Je représente Air Caraïbes, Air Caraïbes Atlantique et French bee, qui sont trois compagnies privées, filiales du groupe Dubreuil, dirigé par M. Jean-Paul Dubreuil. Chacune d'entre elles a ses missions propres : Air Caraïbes a une activité régionale importante dans les îles des Caraïbes en plus du long-courrier ; Air Caraïbes Atlantique est le vecteur long-courrier et French bee est une compagnie start-up qui dessert La Réunion, San Francisco et Tahiti depuis deux ans.
Ces compagnies emploient un total de 1 500 personnes, pour 700 millions d'euros de chiffre d'affaires, avec douze Airbus, dont sept A350. Nous avons fait le choix de moderniser nos moyens : il nous reste cinq A330 qui seront remplacés par des commandes d'A350. Nous utilisons également trois ATR pour les dessertes régionales. Notre actionnariat est privé, il se partage entre la famille Dubreuil et le personnel.
Nous travaillions au départ d'Orly, aéroport qui a été fermé le 31 mars. Nous avons, depuis lors, rencontré beaucoup de difficultés à opérer entre les aéroports, les régulations et les décisions étant peu coordonnées, dans des conditions économiques qui se détériorent très vite. Certains de nos vols sont partis à vide pour rapatrier des compatriotes, mais cette activité n'est pas tenable longtemps. De plus, nous sentions nos personnels stressés par les conditions sanitaires et de navigation ainsi que par les contraintes qui pesaient sur nos vols. Un soir, par exemple, un de nos avions volant de Paris aux Antilles a perdu le contrôle de l'espace aérien américain, qui couvre les trois quarts de l'Atlantique nord, car le virus venait d'être détecté dans les locaux de la Federal Aviation Administration à New York !
Nous nous sommes donc arrêtés. Nous avons mis nos personnels en activité partielle. Or, les pilotes et les ingénieurs ont des salaires élevés et, si l'allocation décidée par l'État est généreuse, elle ne suffit pas. De plus, nous devons payer nos navigants selon des avantages indemnitaires qui découlent de décisions empilées depuis 1954, par lesquelles nous sommes aujourd'hui coincés. Nous avons réduit tous les coûts possibles, jusqu'à diviser nos dépenses par quatre ; nous sommes une compagnie robuste, capable d'encaisser cet arrêt pour deux ou trois mois.
Nous ne sommes pas pour autant restés inactifs : nous nous sommes lancés dans l'utilisation de nos Airbus long-courriers passagers pour le cargo en parvenant à transporter jusqu'à 20 tonnes de fret par vol. Nous assurons ainsi douze vols par semaine vers les outre-mer - Cayenne, La Réunion, Pointe-à-Pitre ou Fort-de-France - ainsi qu'un vol quotidien pour aller chercher 20 tonnes de masques en Chine. Nous avons également engagé des programmes courageux de réduction de coûts avec nos personnels afin d'être plus performants demain, car, à la reprise, il n'y aura pas le même trafic et les clients voudront payer moins cher. Les prix vont baisser et, pour survivre, les entreprises devront diminuer leurs coûts.
En ce qui concerne l'avenir proche, nous insistons pour disposer d'une vision. Nous avons ainsi signé une lettre ouverte pour qu'Orly rouvre le 26 juin, au début des grands mouvements de l'été en outre-mer, un mois et demi après le déconfinement, en souhaitant contribuer à réduire la cacophonie qui règne en la matière. Nous avons défini un programme de reprise en réduisant nos vols de moitié et nous serons prêts pour le 26 ou le 28, voire le 21 juin. Il ne s'agit pas non plus de submerger les outre-mer !
Le groupe Dubreuil a demandé un PGE et devrait l'obtenir. Reste qu'il s'agit d'un prêt, avec des délais de remboursement trop courts, voire franchement illusoires : une partie des sommes engagées ne sera sans doute jamais remboursée, il serait préférable de l'assumer objectivement. L'argent public est sacré, son engagement doit être justifié, chacun doit faire des efforts et nous devons redémarrer. Si nous devions passer l'été sans voler, le transport aérien français pourrait disparaître.