Nous auditionnons aujourd'hui les représentants de notre base industrielle et technologique de défense (BITD), à savoir Stéphane Mayer, président du Conseil des industries de défense françaises (CIDEF), du groupement des industries de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT) et de Nexter, Éric Trappier, président du groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) et président-directeur général de Dassault Aviation, ainsi que Hervé Guillou, président du groupement des industries de construction et activités navales (GICAN).
Messieurs les présidents, je vous remercie de vous être rendus disponibles tous les trois pour cette audition. Notre commission était très désireuse de vous entendre, car nous sommes très préoccupés par l'impact économique et budgétaire de la crise du Covid-19. Vous connaissez l'attachement de la commission à la BITD, qui est à la fois un élément indispensable de notre souveraineté et un poumon économique pour notre pays. Dans une France qui a malheureusement abandonné des pans entiers de son industrie, la défense reste l'un de ses derniers points d'ancrage. La BITD, ce sont plus de 200 000 emplois directs au sein d'entreprises qui exercent l'essentiel de leurs activités sur le territoire national. Nous mesurons également l'importance et le dynamisme de l'activité de vos entreprises à l'export, avec parfois l'installation durable d'expatriés dans les pays clients.
Avant-hier, devant notre commission, la ministre des armées s'est voulue rassurante, laissant entendre non seulement que les commandes seraient confirmées, mais que la BITD aurait également toute sa place dans un plan de relance plus général du Gouvernement. Nous nous réjouissons de ces intentions, mais nous souhaitons faire avec vous un point lucide sur la situation de nos entreprises.
Je vous propose d'orienter nos débats selon deux axes, le présent et l'avenir.
Comment les entreprises de la BITD ont-elles traversé la période de confinement, et comment se présente le déconfinement ? Quel a été l'impact de la crise sur la production et sur la maintenance, à savoir le maintien en condition opérationnelle (MCO) ? Y a-t-il un risque immédiat de trésorerie, notamment pour les sous-traitants ? Les dispositifs proposés par l'État permettent-ils d'écarter le risque de faillites à court terme ?
Pour le futur, vos échanges avec l'État confirment-ils l'orientation esquissée par la ministre des armées ? Ou nourrissez-vous, au contraire, de réelles inquiétudes ? Quelle place pourrait avoir la BITD dans le plan de relance annoncé ? Y a-t-il par ailleurs des perspectives de relance de l'industrie de défense à l'échelon européen ? Enfin, quel pourrait être l'impact sur les marchés export, d'une part de la crise sanitaire et économique, d'autre part de la forte baisse des cours du pétrole ?
À titre personnel, je crains, au lendemain de cette crise, que les attentes de l'opinion publique se tournent moins vers les industries de défense que vers la réalisation de nouveaux hôpitaux ou la relocalisation d'industries oeuvrant dans le domaine de la santé. Le Parlement ne devra-t-il pas jouer un rôle d'accompagnement pour tenter de faire comprendre que les crises géostratégiques, comme les crises sanitaires, doivent être préparées en amont ?
Nous tenons en premier lieu à saluer nos forces armées, qui, à travers leurs opérations intérieures ou extérieures, poursuivent leurs missions au service du pays.
Les industriels de la défense ont parfaitement conscience de leurs devoirs envers nos armées et notre pays. Dès le 16 mars, en concertation avec les partenaires sociaux, des plans de continuité des activités ont été élaborés par les entreprises, même si celles-ci ont dû inévitablement marquer une pause d'au moins une semaine dans la production.
Ces plans de continuité ont pour but, tout en garantissant la santé des salariés au travail et le respect des évolutions successives de la réglementation, d'honorer nos engagements envers les armées françaises et étrangères - certains de nos industriels exportent jusqu'à 50 % de leur production.
Constatant l'impossibilité de maintenir toutes les activités industrielles, nous avons entrepris une démarche de priorisation, en concertation étroite et efficace avec la direction générale de l'armement (DGA) et les armées. Le soutien aux opérations en cours et la continuité du développement et de la livraison de nouveaux matériels ont été définis comme des priorités.
Nous avons beaucoup travaillé pour adapter chacune des activités aux nouvelles mesures sanitaires, en accord avec les médecins du travail, les spécialistes de la santé et de la sécurité et les représentants du personnel. Nous avons aussi recouru dans des proportions importantes au télétravail.
La plupart des entreprises ont souhaité aménager, par la négociation, l'organisation du travail et des congés, afin d'augmenter leurs capacités de production pour la deuxième partie de l'année. Et toutes ont recouru, à des degrés divers, à l'activité partielle et aux mesures d'indemnisation prises par l'État, lesquelles étaient nécessaires.
Le dialogue avec nos clients export est resté nourri, avec l'aide des services dédiés de la DGA. Nous voulons conserver leur confiance et nous sommes vigilants dans un contexte de concurrence très forte, d'autant que la situation de la production est plutôt moins favorable en France que dans d'autres pays.
Au-delà, nous formons le voeu d'un renforcement de la coopération et des programmes européens, notamment à travers le Fonds européen de la défense.
Nous voulons également souligner la pertinence des outils généraux de soutien à la trésorerie, comme les prêts garantis, les reports d'échéances fiscales et sociales, ou encore la réduction des délais de paiement par la DGA. Les plus petites entreprises de la BITD devront toutefois faire l'objet d'une vigilance particulière.
Aujourd'hui, la reprise est progressive, mais très variable selon les entreprises, 10 % d'entre elles, généralement les plus petites, n'ayant pas repris leur activité. Dans le meilleur des cas, les entreprises comptent 75 % de leurs effectifs au travail, et la présence sur site s'élevait en moyenne à 29 % lors de notre dernier recensement hebdomadaire. Le télétravail est encore massivement utilisé par 45 % des salariés.
