Intervention de Michel Magras

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 16 juillet 2020 : 1ère réunion
Bilan d'activité de la délégation

Photo de Michel MagrasMichel Magras, président :

Le second point de notre ordre du jour est une présentation du bilan d'activité de notre délégation, bilan prévu par l'article 99 de la loi de programmation relative à l'orientation pour l'égalité réelle dans les outre-mer du 28 février 2017. C'est cette loi, je vous le rappelle, qui a donné un statut législatif à la délégation dont la création résulte en fait d'une décision du Bureau du Sénat de novembre 2011.

L'an prochain, la délégation célèbrera donc ses 10 ans d'existence, et il me paraît important avant l'achèvement de la présente session extraordinaire ainsi que celui de mon mandat, de vous faire part d'un certain nombre d'observations sur son fonctionnement à partir de l'expérience des 6 années durant lesquelles j'en ai assuré la présidence.

Depuis l'origine, le choix a été fait de procéder à un bilan triennal, de manière à mettre en évidence la cohérence d'ensemble des travaux que nous menons. Le précèdent date donc de juillet 2017 et portait sur la période 2014-2017. Le présent bilan couvre la période 2017-2020 et fera pareillement l'objet de la publication d'un rapport dont je vous livre aujourd'hui la synthèse.

J'aborderai dans ma présentation trois points : d'abord la méthode de travail de la délégation, puis les activités que nous avons déployées, enfin la portée de nos travaux.

La méthode de travail originale que nous avons adoptée depuis l'origine sert de « socle fondateur » à la délégation, avec trois principes fondamentaux.

Premier principe : la parité. La composition de la délégation est strictement paritaire avec 21 sénateurs ultramarins qui en sont membres de droit et 21 sénateurs issus d'autres départements, désignés à la représentation proportionnelle des groupes politiques. La mixité des équipes de rapporteurs est une déclinaison de cette composition paritaire, avec des équipes associant systématiquement des hexagonaux et des ultramarins ; membres de la majorité et de l'opposition ; des hommes et des femmes bien entendu.

Deuxième principe : la collégialité. La délégation a une prédilection pour le travail en réunions plénières. Ces modalités permettent en effet de faire partager les analyses et les constats au plus grand nombre d'entre nous et d'aboutir à des propositions consensuelles. Hors les auditions effectuées au cours des déplacements en outre-mer, la délégation a tenu en moyenne plus d'une trentaine de réunions par an.

Par ailleurs, plus de la moitié des membres de la délégation (23 sur 42 pour être précis) ont mis leur talent au service de la promotion de nos outre-mer, en tant que rapporteurs ou intervenants à un colloque.

Troisième principe : la transversalité. La volonté de croiser les regards des sénateurs de l'Hexagone et des outre-mer, mais aussi des ultramarins entre eux, et de diffuser la connaissance des outre-mer a conduit à privilégier des études transversales approfondies et à promouvoir l'organisation d'événements traitant de sujets communs à une pluralité de territoires.

Les thèmes choisis pour le programme annuel de travail comme pour nos évènements privilégient ainsi les grands enjeux pour les outre-mer.

À l'avenir, sur la méthode, au-delà de ces principes j'aurai deux suggestions : l'une sur le recours à la visioconférence, l'autre sur les synergies à développer avec les autres structures du Sénat.

S'agissant du recours aux visioconférences, il faut capitaliser sur l'expérience que nous venons de vivre avec le rapport sur l'urgence économique outre-mer.

Si cette méthode n'est désormais plus autorisée pour les réunions plénières (je vous rappelle que nous avons dû demander une dérogation au président Larcher pour pouvoir nous réunir en visioconférence après le 10 juillet), elle restera possible pour auditionner des intervenants depuis leur territoire.

Il me semble que le fait de réunir, comme nous l'avons fait lors de nos tables rondes, des interlocuteurs de plusieurs bassins océaniques est extrêmement enrichissant, pour nous comme pour les participants, surtout lorsque ces échanges sont retransmis en direct ou en VOD sur le site du Sénat. Il faut saluer la disponibilité des intervenants, malgré les décalages horaires et la longueur des auditions, qui prouve leur très grand intérêt pour ce partage d'informations.

Nous avons eu aussi une très bonne expérience avec la récente conférence de presse en visioconférence qui a permis à de nombreux médias locaux d'interroger directement les rapporteurs et de produire d'excellents articles. Je crois qu'il faudra renouveler ces expériences.

Concernant les synergies à développer, il me semble opportun de continuer à resserrer encore les liens avec les autres structures du Sénat.

Je voudrai citer l'exemple du travail remarquable qui a été effectué avec la délégation aux droits des femmes dont quatre membres sont aussi membres de notre délégation pour le rapport sur la lutte contre les violences faites aux femmes dans les outre-mer et pour le colloque relatif à l'entreprenariat féminin. Ces synergies contribuent à diffuser plus largement la connaissance de nos territoires ultramarins auprès des collègues qui ne sont pas membres de notre délégation.

Je précise, comme il y a trois ans, que je souscris pleinement au principe de « non télescopage avec les prérogatives des commissions » qui figure dans notre statut. Comme j'avais eu l'occasion de le dire en 2017, il me semble plus utile d'inscrire nos travaux dans la durée en produisant des études de fond sur des sujets cruciaux pour le développement de nos territoires que de « courir après le temps législatif » en publiant des avis à l'intérêt très limité dès lors que la précipitation du calendrier ne permet pas de procéder à des investigations approfondies. Notre plus-value est d'explorer précisément les problématiques, en appréhendant la diversité des situations, afin de formuler des préconisations adaptées aux réalités du terrain et de la période.

