Intervention de Michel Magras

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 4 juin 2020 : 1ère réunion
Étude sur l'urgence économique outre-mer à la suite de la crise du covid-19 — Table ronde sur l'agriculture et la pêche

Photo de Michel MagrasMichel Magras, président :

J'ai bien noté dans vos propos ainsi que dans ceux de M. Frédéric Vienne, que vous insistiez sur les marchés de dégagement. Il s'agit d'une problématique très difficile car au moment où cela avait été débattu dans la loi égalité réelle, la logique inverse avait été proposée.

Nous avions convenu de créer des observatoires pour tenir au jour le jour une visibilité concrète et dénoncer les déséquilibres, sous la responsabilité des préfets. Les parlementaires que nous sommes vous entendent, mais il faut aussi que le Gouvernement fasse une analyse globale de cette situation.

M. Issouffi Abdallah, 3ème vice-président de la chambre d'agriculture, de la pêche et de l'aquaculture de Mayotte. - Nous avons, dans notre chambre d'agriculture à Mayotte, bien qu'asphyxiée de dettes, essayé pendant cette crise de trouver des solutions.

La production agricole de Mayotte s'élève à 75 millions d'euros soit environ 5,9 % du PIB du département. Elle est principalement composée de bananes et de tubercules. Ces productions végétales représentent 87 % de la valeur de la production agricole totale, soit 69 millions d'euros, et couvre 90 % de la consommation locale. Ce qui représente un taux de couverture de la consommation par le producteur local de 46 %.

Environ 68 % de la consommation de légumes frais sont couvertes par les producteurs locaux. Les potentialités de développement de la filière volaille sont élevées car 99 % de la consommation totale est importée, soit 8 900 tonnes par an. L'agriculture mahoraise présente plusieurs potentialités de développement car elle montre une faible trésorerie, une forte dépendance aux subventions...

La crise du Covid-19 intervient dans le contexte particulier du ramadan à Mayotte, un mois sacré chez nous, où normalement la consommation est très forte. Pendant le mois de ramadan, aucune pénurie de bananes et tubercules n'a été observée, ce qui est inédit. Cela s'explique par le confinement, qui a permis de limiter les ventes informelles en bord de route, d'éviter les vols dans les champs...

La crise a vu émerger de nouvelles habitudes de consommation alimentaire, nous avons observé un véritable intérêt pour la consommation de produits locaux et un changement des canaux de distribution. Les acteurs de la production ont privilégié le circuit court.

Les professionnels pointent du doigt le manque de soutien de leur filière, l'absence de concertation des autorités locales dans la gestion de crise. Les professionnels plaident pour la mise en place de réelles dispositions pour lutter contre le marché informel, mais cela ne date pas de la crise du Covid-19. La crise du Covid-19 a démontré l'impact du vol et son rôle dans la filière informelle puisque cela avait complètement cessé pendant le confinement.

Les producteurs locaux n'ont pas été associés aux opérations de distribution. Les autorités publiques n'ont pas jugé bon d'y associer les producteurs agricoles et les pêcheurs. Alors même que certains rayons dans les supermarchés se sont retrouvés vides, ils ont été remplacés par des produits d'importation. Les grands gagnants sont finalement les distributeurs.

À Mayotte, beaucoup d'aides Poséi ne sont pas développées, certaines le sont mais avec des dotations jugées faibles par les professionnels. Nous voudrions que les aides Poséi à Mayotte soient au niveau des autres DOM.

Le développement des produits des filières locales doit se focaliser sur le développement de l'économie circulaire, des polycultures, l'identification en besoin d'investir, la fixation d'indicateurs de réalisation, l'importation d'animaux vivants pour améliorer la génétique...

L'agriculture mahoraise a un modèle particulier, de petite échelle et riche en biodiversité. Ce modèle contribue à l'autonomie alimentaire et constitue une source de revenus complémentaires pour de nombreux ménages.

L'autosuffisance alimentaire de l'île doit passer par l'augmentation de la production locale et l'amélioration de ces taux de couverture. Les professionnels attendent de l'État une vraie politique d'équipement de l'agriculture, ils souscrivent à l'idée de produire plus de valeur ajoutée avec la transformation des produits locaux. L'État doit accompagner la transformation agricole par la création d'une véritable chambre d'agriculture dotée de missions de développement en particulier par la formation...

Il faut développer la filière pour tendre vers l'autonomie alimentaire avec une alimentation, plus sûre, saine, et accessible. Cela prend tout son sens à Mayotte où l'alimentation est le premier poste de consommation des ménages.

Pour l'instant, elle ne peut être compétitive avec les produits d'importation compte tenu de notre insularité et notre taille. Il faut aussi revoir le circuit de distribution alimentaire qui comporte trop de taxes... Il semble que le territoire de Mayotte soit une zone test, il faudra donc en faire le bilan.

Nous arrivons au terme de cette table ronde, il me sera extrêmement difficile de faire une synthèse de tout ce qui a été dit : je retiens que les agriculteurs ont eu un comportement exemplaire, qu'ils ont su s'adapter aux réalités de la crise et innover en dépit d'absence de débouchés, des possibilités d'importations/exportations dont ils avaient besoin.

Je note également que vous avez tous insisté sur la question de la compétitivité, l'objectif de l'autosuffisance alimentaire a été évoqué par tout le monde avec une forte volonté de capitaliser à partir de toutes les expérimentations liées à la crise, ce que je trouve admirable.

Vous avez insisté sur la fragilité des exploitations et l'insuffisance du soutien. Les fonds européens ont été considérés comme insuffisants à ce stade et ne jouant pas suffisamment leur rôle. Vous avez exprimé le besoin de relancer les outils de production actuellement pénalisés faute de moyens.

Vous avez insisté sur la nécessité d'améliorer les conseils et l'accompagnement des agricultures de nos territoires au niveau de leur organisation. Par ailleurs, le prix n'est sans doute pas le seul élément déterminant du choix des consommateurs ultramarins en même temps que vous avez soulevé l'aspect négatif des marchés de dégagement.

J'ai noté également que la question des délais de paiement a été mentionnée ainsi que la demande d'une politique d'accompagnement local. Le dernier intervenant a aussi insisté sur le marché informel. Sur cette question nous avons interrogé l'ADIE, qui finance le microcrédit, et s'est engagée dans un processus d'aide et d'organisation du marché informel. L'objectif est de progressivement donner les conditions pour s'insérer dans le marché formel.

J'ai noté également que le niveau du Poséi n'est pas le même à Mayotte qu'ailleurs mais ce sont des questions qui se traitent au niveau européen, sur lesquelles nous sommes très vigilants.

En tant que parlementaires, nous nous efforçons de porter la voix des outre-mer. C'est parfois difficile de trouver une synthèse qui mette tout le monde d'accord mais nous faisons de notre mieux.

Si vous le voulez bien, je vais passer à la deuxième partie de notre audition qui concerne la pêche. Je vais donner la parole aux rapporteurs pour qu'ils posent leurs questions.

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