Intervention de Florence Parly

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 12 mai 2020 : 1ère réunion
Audition de Mme Florence Parly ministre des armées sur la contamination du porte-avions charles de gaulle en téléconférence

Florence Parly, ministre :

Je pense que vous aurez l'occasion de questionner très en détail les chefs d'état-major concernés au sujet de la chaîne d'information et de décision. À ma demande, des propositions vont m'être faites pour améliorer la situation. Mais sachez que les problèmes de communication dont nous avons souffert concernent moins le commandement à bord que ce qui s'est passé à terre.

Les tests virologiques doivent être très largement utilisés. En revanche, les tests sérologiques, qui permettent de déterminer si un individu a été en contact avec le virus, ne disent rien sur la protection apportée par cette immunité. Or la réactivation ultérieure du virus ne peut pas être exclue. Nous devons donc rester très prudents.

Notre intérêt est de partager très largement nos expériences respectives avec les autres marines membres de l'IEI, ainsi qu'avec les pays membres de l'Union européenne. Nous ne l'avons pas encore fait, mais nous allons le faire.

Nous tirerons les enseignements de la crise sanitaire sur la LPM, dans le cadre de la clause d'actualisation, notamment s'agissant du service de santé des armées.

La presse a relayé des rumeurs selon lesquelles le commandant du porte-avions aurait demandé l'interruption de la mission. Ces rumeurs ont été démenties par le commandant lui-même, je ne peux pas mieux dire.

Pour répondre à certaines questions, qui s'apparentent d'ailleurs plus à des mises en cause, permettez-moi de rappeler que, s'agissant de l'escale de Brest, les chefs militaires auditionnés par votre commission ont dit ce qui devait être dit. Pour ma part, je le répète, j'ai demandé l'interruption de la mission du Charles-de-Gaulle et son retour immédiat à son port. Le reste relève de la politique-fiction. À cet égard, je suis très admirative des certitudes de Jean-Marc Todeschini quant aux décisions qui auraient été prises par ceux qui n'ont pas eu à les prendre concernant une situation à laquelle ils n'ont pas été confrontés. Nous sommes là, devant vous, pour vous dire ce que nous avons fait, compte tenu des connaissances qui étaient les nôtres au moment où nous avons pris ces décisions. Lorsque le Charles-de-Gaulle est revenu au port, le 12 avril, le pays était totalement confiné et nous étions en plan de continuité d'activité, avec un personnel extrêmement réduit : tout a été fait du mieux possible. Tout n'a peut-être pas été parfait, tout n'a peut-être pas été réussi, mais je m'étonne de votre aplomb pour affirmer qu'à notre place d'autres auraient tout bien fait.

Nous savons que nous allons devoir vivre longtemps avec ce virus. Cela va constituer une contrainte considérable, sur le fonctionnement du ministère des armées et sur chacun d'entre nous. J'attends des propositions d'organisation du chef d'état-major des armées dans quelques semaines, et nous aurons l'occasion d'en reparler.

La crise sanitaire a montré combien la menace NRBC est d'actualité. Souvenons-nous de l'intérêt porté à l'arme biologique par Al-Qaïda ou Daech ! En prenant mes fonctions de ministre, j'ai découvert que ce domaine avait été totalement abandonné : il est donc indispensable de remonter en puissance sur les NRBC. C'est un sujet que nous devrons réexaminer dans le cadre de la LPM.

Les différences de contamination entre la frégate de défense aérienne Chevalier Paul et le porte-avions Charles-de-Gaulle sont frappantes. L'enquête épidémiologique a établi que la contamination initiale au sein du Chevalier Paul avait été plus tardive. Elle aurait eu lieu soit au cours de l'escale de Portsmouth entre les 9 et 13 mars, soit au cours de celle de Brest entre les 14 et 16 mars - probablement au cours des transports à terre dans des bus communs avec l'équipage du Charles-de-Gaulle. Les premiers cas seraient apparus le 16 mars. Les deux bâtiments sont très différents, tant en termes de génération que d'ergonomie. Le Charles-de-Gaulle a été conçu dans les années 1980 et construit dans les années 1990 ; il accueille plus de 1 000 marins dans des chambrées de plus de dix et dans des dortoirs pouvant aller jusqu'à quarante. Quant au Chevalier Paul, il est plus récent : il a été construit au cours des années 2000 et a été admis au service actif en 2011 ; ses chambrées accueillent quatre marins au maximum. La promiscuité y est donc bien moindre, s'agissant à tout le moins des espaces de nuit. Cela a certainement permis de limiter la propagation du virus et de mieux contrôler l'épidémie.

