Intervention de Benoît Lombrière

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 4 juin 2020 : 1ère réunion
Étude sur l'urgence économique outre-mer à la suite de la crise du covid-19 — Table ronde sur l'agriculture et la pêche

Benoît Lombrière, délégué général adjoint d'EURODOM :

Monsieur le président, je vais être rapide. Quelques mots rapides, techniques, car l'essentiel a été dit par l'ensemble des organisations professionnelles. J'attire simplement l'attention sur le calendrier communautaire, dans le cadre de cette crise du Covid-19, chacun a mis sur le haut de la pile, l'urgence qu'il y a à rétablir la production locale et la renforcer.

Beaucoup de dispositifs communautaires, et accessoirement nationaux, permettent de soutenir cette production. Ils sont en cours de renégociation, à Bruxelles pour les dispositifs agricoles, à Paris pour ce qui concerne les fonds liés à la diversification les fonds du CIOM, et à la fois dans les régions et à Bruxelles pour les nouveaux FEAMP, les dispositifs de compensation des surcoûts qui s'appliquent à la pêche en outre-mer.

Le 18 juin prochain aura lieu un trilogue particulièrement important car il traite du budget de transition de la PAC. Une réforme de la PAC est en effet en cours ; la Commission a fait une proposition de budget transitoire sur lequel le Conseil et le Parlement européen se sont déjà exprimés et positionnés. Lors de ce trilogue, trois questions particulièrement importantes seront débattues pour la poursuite et le renforcement de la souveraineté alimentaire, particulièrement en matière agricole.

D'abord, sur le budget du Poséi qui était menacé de faire l'objet d'une baisse comparable à celle de la PAC, le précédent Commissaire à l'agriculture avait pris l'engagement de maintenir le budget à son niveau actuel, sous réserve que les co-législateurs le lui demandent. Pour le moment, la position française au Conseil est plutôt favorable sur le principe mais cette position n'a pas été formalisée. Si bien qu'à ce moment encore nous avons une légère incertitude.

Ensuite, pour favoriser l'élevage dans les DOM, le régime spécifique d'approvisionnement (RSA), permet de baisser le prix des céréales destinées à être transformées localement pour nourrir les bêtes. Actuellement, ce plafond est saturé, il n'y a pas vraiment de problème de budget, mais une limite a été mise en place et elle a été atteinte il y a 5 ou 6 ans. Nous devons relever cette limite pour atteindre la souveraineté alimentaire. Les autorités françaises ont une position plutôt ouverte mais doivent concrétiser cette position.

Enfin, un troisième instrument, qui est nouveau, concerne les cotisations interprofessionnelle étendue ou CIE (ils s'appelaient précédemment CVO ou cotisation volontaire obligatoire). Ils concernent plus particulièrement La Réunion mais ont vocation à s'appliquer le plus largement possible. Le principe de ces CVO visait à permettre que l'importation participe au financement du développement de la production locale et que l'on puisse taxer, prélever une cotisation sur l'ensemble des maillons de la filière : les importateurs, les distributeurs, les producteurs locaux, mais que l'ensemble de ces prélèvements soit consacré exclusivement au développement de la production locale. C'est donc une dérogation aux règles habituelles de l'Union européenne puisque cela s'apparente à une forme de protection de la production locale, d'entrave à la liberté de circulation dans l'espace communautaire. Il s'agit d'une taxe prélevée sur tous les acteurs mais ne bénéficiant qu'à une partie d'entre eux. Il faut donc une dérogation au Traité, assez lourde, que nous avons choisi de faire porter dans une modification du Poséi, en plein accord avec les autorités françaises.

La France n'a pas encore fait connaître sa position de manière complètement nette. Nous avons un accord de principe mais pas d'engagement formel pour pouvoir obtenir cette dérogation. Cela va être un changement très important du financement des filières de production. Cela permettra d'assurer toute une part de financement dont on connaît la rareté et apporter un relais stable et complémentaire.

