Au lendemain d'un 8 mai si particulier où nous avons fêté, en confinement, le soixante-quinzième anniversaire de la victoire sur le nazisme, l'ensemble des membres de notre commission souhaite rendre hommage à la mémoire des deux légionnaires du 1er régiment étranger de cavalerie qui ont payé de leur vie, au Mali, leur engagement pour notre sécurité, ainsi qu'à celle des deux militaires tués dans les Landes le 29 avril lors d'un accident d'hélicoptère. Depuis le 8 mai 2019, vingt-cinq militaires français ont trouvé la mort dans l'accomplissement de leur mission. Nous pensons aussi aux 31 000 soldats actuellement déployés en opération - dites-leur, madame la ministre, notre reconnaissance et notre fierté pour leur action.
Ce matin, nous parlerons d'abord de la contamination sur le porte-avions Charles-de-Gaulle, puisque vous avez souhaité, et je vous en remercie, nous présenter les conclusions des trois enquêtes diligentées. Au préalable, je dis ma sympathie à l'équipage et à la marine dans cette épreuve. Je me félicite que l'officier marinier qui était en réanimation en soit sorti - quelle excellente nouvelle !
Notre commission n'est aucunement une commission d'enquête : nous souhaitons pouvoir tirer toutes les conséquences des événements qui se sont produits. Trois séries de questions se posent concernant la gestion sanitaire à bord, la remontée des informations et l'aspect opérationnel.
Vous avez dit que le virus était monté à bord après l'escale à Limassol fin février, bien avant l'escale de Brest du 13 au 16 mars, qui n'a fait qu'accélérer les choses. Pourquoi les premières introductions du virus entre l'escale de Chypre et celle de Brest n'ont-elles pas été détectées ? Cela peut-il être imputé à un manque de vigilance ? Au départ de Brest, il semble qu'aucun test de Covid-19 n'était disponible à bord du porte-avions. Pourquoi ? Vous avez également parlé « d'excès de confiance » du commandement et des médecins dans la gestion du virus. Quelles conclusions devons-nous en tirer ?
Selon la lettre du commandant aux familles citée par la presse, l'augmentation du nombre de cas a été observée dès le samedi soir 4 avril ; or vous nous aviez dit n'avoir été prévenue, ainsi que la directrice centrale du service de santé des armées (SSA), que le 7 avril. Que s'est-il passé entre le 4 et le 7 avril ? Vous avez parlé hier d'un défaut de transmission d'informations, de remontées d'informations en « silos » qui ne prenaient pas toujours les mêmes circuits. Quelles conséquences allez-vous en tirer ?
Je salue le succès de la mission Foch, mais la mise à l'arrêt provisoire du porte-avions crée un trou stratégique. Le retour à la mer du Charles-de-Gaulle est-il toujours envisagé pour le mois de juin ?
Enfin, en ce qui concerne les tests, qui constituent un outil important qui ne règle toutefois pas tous les problèmes, je vous rappelle notre demande de tester systématiquement tout équipage avant appareillage et tout militaire avant projection en opération. J'espère que vous allez nous annoncer ce matin que vous allez le faire. Vous avez dit hier que cela serait développé ; ce que nous demandons, c'est que ce soit systématisé pour les opérations, même si nous connaissons les doutes qui existent sur la fiabilité de ces tests. Vous avez dit qu'il fallait des machines pour neutraliser les mouvements du bateau et fiabiliser les tests PCR. Que pouvez-vous nous en dire à ce stade ?
S'il nous reste du temps, je souhaiterais faire un point sur les opérations, notamment au regard des événements au Sahel.
Je voudrais, avec Geneviève Darrieussecq, m'associer à la pensée que vous avez eue pour l'infirmier en soins généraux de deuxième grade Quentin Le Dillau et le sergent-chef Pierre Pougin de la base aérienne de Cazaux, qui ont perdu la vie à l'entraînement, et pour le brigadier-chef Dmytro Martynyouk et le brigadier Kévin Clément, qui sont morts pour la France au Mali. N'oublions jamais que chaque jour qui passe nos militaires sont engagés pour la protection des Français au péril de leur vie.
Avant de vous présenter les conclusions des enquêtes relatives à l'épidémie qui est survenue à bord du porte-avions Charles-de-Gaulle, je voudrais vous confirmer les bonnes nouvelles relatives aux marins du groupe aéronaval : tous sont désormais guéris, à l'exception de l'un d'entre eux qui est toujours hospitalisé, même s'il est sorti de réanimation le 7 mai. C'est un immense soulagement pour nous tous.
En ce qui concerne le bilan de ces événements, les enquêtes dont j'ai reçu les conclusions en fin de semaine dernière ont révélé trois observations particulièrement saillantes.
Première observation : l'enquête épidémiologique montre que le virus était présent à bord du porte-avions avant l'escale de Brest. Permettez-moi de rappeler, pour la clarté de mon propos, le calendrier de ce déploiement.
Le 21 janvier 2020, le groupe aéronaval - 2 300 marins, dont 1 760 à bord du porte-avions - appareille de Toulon ; à cette période, les premiers cas se déclarent hors de Chine, mais aucun n'est encore détecté en France. Ce n'est que dix jours plus tard que le Gouvernement rapatrie les ressortissants français de Wuhan. Entre le 29 janvier et le 20 février, le groupe aéronaval participe au Levant à l'opération Chammal. Après cet engagement, il effectue une première escale de six jours, du 21 au 26 février, au port de Limassol à Chypre, puis il reprend la mer.
En mer, plusieurs mouvements aériens ont eu lieu pour amener du personnel en renfort ou en relève. Ces mouvements ont été opérés depuis Chypre, la Sicile, les Baléares, l'Espagne continentale et le Portugal. En mer, comme à quai, de tels mouvements liés au renfort, à la relève ou au retour de personnels après absence ou encore à l'acheminement de matériel sont fréquents. C'est à l'occasion de l'un de ces mouvements en mer, donc après l'escale à Chypre et avant celle à Brest du 13 au 16 mars, que l'enquête épidémiologique situe une première introduction du virus. L'enquête révèle aussi que le virus a été réintroduit à l'occasion de l'escale de Brest entre le 13 et le 16 mars, et ce malgré les précautions qui avaient été prises pour l'éviter.