Les activités industrielles de défense n'ayant pas vraiment cessé pendant le confinement, le mois de mai ne marque donc pas un profond changement, mais plutôt l'amélioration des ratios de reprise.
De façon générale, une belle solidarité s'est exercée au sein de la BITD : une solidarité verticale entre le ministère des armées, les maîtres d'oeuvre industriels et les PME, une solidarité horizontale à l'intérieur des trois groupements, extrêmement actifs au service de leurs adhérents, mais aussi une solidarité nationale, avec la distribution de nombreux masques par les entreprises de défense, ou encore le lancement de la production de gel hydroalcoolique ou d'équipements de protection.
Malgré les mesures de sauvegarde financière mises en oeuvre très rapidement par l'État, nous sommes convaincus que notre BITD est fragilisée et qu'il faut la soutenir. Soutenir notre industrie de défense, c'est non seulement assurer des armées encore plus performantes au service de nos concitoyens, mais aussi renforcer l'autonomie stratégique française et européenne. C'est également préserver des emplois hautement qualifiés, situés à plus de 80 % en France - l'industrie terrestre de défense emploie à elle seule plus de 45 000 personnes - et permettre de relancer efficacement l'économie française. C'est enfin conserver des recettes d'exportation et contribuer à l'innovation technologique.
À court terme, nous voulons continuer à négocier des contrats et recevoir des commandes, autant de signaux positifs attendus par tous, et plus encore par les PME à la recherche de financements. Le processus est en cours avec notre principal donneur d'ordre, la DGA.
À moyen terme, nous voudrions voir confirmer par anticipation les tranches conditionnelles prévues dans la loi de programmation militaire (LPM). Pour l'armée de terre, il s'agit principalement des véhicules du programme Scorpion - Griffon, Jaguar et Serval -, mais aussi de nouvelles commandes de CAESAR, d'hélicoptères et de drones ainsi que les Autres Opérations d'Armements (AOA).
À plus long terme, à l'horizon 2025 ou 2030, nous souhaiterions que ce soutien soit inscrit dans la mise à jour de la LPM prévue pour 2021.
Nous devons, tous ensemble, trouver les moyens de préserver notre industrie, au service d'une défense souveraine et performante. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous comptons sur votre action.
Le GIFAS regroupe l'aéronautique, la défense et le spatial. Nous sommes également dans une phase de reprise graduée. Le recours au télétravail a été intense dans le domaine des études, afin de nous permettre de continuer à développer nos programmes.
Notre première priorité a été le soutien à nos armées. Nos assistants techniques sont restés mobilisés sur les bases et nous avons réussi à préserver notre capacité de soutien. Dassault a également soutenu ses clients à l'étranger, avec des équipes présentes en Inde, en Égypte ou aux Émirats.
La France est l'un des pays où la reprise s'avère la plus difficile. Dans les pays voisins, l'arrêt du travail a été moindre et la reprise plus rapide. Outre-Atlantique, nos concurrents américains ne se sont pas beaucoup arrêtés, malgré une crise qui les a durement frappés. Je ne porte bien entendu aucun jugement de valeur en faisant ce constat.
Notre secteur se caractérise également par la grave crise qui se profile dans le domaine de l'aéronautique civile. Airbus et Safran, très touchés, connaîtront nécessairement, dans les mois et les années à venir, une forte décroissance de leurs livraisons d'avions, et donc une forte baisse des cadences. Cela posera un vrai problème pour la supply chain, laquelle est généralement commune aux avions commerciaux et militaires. Nous avons créé une task force regroupant les grands donneurs d'ordre, les avionneurs Airbus et Dassault, le motoriste Safran, l'équipementier Thalès, ainsi que toutes les ETI et PME du GIFAS pour identifier les faiblesses de cette supply chain et voir comment elle pourrait absorber une telle baisse des cadences pendant au moins deux à trois ans.
Nous sommes en train de bâtir, avec l'État, un plan pour essayer de gérer cette grave crise et soutenir la filière aéronautique. Pour toutes les entreprises duales, dont les activités sont réparties entre les secteurs civil et militaire, la défense apparaît comme un amortisseur de problèmes dans la crise actuelle, à condition de préserver les budgets.
Notre objectif est de sauvegarder la LPM actuelle et de voir s'il n'est pas possible d'accélérer le lancement de certains programmes. Le budget de la défense est en effet très bénéfique à notre pays ; il sert nos armées, il sert les industries nationales de défense et il sert de référence à l'export. La crise du Covid-19 est mondiale et nous craignons de voir certains programmes retardés, voire annulés à l'étranger. Si nous accentuons l'effort de défense en France, nous adressons un signe positif aux autres États.
Je signale, à titre de comparaison, que les Américains n'ont pas baissé la garde pendant l'épidémie. Certains pays d'Europe, en particulier la Belgique et la Bulgarie, ont continué d'acheter des F-16 et des F-35 américains au plus dur de la crise, estimant que les États-Unis restaient malgré tout la référence en matière de garantie de sécurité.
La crise du Covid-19 conduit certains pays inquiets à revenir s'abriter sous le grand parapluie américain, alors même que le président Trump n'a pas vraiment démontré sa volonté de gérer les affaires du monde. Mais il subsiste, chez nombre de pays européens, une croyance absolue dans la capacité de protection américaine.
L'Europe se doit de réagir collectivement à cette crise. Nous avons notamment des contacts très étroits avec le commissaire Thierry Breton. Un plan de relance ambitieux dans le domaine de l'aéronautique serait le bienvenu. Le Fonds européen de la défense, qui devait être doté de 13 milliards d'euros, ne doit pas être sacrifié, afin d'afficher une volonté d'autonomie stratégique européenne. La France et la Finlande ont appuyé en ce sens, mais il semblerait que nous soyons assez seuls.
