Vous le savez, il m'arrive très souvent au Sénat de hurler ma douleur face aux réalités que nous vivons. Celle de la vie en outre-mer et les réponses que nous avons sont très en deçà de nos réalités. J'ai eu l'occasion, il y a quelques mois, de dire que mon territoire, la Martinique, n'était pas la France. Quel émoi cela a soulevé ! C'est tout juste si je n'avais pas cassé les bras de Marianne parce que j'avais dit cela. On a pris les choses au premier degré en disant que j'étais peut être une séparatiste. Non ! J'exprimais ma douleur ! J'exprimais le fait de dire que mon île n'est pas la France. La preuve : si un parisien aujourd'hui souhaite aller à Bordeaux ou à Marseille pour rejoindre sa famille, il va prendre le TGV ou sa voiture et y aller. Moi, si je veux aller voir un parent aujourd'hui ou si je suis cheffe d'entreprise ayant une activité en Guadeloupe, ce n'est pas possible de me déplacer.
La distorsion dans le service public qui est rendu à des compatriotes qui ne sont pas dans l'Hexagone me permet de dire que nous ne sommes pas la France. Cette réalité-là que nous vivons en ce moment avec vous a été réveillée par une crise qui aura eu au moins le petit avantage d'enlever le fard que nous mettons dans nos relations avec le pouvoir central.
Face à nos demandes, face à une réalité qui est criante, chaque année on a droit à un petit peu de poudre de perlimpinpin par-ci par-là. Nous sommes très loin des réalités. Il m'arrive tellement souvent de me demander ce que je fais là...
Face à nous, nous avons des murs d'incompréhension, des réalités qui ne sont pas abordées et j'ai presque perdu espoir qu'un jour cela sera mieux appréhendé. Avec nos propositions d'une boîte à outils adaptée aux réalités, nous passons en permanence pour des personnes qui demandent, qui réclament. Nous avons des réalités qui doivent être prises en compte. En quelques jours, il y a eu dix mille interprétations de réalités institutionnelles pour répondre à la situation de M. Kourry. Il y a des choses que je ne comprends pas. Pourquoi Air Antilles ne peut-il pas reprendre ces vols ? Quelle est la vraie raison ? Il faut laisser l'économie reprendre. Je ne comprends pas ces problèmes. Cette crise, je le répète, va être un désastre pour nos économies. Nous dépendons du tourisme, de relations qui nous obligent à voyager. Nous dépendons d'un certain nombre de réalités, avec la nécessité de surveiller, chaque année, si l'alinéa numéro tant du code des impôts ne va pas tout faire écrouler. Nous sommes épuisés de passer notre temps à tout surveiller comme le lait sur le feu pour que l'économie ne s'effondre pas du jour au lendemain. Encore une fois, si nous devons trouver un seul avantage à cette crise, c'est qu'on a pu enlever la poussière qu'on passe notre temps à mettre sous le tapis pour ne pas affronter les réalités. Je vous fais part d'une anecdote : j'ai voulu rentrer dans l'Hexagone dans les jours qui viennent car j'avais plusieurs rendez-vous programmés avec des ministères sur des sujets importants. Le billet d'avion était proposé à 8 500 euros ! Je refuse de faire un aller-retour pour Paris à ce tarif avec, en plus, une liste d'attente interminable, sans certitude de voyager. C'est inconcevable !
Je vais terminer sur une interpellation : que pouvons-nous faire pour vous de manière concrète et rapide ? Il y aura le rapport de la délégation, c'est très bien et merci pour cette initiative prise par le président. Mais là aujourd'hui, Monsieur Éric Kourry, j'ai envie de vous aider, d'écrire dans les minutes qui suivent au préfet Stanislas Cazelles, ancien conseiller outre-mer du Président Emmanuel Macron. Qu'est-ce qu'il faut faire ? Je me tiens à votre disposition et je suis sûre que mon collègue sur le territoire, le sénateur Maurice Antiste, va partager ma vision, en attendant le rapport de la délégation. Je comprends les contraintes dans la mesure où il y a tellement de choses à couvrir. Que peut-on faire aujourd'hui pour vous aider, pour renforcer votre offensive et pour dire que cela ne peut pas durer ?
Plus que jamais, ces temps-là nous appellent à l'expression de nuances. La politique qui consiste à affirmer être à 100 % social ou à 100 % économique ne tient plus. Personnellement, j'ai mon coeur à gauche mais je suis très consciente des réalités économiques. Il faut comprendre que je puisse crier pour dire qu'il faut peut-être aller ouvrir les frontières afin que les professionnels du secteur touristique puissent avoir un peu d'oxygène car nous allons vers un effondrement du secteur. Si tout s'effondre, de quels budgets disposerons-nous pour payer le Pôle emploi, le RSA, tout le désastre de la non-activité qui nous coûte déjà si chère. Je me tiens à votre disposition pour ce qui concerne les problématiques liées spécifiquement à la Martinique et la liaison avec la Guadeloupe.
Nous avons une réunion hebdomadaire, chaque jeudi, avec le préfet en espérant qu'elle se tienne même si c'est férié. En tout état de cause, nous plaiderons votre cause avec détermination pour ne pas être simplement spectateur du désastre économique qui va nous tomber dessus avec des dommages collatéraux qui dureront des années, en attendant la prochaine crise.
Je vous souhaite bon courage, ne lâchez pas. De toute façon, nous sommes là à vos côtés pour passer le mauvais cap et pouvoir ouvrir de nouvelles perspectives. La réouverture d'Orly est une nécessité ! Nous ne pouvons pas priver les compagnies aériennes comme Corsair ou Air Caraïbes de vols. En ce sens, un premier courrier va être envoyé au Gouvernement pour soutenir cette ouverture d'Orly et insister à nouveau sur le fait que nous sommes déterminés à vos côtés. Nous ne devons pas être des spectateurs inactifs à regarder ce qui se fait en se tenant les bras croisés.