Je voudrais de nouveau insister sur la particularité d'un navire de guerre comme le porte-avions Charles-de-Gaulle : environ 1 800 marins évoluent à bord de ce bâtiment qui mesure 261 mètres de long ; plus de 1 000 d'entre eux vivent à dix ou plus par chambre, parfois jusqu'à quarante en dortoir. Ces marins travaillent dans des espaces contraints, où des équipes différentes se relaient afin d'assurer une permanence vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Les voies de circulation, les escaliers et les couloirs sont étroits - l'espace est un luxe. C'est une réalité qu'il faut avoir à l'esprit pour comprendre l'ampleur de la propagation du virus à bord.
Deuxième observation : dès mi-février et pendant la suite de la mission, le commandement et les médecins à bord ont pris des mesures pour faire face à la menace du virus. Ils ont constamment veillé à prévenir ce risque sur la base des informations, dont nous disposions à l'époque, notamment au niveau national. Le porte-avions a reçu des directives à cet égard pour empêcher l'introduction du virus dès la mi-février. Le commandement était par ailleurs confiant dans sa capacité à isoler, traiter et évacuer au besoin les marins malades, en s'appuyant sur le retour d'expérience de l'épidémie de H1N1 qui avait été surmontée en 2009 sans interrompre l'activité opérationnelle du porte-avions.
Nous avons cependant constaté à nos dépens que ce coronavirus n'est pas la grippe H1N1. Les signaux faibles de la présence du virus à bord n'ont malheureusement pas été identifiés à temps. Le virus a circulé parmi une population jeune, en bonne santé et entraînée, et les symptômes qui ont été développés par quelques marins ont été interprétés comme étant des états grippaux, dont l'occurrence à bord en cette saison demeurait à des niveaux tout à fait standards. Le seul cas qui a fait naître un doute a fait l'objet d'un scanner pulmonaire le 21 mars, qui a été envoyé pour interprétation à l'hôpital d'instruction des armées de Percy ; il s'est avéré négatif.
Troisième observation : les fortes mesures de confinement décidées à la suite de l'escale de Brest ont été efficaces, mais elles ont distendu les liens au sein de l'équipage et ont nui à la motivation. Lorsque le porte-avions quitte Brest le 16 mars, le Président de la République s'apprête à annoncer le confinement du pays. Pour leur part, les marins du porte-avions vivent, avec un peu moins de vingt-quatre heures d'avance sur les Français, un confinement adapté aux conditions permises par le porte-avions : les mouvements de personnel sont strictement interdits ; les activités collectives sont suspendues ou adaptées, comme les repas ; la fréquence de nettoyage des points de contact augmente.
L'enquête épidémiologique montre que ces mesures ont été efficaces et qu'elles ont considérablement ralenti la propagation du virus. Cependant, elles ont beaucoup pesé sur les liens de commandement et sur le moral de l'équipage. En ce début de confinement national, les membres de l'équipage sont en effet inquiets de la façon dont leurs familles le vivent à terre et ils sont sensibles à la différence de perception entre une France à l'arrêt et une mission qui continue.
J'en viens à l'analyse de la crise qui a eu lieu à bord du porte-avions.
Je veux en toute humilité partager avec vous les erreurs qui ont été commises. Je voudrais d'entrée de jeu clarifier une chose : des erreurs ont bien été commises, mais les inspections n'ont pas constaté de faute. Nous relevons ces erreurs aujourd'hui avec les connaissances que nous avons acquises entre-temps. Lorsque le commandement a eu à prendre des décisions, il l'a fait au regard des informations dont il disposait et en prenant le conseil des médecins du bord. Il a toujours eu le souci de la santé de son équipage - je voudrais vraiment que vous reteniez ce point.
La première erreur est l'assouplissement des mesures de distanciation qui avaient permis de contenir le virus. Au terme de ce confinement collectif et en l'absence de cas identifiés, le commandement a pris la décision, le 30 mars, d'assouplir les mesures de distanciation stricte qui avaient été instaurées : des briefings sont par exemple rétablis, ainsi que des occasions communes d'échange entre les cadres et leurs subordonnés ; le sport est à nouveau autorisé ; un concert du groupe amateur du bord est organisé le 30 mars au soir dans le hangar du porte-avions pour favoriser à nouveau la cohésion et l'esprit d'équipage - je précise naturellement que les mesures de distanciation étaient respectées.
Cette décision a été provoquée par la baisse de moral de l'équipage et ses conséquences sur la mission, ainsi que par un excès de confiance du commandant et de son service médical sur leur capacité à maîtriser la situation. Aucun cas n'avait été détecté au terme d'un confinement collectif jugé comme strict. Le commandement et les médecins du bord ont donc conclu, à tort, que le virus n'était pas présent à bord. Les mesures d'assouplissement ont accéléré la propagation du virus.
Le 5 avril, un marin qui avait été débarqué au Danemark le 30 mars a informé le commandement du porte-avions qu'il avait été testé positif. Ce même jour, une augmentation du nombre de personnes fréquentant l'infirmerie du bord est constatée. Le doute autour de la possible circulation du virus à bord s'installe et conduit à rétablir le jour même, 5 avril, les mesures de confinement. À cette date, l'épidémie devient importante. La rapidité de la propagation de la maladie a surpris, à commencer par le commandement du navire. Jusqu'à 85 marins ont été mis en isolement à l'avant du navire pour protéger les autres, ce qui, dans ce contexte, n'a pas été bien vécu. Les marins contagieux ont en effet été regroupés dans les tranches avant du navire dans des conditions initialement précaires, mais la situation a été reprise en main dans les quarante-huit heures qui ont suivi.
L'arrivée à Toulon le 12 avril a également été un moment difficile. Je tiens à saluer l'effort hors norme réalisé par le service de santé des armées et par les autorités locales de Toulon, ainsi que la solidarité de tous les marins toulonnais et de leurs familles envers ceux du Charles-de-Gaulle pour faire face à cette situation exceptionnelle.
