent et vivent d'un hectare de terre, mais n'ont jamais touché la moindre aide, exceptée une aide du département sur une dizaine de cultures identitaires de La Réunion à l'hectare et à la production. Il y a quatre ans, nous avions 100 dossiers de sollicitations pour ce dispositif, aujourd'hui nous en comptons plus de 660.
Ces initiatives sont départementales, mais il convient de les amplifier. Lors de sa venue en octobre, le Président de la République Emmanuel Macron avait annoncé 5 millions supplémentaires au Conseil interministériel de l'outre-mer (CIOM) à partir de 2020.
Des projets sont développés avec la Guadeloupe et la Martinique, il serait intéressant de vous les présenter une prochaine fois. Ces projets ont pour objectif de conquérir des parts sur l'importation, notamment sur les productions très concurrencées. Nous ne demandons pas nécessairement des subventions, mais des bonnes terres, aujourd'hui en friche, des moyens de travailler, une main-d'oeuvre moins chère à embaucher, et l'accessibilité du public.
Un autre exemple : si aujourd'hui j'ai dix hectares de canne et que je supprime un hectare pour faire des fruits et légumes afin d'être autonome en proposant un produit aux consommateurs moins cher qu'en grande surface (toutes les enquêtes le prouvent), je perds 5 000 euros d'aide.
Quant à la main-d'oeuvre, il nous faut atténuer le coût de l'embauche afin de produire plus si on veut tendre vers plus d'autonomie.
Nous importons 44 000 tonnes de riz, que nous pourrions remplacer par des légumes locaux pour compenser ce qui est importé. Ce riz, qui concurrence nos légumes locaux, bénéficie du Régime spécifique d'approvisionnement (RSA) prévu par l'Union européenne.
Nous disposons d'une multitude de pistes sur lesquelles tous les présidents de chambre sont prêts à travailler. Pour devenir autonome, il faut nous écouter. Aujourd'hui les chambres d'agriculture des outre-mer sont en très grande difficulté financière : beaucoup de nos personnels sont en télétravail, en congé maladie ou en congés. Nous avons sollicité le PGE et le chômage partiel, mais nous n'y avons pas droit. Comment voulez-vous développer une agriculture forte dans les DOM si elle n'est pas accompagnée par une chambre d'agriculture forte elle aussi ?
Nous nous devons de poser ces questions sur l'avenir de l'agriculture, mais aussi sur le rôle des chambres d'agriculture ainsi que sur leurs moyens et leur plan de développement dans les outre-mer.
Je ne veux pas monopoliser la parole. Nous avons travaillé avec l'ODEADOM, nous avons tous les outils en main. Je vous remercie de votre écoute et je vous demande de nous accompagner, de nous entendre sur le développement de l'agriculture en outre-mer.
J'ai bien noté dans vos propos ainsi que dans ceux de M. Frédéric Vienne, que vous insistiez sur les marchés de dégagement. Il s'agit d'une problématique très difficile car au moment où cela avait été débattu dans la loi égalité réelle, la logique inverse avait été proposée.
Nous avions convenu de créer des observatoires pour tenir au jour le jour une visibilité concrète et dénoncer les déséquilibres, sous la responsabilité des préfets. Les parlementaires que nous sommes vous entendent, mais il faut aussi que le Gouvernement fasse une analyse globale de cette situation.
M. Issouffi Abdallah, 3ème vice-président de la chambre d'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture de Mayotte. - Nous avons, dans notre chambre d'agriculture à Mayotte, bien qu'asphyxiée de dettes, essayé pendant cette crise de trouver des solutions.
La production agricole de Mayotte s'élève à 75 millions d'euros soit environ 5,9 % du PIB du département. Elle est principalement composée de bananes et de tubercules. Ces productions végétales représentent 87 % de la valeur de la production agricole totale, soit 69 millions d'euros, et couvre 90 % de la consommation locale. Ce qui représente un taux de couverture de la consommation par le producteur local de 46 %.
Environ 68 % de la consommation de légumes frais sont couvertes par les producteurs locaux. Les potentialités de développement de la filière volaille sont élevées car 99 % de la consommation totale est importée, soit 8 900 tonnes par an. L'agriculture mahoraise présente plusieurs potentialités de développement car elle montre une faible trésorerie, une forte dépendance aux subventions...
La crise du Covid-19 intervient dans le contexte particulier du ramadan à Mayotte, un mois sacré chez nous, où normalement la consommation est très forte. Pendant le mois de ramadan, aucune pénurie de bananes et tubercules n'a été observée, ce qui est inédit. Cela s'explique par le confinement, qui a permis de limiter les ventes informelles en bord de route, d'éviter les vols dans les champs...
La crise a vu émerger de nouvelles habitudes de consommation alimentaire, nous avons observé un véritable intérêt pour la consommation de produits locaux et un changement des canaux de distribution. Les acteurs de la production ont privilégié le circuit court.
Les professionnels pointent du doigt le manque de soutien de leur filière, l'absence de concertation des autorités locales dans la gestion de crise. Les professionnels plaident pour la mise en place de réelles dispositions pour lutter contre le marché informel, mais cela ne date pas de la crise du Covid-19. La crise du Covid-19 a démontré l'impact du vol et son rôle dans la filière informelle puisque cela avait complètement cessé pendant le confinement.
Les producteurs locaux n'ont pas été associés aux opérations de distribution. Les autorités publiques n'ont pas jugé bon d'y associer les producteurs agricoles et les pêcheurs. Alors même que certains rayons dans les supermarchés se sont retrouvés vides, ils ont été remplacés par des produits d'importation. Les grands gagnants sont finalement les distributeurs.
À Mayotte, beaucoup d'aides Poséi ne sont pas développées, certaines le sont mais avec des dotations jugées faibles par les professionnels. Nous voudrions que les aides Poséi à Mayotte soient au niveau des autres DOM.