Les coopérations doivent se renforcer. Dans le domaine aéronautique, je pense bien évidemment aux programmes SCAF (système de combat aérien du futur) et Eurodrone, qui doivent être poursuivis.
Nous devons toutefois travailler pour que nos coopérations puissent résister dans un contexte épidémique de limitation des déplacements. Le problème de la sécurité se pose tout particulièrement dans le domaine militaire. Or plus il y a de télétravail, plus il y a de réseaux informatiques et de risques de cyberattaques.
Pour que l'industrie de la défense puisse jouer son rôle d'amortisseur, nous appelons à stabiliser, voire à améliorer légèrement la LPM en anticipant la réalisation de certains programmes déjà prévus. Les demandes coordonnées de nos trois groupements convergent vers la DGA pour peser sur la révision de la LPM en 2021.
Dans le domaine aéronautique, le Rafale est très important pour nos forces françaises et à l'export, mais il ne faut pas oublier non plus les hélicoptères, l'A400M et l'A330.
Deux avions Rafale ont été livrés aux Indiens pendant la crise du Covid-19. L'entraînement des équipages et des techniciens s'est poursuivi à Mérignac et nous enverrons les avions en Inde avec seulement quelques semaines de décalage. Il était important de pouvoir alimenter aussi l'export pendant la crise pour amortir l'impact terrible de celle-ci sur l'aéronautique commerciale et équilibrer notre supply chain.
Le secteur naval connaît des problématiques très proches de celles du secteur aéronautique, avec des chantiers et une supply chain caractérisés par la dualité civil-militaire, à l'exception de Naval Group. Le GICAN regroupe près de 200 entreprises représentant plus de 46 000 emplois directs.
Nous avons évidemment donné la priorité à la posture des armées. La base de l'Île-Longue a continué son activité, et aucune menace n'a plané sur la dissuasion nucléaire. Parallèlement, nous avons essayé de maintenir les priorités définies avec la DGA sur les aspects capacitaires : les essais à la mer du Suffren ont ainsi démarré fin avril.
Nous sommes actuellement à un taux d'activité de 75 % environ, après être descendus très bas dans les premières semaines du confinement. Nos bureaux d'études sont en télétravail et connaissent eux aussi les problématiques de cybersécurité, mais la spécificité du secteur maritime tient surtout aux chantiers et au travail à bord.
Nous sommes obligés d'amener les travailleurs au bateau et nous ne pouvons pas découper ce dernier en rondelles, ni le construire par pièce. La restriction de la mobilité des professionnels français et étrangers est donc un obstacle considérable, en termes d'efficacité, mais surtout de volume. Nous avons obtenu quelques dérogations auprès de la cellule interministérielle de crise, mais nous ne pouvons pas continuer durablement de cette manière.
Quant au travail à bord, il est difficile à organiser dans le strict respect des nouvelles règles sanitaires. Imaginez la proximité qui règne dans la chaufferie nucléaire d'un sous-marin !
Nous avons également constaté une formidable solidarité au sein de la filière maritime. Les chantiers se sont réunis toutes les semaines pour échanger sur les meilleures pratiques. Nous avons par ailleurs procédé à des commandes collectives de masques et de gel.
Nous travaillons très étroitement avec la DGA et la marine sur notre capacité à renforcer nos entreprises et à compenser les baisses de 20 à 30 % de chiffre d'affaires attendues pour cette année. Nous travaillons aussi d'arrache-pied avec le Gouvernement sur le plan de relance de la filière maritime. Nous pensons à l'accélération possible du programme des frégates de défense et d'intervention (FDI), à la surveillance maritime par les gendarmes, les douanes et plus généralement à l'action de l'État en mer. Il faut par ailleurs préserver l'avenir en maintenant les grandes ambitions sur le sous-marin lanceur d'engins de troisième génération et le porte-avions nouvelle génération.
La commande publique sera essentielle pour la reprise. Elle permettra de maintenir les volumes et la compétitivité de nos entreprises à l'export. Au-delà, c'est tout l'écosystème des territoires maritimes qui dépend de l'industrie navale. Nous plaidons pour un plan de relance global de la filière.
Le plan ne devra surtout pas oublier la R&D. Historiquement, nous avons fait deux fois cette erreur en privilégiant les volumes. C'est ainsi que nous nous sommes réveillés au début des années 2000 sans drones, car tout avait été arrêté lors de la crise des années 1990. Nous sommes dans une compétition internationale féroce, et beaucoup de pays comme l'Allemagne, les Pays-Bas, la Corée du Sud ou la Chine n'ont pas arrêté leurs chantiers navals. La R&D, c'est une façon de reconstruire une offre qui nous permettra de nous différencier, dans un sens plus écologique je l'espère.
Nous plaidons pour que le plan de relance libère immédiatement les arcanes administratifs infernaux qui sclérosent actuellement les guichets financiers et pour qu'il donne directement aux entreprises, les moyens de reconstruire une offre de nature à nous démarquer.
Au niveau européen, nous travaillons avec le commissaire Thierry Breton sur l'élaboration d'un plan de soutien spécifique à l'ensemble de l'économie maritime, au-delà de la défense. Sinon, nous risquons de nous situer en queue de peloton des aides aux secteurs du tourisme ou des transports.
Enfin, la question de la consolidation industrielle en Europe est toujours pendante, avec le sujet sensible du rapprochement entre Fincantieri et les Chantiers de l'Atlantique. La construction de l'Europe du naval est pour nous indispensable face à la concurrence des Chinois et des Russes.
Je donne à présent la parole aux rapporteurs du programme 146, « Équipement des forces ».
Nous avons découvert avec surprise et effroi à l'occasion de cette crise l'ampleur de nos dépendances industrielles. L'industrie de défense demeure l'un des derniers bastions de notre autonomie stratégique, très importante à nos yeux. Pensez-vous que la BITD puisse être le support d'une politique de relocalisation industrielle, notamment en raison de la nature duale de certaines entreprises ?