La deuxième erreur est aussi un enseignement pour notre organisation. Les enquêtes ont en effet identifié des défauts de coordination et de partage de l'information à différents niveaux de la chaîne de commandement. L'exemple le plus parlant de ces dysfonctionnements est que le chef d'état-major des armées et moi-même n'avons été prévenus que le 7 avril dans l'après-midi de la situation sanitaire qui prévalait à bord du porte-avions.
S'il y a eu des erreurs, je voudrais aussi souligner les bons réflexes et les décisions judicieuses qui ont été prises dans la gestion de cette crise. La décision de rétablir des mesures de confinement adaptées dès le 5 avril au soir comme celle d'évacuer tout de suite les cas les plus vulnérables - trois marins le 6 avril - et les plus atteints - trois marins le 9 avril - ont vraisemblablement sauvé des vies, tout comme la prise en charge en enceinte militaire au retour à Toulon.
J'en viens au retour d'expérience et aux leçons que nous devons tirer de cette épreuve.
Nous devons d'abord tirer les leçons en interne. La plus importante est que nous devons mieux partager l'information pour une meilleure fluidité et surtout croiser les regards dans la remontée de cette information. Sur ce point, j'attends du chef d'état-major des armées des propositions pour l'ensemble du ministère, car cette leçon est valable pour tous. Je souhaite limiter le risque que ce qui s'est passé se reproduise.
Nous devons ensuite tirer les conséquences de cet événement en termes de communication vis-à-vis des équipages et de leurs familles. Nous devons mieux communiquer, en nous appuyant sur une information détaillée et pédagogique. Aujourd'hui, la priorité est de communiquer aux marins et à leurs familles les conclusions que nous tirons de cette épreuve inédite et de leur montrer comment notre organisation s'adapte et va continuer de s'adapter pour garantir la sécurité sanitaire pendant les opérations.
Il y a ensuite des leçons d'ordre sanitaire et l'intérêt scientifique à en retirer. L'enquête épidémiologique conduite par le centre d'épidémiologie et de santé publique du service de santé des armées est éclairante et utile pour améliorer la connaissance que nous avons de ce virus. J'ai décidé que cette enquête serait rendue entièrement accessible et qu'elle serait partagée avec la communauté scientifique.
Cette enquête nous a permis d'approfondir nos procédures de lutte contre la propagation du virus dans le cadre de nos opérations et de la préparation opérationnelle, ainsi que dans les unités. Les tests PCR ont des limites que l'enquête épidémiologique a permis de cerner, mais ils constituent un outil fondamental que nous allons utiliser largement, en complément de la surveillance médicale et des quatorzaines. C'est ce qui figure dans la stratégie sanitaire que nous avons décidé de mettre en place au sein du ministère.
S'agissant du départ en opération extérieure (OPEX), nous veillerons, en complément des quatorzaines et en tenant compte des règles imposées par les pays de destination, à ce que l'autorité médicale utilise les tests virologiques, ainsi que les tests sérologiques, lorsqu'ils seront au point.
Pour le retour d'OPEX, les règles générales applicables aux Français qui rentrent de l'étranger dans le cadre de l'urgence sanitaire seront mises en oeuvre, c'est-à-dire une mise en quatorzaine.
Je veux que chacun ait l'assurance que toutes les mesures utiles pour la santé de nos militaires en opération ou en mission seront mises en oeuvre. En ce qui concerne les tests, nous savons - je le répète, c'est l'un des enseignements de l'expérience que nous avons vécue avec le porte-avions Charles-de-Gaulle - qu'ils ne constituent pas une garantie absolue d'absence du virus, mais ils permettent d'en réduire le risque. C'est pourquoi le service de santé des armées s'équipe de moyens importants.
Toutes ces leçons sont des avancées qui seront utiles pour l'ensemble des bâtiments de la marine nationale comme pour ceux de la marine civile, ainsi que pour les autres unités de nos armées. Nous partagerons également l'ensemble de ces retours d'expérience avec nos partenaires étrangers. J'ai d'ailleurs commencé à le faire lors d'une audioconférence avec mes homologues membres de l'initiative européenne d'intervention (IEI) la semaine dernière.
Voilà ce que je peux vous dire des enquêtes concernant le Charles-de-Gaulle, dont les conclusions seront mises en ligne aujourd'hui à l'issue de cette audition. Je voudrais vous dire désormais quelques mots de nos opérations.
L'opération Résilience compte aujourd'hui plus de 4 000 militaires engagés partout en France. Nous sommes sur le point de renforcer notre soutien outre-mer : dix lits de réanimation, qui constituent l'un des sous-ensembles de l'hôpital de campagne qui avait été déployé à Mulhouse et qui est en cours de démontage, seront déployés d'ici à la fin du mois à l'hôpital de Mayotte.
Au Sahel, en dépit de la crise sanitaire, les opérations conjointes se poursuivent à un rythme soutenu et confirment la solidité des engagements pris à Pau en janvier dernier. C'était tout l'enjeu de la coalition pour le Sahel qui a été officiellement lancée le 28 avril. J'ai pu apprécier le volontarisme de nos partenaires le 27 avril dernier lors de la visioconférence organisée avec les ministres des affaires étrangères et de la défense des pays du G5 Sahel que Jean-Yves Le Drian et moi-même avons présidée. Nos partenaires sont mobilisés et ils sont déterminés à restaurer l'État et à harceler et combattre les terroristes. C'est exactement ce qui se passe en ce moment dans la région des trois frontières, où les terroristes sont durement et régulièrement frappés. C'est d'ailleurs au cours de l'une de ces opérations de harcèlement et d'élimination des terroristes que sont tombés le brigadier-chef Dmytro Martynyouk et le brigadier Kévin Clément. Je voudrais aussi souligner le comportement des soldats de la force conjointe du G5 qui combattent à nos côtés, qui progressent et qui font face aux assauts. Nous préparons désormais le sommet de Nouakchott, qui devrait se tenir fin juin ; il permettra de faire un bilan et de mettre en valeur les succès engrangés depuis le mois de janvier.