Le développement des produits des filières locales doit se focaliser sur le développement de l'économie circulaire, des polycultures, l'identification en besoin d'investir, la fixation d'indicateurs de réalisation, l'importation d'animaux vivants pour améliorer la génétique...
L'agriculture mahoraise a un modèle particulier, de petite échelle et riche en biodiversité. Ce modèle contribue à l'autonomie alimentaire et constitue une source de revenus complémentaires pour de nombreux ménages.
L'autosuffisance alimentaire de l'île doit passer par l'augmentation de la production locale et l'amélioration de ces taux de couverture. Les professionnels attendent de l'État une vraie politique d'équipement de l'agriculture, ils souscrivent à l'idée de produire plus de valeur ajoutée avec la transformation des produits locaux. L'État doit accompagner la transformation agricole par la création d'une véritable chambre d'agriculture dotée de missions de développement en particulier par la formation...
Il faut développer la filière pour tendre vers l'autonomie alimentaire avec une alimentation, plus sûre, saine, et accessible. Cela prend tout son sens à Mayotte où l'alimentation est le premier poste de consommation des ménages.
Pour l'instant, elle ne peut être compétitive avec les produits d'importation compte tenu de notre insularité et notre taille. Il faut aussi revoir le circuit de distribution alimentaire qui comporte trop de taxes... Il semble que le territoire de Mayotte soit une zone test, il faudra donc en faire le bilan.
Nous arrivons au terme de cette table ronde, il me sera extrêmement difficile de faire une synthèse de tout ce qui a été dit : je retiens que les agriculteurs ont eu un comportement exemplaire, qu'ils ont su s'adapter aux réalités de la crise et innover en dépit d'absence de débouchés, des possibilités d'importations/exportations dont ils avaient besoin.
Je note également que vous avez tous insisté sur la question de la compétitivité, l'objectif de l'autosuffisance alimentaire a été évoqué par tout le monde avec une forte volonté de capitaliser à partir de toutes les expérimentations liées à la crise, ce que je trouve admirable.
Vous avez insisté sur la fragilité des exploitations et l'insuffisance du soutien. Les fonds européens ont été considérés comme insuffisants à ce stade et ne jouant pas suffisamment leur rôle. Vous avez exprimé le besoin de relancer les outils de production actuellement pénalisés faute de moyens.
Vous avez insisté sur la nécessité d'améliorer les conseils et l'accompagnement des agricultures de nos territoires au niveau de leur organisation. Par ailleurs, le prix n'est sans doute pas le seul élément déterminant du choix des consommateurs ultramarins en même temps que vous avez soulevé l'aspect négatif des marchés de dégagement.
J'ai noté également que la question des délais de paiement a été mentionnée ainsi que la demande d'une politique d'accompagnement local. Le dernier intervenant a aussi insisté sur le marché informel. Sur cette question nous avons interrogé l'ADIE, qui finance le microcrédit, et s'est engagée dans un processus d'aide et d'organisation du marché informel. L'objectif est de progressivement donner les conditions pour s'insérer dans le marché formel.
J'ai noté également que le niveau du Poséi n'est pas le même à Mayotte qu'ailleurs mais ce sont des questions qui se traitent au niveau européen, sur lesquelles nous sommes très vigilants.
En tant que parlementaires, nous nous efforçons de porter la voix des outre-mer. C'est parfois difficile de trouver une synthèse qui mette tout le monde d'accord mais nous faisons de notre mieux.
Si vous le voulez bien, je vais passer à la deuxième partie de notre audition qui concerne la pêche. Je vais donner la parole aux rapporteurs pour qu'ils posent leurs questions.
Sur les mesures d'urgence à destination du secteur de la pêche, j'ai principalement trois questions. Quelles conséquences avez-vous constatées de la crise de Covid-19 sur le secteur de la pêche et de l'aquaculture en outre-mer ? Quelles sont, à votre connaissance, les pertes estimées pour la période et les menaces sur l'emploi (même si les pertes sont encore difficiles à évaluer) ?
Comment les professionnels de la pêche se sont-ils adaptés pour continuer leurs activités pendant la crise (nous serions heureux d'entendre des exemples : vente directe, circuits courts, stockage...) ? De quelles aides nationales et/ou régionales ont-ils à ce jour bénéficié ?
Le Conseil de l'Union européenne a modifié le 22 avril dernier le règlement du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) et le règlement portant organisation commune des marchés (OCM), pour mettre en place le dispositif de soutien à l'arrêt temporaire des navires et aux organisations de producteurs, réactiver le dispositif d'aide au stockage, et assouplir le cadre de gestion du FEAMP. Qu'en est-il dans les outre-mer ?
Merci Monsieur le président, mes questions portent sur la stratégie d'avenir. Quels sont les défis majeurs que le secteur de la pêche doit pouvoir relever dans les outre-mer au cours des prochaines années ? La France protège-t-elle suffisamment ses zones de pêche ? La petite pêche côtière est-elle ? La modernisation de la flotte est-elle nécessaire, si oui de quels moyens a-t-elle besoin ?
Comment envisagez-vous l'autosuffisance alimentaire des territoires ultramarins et quelle serait la part de la pêche et de l'aquaculture ? Comment accélérer la structuration des filières et d'organisations de producteurs dans certains territoires ?
Enfin, quelles perspectives de développement de vos activités de pêche envisagez-vous au niveau de votre bassin régional ? Estimez-vous que vos zones de pêche subiront une concurrence accrue dans les différentes concernées ?
Concernant le redémarrage de l'activité économique, quel sera, selon vous, le calendrier de la reprise d'activité dans le secteur de la pêche ? N'êtes-vous pas fortement dépendants de la reprise d'activité du secteur de la restauration ?