Compte tenu du rôle de la DGA dans la structuration de votre secteur d'activité, comment vos besoins sont-ils pris en compte dans la structuration du plan de relance, pilotée par Bercy ?
Je poserai à présent plusieurs questions, au nom du groupe socialiste et républicain.
Pouvez-vous dès à présent apprécier l'impact de la crise en matière d'emploi pour l'ensemble de la filière des entreprises de défense ? Pensez-vous avoir des difficultés à recruter la main-d'oeuvre qualifiée nécessaire ? Comment la BITD aborde-t-elle la question de la formation ?
Dans l'hypothèse d'une importante contraction des budgets nationaux des pays vers lesquels nous exportons, notamment au Moyen-Orient ou en Asie, comment maintenir les compétences ? Quel pourrait-être l'impact sur les projets communs avec l'Allemagne, notamment le SCAF, le char MGCS ou l'Eurodrone ?
Enfin, en matière de R&D, pensez-vous que les ministres allemand, espagnol et français puissent s'accorder rapidement sur un lancement anticipé de la deuxième phase des financements, qui ne devaient intervenir qu'à partir de 2021 ?
Nous avons parfaitement conscience de la gravité de la situation, et la BITD montre toute l'importance de notre souveraineté industrielle.
Quel est l'impact de la crise sur le calendrier des livraisons prévues dans la LPM ? Les entreprises concernées par le programme Scorpion travaillaient dur pour respecter le calendrier. Est-il encore tenable ?
Y a-t-il des enseignements à tirer de la crise du Covid-19 sur la conception de certains équipements embarquant un nombre important de membres d'équipage ou de passagers ?
Nous allons très rapidement commencer à préparer l'actualisation de la LPM, prévue en 2021. Quels sont, selon vous, les programmes qui pourraient être accélérés ? Certains autres pourraient-ils par ailleurs être ajoutés ?
Le Président de la République doit se prononcer en juin sur la propulsion du porte-avions de nouvelle génération. La ministre des armées a annoncé être prête pour le choix du nucléaire. C'est une excellente nouvelle, qui va permettre de maintenir nos compétences en la matière
Je rappelle enfin que notre commission a voté le 5 février dernier une résolution européenne pour défendre le Fonds européen de la défense. Le président Christian Cambon a souligné que la proposition d'une réduction de moitié de ce fonds constituait une ligne rouge absolue. Nous vous soutenons donc complètement sur cette question.
De nombreux salons sont annulés, singulièrement Eurosatory. La dynamique commerciale risque d'être rompue sur les contrats à l'export. Il existe par ailleurs un risque que les budgets de défense passent après ceux de l'économie en général, et de la santé en particulier. Quel pourrait être l'impact sur la solvabilité de vos clients ? Craignez-vous une remise en cause brutale de commandes provenant de l'étranger ? Y a-t-il par ailleurs un risque important de contentieux sur l'interprétation de la notion de « force majeure » ?
Naval Group avait enregistré un nombre important de commandes pour l'année en cours, notamment de la part de la Grèce, de l'Indonésie, des Philippines ou du Maroc. Toutes ces ventes à l'export permettent à la marine française d'obtenir des tarifs intéressants et d'économiser environ 400 millions d'euros par an.
On parle de relocalisation de sites industriels sur le territoire. Qu'en est-il dans votre secteur ? Envisagez-vous d'investir massivement dans les systèmes d'information pour sécuriser le télétravail ?
Il semblerait que les PME-PMI du GICAN aient rencontré quelques blocages sur le chômage partiel au début du mois d'avril. Avez-vous réussi à régler ce problème ?
Quid de la préservation du savoir-faire français dans le cadre du rapprochement des Chantiers navals avec Fincantieri ?
Quelle est l'évolution de la fusion entre Nexter et KMW ?
Enfin, pouvez-vous préciser vos pistes de révision de la LPM ?
Messieurs, je salue l'implication exceptionnelle de vos entreprises face à la crise sanitaire inédite que nous venons de traverser.
Cette crise n'aura-t-elle pas raison du projet de défense européenne ? Plusieurs signaux vont en ce sens. Pendant que Bruxelles peine à faire aboutir les discussions sur le Fonds européen de la défense, l'Allemagne fait l'acquisition de 45 F-18 Growler et, malgré tout, de 93 Eurofighter.
Alors que la présidente de la Commission européenne déclare que la relance économique doit être centrée sur le pacte vert et la transition numérique, le commissaire au marché intérieur, Thierry Breton, estime, pour sa part, que l'industrie de défense doit faire partie des 14 écosystèmes clés pour l'économie européenne. Les Allemands ne jouent-ils pas sur deux tableaux, en essayant de relancer l'économie allemande et européenne, d'une part, et de faire de la diplomatie économique, d'autre part ? En faisant l'acquisition de F-18, ne font-ils pas entrer le loup dans la bergerie ? N'est-ce pas la dernière étape avant l'acquisition de F-35 ? Ne risque-t-on pas des conséquences sur le programme SCAF ?
La pandémie a inéluctablement ralenti les programmes de véhicules blindés. Pouvez-vous nous donner des informations sur les programmes CaMo (capacité motorisée), entre la Belgique et la France, et Titus, avec la République tchèque ?
La DGA a prévu un plan de rattrapage d'ici à la fin 2021. Qu'est-ce que cela change pour Nexter en matière d'investissement et de recrutement ?
Au lendemain de cette crise du coronavirus, l'industrie navale de défense est-elle toujours capable de relever le défi du porte-avions de nouvelle génération ?