Au lendemain du jour qui a marqué la reprise progressive de l'activité dans l'ensemble de notre pays, je voudrais vous dire que le ministère des armées s'est activement préparé à cette nouvelle étape avec deux priorités : la santé de nos militaires, de nos agents et de leur famille ainsi que la poursuite de nos missions au service de la protection des Français.
Je vous remercie pour la franchise et la clarté de vos propos. Nous devons tirer tous les enseignements de cette affaire pour éviter qu'une telle situation ne se reproduise à l'avenir. Je note avec une grande satisfaction que vous allez procéder à des tests de manière systématique - c'est la position que j'avais exprimée au nom de notre commission. Nous serons à vos côtés pour veiller à ce que vous ayez les moyens nécessaires de réaliser cette campagne de tests.
Au nom de mon groupe, j'adresse toute notre reconnaissance et notre soutien aux militaires, à leurs familles et à tous ceux qui ont été malades, en particulier au marin qui est toujours hospitalisé. Nos pensées vont également aux familles des quatre soldats décédés à l'entraînement et au combat - leur mémoire doit être honorée.
Vous avez présenté hier à l'Assemblée nationale les conclusions de la double enquête épidémiologique et de commandement. Les parlementaires ne souhaitent pas faire peser une responsabilité indue sur ceux qui, courageusement, poursuivent leur mission en toutes circonstances, y compris dans ce contexte de pandémie. Vous avez insisté sur l'importance de l'état des connaissances dont disposait le commandement à l'égard du virus au mois de mars et mentionné que le retour d'expérience du H1N1 de 2003 avait été source d'erreurs dans cette crise. Vous avez aussi souligné le retard dans la remontée de l'information jusqu'au 6 avril.
Ma première question concerne la chaîne d'information et de décision. Connaissant les impératifs inhérents à la vie en mer, la limitation des moyens, la promiscuité des personnels et les besoins de confiance des équipages, ne pensez-vous pas qu'il faudrait modifier le déclenchement des différents plans - Pandémie ou Blanc - et établir de nouveaux processus de transmission et d'information entre votre niveau et les troupes ?
Ma deuxième question concerne l'interopérabilité avec nos alliés en temps de pandémie. Vous avez dit avoir eu un échange avec vos homologues de l'initiative européenne d'intervention : quelle est leur position sur les tests PCR en mission ?
L'enquête épidémiologique semble démontrer que les contaminations se sont faites en mer lors de l'échange de matériel et de l'arrivée de personnels. Du fait de la promiscuité de la vie à bord, les tests sérologiques ne devraient-ils pas être obligatoires pour tous les personnels de la marine avant qu'ils n'embarquent ? Je rappelle que notre groupe soutient activement la position de la commission sur le caractère systématique et obligatoire des tests PCR avant les départs en OPEX.
Je souhaiterais également savoir si la révision de la loi de programmation militaire (LPM) bénéficiera des retours d'expérience sur le Covid-19, notamment pour le service de santé des armées.
Au nom de mon groupe, je voudrais m'associer à l'hommage rendu aux soldats décédés au Mali.
J'ai écouté hier votre audition à l'Assemblée nationale. J'ai aussi écouté le chef d'état-major des armées, qui a indiqué le 19 avril que la question de savoir si la mission Foch devait être maintenue s'est posée à partir du début du mois de mars. La décision de la poursuivre aurait été prise par le commandement de la marine et lui-même. Par ailleurs, la presse, par la voix de l'Association des journalistes de défense, s'est plainte d'avoir été maltraitée dans cette affaire comme jamais auparavant et s'est fait l'écho d'une demande du pacha du Charles-de-Gaulle de regagner son port d'attache mi-mars. Tout cela serait resté au niveau militaire.
Nous ne voulons surtout pas remettre en cause votre parole ni celle du chef d'état-major des armées, mais je me permets tout de même de faire état de mon étonnement qu'une telle décision ne soit pas remontée au niveau politique, alors que le Charles-de-Gaulle est considéré comme le fleuron de nos capacités de défense, que le chef d'état-major particulier du Président de la République est l'ancien patron de la marine et que votre chef de cabinet militaire est vice-amiral d'escadre. Je ne comprends vraiment pas comment le politique a pu être laissé ainsi de côté.
Vous évoquez souvent les gouvernements précédents pour justifier les manques de moyens. Ayant vécu cela de près comme secrétaire d'État auprès du ministre de la défense, permettez-moi de vous dire que, sous le quinquennat précédent, ce type d'information serait immédiatement remonté à l'échelon politique, au moins au niveau des cabinets. Le général de Villiers en aurait averti à coup sûr le général Puga, chef d'état-major particulier de François Hollande.
Le chef d'état-major et la chaîne militaire ayant endossé toute la responsabilité, il n'est pas question pour moi de remettre en cause votre parole. Je ne peux que constater que, comme dans beaucoup d'autres dossiers, votre gouvernement fait peut-être preuve d'un excès de confiance. Vous reconnaissez des erreurs dans la prise en compte de ce virus, mais cette reconnaissance fait essentiellement porter la responsabilité sur le commandement.
Vous dites que vous voulez rétablir la confiance, et j'ai bien compris que vous attendez des propositions du chef d'état-major des armées. Pour autant, les enquêtes semblent démontrer un défaut d'organisation, notamment en matière de circulation de l'information. Afin que cette audition ne reste pas un simple exercice de communication, pouvez-vous nous dire quelles transformations organisationnelles vous allez engager pour améliorer cette circulation de l'information au sein du ministère des armées et de la chaîne de commandement ?
Vous avez aussi pointé du doigt l'ancienneté du Charles-de-Gaulle, inadapté aux conditions d'une crise sanitaire. Va-t-il subir des transformations afin de l'adapter aux problématiques actuelles et parer à d'éventuelles futures crises ? Quelles sont vos préconisations ? Quel plan allez-vous mettre en oeuvre et selon quel calendrier ? Dans quelle mesure cette épidémie en plein coeur du fleuron de notre défense a-t-elle mis notre pays en situation de faiblesse face à une menace extérieure ? Désormais, chacun sait qu'un virus sur le Charles-de-Gaulle diminue notre potentiel défensif. Cet épisode ne risque-t-il pas d'avoir servi de répétition générale pour une attaque ciblée par un virus ?