Qu'attendez-vous du plan « outre-mer en commun » annoncé par l'AFD et le ministère des outre-mer, qui prévoit un plan de « relance durable » dans les territoires ultramarins notamment à partir de prêts bonifiés ? Quelles sont vos propositions pour accompagner la relance du secteur de la pêche ?
Alors que l'Union européenne doit modifier sa proposition de budget pour 2021-2027 et mettre en place un plan de relance de 750 milliards d'euros, quelles initiatives pourraient bénéficier au secteur de la pêche dans les RUP et les PTOM ?
Je vais donc passer la parole dans l'ordre initialement décidé auquel j'ai ajouté M. Karam qui représente la CRPMEM de Guyane.
Nous sommes tous d'accord, nous avons un cancer propre dans les DOM, qui s'appelle la contribution au remboursement de la dette sociale et la contribution sociale généralisée (CRDS-CSG). Il faut pouvoir en exonérer la petite pêche. Les 4 DOM l'ont dit à M. Didier Guillaume de manière unanime, mais il ne nous a pas écoutés. Le Gouvernement ne nous a pas aidés pour la petite pêche et encore une fois, le consommateur seul nous a un peu tiré d'affaire.
Nos produits sont mis en compétition avec d'autres de diverses provenances : Madagascar pour La Réunion, le Venezuela pour les Antilles, etc. Ces produits arrivent sans contrôle, à la Martinique, toutes sortes de trafics sont liés aux bateaux vénézuéliens : la drogue, des fusils cachés sous le poisson. Ils ne venaient plus avec le confinement ni à la Martinique ni en Guadeloupe, et nos ventes ont ainsi fortement augmenté.
Il faut aujourd'hui nous écouter, car nous sommes la voix des pêcheurs et nous convergeons sur quatre points.
D'abord, il faut une exonération de l'URSSAF pour la petite pêche des DOM. Ensuite, il faut empêcher les productions qui arrivent sur nos territoires sans contrôle. Nos comités régionaux doivent également pouvoir émarger aux plans de compensation du FEAMP. Aujourd'hui, les petits pêcheurs qui ne sont pas à jour de l'URSSAF ne peuvent pas émarger à ce fonds. C'est un cercle vicieux. Vous connaissez la situation de nos territoires, nous ne faisons plus confiance aux politiques. Mais nous avons encore confiance en nous. Nous souhaitons une protection de nos frontières avec le contrôle des produits qui arrivent d'ailleurs, et qui tuent notre jeunesse.
C'est ce message que je veux faire passer, l'exonération de l'URSSAF est une absolue priorité, je ne veux pas être trop long pour laisser la parole à mes collègues mais j'ajoute un dernier message : je ne comprends pas la présence d'invités qui ne représentent en aucun cas la pêche en outre-mer et je veux être ferme là-dessus.
Je comprends les difficultés dont vous faites état.
En tant que parlementaires, nous faisons de notre mieux mais nous n'avons pas tous les pouvoirs. Depuis sa création, la Délégation sénatoriale aux outre-mer du Sénat a toujours essayé de jouer son rôle pleinement pour accompagner les secteurs d'activités et traiter les problématiques des outre-mer.
Quant aux problématiques européennes, EURODOM joue un rôle de lanceur d'alerte en ce qui nous concerne, je pense notamment au dossier du sucre à La Réunion. Nous reviendrons sur le FEAMP tout à l'heure car j'ai moi-même interrogé le ministre Didier Guillaume lors d'une audition au Sénat.
Je passe maintenant la parole à M. Bertrand Baillif, président du Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM) de La Réunion.
Le président de la commission DOM vient de s'exprimer à l'instant, j'ai été très attentif à ce qu'il disait. Cela fait longtemps que nous répétons la même chose. Je fais 11 000 kilomètres pour faire remonter les doléances des comités des pêches de mes mandants à Paris, on nous écoute, mais on ne nous entend pas.
Je vais revenir sur le point évoqué par M. Olivier Marie-Reine sur les exonérations de charges. Pour nous, c'est aujourd'hui un fléau pour l'accès aux aides, et demain cela causera un problème pour le renouvellement de la flotte évoqué par l'État et la Commission européenne. La majorité des pêcheurs ne sont pas à jour des cotisations sociales et fiscales. Je les comprends très bien, étant moi-même pêcheur.
La Réunion est victime de « deux poids, deux mesures ». Dans nos eaux, des pêcheurs de la pêche semi-industrielle ont recours à la main-d'oeuvre étrangère, concurrençant la pêche locale en inondant le marché local de ses productions. Cette pêche semi-industrielle fait rentrer sur le marché du poisson en provenance de Madagascar, sans traçabilité, sans respect des règles de l'Union européenne. Les pouvoirs publics doivent véritablement agir, au lieu de nous répéter que nous sommes entendus.
Je reviens sur la question de Mme Nassimah Dindar : la petite pêche aujourd'hui est en effet en danger. Il sera trop tard demain si nous n'arrivons pas à en faire dès maintenant un poumon économique. L'Europe envoie de l'argent aux outre-mer, mais à qui envoie-t-elle cet argent ? En 2016, sur 4 millions d'aides, seuls 9 petits pêcheurs ont touché 56 000 euros d'aide. La petite pêche a déjà sombré : nous recensions 400 pêcheurs en 2009 contre 180 aujourd'hui.
L'arrivée du fléau de l'URSSAF en 2009 a causé un effondrement. La plupart des pêcheurs ne sont pas à jour de leurs cotisations. Dans vingt ans, quand la majorité des pêcheurs arrivera à l'âge de la retraite, ils s'apercevront qu'ils n'auront que dix ans de cotisations car ils ont dû « se débarquer » pour faire face à ces charges sociales et que ce sont des petits travailleurs indépendants.
Quand Mme Annick Girardin est venue rencontrer les gilets jaunes à La Réunion, elle a affirmé qu'elle ferait le nécessaire pour que les petites entreprises soient exonérées de charges fiscales. Deux ans se sont écoulés et rien ne s'est passé.