Cela me permet de faire la transition avec les fonds du comité interministériel de l'outre-mer (CIOM), qui ne touchent que la diversification agricole, n'aident que l'agriculture vivrière. Ces fonds sont insuffisants depuis quelque temps.

Le Président de la République, lors de son déplacement à La Réunion, n'a pas annoncé 5 millions d'euros supplémentaires comme cela a été dit, mais il a annoncé le déplafonnement des aides du CIOM. Cela a été traduit par un besoin de financement par l'ODEADOM et les autorités de tutelle, sur lequel nous n'avons pas à revenir. C'est le rôle de l'autorité de paiement. Pour le moment, ces 5 millions d'euros ont un statut très incertain, cela risque de contrarier le développement de la production locale et la relocalisation des activités dans les DOM.

La ministre s'est engagée oralement à ce que ces 5 millions d'euros soient redéployés sur d'autres lignes budgétaires. Nous sommes inquiets pour ce financement additionnel qui doit par exemple être abondé par le ministère du travail et de la formation. Or, nous imaginons mal ce ministère donnant des fonds pour développer la production locale et aider pour la compensation des surcoûts.

Il serait peut-être utile de profiter des collectifs budgétaires qui vont arriver avant ou pendant l'été pour apporter une clarification. Ils doivent être véritablement budgétés dans les fonds pour la diversification agricole.

Sur la pêche, je voulais lancer une alerte sur les fonds du FEADER car ils sont en baisse. Concomitamment, l'État reprend toute la partie des aides qui avaient été décentralisées et concernent les aides au fonctionnement : je pense aux mesures agroenvironnementales (MAE), aux mesures qui viennent aider l'agriculture en haute montagne... Si bien qu'en reprenant ces financements, l'État risque de provoquer un deuxième effet de ciseaux sur le FEADER. Puisqu'il reprend en même temps que ces financements, il reprend aussi l'éco-financement.

Par exemple, à La Réunion, la baisse générale est de 11 % ; et dans l'hypothèse la plus défavorable, la baisse communautaire et la reprise nationale pourraient amener à une baisse de l'ensemble de l'enveloppe à 50 %. Compte tenu de la situation de l'agriculture et des besoins rappelés par l'ensemble des participants, notre objectif de négociation ne doit pas être d'obtenir au pire une baisse de 11 % mais le maintien de notre enveloppe FEADER dans les DOM à son niveau actuel.

Des efforts sont actuellement déployés de manière spectaculaire pour répondre aux besoins de structuration de la production locale. Nous avons vu ce qu'il se passerait si les éleveurs, les pêcheurs, les producteurs n'étaient pas là pendant la crise du Covid-19. Il est difficile de compter sur l'extérieur si l'intégralité de l'extérieur dépend de moyens aériens ou aéroportuaires, incertains. Nous devons consolider la production locale et prendre le maximum de parts de marché sur l'import. Cette production locale a montré sa capacité d'adaptation, d'inventivité et le courage de nos producteurs locaux qui ont fait au mieux compte tenu des problèmes de main-d'oeuvre et de débouchés.

Dernier point sur lequel je terminerai mon intervention, concernant la pêche, une double négociation est en cours : une renégociation générale sur le FEAMP avec l'enjeu de pouvoir continuer à verser des aides au fonctionnement spécifiques aux DOM (le plan de compensation des surcoûts).

Parallèlement, La Réunion a repris la compétence d'instruction déléguée du plan de compensation des surcoûts pour mettre en place la deuxième génération de ce dernier ; en reprenant les éléments perfectibles du plan de compensation précédent, au plus près du terrain. C'est vrai dans tous les DOM mais en particulier à La Réunion car cela se fait directement avec les régions.

Voilà pour rester simplement dans les grandes considérations du calendrier sans rentrer plus dans les détails. Je n'ai rien à ajouter à ce qui a été dit par les représentants, qui, par essence, sont légitimes pour porter leurs revendications.

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