Intervention de Hervé Guillou

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 mai 2020 à 10h00
Audition de Mm. Stéphane Mayer président du cidef et du gicat éric trappier président du gifas et hervé guillou président du gican représentants de l'industrie de défense en téléconférence

Hervé Guillou, président du GICAN :

L'impact sur les programmes varie selon l'échelle de temps. Sur les programmes de court terme, il correspond à la durée d'interruption de l'activité, qu'il s'agisse d'entretien de la flotte, de rééquipement ou de transformation. Sur les programmes de long ou très long terme, par exemple du sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) de troisième génération ou du porte-avions, l'incidence est nulle, car le télétravail a été correct.

Les programmes les plus touchés sont ceux dont la construction est à mi-chemin, comme la frégate de défense et d'intervention (FDI) ou les sous-marins nucléaires d'attaque (SNA). L'impact est aujourd'hui très difficile à estimer. Nous discutons avec la DGA sur le rééchelonnement des livraisons imminentes, pour le Suffren ou la première FDI, par exemple. Nous ne connaissons pas du tout l'incidence sur la productivité à long terme des mesures barrières, qui ont des conséquences très fortes sur le travail à bord. Si un vaccin est mis au point, nous reviendrons à la vie normale, mais pour le moment nous n'en savons rien. Or, tant qu'il faudra appliquer les mesures barrières, nous ne pourrons pas assurer la même productivité ni la même réactivité.

L'emploi de défense, au sens strict, est le socle le plus solide pour la France, en termes tant de préservation d'emploi que de relance. C'est bien plus difficile pour les entreprises duales comme les chantiers navals de Saint-Nazaire ou Couach : ils ne sont pas capables de faire des estimations, car tout dépend de la reprise des commandes, notamment à l'export. Océa vit à 90 ou 95 % sur l'export ; Kership et CMN exportent aussi beaucoup. Les contacts avec les clients sont compliqués, car on ne peut pas voyager. Nous mettons tous nos efforts dans le maintien du salon Euronaval en octobre.

Ma préoccupation principale, dans le domaine de l'emploi, ce sont les jeunes. L'essentiel des sociétés, ne sachant quel sera leur avenir, ont arrêté leurs plans d'embauche. La rentrée de septembre sera très compliquée pour la formation professionnelle, notamment l'alternance, qui suppose des contrats des entreprises. Les centres de formation, qui ont eu une année blanche, doivent pouvoir trouver les financements nécessaires au maintien de leurs offres. Alors que, dans la filière, nous étions en pleine réforme de la formation professionnelle, nous nous préoccupons surtout de maintenir le rythme de formation des jeunes, afin qu'ils soient employés le plus rapidement possible.

En France, nous avons fait beaucoup de propositions de reprise des commandes. La plus évidente serait d'accélérer les commandes supplémentaires de FDI, ce qui comblerait un trou considérable à Lorient si la Grèce ne pouvait pas confirmer sa commande qui était prévue cette année, en mars.

Par ailleurs, la dronisation des navires fait travailler de nombreux équipementiers.

Le troisième axe de propositions porte sur l'action de l'État en mer : service hydrographique de la marine, gendarmerie, patrouilleurs, acteurs de la surveillance maritime, douanes

La filière navale est historiquement très peu dépendante des fournisseurs non européens ; elle est en revanche dépendante de la libre circulation en Europe, avec l'Italie, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, la Norvège, car beaucoup de besoins sont mutualisés dans la supply chain. En matière de souveraineté, nos sujets ne peuvent être traités qu'à l'échelle européenne. Par exemple, nous avons des difficultés concernant les motoristes, puisqu'il n'y a plus de diéséliste en France ni de filière hydrogène. Cela ne peut être traité uniquement en franco-français, car nous n'avons pas les volumes de marché suffisants.

Je confirme que nos problèmes de chômage partiel ont été résolus. La question de la circulation des travailleurs détachés n'est en revanche pas réglée. Toute aide sera la bienvenue.

Nous sommes raisonnablement satisfaits des mesures de soutien du Gouvernement. Pour la suite, nos problématiques portent sur les démonstrateurs, la R&D et le déblocage des structures de décisions pour ce qui concerne le soutien à la R&D dans le domaine civil.

S'agissant des contrats à l'export et de la relance par la demande, le soutien gouvernemental que nous sollicitons, c'est essentiellement la garantie de l'État sur les crédits acheteurs et vendeurs. En effet, nos amis allemands n'ont pas arrêté leurs chantiers et sont plus offensifs que jamais à l'export. Les conditions financières que l'État français pourra consentir à la Roumanie, à la Grèce, à nos prospects principaux, seront absolument déterminantes. Etendre et élargir les conditions du soutien financier à nos clients sera bénéfique à la BITD française et à l'emploi en France. Le cas des FDI grecques et des corvettes marocaines, roumaines et chypriotes est éloquent. Ce sont des partenaires fiables auxquels la France pourrait apporter son soutien. Le bénéfice politique serait aussi significatif.

Vous connaissez mon passé personnel, je suis un fervent supporter du porte-avions et du porte-avions nucléaire. Si cette décision était prise, ce serait formidable pour la France, parce que ce programme est tout à fait indispensable au maintien des compétences de la BITD nucléaire, qui ne peut pas exporter. Cela permettrait d'assurer la continuité entre le programme du SNLE de troisième génération et celui du SNA de future génération, et de maintenir cette compétence rare. Nous faisons partie des quatre pays au monde capables de maîtriser la propulsion nucléaire, donc l'ubiquité et la dissuasion. Allons jusqu'au bout. Nous en avons les moyens et les compétences.

Une note négative : le dossier du retour industriel des catapultes de General Atomics n'a toujours pas avancé. Le cabinet de la ministre a désigné un responsable à la DGA, mais avec la crise, le travail n'a pas commencé. Je le regrette. Il n'y a aucune raison de passer 1 milliard ou 1,5 milliard d'euros de commandes aux États-Unis sans obtenir aucun retour.

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