Moi-même en tant que pêcheur je dois être à jour des cotisations fiscales et sociales pour finalement ne pas toucher un euro d'aides d'État, je trouve cela scandaleux. Il s'agit d'une crise exceptionnelle : une crise sanitaire, une crise économique... De tels critères ne devraient pas être exigés. Les pêcheurs qui en ont le plus besoin n'ont rien car ils ne sont pas à jour de leurs cotisations. Et reporter les charges revient seulement à reporter le problème. Comment la France peut-elle dire que je dois être à jour de mes cotisations alors que devant moi, des dizaines de personnes, venant de Madagascar et ne payant pas de charges, ont un salaire décent en travaillant pour des pêcheurs semi-industriels ?
Tout le monde a subi cette crise, mais nous n'avons pas fermé nos portes car nos mandants avaient besoin d'aide. Nous avons besoin de vous.
Demain, se posera la question du renouvellement de la flotte, mais commençons à traiter des sujets qui nous pénalisent aujourd'hui : la main-d'oeuvre, la concurrence déloyale... L'Europe doit être exigeante et ne doit pas tolérer ce genre de comportements. Quand on laisse rentrer du poisson sur le marché local, c'est une menace sanitaire et une menace pour les revenus des petits pêcheurs. La grande distribution revend ensuite le poisson de Madagascar à moitié prix.
Nous avons besoin de visibilité pour l'avenir de nos métiers, pour nos jeunes... Il faut un contexte sain. Nous avons rédigé un plan d'avenir pour les perspectives de la pêche réunionnaise, pour ne plus dépendre uniquement des aides. Nous avons besoin d'unités de contrôle pour vérifier le poisson qui arrive chez nous. Nous sommes aujourd'hui 190 pêcheurs pour 2 000 plaisanciers, le poisson arrive de n'importe quelle façon sur le territoire. J'espère être écouté et entendu. Je vous remercie Monsieur le président.
Je comprends le malaise dont vous faites état. Vous connaissez mon engagement personnel aux côtés des petits pêcheurs et je crois pouvoir dire que nombre de rapports faits par notre délégation ont été suivis de faits très positifs pour les outre-mer.
Je comprends cependant l'amertume que vous exprimez et les difficultés que vous rencontrez, je suis îlien comme vous et je sais que rien n'est gagné.
Je sais, Monsieur le Président, que vous pouvez nous aider. C'est pourquoi nous comptons sur vous.
Merci Monsieur le président, je passe la parole à M. Charly Vincent, président, et Mme Christiane Tin, secrétaire général, du Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM) de Guadeloupe.
Nous faisons tous le même constat quant aux charges sociales et fiscales. Nos dépenses sont plus élevées qu'au niveau national : le carburant est 40 % plus cher et ces coûts se répercutent sur le prix du poisson.
Le seul point positif du Covid-19 concerne la baisse du prix du carburant. Quand le carburant dépasse les 25 % de charges pour une entreprise, celle-ci n'est plus rentable. Cette baisse nous a permis de passer sous ce seuil. Au niveau national, le carburant est inférieur à 60 centimes, si ce carburant dépassait ce seuil, toute la flotte nationale s'écroulerait. Aujourd'hui cette différence nous pousse à nous interroger sur le bien-fondé de ce type de mesures. Le dispositif de chômage partiel ne nous convient pas. Notre seule requête était l'annulation des charges, au moins pour l'année 2020.
Le problème du poisson importé a aussi été évoqué, il concerne tous nos territoires. Des produits arrivent illégalement sur nos territoires. L'État français ne défend pas son territoire de pêche. Nous nous posons réellement la question : voulez-vous tuer l'économie de la pêche ? Voulez-vous nous laisser vivre ? Si vous voulez nous laisser vivre, il faut mettre en place des dispositifs pour aider des structures comme les nôtres.
Nous avons également des problèmes de trésorerie. Si aujourd'hui une région telle que la nôtre refusait de soutenir les comités des pêches, ils n'existeraient plus. L'État a demandé leur mise en place mais n'a pas fourni le budget pour leur fonctionnement. Quand j'entends M. Arnaud Martrenchar parler, j'estime qu'il récite bien sa leçon mais est très loin de la réalité.
La crise du Covid-19 a permis de démontrer que nos territoires ne peuvent pas vivre sans pêche et agriculture, ce ne sont pas les grandes surfaces qui ont nourri nos populations mais la nourriture locale et de proximité.
Monsieur le président, excusez-moi, mais j'aimerais ajouter un commentaire.
Aucune aide pour la pêche n'a été adaptée aux outre-mer. Nous l'avons dit à M. Didier Guillaume. En définitive, les pêcheurs d'outre-mer n'ont pas eu d'aide : le chômage partiel, etc.
La pêche en Guyane est proche de mourir, et je pèse mes mots quand je vous dis cela.
Nous avons le problème de la pêche illégale venant du Suriname et du Brésil pour la pêche côtière. Notre production ne peut être absorbée par les usiniers de Guyane car ils n'ont pas les moyens financiers pour payer les armateurs. Aujourd'hui 60 % de la flotte est arrêtée car nous ne pouvons pas vendre notre poisson.
Au début de la crise, il nous a été demandé de pêcher pour nourrir la population, cela a été fait et la Guyane n'a jamais manqué de poisson durant cette période.
Aujourd'hui nous voyons que la France a injecté de nombreuses aides, mais elles nous sont inaccessibles car il faut être à jour des cotisations fiscales et sociales. Les pêcheurs vont pêcher, les armements rentrent et ne sont pas payés.
La pêche illégale n'arrive pas à être éradiquée par les autorités françaises, l'Europe construit des usines au Suriname et au Brésil qui nous concurrencent directement sur nos propres marchés des Antilles.