Messieurs, vous avez plaidé d'une seule voix pour que l'industrie de défense fasse partie des secteurs visés par les plans de relance en France et en Europe. Il a été demandé de l'aide à court terme. Quelles sont les mesures spécifiques que vous souhaiteriez voir mettre en place ?
Le ministère des armées comme les parlementaires ont réclamé dès le début de la crise du Covid-19 le maintien des activités industrielles indispensables aux forces armées. Il a été demandé de porter une attention spéciale à la trésorerie des PME et de réduire les délais de paiement. Plusieurs de ces entreprises ont fait part d'incidents. Comment y remédier ?
En France, le taux d'activité dans l'industrie a chuté. Qu'en est-il dans l'industrie de défense ? Quel niveau d'activité a-t-elle pu maintenir ? Existe-t-il un protocole spécifique pour la reprise du travail ? Peut-on mesurer les incidences sur les commandes et les livraisons prévues cette année dans la loi de programmation militaire ? Les mesures de soutien du Gouvernement à la trésorerie des entreprises, notamment les délais de paiement et les prêts garantis, sont-elles à la hauteur des besoins et enjeux de l'industrie de défense ? Celle-ci a un caractère éminemment stratégique.
L'épidémie a mis en lumière le statut d'usine du monde de la Chine, et la nécessité, pour nous, de maintenir certaines productions chez nous. Quels sont les secteurs les plus affectés par la rupture de la chaîne de production mondiale ou les difficultés d'approvisionnement en matières premières ? Le recours à la sous-traitance dans les États tiers à l'Union européenne n'affecte-t-il pas notre souveraineté en matière de défense ? Des relocalisations européennes ou nationales sont-elles envisageables ?
Merci, messieurs, pour l'intérêt et la sincérité de vos interventions.
En tant que sénateur de Loire-Atlantique, je redis ici mon attachement aux chantiers navals.
Les propos de M. Trappier sur les achats de matériels américains nous interpellent et nous inquiètent. La crise du Covid-19 a accentué les tensions géopolitiques dans le monde, surtout entre les États-Unis et la Chine. Les industries françaises en ressentent-elles les effets ? Peuvent-elles en tirer quelques avantages ?
La Turquie est le premier État membre de l'OTAN à se tourner vers la Russie pour son arsenal militaire. Les entreprises françaises pourront-elles apporter une réponse au système S-400 russe ? Existe-t-il des systèmes européens équivalents ou meilleurs ?
La souveraineté numérique est cruciale pour nos forces de l'ordre et nos armées. Alors que les échanges sur les réseaux s'accroissent, les services numériques et de cyberdéfense doivent continuer d'assurer leur mission dans des conditions dégradées. Comment l'optimiser et parvenir à une souveraineté numérique totale ?
L'armée de l'air a assuré de nombreuses rotations aériennes. Au total, 55 patients, 170 soignants et 5 tonnes de matériel médical ont été transportés. L'industrie française imagine-t-elle des modifications pour accueillir plus de patients et de soignants ?
La question de la relocalisation se pose peu dans le domaine de la défense, puisque plus de 90 % de l'emploi des grands programmes français d'export est en France. Le reste relève souvent de la coopération souhaitée par les pays acheteurs, qui favorise la vente et donc l'emploi en France.
Le sujet de la dualité est bien plus compliqué. La problématique de relocalisation impose d'identifier ce qui est stratégique. On ne peut pas dépendre de fabrications en Chine pour nos matériels de défense. Mais nous ne vendons nos matériels dans le domaine civil que si nous sommes compétitifs. Airbus fait face à la compétition de Boeing et fera un jour face à celle de la Chine.
Les États-Unis soutiennent leur industrie, mais portent un contentieux contre Airbus devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
Dans la guerre commerciale entre l'Europe, les États-Unis et la Chine, l'Europe doit se doter des moyens d'assurer sa souveraineté stratégique. Pour ce faire, il faut payer pour le développement en technologie et ne pas demander de l'autofinancement, qui, de facto, fragilise le domaine civil, puisqu'il faut bien amortir ces développements. Ni les Américains ni les Chinois ne le font jamais ! Quand il y a regroupement de sociétés stratégiques qui tentent de survivre face à la concurrence internationale, l'Europe ne doit pas opposer une problématique de compétition intracommunautaire.
Je reprends l'exemple des masques. Ils sont stratégiques, mais il faut que dans un an, quand ils coûteront deux fois plus cher en France qu'en Chine, on continue à les acheter quand même en France. Les États doivent être capables de soutenir les filières considérées comme stratégiques. C'est en partie le cas pour le nucléaire, qui motorisera peut-être un jour le futur porte-avions.
La problématique du programme SCAF, c'est que tous les pays européens, ou presque tous, y compris des pays qui ont l'Eurofighter, achètent américain. Presque tous ont acheté des F-35, avec quasiment 100 % d'emploi et de technologie aux États-Unis, puisqu'on ne peut contribuer au programme F-35 que si l'on est compétitif, ce qui n'est pas possible pour les Européens. Tout cela est un habillage pour payer le parapluie américain qui protège l'Europe.
Les Allemands n'ont plus d'avions de combat américains, mais des Tornado et des Eurofighter. Un sujet reste stratégique : certains des pays de l'OTAN se sont engagés à porter l'arme nucléaire américaine dans des missions dites « OTAN ». Pour ce faire, des autorisations d'emport de ces bombes sur des Tornado ont été données. Maintenant, les Américains disent qu'elles doivent être portées sur des avions américains. Ils ont une stratégie d'intégration dans leur modèle économique. C'est simple : tout doit aller ensemble.
