Je soutiens les propositions de suppression du canal dit « compensatoire », car « TF1 + TF1 » ou « M6 + M6 » ne représentent pas un élargissement du paysage audiovisuel. Dans ces conditions, si le canal « bonus » était maintenu, cet amendement de repli créerait des obligations nouvelles.
Aujourd'hui, nous parlons des tuyaux et nous rêvons des contenus. Le titre du projet de loi avec ses termes de « modernisation » et de « télévision du futur » nous invite à l'audace.
Le canal que vous appelez « compensatoire », monsieur le ministre, est un espace neuf permettant toutes les innovations. Je vous propose d'y insérer un espace inédit, ou plutôt oublié depuis longtemps, pour les téléspectateurs, à savoir un espace sans publicité. Ce ne serait pas pour autant un espace gratuit, sans redevance ni apport des marques. Ce serait un canal annexe d'une chaîne à haute densité publicitaire, dont les bénéfices pourraient supporter ce coût.
Je rappelle que TF1, par exemple, avec ses 30 % d'audience capte 50 % des ressources publicitaires. Voulons-nous renforcer encore cette position, et au passage rendre difficile le chemin des nouveaux entrants de la TNT, ou bien oserons-nous tenter une expérience économiquement viable et culturellement originale ? Cela n'entamerait pas les 485 millions d'aide à la création que vous évoquiez, mais ouvrirait la porte à une programmation libérée des contraintes de l'audimat et du nivellement par le bas que génèrent les liens douteux du choix des oeuvres, émissions et informations diffusées avec les intérêts des marques à promouvoir.
Se préoccuper de la culture, c'est organiser et financer la création ainsi que la diffusion de la musique, du livre, du cinéma, du théâtre. C'est également garantir des formations, des lieux, des droits d'auteur et des revenus aux artistes et aux techniciens. Mais n'est-ce pas aussi limiter le formatage des esprits, le matraquage publicitaire ?
Créer des désirs à l'infini, générer de la surconsommation chez les plus riches, de la frustration chez les plus pauvres, c'est construire une société de gâchis des uns et de colère des autres. N'avons-nous pas une responsabilité d'éducation en la matière ?
L'idéal serait que les chaînes publiques soient exemptes de publicité et financées par une taxe sur la publicité des chaînes privées et une redevance accrue. Tel n'est pas le propos de ce texte. En revanche, la définition du canal compensatoire offre cette opportunité.
La dérive exacerbée de l'incitation à la consommation transgresse le bon sens et la responsabilité : à l'heure du désordre climatique, les 4 x 4 et grosses cylindrées envahissent les écrans.