La disparition d'Air Tahiti Nui serait un sinistre majeur pour l'économie polynésienne : il n'y aurait plus de desserte de l'Asie ni de la Nouvelle-Zélande. Même pour Los Angeles, où nous avons jusqu'à quatorze vols par semaine, aucune compagnie française ne pourrait nous remplacer, faute de disposer sur place d'une base suffisante. Air France en a bien une, qu'elle a héritée d'UTA, et opère trois vols par semaine depuis des années, mais sans avoir l'intention d'aller au-delà. Nous ne serions donc pas remplacés - et nous transportons 50 % des touristes vers la Polynésie.
La particularité des PGE, pour nous, est que ceux-ci reviennent à financer des pertes futures en payant aujourd'hui les salaires de gens qui ne travaillent pas. Lors de la reprise, nous aurons besoin de trésorerie. Comme cela a été dit, ce sera un « bain de sang ». Nous serons en concurrence non seulement entre compagnies aériennes, mais entre destinations. Les Maldives, qui avaient une clientèle essentiellement européenne, viennent de signer un contrat avec une société de marketing pour s'attaquer au marché nord-américain.
Notre société bénéficie des fonds publics. On peut donc imaginer que la collectivité va nous aider. Elle le souhaite mais ne le peut pas. Pourquoi ? Parce que nous sommes une société d'économie mixte locale. Pour procéder à une augmentation de capital, il faudrait changer la loi organique portant statut de la Polynésie et le code des collectivités territoriales. La seule intervention possible de la Polynésie pour Air Tahiti Nui, qui a d'ailleurs été votée à l'Assemblée, consiste à nous apporter des comptes courants associés. Mais la loi stipule qu'un compte courant associé doit être remboursé en deux ans. Autant dire que cela ne nous arrange pas vraiment, car la reprise sera longue.
Nous estimons qu'Air Tahiti Nui devrait être classée comme entreprise stratégique et bénéficier, comme Air France, d'un prêt direct de l'État ou d'une augmentation de capital par l'État ou l'un de ses satellites, ce qui permettrait au pays de faire à son tour une augmentation de capital, car nous aurons besoin de fonds propres. Nous sommes entrés dans la crise avec une trésorerie saine, sur laquelle nous vivons depuis deux mois. Nous pouvons tenir encore un moment, mais à force de payer des charges fixes, et notamment les salaires, la trésorerie va finir par s'épuiser, et elle nous manquera lors de la relance.