L'idéal eut été que l'Allemagne achète des Typhoon, qu'elle produit sur son sol. Or, en raison de l'interdiction de monter la bombe nucléaire américaine sur des avions allemands, elle est contrainte d'acheter aux États-Unis. Cela reste une décision souveraine, sauf si l'on arrête la mission d'emport de la bombe américaine. L'Allemagne souhaite développer son secteur aéronautique, ce qui est légitime. À nous, Français, d'être capables aussi d'investir dans notre secteur aéronautique. Je rappelle que le SCAF et le Next Generation Fighter (NGF) entreront en service en 2040. D'ici là, il faut bien des avions de combat. En France, c'est le Rafale. Il faut continuer son développement. Il faut protéger et renforcer la mission nucléaire. La chaîne de production Rafale doit se poursuivre jusqu'en 2030-2035, sinon il y aura un trou de production.
La crise du Covid-19 inquiète l'ensemble des équipes de la supply chain et de la maîtrise d'oeuvre. Il faut renforcer la capacité de la France et de l'export.
S'ajoute à la crise du Covid-19 la crise du pétrole dans les pays du Moyen-Orient, qui sont des clients. Cette crise favorisera la relance dans certains pays grâce à des prix d'énergie bas, mais ce sont des rentrées financières en moins dans les pays producteurs ; on peut redouter des décalages de programmes.
La BITD de la défense terrestre est, à hauteur de 80 %, localisée en France. Les 20 % restants concernent surtout du matériel allemand et portent notamment sur les moteurs et les boîtes de vitesse.
Avant la crise, la question était déjà non seulement de faciliter les programmes de coopération franco-allemands avec de moindres restrictions de circulation de l'information technologique, mais aussi d'exporter les matériels de fabrication franco-allemande vers des pays extérieurs. Elle est toujours sur la table. J'espère que la crise du Covid-19 ne sera pas un frein à sa résolution.
KNDS a pour stratégie de s'intégrer progressivement autour de programmes communs. Citons notamment la coopération entre États sur le MGCS, le char du futur. A été annoncée récemment la signature par Mme Parly et Mme Kramp-Karrenbauer, son homologue allemande, des accords intergouvernementaux qui lèvent la dernière barrière à l'attribution du premier contrat d'étude d'architecture aux trois industriels. On se souvient des étapes précédentes : organisation d'une coopération, signature d'un accord de coopération, proposition contractuelle, vote des budgets par le Parlement allemand. Avec ces accords intergouvernementaux, on est presque au feu vert.
Les autres programmes de KNDS ont pour objectif de faire progressivement converger les gammes préexistantes, au rythme des renouvellements des programmes de défense, donc à long terme, à horizon 2025 ou 2035.
Les autres développements de KNDS visent à rapprocher progressivement l'ensemble des fonctions au service de ces programmes, pour en améliorer l'efficacité par une intégration progressive.
Pour ce qui concerne la trésorerie, les outils étatiques ont été mis en place extrêmement rapidement. Ils sont pertinents, nécessaires et utiles. Plusieurs de nos membres ont déjà bénéficié de prêts garantis de l'état. La DGA s'est engagée à réduire ses délais de paiement. Les maîtres d'oeuvre industriels ont la même attention. Notre intérêt collectif est que les fournisseurs survivent.
Certaines PME ont peut-être des difficultés à utiliser pleinement ces outils dans la mesure où, si la garantie de l'État est un facteur décisif, les banques prêteuses demandent des perspectives. C'est pourquoi la passation et l'anticipation de commandes publiques confortent les prévisions des entreprises et leur donnent un avenir plus positif que le présent.
Quant aux effectifs, notre hypothèse principale, c'est que les programmes inscrits dans la LPM et ceux qui existent avec nos clients à l'export, dont aucun n'a fait l'objet d'annulation, mais qui ont tous ont été renégociés en bonne intelligence, notamment la partie concernant les calendriers de livraison, favorisent le maintien d'une dynamique de recrutement et de croissance dans le secteur de la défense terrestre. Nous ne croyons pas à un bouleversement, en nous fondant sur l'hypothèse d'un maintien, voire d'un renforcement des commandes.
J'en viens aux programmes, notamment Scorpion, de modernisation de l'armée de terre. Il s'agit de remplacer des matériels ayant fêté leurs 40 ans. La livraison des 92 premiers Griffon s'est effectuée comme prévu l'an dernier. Les deux mois que nous venons de vivre, avec arrêts et perturbations de la production et un nombre non nul de fournisseurs qui n'ont pas repris, soit trois à quatre mois de déstabilisations, rendent extrêmement difficile la réalisation des objectifs. En coopération avec la DGA, nous poursuivons les développements, en particulier sur le Jaguar et sur la deuxième version du Griffon. Nous voulons nous rapprocher le plus possible des objectifs de livraison de 2020 et recoller aux courbes de la LPM en 2021. C'est un but, en espérant que l'épidémie ne revienne pas à l'automne ou l'an prochain.
Le programme CaMo entre la France et la Belgique, actuellement en oeuvre, n'est pas du tout impacté par la crise, car la livraison ne commence qu'en 2024.
Avec la République tchèque, la coopération est très bonne et le contrat toujours en vigueur. La production des Titus a repris sur notre site de Roanne. Nous sommes d'ailleurs en train de parler avec nos partenaires de République tchèque de la suite de cette coopération.
Quels programmes faut-il accélérer ? Si je me prenais à rêver, je dirais qu'à l'horizon 2025, il faudrait une accélération des prises de commande des programmes de la LPM pour une montée en cadence raisonnable. Parmi les autres programmes, le programme d'hélicoptères HIL est de toute importance pour Airbus Helicopters. On peut aussi citer, autour du programme Scorpion, des programmes d'incréments, de robots, d'un véhicule du génie appelé moyen d'appui au contact (MAC), d'un blindé léger en-dessous du Serval. Souvenez-vous, dans les deux programmes de coopération franco-allemande, nous avions inscrit le MGCS dans les cinq ans qui viennent et repoussé le Common Indirect Fire System (CIFS) après 2025.
