Intervention de Hervé Guillou

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 mai 2020 à 10h00
Audition de Mm. Stéphane Mayer président du cidef et du gicat éric trappier président du gifas et hervé guillou président du gican représentants de l'industrie de défense en téléconférence

Hervé Guillou, président du GICAN :

Le secteur naval connaît des problématiques très proches de celles du secteur aéronautique, avec des chantiers et une supply chain caractérisés par la dualité civil-militaire, à l'exception de Naval Group. Le GICAN regroupe près de 200 entreprises représentant plus de 46 000 emplois directs.

Nous avons évidemment donné la priorité à la posture des armées. La base de l'Île-Longue a continué son activité, et aucune menace n'a plané sur la dissuasion nucléaire. Parallèlement, nous avons essayé de maintenir les priorités définies avec la DGA sur les aspects capacitaires : les essais à la mer du Suffren ont ainsi démarré fin avril.

Nous sommes actuellement à un taux d'activité de 75 % environ, après être descendus très bas dans les premières semaines du confinement. Nos bureaux d'études sont en télétravail et connaissent eux aussi les problématiques de cybersécurité, mais la spécificité du secteur maritime tient surtout aux chantiers et au travail à bord.

Nous sommes obligés d'amener les travailleurs au bateau et nous ne pouvons pas découper ce dernier en rondelles, ni le construire par pièce. La restriction de la mobilité des professionnels français et étrangers est donc un obstacle considérable, en termes d'efficacité, mais surtout de volume. Nous avons obtenu quelques dérogations auprès de la cellule interministérielle de crise, mais nous ne pouvons pas continuer durablement de cette manière.

Quant au travail à bord, il est difficile à organiser dans le strict respect des nouvelles règles sanitaires. Imaginez la proximité qui règne dans la chaufferie nucléaire d'un sous-marin !

Nous avons également constaté une formidable solidarité au sein de la filière maritime. Les chantiers se sont réunis toutes les semaines pour échanger sur les meilleures pratiques. Nous avons par ailleurs procédé à des commandes collectives de masques et de gel.

Nous travaillons très étroitement avec la DGA et la marine sur notre capacité à renforcer nos entreprises et à compenser les baisses de 20 à 30 % de chiffre d'affaires attendues pour cette année. Nous travaillons aussi d'arrache-pied avec le Gouvernement sur le plan de relance de la filière maritime. Nous pensons à l'accélération possible du programme des frégates de défense et d'intervention (FDI), à la surveillance maritime par les gendarmes, les douanes et plus généralement à l'action de l'État en mer. Il faut par ailleurs préserver l'avenir en maintenant les grandes ambitions sur le sous-marin lanceur d'engins de troisième génération et le porte-avions nouvelle génération.

La commande publique sera essentielle pour la reprise. Elle permettra de maintenir les volumes et la compétitivité de nos entreprises à l'export. Au-delà, c'est tout l'écosystème des territoires maritimes qui dépend de l'industrie navale. Nous plaidons pour un plan de relance global de la filière.

Le plan ne devra surtout pas oublier la R&D. Historiquement, nous avons fait deux fois cette erreur en privilégiant les volumes. C'est ainsi que nous nous sommes réveillés au début des années 2000 sans drones, car tout avait été arrêté lors de la crise des années 1990. Nous sommes dans une compétition internationale féroce, et beaucoup de pays comme l'Allemagne, les Pays-Bas, la Corée du Sud ou la Chine n'ont pas arrêté leurs chantiers navals. La R&D, c'est une façon de reconstruire une offre qui nous permettra de nous différencier, dans un sens plus écologique je l'espère.

Nous plaidons pour que le plan de relance libère immédiatement les arcanes administratifs infernaux qui sclérosent actuellement les guichets financiers et pour qu'il donne directement aux entreprises, les moyens de reconstruire une offre de nature à nous démarquer.

Au niveau européen, nous travaillons avec le commissaire Thierry Breton sur l'élaboration d'un plan de soutien spécifique à l'ensemble de l'économie maritime, au-delà de la défense. Sinon, nous risquons de nous situer en queue de peloton des aides aux secteurs du tourisme ou des transports.

Enfin, la question de la consolidation industrielle en Europe est toujours pendante, avec le sujet sensible du rapprochement entre Fincantieri et les Chantiers de l'Atlantique. La construction de l'Europe du naval est pour nous indispensable face à la concurrence des Chinois et des Russes.

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