La pêche au large est également impactée. Comme le disait Olivier Marie-Reine, les Vénézuéliens viennent sous des faux noms, des faux prétextes pour aller revendre aux Antilles. Systématiquement, la marine observe des bateaux en provenance de la Barbade qui viennent pêcher les thons, les marlins...C'est très grave car si ce pillage ne cesse pas, nous n'aurons plus de pêche.
Les bateaux sont garés en plein jour au milieu des embouchures et nous empêchent de sortir pour aller pêcher.
Je le répète, la pêche en Guyane est à l'agonie. Beaucoup de promesses ont été faites, nous attendons toujours le plan de compensation des surcoûts. Je ne parle que des pêcheurs, pas même des usiniers. Le coronavirus est arrivé en mauvaise saison, nous avons pourtant affronté la mer avec ce que nous avions pour pouvoir nourrir la population.
Tout ce que je pouvais dire a été dit par Olivier Marie-Reine, Charly Vincent, et mon collègue de La Réunion, je suis entièrement d'accord avec eux sur ces problèmes.
De l'aide au stockage a été demandée : quand les bateaux n'arrivaient pas à vendre en direct, il y avait toujours des surcoûts, des surplus de poissons que les usiniers auraient normalement pu récupérer. Nous nous retrouvons dans un carcan. Une multitude de promesses a été faite, mais aucune ne s'est concrétisée sur le terrain.
Merci Monsieur le président, je ferai le point tout à l'heure sur votre intervention.
Je passe la parole au dernier intervenant, M. Issouffi Abdallah, en le priant d'être aussi concis que possible compte tenu du fait qu'il s'est déjà longuement exprimé tout à l'heure.
Les pêcheurs côtiers ont poursuivi leur activité malgré une diminution de celle-ci. La perte d'activité est estimée à 50 %, mais nous devrons encore vérifier ce chiffre avec le registre remis dans le cadre du plan de compensation des surcoûts liés à la crise.
Les pêcheurs ont dû réduire considérablement leur activité en raison des difficultés à trouver des débouchés : fermeture des restaurants... Aujourd'hui nous ne pouvons bénéficier des aides européennes et les pêcheurs ont dû se tourner vers les aides mises en place par le conseil départemental aux entreprises mahoraises, s'élevant à 1 000 euros.
L'aide au stockage, est arrêtée temporairement. Les professionnels se sont exprimés à ce sujet dans un courrier adressé à la Direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA) et la Direction générale des outre-mer (DGOM), mais nous n'avons pas encore de réponse.
L'activité de la pêche a bien repris mais à vitesse réduite, elle a pu bénéficier de la vente directe. La demande était présente mais la reprise était conditionnée par la réouverture des restaurants.
Le plan « outre-mer en commun » mis en place par l'AFD, pourrait être une bonne chose mais il convient de sécuriser la demande en vue de garantir et augmenter le besoin de commercialisation de produits de la mer. Le programme de FEAMP 2014-2020 en cours a permis de lancer des études sur la structure de la filière pêche à Mayotte : l'organisation, l'équipement des ports de pêche...
Les professionnels attendent de la programmation du FEAMP pour 2021-2027de pouvoir démarrer l'aquaculture raisonnée, avec le plan de compensation des surcoûts indispensable pour le renouvellement de la flottille de pêche, et la lutte contre la pêche informelle.
Pour l'objectif de l'autosuffisance alimentaire de Mayotte, les professionnels sont heureux d'avoir été associés aux négociations avec les Seychelles. L'organisation de la flotte de Mayotte est une priorité car les navires sont non conformes aux consignes de sécurité
La pêche informelle est le fléau à Mayotte, la construction de points de débarquements obligatoires permettra de garantir les normes d'hygiène et quantifier les ressources relevées par le pêcheur professionnel. La filière est à l'arrêt depuis 2015, un plan de relance a été initié par une coopérative aquacole. Les commissions de cultures marines ont été mises en place pour l'identification de produits mieux adaptés au territoire. Nous avons mis en place un environnement propre et un suivi sanitaire afin d'assurer la distribution de produits aquacoles, le démarrage d'une aquaculture raisonnée basée sur les coopératives de petits exploitants pour valoriser ces produits.
Les professionnels du secteur de la pêche ont tenté de mettre en place un comité région de pêche maritime et d'élevage marin à Mayotte. À ce jour, rien n'est fait pour la cohabitation entre la pêche et l'aquaculture.
Cela permettrait aux représentants de pêcheurs et d'aquaculture d'avoir une représentation propre de la filière. La commission pêche et aquaculture ne dispose d'aucun pouvoir décisionnel.
Monsieur le président, je vais être rapide. Quelques mots rapides, techniques, car l'essentiel a été dit par l'ensemble des organisations professionnelles. J'attire simplement l'attention sur le calendrier communautaire, dans le cadre de cette crise du Covid-19, chacun a mis sur le haut de la pile, l'urgence qu'il y a à rétablir la production locale et la renforcer.
Beaucoup de dispositifs communautaires, et accessoirement nationaux, permettent de soutenir cette production. Ils sont en cours de renégociation, à Bruxelles pour les dispositifs agricoles, à Paris pour ce qui concerne les fonds liés à la diversification les fonds du CIOM, et à la fois dans les régions et à Bruxelles pour les nouveaux FEAMP, les dispositifs de compensation des surcoûts qui s'appliquent à la pêche en outre-mer.
Le 18 juin prochain aura lieu un trilogue particulièrement important car il traite du budget de transition de la PAC. Une réforme de la PAC est en effet en cours ; la Commission a fait une proposition de budget transitoire sur lequel le Conseil et le Parlement européen se sont déjà exprimés et positionnés. Lors de ce trilogue, trois questions particulièrement importantes seront débattues pour la poursuite et le renforcement de la souveraineté alimentaire, particulièrement en matière agricole.
