Monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous dire en toute amitié qu'il n'y a pas d'incohérence entre les dispositions que nous avons votées en août 2000 et la position que nous adoptons aujourd'hui.
Lorsqu'une technologie apparaît, il appartient au législateur de lui donner un coup de pouce. C'est ce que nous avons fait au mois d'août 2000 pour TF 1, avec la création de LCI, et pour M6, avec le lancement de M6 Music.
C'était un exemple que nous donnions pour encourager une technologie qui était amenée à remplacer progressivement la diffusion analogique. Ce n'était pas incohérent !
Par ailleurs doit-on adhérer à un système parce que c'est la mode ? On entend dire un peu partout que plus il y a de chaînes et plus on favorise les diffusions de qualité. Pour ma part, je ne suis pas enclin à suivre la mode. Je préfère analyser la situation, prendre ce qui me paraît bien et laisser le reste.
Permettez-moi d'insister tout particulièrement sur la notion de préjudice. Monsieur le ministre, pourriez-vous me dire ce qui vous a conduit à estimer que le préjudice créé par l'obligation nouvelle faite aux chaînes historiques de s'ouvrir plus rapidement au numérique devait être compensé par l'octroi d'une chaîne gratuite ? Qui a estimé ce préjudice ?
Lorsque l'on veut réparer un préjudice, on commence par en mesurer l'importance avant d'évaluer toute compensation. Or, en l'occurrence, on agit à l'estime, au pifomètre, pourrait-on dire. Sans doute a-t-on été un peu loin en affirmant qu'il y avait un double préjudice.
Monsieur le rapporteur, votre rapport est en effet excellent, mais nous commençons seulement à nous en apercevoir, car il n'a été mis en distribution que lundi matin et nous sommes mardi après-midi. La préparation des amendements a été très difficile. Nous reprocher de ne pas avoir lu un document aussi fouillé et si riche d'arguments, de ne pas nous en être imprégnés, alors que nous disposions d'un temps si court, c'est un peu dur !
Enfin, monsieur le ministre, vous vous réjouissez, à juste titre d'ailleurs, du fait que les créateurs vous félicitent de multiplier les chaînes. Oui, « les » chaînes, et non pas « des » chaînes particulières, monsieur le ministre, contrairement à ce que vous nous proposez, puisque vous voulez donner des moyens supplémentaires à des chaînes, et non pas aux chaînes. Nous estimons que ce choix n'est pas équitable.
Il est vrai que l'audiovisuel est une chance. Il est non moins vrai que la France a abordé les questions de l'audiovisuel sous un angle particulier et que nous sommes sans doute parvenus à préserver certaines choses.
Cela étant, monsieur le ministre, quand vous maniez les chiffres, vous ne m'impressionnez pas du tout ! Vous avez déclaré que TF 1, M6 et Canal Plus ont investi 485 millions d'euros, alors que d'autres chaînes n'ont investi que 12 millions d'euros. Certes, mais je ne vois pas ce que cela démontre ni ce que cela ajoute à votre argumentation.
Ce qui m'intéresserait, c'est de savoir, à l'heure du bilan, quelles sont les réserves et quelle part du bénéfice est distribuée. C'est cela qui m'intéresse et non pas le fait de savoir que telle chaîne a investi 485 millions d'euros et telle autre 12 millions d'euros. Tout cela ne me donne pas envie de souscrire à l'argumentaire que vous venez de développer.
Mes chers collègues, chacun de nous doit bien mesurer les conséquences de son vote. Voter pour le texte proposé par l'article 5 pour l'article 104, c'est voter pour la préférence, pour le choix donné aux plus forts. En revanche, en supprimant ce texte, on donne aux plus petits, aux plus créatifs, on accorde à ceux qui ont envie de faire évoluer le système audiovisuel la même chance qu'aux autres.
Tel est l'enjeu de ce vote, mes chers collègues !