Le projet de contrat d'objectifs et de moyens qui nous est présenté aujourd'hui doit encadrer l'activité d'Expertise France pour la période 2020-2022. Il comporte plusieurs nouveautés importantes et pourrait marquer l'arrivée à maturité de notre opérateur d'expertise internationale.
Je vous présenterai un bilan succinct des cinq premières années d'Expertise France, puis ma collègue co-rapporteure, Marie-Françoise Perol-Dumont, vous présentera les grands enjeux de cet opérateur pour l'avenir.
Expertise France a été créée en 2014, sous l'impulsion de notre commission, en particulier celle de notre président et de notre ancien collègue Jacques Berthou, afin de remédier à une véritable atomisation de l'expertise française internationale entre une multitude d'organismes et de services, généralement de petite taille et disposant de très faibles moyens.
Expertise France s'est développée très rapidement, passant d'un chiffre d'affaires d'environ 105 millions d'euros, tous opérateurs confondus, à plus de 230 millions d'euros en 2019. L'agence a réalisé cette croissance rapide en allant bien au-delà des traditionnels jumelages ministériels, décrochant des contrats auprès de l'Union européenne, qui représentent aujourd'hui la majorité de son chiffre d'affaires.
Elle a également mis en oeuvre d'importantes offres intégrées contenant la fourniture d'équipements, avec des projets emblématiques, comme l'appui à la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), l'appui à la force conjointe du G5 Sahel ou encore le programme d'appui au renforcement de la sécurité dans la région de Mopti et à la gestion des zones frontalières (Parsec).
Elle est ainsi devenue un acteur clef de ce continuum souvent évoqué entre sécurité et développement. Elle a acquis une légitimité, une force de frappe et une réactivité qui lui permettent de se positionner rapidement et avec efficacité dans la lutte contre la crise du coronavirus en Afrique.
Grâce ces succès, Expertise France est aujourd'hui un acteur de dimension européenne, loin encore de la GIZ, mais comparable aux agences d'expertise de nos autres partenaires européens.
Ces succès importants et reconnus n'ont pas empêché Expertise France de rencontrer des difficultés importantes.
Son équilibre économique était fragile, parce que l'État français ne souhaitait pas apporter des financements massifs et parce que les commandes européennes ne permettent pas de dégager une marge significative. L'augmentation du volume moyen des projets, passé de 1,4 million d'euros en 2016 à 2,7 millions d'euros aujourd'hui, a fait exploser le chiffre d'affaires sans pour autant améliorer la rentabilité de l'organisme. De même, le rapprochement avec l'AFD n'a produit à l'origine que très peu de résultats, faute d'une vision stratégique préalable sur ce que pourrait être l'alliance d'une banque de développement et d'une agence d'expertise internationale.
En outre, les relations entre Expertise France et plusieurs ministères ont été marquées par une certaine méfiance. Certaines administrations ont sans doute regretté la perte de leur propre organisme d'expertise internationale et ils ont parfois eu du mal à se reconnaître dans les gros projets mis en oeuvre par l'agence, qui ne sont pas toujours alignés sur leurs propres priorités.
Certains opérateurs ministériels se sont également opposés avec succès à leur intégration à Expertise France. En particulier, la société anonyme Civipol Conseil, proche du ministère de l'intérieur, a défendu son autonomie, en s'appuyant sur le caractère régalien de certaines de ses missions. La coopération entre les deux organismes sur certains projets ne s'est pas faite sans heurts. Il en a été de même des opérateurs agricoles.
Enfin, l'agence a connu une crise de croissance liée à la transformation des missions de ses salariés, qui ont dû devenir des chasseurs de projets sur un marché très concurrentiel et suivre la progression rapide du chiffre d'affaires tout en améliorant leur productivité.
Beaucoup de ces difficultés sont aujourd'hui surmontées, mais il reste un certain nombre de défis, que Marie-Françoise Pérol-Dumont va vous présenter.