D'abord, sur le budget du Poséi qui était menacé de faire l'objet d'une baisse comparable à celle de la PAC, le précédent Commissaire à l'agriculture avait pris l'engagement de maintenir le budget à son niveau actuel, sous réserve que les co-législateurs le lui demandent. Pour le moment, la position française au Conseil est plutôt favorable sur le principe mais cette position n'a pas été formalisée. Si bien qu'à ce moment encore nous avons une légère incertitude.
Ensuite, pour favoriser l'élevage dans les DOM, le régime spécifique d'approvisionnement (RSA), permet de baisser le prix des céréales destinées à être transformées localement pour nourrir les bêtes. Actuellement, ce plafond est saturé, il n'y a pas vraiment de problème de budget, mais une limite a été mise en place et elle a été atteinte il y a 5 ou 6 ans. Nous devons relever cette limite pour atteindre la souveraineté alimentaire. Les autorités françaises ont une position plutôt ouverte mais doivent concrétiser cette position.
Enfin, un troisième instrument, qui est nouveau, concerne les cotisations interprofessionnelle étendue ou CIE (ils s'appelaient précédemment CVO ou cotisation volontaire obligatoire). Ils concernent plus particulièrement La Réunion mais ont vocation à s'appliquer le plus largement possible. Le principe de ces CVO visait à permettre que l'importation participe au financement du développement de la production locale et que l'on puisse taxer, prélever une cotisation sur l'ensemble des maillons de la filière : les importateurs, les distributeurs, les producteurs locaux, mais que l'ensemble de ces prélèvements soit consacré exclusivement au développement de la production locale. C'est donc une dérogation aux règles habituelles de l'Union européenne puisque cela s'apparente à une forme de protection de la production locale, d'entrave à la liberté de circulation dans l'espace communautaire. Il s'agit d'une taxe prélevée sur tous les acteurs mais ne bénéficiant qu'à une partie d'entre eux. Il faut donc une dérogation au Traité, assez lourde, que nous avons choisi de faire porter dans une modification du Poséi, en plein accord avec les autorités françaises.
La France n'a pas encore fait connaître sa position de manière complètement nette. Nous avons un accord de principe mais pas d'engagement formel pour pouvoir obtenir cette dérogation. Cela va être un changement très important du financement des filières de production. Cela permettra d'assurer toute une part de financement dont on connaît la rareté et apporter un relais stable et complémentaire.
Cela me permet de faire la transition avec les fonds du comité interministériel de l'outre-mer (CIOM), qui ne touchent que la diversification agricole, n'aident que l'agriculture vivrière. Ces fonds sont insuffisants depuis quelque temps.
Le Président de la République, lors de son déplacement à La Réunion, n'a pas annoncé 5 millions d'euros supplémentaires comme cela a été dit, mais il a annoncé le déplafonnement des aides du CIOM. Cela a été traduit par un besoin de financement par l'ODEADOM et les autorités de tutelle, sur lequel nous n'avons pas à revenir. C'est le rôle de l'autorité de paiement. Pour le moment, ces 5 millions d'euros ont un statut très incertain, cela risque de contrarier le développement de la production locale et la relocalisation des activités dans les DOM.
La ministre s'est engagée oralement à ce que ces 5 millions d'euros soient redéployés sur d'autres lignes budgétaires. Nous sommes inquiets pour ce financement additionnel qui doit par exemple être abondé par le ministère du travail et de la formation. Or, nous imaginons mal ce ministère donnant des fonds pour développer la production locale et aider pour la compensation des surcoûts.
Il serait peut-être utile de profiter des collectifs budgétaires qui vont arriver avant ou pendant l'été pour apporter une clarification. Ils doivent être véritablement budgétés dans les fonds pour la diversification agricole.
Sur la pêche, je voulais lancer une alerte sur les fonds du FEADER car ils sont en baisse. Concomitamment, l'État reprend toute la partie des aides qui avaient été décentralisées et concernent les aides au fonctionnement : je pense aux mesures agroenvironnementales (MAE), aux mesures qui viennent aider l'agriculture en haute montagne... Si bien qu'en reprenant ces financements, l'État risque de provoquer un deuxième effet de ciseaux sur le FEADER. Puisqu'il reprend en même temps que ces financements, il reprend aussi l'éco-financement.
Par exemple, à La Réunion, la baisse générale est de 11 % ; et dans l'hypothèse la plus défavorable, la baisse communautaire et la reprise nationale pourraient amener à une baisse de l'ensemble de l'enveloppe à 50 %. Compte tenu de la situation de l'agriculture et des besoins rappelés par l'ensemble des participants, notre objectif de négociation ne doit pas être d'obtenir au pire une baisse de 11 % mais le maintien de notre enveloppe FEADER dans les DOM à son niveau actuel.
Des efforts sont actuellement déployés de manière spectaculaire pour répondre aux besoins de structuration de la production locale. Nous avons vu ce qu'il se passerait si les éleveurs, les pêcheurs, les producteurs n'étaient pas là pendant la crise du Covid-19. Il est difficile de compter sur l'extérieur si l'intégralité de l'extérieur dépend de moyens aériens ou aéroportuaires, incertains. Nous devons consolider la production locale et prendre le maximum de parts de marché sur l'import. Cette production locale a montré sa capacité d'adaptation, d'inventivité et le courage de nos producteurs locaux qui ont fait au mieux compte tenu des problèmes de main-d'oeuvre et de débouchés.
Dernier point sur lequel je terminerai mon intervention, concernant la pêche, une double négociation est en cours : une renégociation générale sur le FEAMP avec l'enjeu de pouvoir continuer à verser des aides au fonctionnement spécifiques aux DOM (le plan de compensation des surcoûts).
Parallèlement, La Réunion a repris la compétence d'instruction déléguée du plan de compensation des surcoûts pour mettre en place la deuxième génération de ce dernier ; en reprenant les éléments perfectibles du plan de compensation précédent, au plus près du terrain. C'est vrai dans tous les DOM mais en particulier à La Réunion car cela se fait directement avec les régions.