De manière plus large, quelles leçons tirez-vous des observations et recommandations des enquêtes menées en vue de la conception du porte-avions de nouvelle génération ? Quel sera l'impact de la crise sanitaire sur ce projet et, plus généralement, sur notre industrie navale de défense ?
Quelles conséquences cette crise aura-t-elle pour la poursuite des opérations de nature navale et dans quelles conditions sont-elles envisagées ? Je pense par exemple à la mise à l'eau et aux premiers essais en mer du Suffren fin avril ou à la participation, depuis fin avril également, de la frégate Jean Bart à l'opération Irini au large de la Libye.
Jean-Marie Bockel et moi-même avons présenté une communication sur le service national universel (SNU). Lors de votre audition à l'Assemblée nationale, vous avez évoqué la question du lien armée-Nation et l'impact des actions menées par nos armées lors de cette crise sur le service national universel. Pourriez-vous préciser votre pensée, dans la mesure où le SNU ne relève pas de votre ministère ?
Je tiens aussi à vous remercier, au nom de mon groupe, pour votre mobilisation et celle des armées aux côtés de nos concitoyens pendant la crise. Cette mobilisation va se poursuivre - vous avez notamment évoqué le redéploiement de lits de réanimation à Mayotte. Ces différentes actions ont été décisives et efficaces.
Je me joins aussi à l'hommage rendu à nos deux légionnaires morts en opération, dont les noms viennent s'ajouter à une liste malheureusement beaucoup trop longue.
À propos de la contamination sur le Charles-de-Gaulle et à la lumière des premiers résultats des enquêtes, avez-vous déjà en tête des pistes de réforme pour améliorer les procédures sanitaires d'urgence actuellement en vigueur dans nos armées ? Dans l'hypothèse de la construction d'un nouveau porte-avions, prendrez-vous en compte le risque d'une épidémie d'ampleur similaire à celle que nous venons de subir ?
À propos des foyers de dissémination de l'épidémie en France et après la polémique relative à la base de Creil, les jeux des athlètes militaires qui ont eu lieu à Wuhan sont désormais pointés du doigt. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ? Une enquête est-elle en cours ? Des tests ont-ils eu lieu ? Pouvons-nous affirmer que les jeux de Wuhan n'ont rien à voir avec la contamination ?
Je vous remercie de votre intervention et d'avoir reconnu les erreurs qui ont été commises dans un contexte difficile. Cela pourra servir d'exemple à l'avenir.
Les marins de la frégate Chevalier Paul ont été nettement moins touchés par le virus que ceux du porte-avions Charles-de-Gaulle, alors que les deux bâtiments naviguaient dans le même groupe aéronaval. Quelles raisons peuvent expliquer cet écart important ? Les enquêtes qui ont été menées et les résultats obtenus ont-ils déjà eu des conséquences sur le fonctionnement d'autres bâtiments ? Je pense notamment aux porte-hélicoptères Dixmude et Mistral, qui sont actuellement déployés outre-mer pour lutter contre le Covid-19.
Je souhaite également, au nom de mon groupe, rendre hommage à nos soldats.
La direction générale de l'armement (DGA) a été mobilisée au service de la lutte contre le virus via son établissement de Vert-le-Petit spécialisé dans les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC), qui devait notamment tester les masques à usage non médical. Quelle est l'ampleur de l'aide fournie par cet établissement ? Où en sont les chantiers soutenus par l'Agence de l'innovation de défense, notamment en matière de fourniture de tests ?
Par ailleurs, pouvez-vous nous donner des précisions quant à la polémique sur la supposée constitution par l'armée d'un stock préventif d'hydroxychloroquine, au cas où l'efficacité du traitement prôné par le professeur Raoult aurait été validée ? Comment ont été soignés les marins contaminés sur le porte-avions Charles-de-Gaulle ?
Enfin, vous avez évoqué la solidarité de l'alliance au sein du G5. Pouvez-vous nous donner des précisions sur les relations avec les États-Unis en matière de couverture satellitaire et d'utilisation des drones, qui sont indispensables dans notre combat ?
Je m'associe à l'hommage rendu à nos militaires récemment morts pour la France.
Je suis également soulagée de vous entendre dire que tous les marins contaminés par le Covid-19 sont guéris, à l'exception de l'un d'entre eux, dont la situation s'est néanmoins améliorée. Il me semble que ces difficultés ont été finalement bien gérées.
Vous vous étiez engagée à rendre publiques les conclusions des enquêtes ; je vous remercie de l'avoir fait, ainsi que de la clarté de vos propos. Vous avez parlé d'excès de confiance ; la formule est certainement juste. Cependant, je m'interroge sur le fait que certaines informations ne soient pas remontées, alors que le ministère des armées est réputé comme étant particulièrement structuré et rigoureux. Comment entendez-vous remédier à ces difficultés ?
Vous savez que je porte une attention particulière au service de santé des armées. Quel a été son rôle exact dans ce dossier ? A-t-il donné un avis au service médical ou au commandement du Charles-de-Gaulle ?
Enfin, vous avez rappelé les difficultés d'appliquer les gestes barrières sur un bâtiment comme le Charles-de-Gaulle - étroitesse des couloirs, promiscuité, etc. Comment pensez-vous les faire appliquer lorsque le bâtiment repartira en mission ? Avoir moins de marins à bord apporterait-il une solution à ce problème ?
Je me permets de relayer la question de Jean-Marie Bockel, qui s'interroge également sur le rôle du SSA dans le dispositif d'ensemble, notamment en termes de conseil.
Je salue à mon tour la mémoire des deux militaires morts récemment en exercice en France et celle des deux légionnaires morts en mission au Mali.
