Intervention de Frédéric Lavenir

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 20 mai 2020 : 1ère réunion
Étude sur l'urgence économique outre-mer à la suite de la crise du covid-19 — Audition de M. Frédéric Lavenir président et M. Matthieu Barrier directeur adjoint du réseau de l'association pour le droit à l'initiative économique adie

Frédéric Lavenir, président de l'ADIE :

Je propose maintenant d'aborder le secteur informel dont vous avez mentionné les difficultés particulières. Traditionnellement, il ne fait pas partie du périmètre des droits ouverts dans le cadre des politiques publiques. À cet égard, l'ADIE a pris une large avance. Depuis toujours, nous rencontrons dans les banlieues et les campagnes de métropole ou d'outre-mer de très nombreux entrepreneurs qui, pour toutes sortes de raisons, ne s'inscrivent pas dans un univers formalisé. Cette situation est très fréquente dans les outre-mer. Si nous avions exclu toute intervention auprès de ces entrepreneurs, nous aurions éliminé un grand nombre de situations qui relèvent de nos missions. Nous avons toujours suivi des logiques d'accompagnement en accordant des financements avant la formalisation. Nous avons assumé depuis très longtemps notre capacité à financer les personnes en situation non déclarée afin de les accompagner progressivement vers la formalisation, qui est à la fois un devoir et une opportunité. Elle ouvre en effet la possibilité de développer les activités, d'accroître le niveau des revenus et de créer un potentiel de croissance qui ne serait pas envisageable dans le cadre informel.

Notre longue expérience nous amène à être particulièrement sensibles à ces enjeux. D'une certaine manière, cela tombe bien. Il y a quelques mois, nous avons été retenus par le programme « 100 % Inclusion » (PIC) pour gérer un projet que nous avons intitulé « Tremplin », avec l'appui des subventions de l'État. Nous l'avons structuré à partir de notre expérience. Ce projet consiste à accompagner des travailleurs indépendants en situation non déclarée vers l'immatriculation et l'entrée dans le secteur formel. Cette démarche est antérieure à l'épidémie. À notre connaissance, l'État assume pour la première fois de financer un programme destiné à soutenir des acteurs en situation informelle. Pour nous, il s'agit d'une grande victoire et d'une grande joie. La réalité est enfin considérée telle qu'elle est, et non pas telle qu'elle devrait être.

Le programme Tremplin, déjà financé avant l'épidémie, concerne un certain nombre de territoires en métropole comme en outre-mer. La Martinique, la Guadeloupe et Mayotte figurant parmi les territoires sélectionnés. Notre objectif dans le cadre du programme consiste à former plus de 700 personnes en deux ans sur les territoires d'expérimentation et à atteindre un taux de 40 % d'immatriculations au terme du parcours. Dans les territoires ultramarins, l'objectif porte sur 450 personnes. Le démarrage était prévu en septembre prochain. Nous avons mobilisé les agences dans les territoires concernés, dont deux agences à Mayotte ainsi qu'une permanence hebdomadaire. À Mayotte, cette organisation est déjà définie. J'espère que la sortie du confinement interviendra suffisamment tôt pour que le projet puisse démarrer comme prévu en septembre. Même s'il est décalé, nous sommes déjà dans cette logique.

Pour autant, cela n'est pas suffisant. Seuls quelques territoires ont été sélectionnés. Le dispositif, même s'il est subventionné par l'État, ne comporte pas de prime au départ alors que cela nous paraît nécessaire pour maximiser les chances des bénéficiaires. Nous militons pour tirer profit de cette période de crise et de la nécessité du redémarrage des activités pour accélérer et renforcer le programme de sortie de l'informel. Nous souhaitons son extension aux territoires qui ne sont pas concernés par le programme Tremplin et la création d'une prime au démarrage. Cela se vérifie particulièrement dans les outre-mer. Les personnes éligibles à cette prime seraient celles qui relèvent du secteur informel et qui accepteraient l'accompagnement vers le secteur formel dans le cadre du programme. Nous pourrons vous en communiquer le contenu.

Sur le plan juridique, l'absence de statut d'autoentrepreneur à Mayotte a posé problème. Fort heureusement, ce statut est instauré depuis un mois, ce qui constitue un grand progrès et permettra d'optimiser un certain nombre de démarches. Des droits sociaux pourraient également être ouverts, mais ce sujet est beaucoup plus vaste.

Vous avez soulevé la question de l'accompagnement spécifique des personnes se situant sous le seuil de pauvreté. J'ai déjà détaillé au cours de cette présentation l'essentiel de nos missions. Les personnes dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté ne font l'objet d'aucun dispositif spécifique, car ce sont les missions mêmes de l'ADIE que d'accompagner ces personnes. En métropole, cette situation concerne la moitié de nos clients au moment où ils rejoignent l'ADIE. Dans les outre-mer, cette proportion doit être supérieure et avoisiner peut-être 70 ou 80 %.

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