Voilà pour rester simplement dans les grandes considérations du calendrier sans rentrer plus dans les détails. Je n'ai rien à ajouter à ce qui a été dit par les représentants, qui, par essence, sont légitimes pour porter leurs revendications.
Je vous remercie Monsieur le délégué. Monsieur Detter souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
J'ajouterai un mot sur l'initiative « outre-mer en commun » pour répondre à Mme Nassimah Dindar. Il s'agit d'un dispositif important. Aujourd'hui les structures collectives en outre-mer, les associations interprofessionnelles, n'ont pas vraiment de chiffre d'affaires ; ces structures collectent les aides et n'ont pas eu accès à PGE.
Nous nous sommes aperçus que ce sont des outils intermédiaires, souvent de transformation. Le bois de Guyane est intéressant à ce titre. La compétence de la forêt n'est pas une compétence communautaire : ces outils nationaux sont importants pour aider ces structures collectives.
L'initiative « outre-mer en commun » devrait pouvoir apporter les fonds nécessaires pour pouvoir consolider les besoins en fonds de roulement collectif de ces filières. Nous avons vu lors de cette crise que nous avons les moyens de développer encore, non seulement l'emploi dans ces activités, mais aussi de consolider sérieusement leur part de marchés locaux. Je voulais simplement attirer votre attention sur ces points-là.
Merci beaucoup, je remercie particulièrement EURODOM qui nous a toujours alertés sur les problématiques, fourni les chiffres dont nous avons besoin pour prendre les décisions.
Je crois pouvoir dire, au nom de la délégation bien entendu, que votre aide nous est importante et nous permet d'avoir le temps de réagir avant que les décisions soient définitivement scellées, en particulier celles qui se prennent à Bruxelles.
Cette table ronde a été particulièrement riche. Les pêcheurs nous ont confirmé qu'ils ont eu énormément de difficultés d'accès aux aides mises en place par l'État, et il y a un vrai problème de charges, et donc vous demandez des exonérations.
Certains d'entre vous ont souligné la concurrence déloyale au niveau des zones de pêche, en particulier à La Réunion avec les structures semi-industrielles par rapport aux comités des pêches locaux.
J'ai également noté une nécessité de contrôle renforcé de la ZEE. Nous avons vu à travers cette audition qu'il est important dans les outre-mer que les professions agricoles et celles de la pêche travaillent ensemble ou soient aussi proches que possible, dans la perspective d'une autosuffisance.
Sur l'ODEADOM, je me permets de dire que lorsque l'État avait voulu la fusion avec FranceAgriMer, la délégation s'est battue pour défendre le maintien de cet organisme et son rôle dans le paiement du Poséi, qu'il assure de manière efficace.
La parole est à mes collègues de la délégation qui souhaitent intervenir et poser des questions
Le monde de la pêche est en grande souffrance, il m'intéresse tout particulièrement, étant fils de marin-pêcheur. Notre délégation a raison de s'y intéresser. Je milite pour que nous nous occupions de la pêche face à la crise mais il nous faut aller plus loin. Nous devons refondre la relation Europe et DOM dans le domaine de la pêche. Cela ne va plus depuis des années, les directives européennes ne sont pas conçues pour la pêche dans nos DOM.
Profitons de cette crise pour taper encore plus fort du poing sur la table, nous ne pouvons plus gérer la pêche des DOM comme la pêche européenne. Les deux n'ont rien à voir. La pêche des DOM mérite un meilleur sort. Peut-être que l'Europe découvrira un jour un pan nouveau de cette pêche qu'elle ne connaît pas.
Allons plus loin, j'espère que tous les représentants seront d'accord avec moi pour parler réellement de la pêche.
Vous aurez tout mon soutien pour accompagner cette démarche. Je passe la parole au président Victorin Lurel.
Nous discutons des aides, des conditions, de la situation de ces deux secteurs, notamment des aides de l'État et de l'Europe.
Pouvons-nous faire le point rapidement sur les actions des collectivités locales pour ces deux secteurs ?
La collectivité de Martinique a mis en place un certain nombre d'aides pour les agriculteurs. Nous avons lutté pour que les conditions soient assouplies par rapport à l'aide nationale. Les agriculteurs locaux ne remplissaient pas les conditions d'éligibilité : par exemple par manque de comptabilité... Nous montons les dossiers avec la chambre d'agriculture mais ils avancent très doucement.
La difficulté que nous rencontrons en ce moment n'est pas seulement le fait du Covid-19 mais aussi due à la sécheresse. Les agriculteurs attendent encore l'indemnisation pour l'année dernière. En premier lieu, il aurait fallu liquider ces compensations afin que les producteurs aient un peu de trésorerie pour faire face à la situation. Les aides mises en place ne sont pas suffisantes pour pouvoir relancer l'exploitation, nous devons aller plus loin.
Pour l'agriculture, je souhaite souligner le travail fait par le département de La Réunion, après la fermeture des marchés des collectivités notamment. Le département a également mis en place des paniers aux familles nécessiteuses. Cela a permis d'écouler plus de 2 000 tonnes de légumes par semaine, par le biais de colis livrés chaque semaine, via les Centres communaux d'action sociale (CCAS)... Elle a absorbé ce qu'absorbait le marché des collectivités. C'est un grand service qui nous a été rendu car dans le cas contraire, ces légumes se seraient retrouvés en concurrence avec les légumes en vente directe sur les marchés.
Nous avons pu organiser les marchés de producteurs et écouler par semaine environ 400 tonnes de légumes en vente directe.
Le département a remis en place l'aide à la plantation de légumes fortement concurrencés et identitaires : chou, curcuma... Ce sont des financements non négligeables, de l'ordre de 3 000-4 000 euros à l'hectare.
