Intervention de Eric Trappier

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 mai 2020 à 10h00
Audition de Mm. Stéphane Mayer président du cidef et du gicat éric trappier président du gifas et hervé guillou président du gican représentants de l'industrie de défense en téléconférence

Eric Trappier, président du GIFAS :

Le GIFAS regroupe l'aéronautique, la défense et le spatial. Nous sommes également dans une phase de reprise graduée. Le recours au télétravail a été intense dans le domaine des études, afin de nous permettre de continuer à développer nos programmes.

Notre première priorité a été le soutien à nos armées. Nos assistants techniques sont restés mobilisés sur les bases et nous avons réussi à préserver notre capacité de soutien. Dassault a également soutenu ses clients à l'étranger, avec des équipes présentes en Inde, en Égypte ou aux Émirats.

La France est l'un des pays où la reprise s'avère la plus difficile. Dans les pays voisins, l'arrêt du travail a été moindre et la reprise plus rapide. Outre-Atlantique, nos concurrents américains ne se sont pas beaucoup arrêtés, malgré une crise qui les a durement frappés. Je ne porte bien entendu aucun jugement de valeur en faisant ce constat.

Notre secteur se caractérise également par la grave crise qui se profile dans le domaine de l'aéronautique civile. Airbus et Safran, très touchés, connaîtront nécessairement, dans les mois et les années à venir, une forte décroissance de leurs livraisons d'avions, et donc une forte baisse des cadences. Cela posera un vrai problème pour la supply chain, laquelle est généralement commune aux avions commerciaux et militaires. Nous avons créé une task force regroupant les grands donneurs d'ordre, les avionneurs Airbus et Dassault, le motoriste Safran, l'équipementier Thalès, ainsi que toutes les ETI et PME du GIFAS pour identifier les faiblesses de cette supply chain et voir comment elle pourrait absorber une telle baisse des cadences pendant au moins deux à trois ans.

Nous sommes en train de bâtir, avec l'État, un plan pour essayer de gérer cette grave crise et soutenir la filière aéronautique. Pour toutes les entreprises duales, dont les activités sont réparties entre les secteurs civil et militaire, la défense apparaît comme un amortisseur de problèmes dans la crise actuelle, à condition de préserver les budgets.

Notre objectif est de sauvegarder la LPM actuelle et de voir s'il n'est pas possible d'accélérer le lancement de certains programmes. Le budget de la défense est en effet très bénéfique à notre pays ; il sert nos armées, il sert les industries nationales de défense et il sert de référence à l'export. La crise du Covid-19 est mondiale et nous craignons de voir certains programmes retardés, voire annulés à l'étranger. Si nous accentuons l'effort de défense en France, nous adressons un signe positif aux autres États.

Je signale, à titre de comparaison, que les Américains n'ont pas baissé la garde pendant l'épidémie. Certains pays d'Europe, en particulier la Belgique et la Bulgarie, ont continué d'acheter des F-16 et des F-35 américains au plus dur de la crise, estimant que les États-Unis restaient malgré tout la référence en matière de garantie de sécurité.

La crise du Covid-19 conduit certains pays inquiets à revenir s'abriter sous le grand parapluie américain, alors même que le président Trump n'a pas vraiment démontré sa volonté de gérer les affaires du monde. Mais il subsiste, chez nombre de pays européens, une croyance absolue dans la capacité de protection américaine.

L'Europe se doit de réagir collectivement à cette crise. Nous avons notamment des contacts très étroits avec le commissaire Thierry Breton. Un plan de relance ambitieux dans le domaine de l'aéronautique serait le bienvenu. Le Fonds européen de la défense, qui devait être doté de 13 milliards d'euros, ne doit pas être sacrifié, afin d'afficher une volonté d'autonomie stratégique européenne. La France et la Finlande ont appuyé en ce sens, mais il semblerait que nous soyons assez seuls.

Les coopérations doivent se renforcer. Dans le domaine aéronautique, je pense bien évidemment aux programmes SCAF (système de combat aérien du futur) et Eurodrone, qui doivent être poursuivis.

Nous devons toutefois travailler pour que nos coopérations puissent résister dans un contexte épidémique de limitation des déplacements. Le problème de la sécurité se pose tout particulièrement dans le domaine militaire. Or plus il y a de télétravail, plus il y a de réseaux informatiques et de risques de cyberattaques.

Pour que l'industrie de la défense puisse jouer son rôle d'amortisseur, nous appelons à stabiliser, voire à améliorer légèrement la LPM en anticipant la réalisation de certains programmes déjà prévus. Les demandes coordonnées de nos trois groupements convergent vers la DGA pour peser sur la révision de la LPM en 2021.

Dans le domaine aéronautique, le Rafale est très important pour nos forces françaises et à l'export, mais il ne faut pas oublier non plus les hélicoptères, l'A400M et l'A330.

Deux avions Rafale ont été livrés aux Indiens pendant la crise du Covid-19. L'entraînement des équipages et des techniciens s'est poursuivi à Mérignac et nous enverrons les avions en Inde avec seulement quelques semaines de décalage. Il était important de pouvoir alimenter aussi l'export pendant la crise pour amortir l'impact terrible de celle-ci sur l'aéronautique commerciale et équilibrer notre supply chain.

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