Comme vous l'avez rappelé, la DGA a contribué à tester des centaines d'échantillons de textile, proposés spontanément par les industriels qui se sont fortement mobilisés, afin de permettre la création d'une filière française de production de masques grand public. Elle a également lancé un appel à projets, doté de 10 millions d'euros, afin de soutenir des solutions innovantes. Trois critères ont été examinés : l'impact sur la gestion de la crise, la crédibilité des déposants et le calendrier des premiers résultats. Un certain nombre de projets ont d'ores et déjà été financés. C'est ainsi que NG Biotech, une PME bretonne qui a mis au point un dépistage sanguin rapide, a été financée à hauteur de 1 million d'euros, et nous lui avons commandé des tests en masse. L'entreprise BforCure, qui développe un automate mobile pour effectuer le dépistage d'une infection au Covid-19 en moins de trente minutes, est également soutenue à hauteur de 1,8 million d'euros. Le projet de suivi des signes vitaux en services d'hospitalisation de l'hôpital d'instruction des armées de Sainte-Anne sera doté quant à lui de 100 000 euros. Et il y a des dizaines d'autres projets !

Le décret du 25 mars 2020 du ministre de la santé et des solidarités a autorisé l'utilisation de l'hydroxychloroquine en milieu hospitalier pour les patients atteints par le Covid-19. La pharmacie centrale des armées a donc procédé, après le 25 mars, à des achats de précaution de ce produit pharmaceutique dont on ne savait pas s'il allait donner des résultats. Il n'y a rien de plus à en dire.

Dans le cadre des opérations que nous menons au Sahel, nous combinons des informations qui proviennent des drones de surveillance et des images satellitaires. S'agissant des drones, nous avons recours aux capacités fournies par les États-Unis, mais nous nous dotons aussi de capacités propres, avec les drones Reaper. Quant aux images satellitaires, les États-Unis nous en fournissent très peu. Nous utilisons donc essentiellement des images nationales. C'est important pour cibler nos opérations qui s'appuient sur le renseignement.

Les prévisions d'évolution du PIB sont aujourd'hui beaucoup moins favorables que celles que nous avions prises en compte lors de la construction de la LPM. Nous avions fixé un objectif à 2 % en 2025, mais nous nous étions également engagés sur des montants, chiffrés en milliards d'euros, pour les années 2019 à 2023, avec une clause d'actualisation en 2021. L'objectif de 2 % du PIB pourrait être atteint plus rapidement que prévu. Les décisions ne sont pas encore prises, mais je ne pense pas que cela invalide la LPM. L'actualisation aura lieu dès l'an prochain. Toutes les analyses que nous avions conduites pour construire la LPM, en termes de menaces et de risques, sont aujourd'hui plutôt validées par la crise actuelle. Il m'appartient, dans le cadre des crédits budgétaires votés pour 2020, de répondre aux besoins des armées, tout en soutenant la relance de l'économie du pays, tout particulièrement dans le secteur de l'industrie de la défense. Nous disposons en effet du premier budget d'investissement de l'État : c'est une force que nous devons mettre au service de l'économie française et de nos entreprises de défense, qui sont fortement ancrées dans les territoires et dont les emplois sont peu délocalisables.

Les études sur le porte-avions de nouvelle génération ont été lancées et conduites selon le calendrier prévu. Nous serons prêts dans les prochaines semaines à en présenter les conclusions au Président de la République.

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