Le salon Eurosatory a dû être annulé à notre grand regret. Premier salon mondial, il offre une très bonne occasion de voir nos clients à l'export et de montrer toutes nos technologies à la communauté de défense. Il se tiendra en 2022. En attendant, nous cherchons d'autres opportunités de rencontrer nos clients.
Aujourd'hui, les commandes des clients étrangers font l'objet de l'application de la force majeure. Je n'ai pas connaissance d'un cas qui se passe mal. Nos clients sont plutôt compréhensifs. Eux-mêmes ne sont pas forcément en mesure de venir réceptionner un véhicule dans nos usines. Le rééchelonnement des programmes se fait dans le dialogue.
Le risque sur nos clients à l'export est réel compte tenu de la situation économique, en particulier pour ceux qui sont les plus dépendants du cours du pétrole. C'est pourquoi la passation de commandes en France et en Europe ne peut être que favorable à notre BITD. Le retour au grand export sera possible quand la situation économique se sera améliorée.
L'impact sur les programmes varie selon l'échelle de temps. Sur les programmes de court terme, il correspond à la durée d'interruption de l'activité, qu'il s'agisse d'entretien de la flotte, de rééquipement ou de transformation. Sur les programmes de long ou très long terme, par exemple du sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) de troisième génération ou du porte-avions, l'incidence est nulle, car le télétravail a été correct.
Les programmes les plus touchés sont ceux dont la construction est à mi-chemin, comme la frégate de défense et d'intervention (FDI) ou les sous-marins nucléaires d'attaque (SNA). L'impact est aujourd'hui très difficile à estimer. Nous discutons avec la DGA sur le rééchelonnement des livraisons imminentes, pour le Suffren ou la première FDI, par exemple. Nous ne connaissons pas du tout l'incidence sur la productivité à long terme des mesures barrières, qui ont des conséquences très fortes sur le travail à bord. Si un vaccin est mis au point, nous reviendrons à la vie normale, mais pour le moment nous n'en savons rien. Or, tant qu'il faudra appliquer les mesures barrières, nous ne pourrons pas assurer la même productivité ni la même réactivité.
L'emploi de défense, au sens strict, est le socle le plus solide pour la France, en termes tant de préservation d'emploi que de relance. C'est bien plus difficile pour les entreprises duales comme les chantiers navals de Saint-Nazaire ou Couach : ils ne sont pas capables de faire des estimations, car tout dépend de la reprise des commandes, notamment à l'export. Océa vit à 90 ou 95 % sur l'export ; Kership et CMN exportent aussi beaucoup. Les contacts avec les clients sont compliqués, car on ne peut pas voyager. Nous mettons tous nos efforts dans le maintien du salon Euronaval en octobre.
Ma préoccupation principale, dans le domaine de l'emploi, ce sont les jeunes. L'essentiel des sociétés, ne sachant quel sera leur avenir, ont arrêté leurs plans d'embauche. La rentrée de septembre sera très compliquée pour la formation professionnelle, notamment l'alternance, qui suppose des contrats des entreprises. Les centres de formation, qui ont eu une année blanche, doivent pouvoir trouver les financements nécessaires au maintien de leurs offres. Alors que, dans la filière, nous étions en pleine réforme de la formation professionnelle, nous nous préoccupons surtout de maintenir le rythme de formation des jeunes, afin qu'ils soient employés le plus rapidement possible.
En France, nous avons fait beaucoup de propositions de reprise des commandes. La plus évidente serait d'accélérer les commandes supplémentaires de FDI, ce qui comblerait un trou considérable à Lorient si la Grèce ne pouvait pas confirmer sa commande qui était prévue cette année, en mars.
Par ailleurs, la dronisation des navires fait travailler de nombreux équipementiers.
Le troisième axe de propositions porte sur l'action de l'État en mer : service hydrographique de la marine, gendarmerie, patrouilleurs, acteurs de la surveillance maritime, douanes
La filière navale est historiquement très peu dépendante des fournisseurs non européens ; elle est en revanche dépendante de la libre circulation en Europe, avec l'Italie, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la Norvège, car beaucoup de besoins sont mutualisés dans la supply chain. En matière de souveraineté, nos sujets ne peuvent être traités qu'à l'échelle européenne. Par exemple, nous avons des difficultés concernant les motoristes, puisqu'il n'y a plus de diéséliste en France ni de filière hydrogène. Cela ne peut être traité uniquement en franco-français, car nous n'avons pas les volumes de marché suffisants.
Je confirme que nos problèmes de chômage partiel ont été résolus. La question de la circulation des travailleurs détachés n'est en revanche pas réglée. Toute aide sera la bienvenue.
Nous sommes raisonnablement satisfaits des mesures de soutien du Gouvernement. Pour la suite, nos problématiques portent sur les démonstrateurs, la R&D et le déblocage des structures de décisions pour ce qui concerne le soutien à la R&D dans le domaine civil.
S'agissant des contrats à l'export et de la relance par la demande, le soutien gouvernemental que nous sollicitons, c'est essentiellement la garantie de l'État sur les crédits acheteurs et vendeurs. En effet, nos amis allemands n'ont pas arrêté leurs chantiers et sont plus offensifs que jamais à l'export. Les conditions financières que l'État français pourra consentir à la Roumanie, à la Grèce, à nos prospects principaux, seront absolument déterminantes. Etendre et élargir les conditions du soutien financier à nos clients sera bénéfique à la BITD française et à l'emploi en France. Le cas des FDI grecques et des corvettes marocaines, roumaines et chypriotes est éloquent. Ce sont des partenaires fiables auxquels la France pourrait apporter son soutien. Le bénéfice politique serait aussi significatif.