En revanche, les agriculteurs n'ont pas pu bénéficier des PGE, ni des aides régionales liées au FEDER. Le département a, entre autres, débloqué 400 000 euros d'aide directe aux horticulteurs qui ont énormément souffert de la fermeture des marchés, des fleuristes, des réceptions...
L'agriculture tire son épingle du jeu car elle s'est concentrée sur la production locale. J'espère que nous reconnaîtrons cette nécessité sur le long terme, que l'engouement pour la production locale perdurera.
Nous avons vu notre dépendance aux containers, des émeutes ont presque été déclenchées, mais c'est à nous de travailler pour trouver des solutions : l'économie circulaire, le décarboné...
La production locale doit être aidée mais il ne faut pas nous laisser nous battre par des importations parallèles. Nous demandons donc des interventions sur tous les leviers : les importations, la réglementation sanitaire... La pauvreté dans les territoires d'outre-mer n'est pas un prétexte pour nous faire manger ce qui reste.
Nous avons un problème de santé publique dans les outre-mer : hypertension, diabète... Vous aviez, en tant que ministre, commencé à le combattre, il faut continuer. Nous devons encourager le bien manger, le produire local, les circuits courts, etc.
Nous avons une région très volontaire. Elle prend certaines mesures mais nous craignons qu'elles ne puissent aboutir car les critères d'éligibilité ne correspondent pas à notre réalité. La consommation des aides sera très limitée.
Nous avons demandé le paiement immédiat des Plan de compensation des surcoûts (PCS) sur le FEAMP mais énormément de retard est à déplorer sur ce sujet. Plus de 150 dossiers sont déposés mais aucun paiement n'est réalisé malgré les conventions.
Pendant la crise, plusieurs initiatives se sont développées comme une application pour la vente en ligne, ce qui est très positif, mais l'aide aux entreprises reste difficile.
Sur la Guyane, le président de la chambre d'agriculture de Guyane n'a pas pu être invité, mais je souhaite intervenir par rapport à la question de M. Victorin Lurel. La collectivité de Guyane a mis en place un marché sur son propre parking, car l'ancien lieu était devenu payant.
C'est grâce à l'intervention de la collectivité que le marché a pu se déplacer, avec beaucoup de succès puisqu'ils ont eu plus de 4 000 clients.
Pour les collectivités, le fonds de solidarité national a accompagné les fonds de solidarité régionale pour aider les pêcheurs ; il faut le souligner. Le département a, quant à lui, aidé les agriculteurs.
La région a mis en place le fonds de solidarité régionale à hauteur de 1 000 voire 2 500 euros pour les agriculteurs, ce n'est pas négligeable pour traverser cette crise. Je remercie la région d'avoir répondu à cet appel au secours. Sur le volet économique, la région a fait ce qu'elle aurait dû faire, et je tiens à l'en remercier.
Je voudrais rappeler la difficulté pour les pêcheurs d'accéder au FEAMP, Le ministre Didier Guillaume s'est engagé, suite à une question, à ce que l'État garantisse une aide, une compensation, si les collectivités d'outre-mer ne pouvaient pas bénéficier pleinement des plans FEAMP. Je ne sais pas si cela a été suivi des faits.
J'aimerais émettre une remarque générale, par rapport à cette crise du Covid-19 que nous avons tous subi. Le Gouvernement a mis en place l'accès à certaines aides. Or, nous nous rendons compte que sur les territoires, et a fortiori dans les DOM, il existe un problème d'ordre financier avec les cotisations fiscales, pour le pêcheur qui a une petite entreprise comme pour l'artisan. Ces aides sont faites pour aider les plus vulnérables face à la crise, et ces derniers ne peuvent pas y accéder.
Notre délégation a toujours été aux côtés du développement de nos outre-mer pour toutes les difficultés, et je crois que nous devons faire remonter cette donnée. Entre les effets d'annonce et la bonne volonté affichée, nous nous rendons bien compte que cela ne fonctionne pas sur le terrain.
J'alerte sur quelque chose qui n'a pas été dit. Lorsqu'une aide est déclenchée, tous les organismes sont prêts au contrôle. Compte tenu de l'impact de cette crise, je pense que nous devons y être sensibles, outre les difficultés particulières de secteur. Par voie de conséquence, je crois que tout est imbriqué. Cette après-midi était passionnante, même si nous aurions aimé entendre des nouvelles plus réjouissantes.
Ce que Gisèle Jourda ne vous dit pas, c'est qu'elle est membre de la délégation depuis son arrivée au Sénat, et aussi membre de la commission des affaires européennes où elle porte la parole de la délégation aux côtés du président Jean Bizet.
En Guyane, nous constatons un prix moyen du poisson entre 1,80 et 2 euros le kilo. Un bateau rentrant avec une tonne de poissons gagne 2 000 euros. Une fois payés les ouvriers, la glace, les problèmes de vols de filet, les problèmes par rapport à la distance de la pêche en Guyane, il est bien difficile parfois pour l'armateur de se verser un salaire.
Le prix du poisson en Guyane constitue un problème très important. Toutefois, le plus problématique actuellement est l'absence de port, de balance sur les ports, de lieux de débarquements et de criée. Je ne fais de reproche à personne : ni à la France, ni à l'Europe.
Pour l'heure, sur 70 armateurs et 140 bateaux, 60 % sont à quai. La bonne saison arrive, mais cela ne vaut pas la peine pour eux de reprendre leur activité s'ils ne peuvent vendre leur pêche à un prix convenable.
Il me reste à mon tour à vous remercier.
Nous sommes à l'écoute de toutes les propositions que vous voulez bien nous transmettre par écrit, de toutes les demandes bien précises qui pourraient nourrir nos recommandations au Gouvernement. Nous continuerons la semaine prochaine avec une table ronde sur le numérique. Je vous remercie sincèrement d'avoir participé et exprimé librement vos points de vue.