Vous avez présenté, quelques mois après votre entrée en fonctions, un projet de loi qui fixait une nouvelle programmation militaire. Le résultat de nos travaux sur cette LPM a été satisfaisant, puisque nous avons pu porter l'objectif budgétaire à 2 % du PIB en 2025, avec une hausse de 1,7 milliard d'euros par an du budget des armées jusqu'en 2022. Or, selon les estimations européennes, le PIB de la France devrait baisser de 8,2 % en 2020. Quelles sont les conséquences de cette estimation sur l'objectif des 2 %, puisqu'il est exprimé en fonction du PIB ? De manière générale, quelles sont les conséquences de la crise liée à ce coronavirus sur les équipements des armées, en particulier sur le futur porte-avions ?
Je pense que vous aurez l'occasion de questionner très en détail les chefs d'état-major concernés au sujet de la chaîne d'information et de décision. À ma demande, des propositions vont m'être faites pour améliorer la situation. Mais sachez que les problèmes de communication dont nous avons souffert concernent moins le commandement à bord que ce qui s'est passé à terre.
Les tests virologiques doivent être très largement utilisés. En revanche, les tests sérologiques, qui permettent de déterminer si un individu a été en contact avec le virus, ne disent rien sur la protection apportée par cette immunité. Or la réactivation ultérieure du virus ne peut pas être exclue. Nous devons donc rester très prudents.
Notre intérêt est de partager très largement nos expériences respectives avec les autres marines membres de l'IEI, ainsi qu'avec les pays membres de l'Union européenne. Nous ne l'avons pas encore fait, mais nous allons le faire.
Nous tirerons les enseignements de la crise sanitaire sur la LPM, dans le cadre de la clause d'actualisation, notamment s'agissant du service de santé des armées.
La presse a relayé des rumeurs selon lesquelles le commandant du porte-avions aurait demandé l'interruption de la mission. Ces rumeurs ont été démenties par le commandant lui-même, je ne peux pas mieux dire.
Pour répondre à certaines questions, qui s'apparentent d'ailleurs plus à des mises en cause, permettez-moi de rappeler que, s'agissant de l'escale de Brest, les chefs militaires auditionnés par votre commission ont dit ce qui devait être dit. Pour ma part, je le répète, j'ai demandé l'interruption de la mission du Charles-de-Gaulle et son retour immédiat à son port. Le reste relève de la politique-fiction. À cet égard, je suis très admirative des certitudes de Jean-Marc Todeschini quant aux décisions qui auraient été prises par ceux qui n'ont pas eu à les prendre concernant une situation à laquelle ils n'ont pas été confrontés. Nous sommes là, devant vous, pour vous dire ce que nous avons fait, compte tenu des connaissances qui étaient les nôtres au moment où nous avons pris ces décisions. Lorsque le Charles-de-Gaulle est revenu au port, le 12 avril, le pays était totalement confiné et nous étions en plan de continuité d'activité, avec un personnel extrêmement réduit : tout a été fait du mieux possible. Tout n'a peut-être pas été parfait, tout n'a peut-être pas été réussi, mais je m'étonne de votre aplomb pour affirmer qu'à notre place d'autres auraient tout bien fait.
Nous savons que nous allons devoir vivre longtemps avec ce virus. Cela va constituer une contrainte considérable, sur le fonctionnement du ministère des armées et sur chacun d'entre nous. J'attends des propositions d'organisation du chef d'état-major des armées dans quelques semaines, et nous aurons l'occasion d'en reparler.
La crise sanitaire a montré combien la menace NRBC est d'actualité. Souvenons-nous de l'intérêt porté à l'arme biologique par Al-Qaïda ou Daech ! En prenant mes fonctions de ministre, j'ai découvert que ce domaine avait été totalement abandonné : il est donc indispensable de remonter en puissance sur les NRBC. C'est un sujet que nous devrons réexaminer dans le cadre de la LPM.
Les différences de contamination entre la frégate de défense aérienne Chevalier Paul et le porte-avions Charles-de-Gaulle sont frappantes. L'enquête épidémiologique a établi que la contamination initiale au sein du Chevalier Paul avait été plus tardive. Elle aurait eu lieu soit au cours de l'escale de Portsmouth entre les 9 et 13 mars, soit au cours de celle de Brest entre les 14 et 16 mars - probablement au cours des transports à terre dans des bus communs avec l'équipage du Charles-de-Gaulle. Les premiers cas seraient apparus le 16 mars. Les deux bâtiments sont très différents, tant en termes de génération que d'ergonomie. Le Charles-de-Gaulle a été conçu dans les années 1980 et construit dans les années 1990 ; il accueille plus de 1 000 marins dans des chambrées de plus de dix et dans des dortoirs pouvant aller jusqu'à quarante. Quant au Chevalier Paul, il est plus récent : il a été construit au cours des années 2000 et a été admis au service actif en 2011 ; ses chambrées accueillent quatre marins au maximum. La promiscuité y est donc bien moindre, s'agissant à tout le moins des espaces de nuit. Cela a certainement permis de limiter la propagation du virus et de mieux contrôler l'épidémie.
Comme vous l'avez rappelé, la DGA a contribué à tester des centaines d'échantillons de textile, proposés spontanément par les industriels qui se sont fortement mobilisés, afin de permettre la création d'une filière française de production de masques grand public. Elle a également lancé un appel à projets, doté de 10 millions d'euros, afin de soutenir des solutions innovantes. Trois critères ont été examinés : l'impact sur la gestion de la crise, la crédibilité des déposants et le calendrier des premiers résultats. Un certain nombre de projets ont d'ores et déjà été financés. C'est ainsi que NG Biotech, une PME bretonne qui a mis au point un dépistage sanguin rapide, a été financée à hauteur de 1 million d'euros, et nous lui avons commandé des tests en masse. L'entreprise BforCure, qui développe un automate mobile pour effectuer le dépistage d'une infection au Covid-19 en moins de trente minutes, est également soutenue à hauteur de 1,8 million d'euros. Le projet de suivi des signes vitaux en services d'hospitalisation de l'hôpital d'instruction des armées de Sainte-Anne sera doté quant à lui de 100 000 euros. Et il y a des dizaines d'autres projets !
Le décret du 25 mars 2020 du ministre de la santé et des solidarités a autorisé l'utilisation de l'hydroxychloroquine en milieu hospitalier pour les patients atteints par le Covid-19. La pharmacie centrale des armées a donc procédé, après le 25 mars, à des achats de précaution de ce produit pharmaceutique dont on ne savait pas s'il allait donner des résultats. Il n'y a rien de plus à en dire.