Vous connaissez mon passé personnel, je suis un fervent supporter du porte-avions et du porte-avions nucléaire. Si cette décision était prise, ce serait formidable pour la France, parce que ce programme est tout à fait indispensable au maintien des compétences de la BITD nucléaire, qui ne peut pas exporter. Cela permettrait d'assurer la continuité entre le programme du SNLE de troisième génération et celui du SNA de future génération, et de maintenir cette compétence rare. Nous faisons partie des quatre pays au monde capables de maîtriser la propulsion nucléaire, donc l'ubiquité et la dissuasion. Allons jusqu'au bout. Nous en avons les moyens et les compétences.
Une note négative : le dossier du retour industriel des catapultes de General Atomics n'a toujours pas avancé. Le cabinet de la ministre a désigné un responsable à la DGA, mais avec la crise, le travail n'a pas commencé. Je le regrette. Il n'y a aucune raison de passer 1 milliard ou 1,5 milliard d'euros de commandes aux États-Unis sans obtenir aucun retour.
Je m'exprime en tant que co-rapporteur, avec Hélène Conway-Mouret, du groupe de travail sur le système de combat aérien du futur. Le projet SCAF a été lancé en janvier 2019 avec deux études en cours. Le rendu de la première, la Joint Concept Study (JCS), est attendu pendant l'été. La seconde a été engagée à la suite de l'accord du Bundestag du 20 février sur la première phase concernant la recherche et la technologie et lie des industriels français et allemands jusqu'à fin 2021, début 2022. L'enveloppe budgétaire est de 150 millions d'euros et l'objectif final est la production d'un démonstrateur à l'horizon 2026. La crise a-t-elle affecté les plannings de réalisation des études ? Les retards éventuels pourront-ils être comblés et à quelles conditions ? Où en est l'implication des Espagnols, très affectés par l'épidémie ? Les discussions sur l'intégration des Espagnols au projet SCAF ont-elles avancé ?
Je ne parle jamais de planning, mais de rétro-planning. L'échéance, c'est 2040. Nous semblons avoir perdu deux mois, mais en réalité nous n'avons rien perdu, car nous avons continué à travailler en interne chez Dassault et avec Airbus. Nous avons des marges de manoeuvre pour rattraper le temps. Les 150 millions d'euros concernent la phase 1A du démonstrateur.
Ce qui m'inquiète plus que le Covid-19, c'est l'enchaînement des phases. Pour converger sur la phase 1A, il nous a fallu du temps et de l'énergie. Je ne suis pas inquiet sur le calendrier dès lors que nous séquençons de façon appropriée. Mais est-on prêt à contractualiser la post-phase 1A ? Il pourrait y avoir un délai lié aux cycles électoraux. Il y aura tout d'abord des élections générales en Allemagne : si ces élections débouchent sur la formation d'une coalition, il faut le temps de la négociation et de la conclusion d'un accord de coalition. Il y aura ensuite, en 2022, des élections présidentielle et législatives en France. Nous ne pouvons attendre 2022 pour commencer à travailler sur la suite du programme. Ce n'est juste pas possible ! Il faudrait trouver des méthodes pour disposer d'une loi de programmation militaire franco-allemande permettant notamment de valider de façon prévisible la trajectoire de ce programme, sans avoir à la redéfinir régulièrement.
Au-delà de cette préoccupation sur le phasage, il est vrai que le Covid-19 nous a empêchés jusqu'à présent de nous voir physiquement, puisque la frontière sur le Rhin reste fermée. Pour travailler à distance ensemble, il y a un écueil : la difficulté de la confidentialité. Aux États de décider comment on échange des informations de type « confidentiel défense » par réseau. En effet, cela nécessite des accords. Nous attendons que ce soit validé et testé. C'est la même chose pour la JCS puisqu'elle concerne des hypothèses d'efficacité de systèmes de combat aérien.
Nous prévoyons la présence de quelques Allemands à Saint-Cloud, mais beaucoup moins que prévu. Nous voulons pouvoir gérer les tâches avec ceux qui sont dans leur base de Manching.
Je fais une digression : chez Nexter, Naval Group, Dassault et Airbus, nous travaillons tous avec des logiciels de gestion du cycle de vie de produit (PLM) de Dassault Systèmes. L'intégration avec la supply chain doit être très importante pour pouvoir mieux communiquer nos fichiers de données dans les différentes phases de développement en toute confidentialité. Il n'y a pas que les GAFAM, il y a aussi des grands du numérique en Europe. La bataille des données est un autre énorme sujet, et j'espère que la crise du Covid-19 accélérera les choses, puisque nous sommes obligés de travailler en numérique.
Pour tenir l'échéance de 2026, ma grande crainte, ce n'est pas le Covid-19, c'est de ne pas avoir la commande ad hoc d'ici au début de 2021, quand nous entrerons dans la longue séquence électorale en Allemagne, puis en France.
Merci, messieurs les présidents. Je voudrais ajouter un élément : les industries d'armement, très puissantes en France, contribueront très largement au plan de relance, si nous le souhaitons. Que les industriels n'hésitent pas à nous informer de ce qu'ils imaginent, de ce qu'ils peuvent faire. Beaucoup d'informations concernent la modernisation de la cinquième tranche de Rafale prévue initialement en 2027, l'accélération du remplacement des Puma et des Super Puma avec l'achat plutôt que la location des H225, le remplacement des C-130 et des avions d'entraînement. Ce ne sont pas des petites choses. Il y a des idées. Je souhaite que vous nous informiez de vos capacités et du mûrissement de ces projets pour que le Parlement puisse apporter une contribution bien étayée. Enfin, il faudra être vigilants sur un point : les engagements de la LPM, c'est 2 % du produit national brut, or s'il y a contraction du PNB, certains pourraient proposer une contraction de la LPM. Sachons ce que l'on peut faire et ce qu'il est souhaitable de faire.
La téléconférence est close à 12 h 05.