Intervention de Pascal de Izaguirre

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 19 mai 2020 : 1ère réunion
Étude sur l'urgence économique outre-mer à la suite de la crise du covid-19 — Table ronde sur le transport aérien

Pascal de Izaguirre, président-directeur général de Corsair :

Corsair a quarante ans et est présente depuis trente ans dans les Antilles et à La Réunion, qui représentent les deux tiers de notre chiffre d'affaires. Celui-ci dépasse 450 millions d'euros pour 1,2 million de passagers transportés et 1 200 salariés. Nous utilisons trois 747 et quatre A330. Cette crise intervient pour nous au plus mauvais moment, alors que nous avons lancé un plan de modernisation de notre flotte pour passer à dix Airbus A330, dont la moitié de Néo entièrement neufs, déjà commandés. Dans cette perspective, les trois 747 ne seront pas remis en service. Corsair emploie beaucoup de personnel antillais et réunionnais et fait vivre tout un écosystème de sous-traitants en outre-mer comme en métropole.

Nous modernisons notre flotte avec la volonté de renforcer notre programme de vol vers les Antilles et La Réunion : en diminuant la capacité des avions, nous entendons augmenter la fréquence des vols. Depuis Orly, nous proposons à notre clientèle d'outre-mer des connexions vers l'Afrique et le Canada. Nous avions le projet d'ouvrir une liaison avec New York en juin, qui a bien entendu été reporté. Nous sommes également très actifs dans le fret, en osmose avec l'écosystème des exportateurs des Antilles et de La Réunion et nous participons enfin au programme d'évacuations sanitaires.

Nous sommes totalement à l'arrêt depuis le 26 mars, nous n'assurons aucune desserte des outre-mer ou de l'international, à l'exception de certains vols pour le ministère des affaires étrangères afin de rapatrier des ressortissants français. Nous avons également développé le fret en transformant nos avions en cargo et nous assurons dans cette configuration de nombreux vols vers la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane ainsi que vers la Chine et le Vietnam. Cela nous garantit un peu d'activité, qui reste dérisoire par rapport à ce que nous faisions auparavant et la quasi-totalité de nos personnels est en activité partielle.

Avant la crise, la situation de trésorerie de Corsair était satisfaisante, et nous vivons depuis sur cette réserve. Nos dépenses ont baissé, mais certaines restent. Il faut préparer la reprise et assurer la pérennité de la compagnie en traversant l'hiver pour faire la soudure jusqu'à l'été prochain, période à laquelle nous espérons retrouver un niveau d'activité proche de la normale.

Nous subissons en outre une menace supplémentaire sur notre trésorerie : le règlement européen sur le droit des passagers aériens n°261/2004 oblige les compagnies à rembourser les passagers dont les billets ont été annulés. Malgré la pression des États, Bruxelles a maintenu cette position. Pour notre compagnie, cela représente plusieurs dizaines de millions d'euros. Air France a exprimé sa volonté de procéder à ce remboursement à partir du 15 mai et une saisine de l'UFC-Que Choisir a été déposée aujourd'hui à ce sujet. Cela représentera une ponction supplémentaire et un soutien de l'État est nécessaire, en plus de notre politique résolue de réduction des dépenses et des discussions que nous menons avec nos personnels pour faire baisser les coûts fixes. Nous avons bénéficié de reports de charges, de taxes et de redevances, mais il faudra davantage au plan structurel. Enfin, nous sommes candidats à un PGE, les discussions se poursuivent et rien n'est assuré.

Avant la crise, notre situation était saine, nous n'étions pas endettés et nous ne bénéficions d'aucune aide publique ou de défiscalisation. Nous sommes aujourd'hui préoccupés par le redémarrage : nous l'avions prévu à partir du 12 juin, mais cette perspective s'éloigne, j'ai donc également signé le courrier demandant la réouverture d'Orly au 26 juin. Nous avons pu échanger hier avec les ministres Mme Annick Girardin et M. Jean-Baptiste Djebbari, mais nous n'avons pas obtenu de réponse.

Le programme de reprise que nous envisageons sera moindre et donnera la priorité à La Réunion et aux Antilles - Martinique et Guadeloupe - dans des conditions sanitaires encore indéterminées, avec une très grande incertitude concernant les liaisons internationales. L'entreprise est mobilisée pour reprendre, en priorité vers les outre-mer avec un programme tenant compte des préoccupations des populations et des décideurs ultramarins.

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