Dans le cadre des opérations que nous menons au Sahel, nous combinons des informations qui proviennent des drones de surveillance et des images satellitaires. S'agissant des drones, nous avons recours aux capacités fournies par les États-Unis, mais nous nous dotons aussi de capacités propres, avec les drones Reaper. Quant aux images satellitaires, les États-Unis nous en fournissent très peu. Nous utilisons donc essentiellement des images nationales. C'est important pour cibler nos opérations qui s'appuient sur le renseignement.
Les prévisions d'évolution du PIB sont aujourd'hui beaucoup moins favorables que celles que nous avions prises en compte lors de la construction de la LPM. Nous avions fixé un objectif à 2 % en 2025, mais nous nous étions également engagés sur des montants, chiffrés en milliards d'euros, pour les années 2019 à 2023, avec une clause d'actualisation en 2021. L'objectif de 2 % du PIB pourrait être atteint plus rapidement que prévu. Les décisions ne sont pas encore prises, mais je ne pense pas que cela invalide la LPM. L'actualisation aura lieu dès l'an prochain. Toutes les analyses que nous avions conduites pour construire la LPM, en termes de menaces et de risques, sont aujourd'hui plutôt validées par la crise actuelle. Il m'appartient, dans le cadre des crédits budgétaires votés pour 2020, de répondre aux besoins des armées, tout en soutenant la relance de l'économie du pays, tout particulièrement dans le secteur de l'industrie de la défense. Nous disposons en effet du premier budget d'investissement de l'État : c'est une force que nous devons mettre au service de l'économie française et de nos entreprises de défense, qui sont fortement ancrées dans les territoires et dont les emplois sont peu délocalisables.
Les études sur le porte-avions de nouvelle génération ont été lancées et conduites selon le calendrier prévu. Nous serons prêts dans les prochaines semaines à en présenter les conclusions au Président de la République.
Les jeux mondiaux militaires d'été se sont tenus à Wuhan, en Chine, du 18 au 27 octobre 2019. L'épidémie n'était pas encore connue, puisque le premier cas de Covid-19 a été signalé par la Chine à l'Organisation mondiale de la santé le 31 décembre 2019, soit deux mois après la fin des jeux. La délégation française a bénéficié d'un suivi médical avant et pendant les jeux, par une équipe médicale composée d'une vingtaine de personnels. Aucune pathologie pouvant évoquer le Covid-19 a posteriori n'a été déclarée auprès du service de santé des armées, ni avant, ni pendant, ni après les jeux. Aucun autre pays représenté n'a non plus rapporté de tel cas. Il serait inutile de proposer un test virologique aujourd'hui aux participants. Un test sérologique n'aurait pas grand sens non plus : ces tests sont encore peu fiables et ne disent rien de la date de contamination.
Je voudrais saluer l'implication du service de santé des armées dans cette crise sanitaire, avec l'installation d'un hôpital de campagne à Mulhouse, l'organisation de transports sanitaires et le soutien des médecins et infirmiers militaires dans les hôpitaux civils. C'est tout le service de santé des armées qui a participé à cette crise sanitaire, y compris nos étudiants de l'école de santé des armées de Lyon. Mais le SSA a aussi continué à assurer son rôle essentiel de soutien à nos militaires et à leurs familles, via notamment des téléconsultations. Il a également assuré un rôle préventif en édictant les règles sanitaires qui nous ont permis de poursuivre les activités opérationnelles et celles qui président aujourd'hui à la reprise d'activité de notre ministère. Un travail considérable a ainsi été réalisé.
Mes collègues ne remettaient absolument pas en cause le rôle du service de santé des armées, qui a fait un travail extraordinaire. Mais la ministre a été prévenue le 7 avril au matin, alors que la situation s'était aggravée dès le 4 avril : dans cette période grise, le service de santé des armées a-t-il été saisi et a-t-il joué un rôle de conseil à la demande du médecin-chef du porte-avions ?
La présence médicale à bord du Charles-de-Gaulle était forte, avec notamment sept médecins et chirurgiens, treize infirmiers, un dentiste, un manipulateur radio et un biologiste. C'est un environnement bien calibré pour le suivi médical de 1700 personnes. Mais la transmission de l'information s'est avérée difficile à ce niveau-là et nous devons l'améliorer. Nous avons aussi besoin de regards croisés pour prendre les décisions les plus adaptées. Les remontées d'informations ont été insuffisantes pendant quarante-huit heures, ce qui a favorisé la diffusion de l'épidémie. N'oublions pas qu'il s'agissait de marins jeunes, en bonne forme, qui, ne présentant presque pas de symptômes, ne sont pas venus systématiquement consulter : cela a généré un retard d'appréciation. Il ne faut jeter la pierre à personne, mais cela doit nous servir pour l'avenir.
Vous avez souligné le manque d'enthousiasme de la presse française lors de l'installation de l'hôpital de campagne de Mulhouse. Sachez que la presse autrichienne, notamment, a chanté les louanges de l'armée française et l'a citée en exemple.
Par ailleurs, serait-il possible de disposer de la liste des projets soutenus par la DGA, car ceux-ci peuvent intéresser les sénateurs sur leur territoire ?
Beaucoup de leçons devront être tirées de cet épisode. Quel est aujourd'hui le nombre de cas avérés de Codiv-19 dans l'armée, notamment au sein des OPEX ? Les derniers chiffres connus datent de la mi-avril. Or le Pentagone rend publiques très régulièrement ces informations concernant l'armée américaine.
Je vous remercie pour la clarté de vos propos. Je salue votre détermination à construire un porte-avions de nouvelle génération et votre engagement dans la relance de notre pays, grâce à notre base industrielle et technologique de défense.
Il y a un an, le 10 mai 2019, deux militaires d'exception, Cédric de Pierrepont et Alain Bertoncello, perdaient la vie dans le nord du Burkina Faso. Depuis lors, la situation s'est encore dégradée dans cette région. Le Covid-19 facilite-t-il la progression des terroristes vers le sud ? Où en est la force Takuba que vous souhaitez mettre sur pied ?
Compte tenu de la mésaventure du Charles-de-Gaulle et de la reprise de la contamination dans quatre nouveaux sites - dans la Vienne, en Dordogne et dans deux abattoirs -, je m'étonne que le Président de la République n'ait pas encore annoncé l'annulation du défilé du 14 juillet, qui est l'occasion d'une concentration de soldats et de badauds. Il est urgent d'annoncer cette annulation !
Les incorporations prévues en avril et en mai n'ont pas été réalisées. Or nous attendons 26 000 recrues en 2020. Le recrutement est un processus qui prend du temps : ne faudrait-il pas raccourcir les délais d'examen des candidatures pour rattraper les deux mois perdus ? Quelle est la répartition des 26 000 recrues entre active et réserve ? Les réservistes ont en effet été fortement mis à contribution en cette période.
J'aimerais connaître votre réaction à la lecture de la tribune que Mme Annegret Kramp-Karrenbauer vient de publier dans le Financial Times sur la place de l'OTAN dans la politique de défense allemande. Elle y préconise un renforcement du rôle de cette organisation en Europe, afin d'assurer la sécurité du continent, par des engagements concrets, notamment contre les nouvelles menaces : cybermenaces, terrorisme, changement climatique. Elle y prône une résilience renforcée entre les trente États membres et préconise que l'OTAN s'engage régulièrement et systématiquement auprès des organisations civiles, notamment des forces de police nationale, des experts médicaux, de cybersécurité ou du changement climatique. Une telle réflexion est-elle menée en France ? La résilience de la France peut-elle, et doit-elle, passer par l'OTAN ?
Je remercie M. del Picchia de me rassurer sur les échos favorables entendus dans la presse étrangère. Naturellement, nous pouvons rendre publique la liste des projets sélectionnés par l'Agence de l'innovation de défense.
Au 11 mai 2020, nous comptons 1 771 cas confirmés de Covid-19 au sein du ministère des armées, auxquels s'ajoutent 5 400 cas probables.
Le continent africain semble être relativement préservé par l'épidémie, et c'est heureux. La dynamique dans les pays du Sahel relève donc beaucoup plus de celle du terrorisme que de celle du virus.
Les opérations dans le cadre de la coalition pour le Sahel se déroulent bien, à un rythme extrêmement soutenu. C'est ainsi que nous menons actuellement des opérations qui associent Barkhane, la force conjointe et les forces armées nigériennes dans la région des trois frontières.
Le projet de création de la task force Takuba, constituée de forces spéciales venant de différents pays européens, a été officiellement lancé le 27 mars. Soutiennent ce projet l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, l'Estonie, la France, le Mali, le Niger, la Norvège, les Pays-Bas, le Portugal, la République tchèque, le Royaume-Uni et la Suède. L'objectif est de continuer à internationaliser l'engagement militaire au Sahel afin de soutenir les forces armées maliennes. L'opération devrait démarrer à l'été 2020 et atteindre sa pleine capacité opérationnelle au début de l'année 2021. Je tiens à saluer les pays qui ont accepté d'y engager des contingents de forces spéciales : l'Estonie a ainsi achevé le processus parlementaire qui l'y autorise, mais cinq autres pays sont en cours de finalisation. En outre, nous allons reprendre les échanges que nous avions à ce sujet avec notre partenaire italien, qui a manifesté un fort intérêt politique pour participer à Takuba.
Le contexte sécuritaire reste très difficile, mais les choses avancent. Les différents piliers de la coalition pour le Sahel progressent bien, notamment le pilier des opérations militaires et le pilier accompagnement des forces ; nous aurons probablement l'occasion prochainement, avec le ministre des affaires étrangères et de l'Europe, de faire un point sur l'état d'avancement des deux autres piliers, que sont le retour de l'État et le développement économique dans la zone.
Le 14 juillet est le jour de la fête nationale, et nous le célébrerons, mais il est encore bien trop tôt pour dire selon quelles modalités.
Pendant les cinquante-cinq jours qu'a duré le confinement, le processus de recrutement a été arrêté. Nous avons donc soigneusement préparé, dans le cadre du déconfinement, la reprise accélérée des recrutements et des entretiens dans le cadre des centres d'information et de recrutement des forces armées (Cirfa), qui ont rouvert hier. Nous allons alléger ce qui peut l'être afin de rattraper le temps perdu. Par ailleurs, l'une des dispositions du prochain projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l'épidémie de Covid-19 nous permettra, si vous la votez, de prolonger d'un an l'engagement de certains de nos personnels - s'ils le souhaitent. J'espère qu'ainsi nous réussirons à combler les conséquences de cette interruption des recrutements que nous avons subie depuis près de deux mois.
Le concept de résilience nous est cher, puisque c'est précisément celui qui a été retenu pour dénommer notre opération dans la crise sanitaire. Pendant toute cette période, nous avons tâché de maintenir tous nos canaux de communication ouverts avec nos partenaires, de l'Union européenne, comme de l'OTAN. Nous avons en particulier beaucoup coopéré avec l'Allemagne, et je voudrais saluer la générosité et la proactivité de ce pays, mais aussi celles de l'Autriche et du Luxembourg, qui nous sont venus en aide en accueillant de nombreux patients dans leurs hôpitaux. Cette coopération dans le cadre de l'OTAN doit se poursuivre et s'adapter au nouveau contexte issu de la crise sanitaire. Des réflexions sont en cours sur ce qui relève des initiatives nationales, ce qui relève de l'initiative européenne et ce qui pourrait être développé dans le cadre de l'OTAN. Ma conviction est que tout ce que l'Union européenne pourra faire dans le cadre de la gestion de cette crise vient aussi au service de l'OTAN.
Je vous remercie de nous avoir délivré votre diagnostic avec franchise : c'est important pour bien comprendre les leçons à tirer de l'accident survenu sur le porte-avions. Nous allons organiser de prochaines auditions sur ce sujet. Nous allons également poursuivre notre réflexion sur le rôle de l'Europe et de l'OTAN.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
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