Concernant les travaux réalisés par notre délégation au cours de la période triennale, je dois dire que nous pouvons être très satisfaits car ils ont conforté, me semble-t-il, l'image de qualité attachée aux productions sénatoriales.

D'abord, je voudrais souligner la diversité de nos activités sur les trois dernières années avec : 7 études de fond, de nombreuses auditions ponctuelles (comme celle du Défenseur des droits) ou en partenariat comme avec la Délégation aux droits des femmes ; 4 colloques remarquables notamment sur les biodiversités ultramarines et une grande manifestation lors de la Journée des maires en novembre dernier ; 8 déplacements (plus dans l'Hexagone d'ailleurs que dans les outre-mer), 6 conférences de presse... Je n'insiste pas, les chiffres sont dans le rapport.

Ensuite, j'appellerai l'attention sur la densité de nos travaux : pour la session 2017-2018, l'ensemble des activités de la délégation a représenté 251 heures et 1 098 personnes rencontrées (en tenant compte des colloques et des auditions lors des déplacements), et pour la session 2018-2019, 143 heures d'activité et 718 personnes rencontrées. Pour la session 2019-2020, l'ensemble des travaux représente près de 100 heures d'activité et 157 personnes rencontrées.

La crise sanitaire a évidemment modifié notre programme : un seul déplacement (à Bruxelles) a pu être organisé, le colloque sur la biodiversité de l'océan Indien dont tout le programme préparé avec l'OFB était finalisé ainsi qu'une rencontre à Paris avec les exécutifs ultramarins sur la différenciation, ont été annulés. Malgré toutes ces contraintes et comme vous avez pu le constater, l'activité de la délégation est restée soutenue. Sur la session 2019-2020, la délégation a organisé notamment 30 visioconférences...

Sur le fond, j'insisterai sur l'importance des sujets traités. J'en rappellerai quelques-uns en vous renvoyant au bilan triennal et aux rapports pour plus de détails : les risques naturels, le sport, l'audiovisuel et l'avenir de France Ô, l'urgence économique outre-mer cette année, les enjeux européens de l'année 2020. Dans le cadre des colloques, nous avons traité de problématiques très importantes : les biodiversités ultramarines, l'ancrage local des économies ultramarines et l'importance de l'entreprenariat féminin dans les territoires ...

Il faut ajouter la thématique du rapport que je suis en train de réaliser à la suite des conclusions du groupe de travail du Sénat sur la décentralisation - et dont je vous ai rendu compte le 3 juillet - qui, j'en suis convaincu, constituera un document de référence sur les questions statutaires pour les outre-mer.

Un dernier mot enfin sur la portée de nos travaux, toujours un peu délicate à évaluer. La réelle satisfaction de ces trois années bien remplies tient à l'impact concret qu'ont pu avoir nos travaux. Je donnerai quelques exemples.

Comme vous le savez, le rapport sur le foncier dans les outre-mer a largement inspiré et nourri la loi du 27 décembre 2018 visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer ; les travaux préparatoires font d'ailleurs de très nombreuses références au rapport d'information n° 721 (2015-2016) de la délégation sur la sécurisation des droits fonciers dans les outre-mer.

De même, en février 2019, la discussion du projet de loi organique portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française et du projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française a donné l'occasion à M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois, de saluer à plusieurs reprises en séance publique les travaux de la délégation.

Sur les risques naturels majeurs, les deux rapports de la délégation ont abouti à une centaine de préconisations destinées à l'ensemble des acteurs de la gestion des risques. Ces rapports ont fait l'objet d'un excellent débat en séance publique au Sénat et le Gouvernement s'est engagé à faire aboutir un projet de loi directement inspiré de nos propositions sur lequel le délégué interministériel, M. Frédéric Mortier travaille et qui sera sans doute déposé en premier lieu au Sénat, lors de la session 2020-2021.

Sur l'audiovisuel, si nous n'avons pas pu obtenir le maintien de France Ô, la délégation peut se féliciter de la prise en compte des enjeux ultramarins au sein de l'audiovisuel public dans le « Pacte pour la visibilité des outre-mer » qui s'appuie très largement sur les préconisations de son rapport.

Concernant l'urgence économique outre-mer, vous avez pu relever le large écho qui a été fait dans la presse (22 articles déjà publiés !) et dans la sphère publique de nos recommandations. Le plan de relance que le Gouvernement est en train de bâtir devra - je le crois sincèrement - s'en inspirer...

Sur les questions institutionnelles, il y a tout le travail sur la décentralisation et la différenciation dont je viens de vous parler et que vous serez amené à faire vivre car il pourra continuer à s'enrichir des débats dans les collectivités.

Plus généralement, je vous rappelle qu'à l'occasion de la matinée d'échange avec les maires du 18 novembre 2019, le Président du Sénat a non seulement souhaité que celle-ci soit renouvelée chaque année à l'occasion du Congrès des maires, mais il a également souhaité qu'« au moins une fois par session, un débat en séance publique soit consacré à un sujet transversal propre aux outre-mer ». Ce débat, qui viendrait en plus de ceux sollicités par les groupes ou commissions, « concernerait des problématiques signalées par les élus d'outre-mer : il s'agit de porter dans l'hémicycle les difficultés rencontrées au quotidien dans les territoires ».

Par ailleurs, le succès de nos travaux se mesure à la montée en puissance des sollicitations que nous recevons et à une audience en constante augmentation.

À cet égard, j'accorde une grande importance au suivi de nos travaux grâce à l'audition des responsables politiques, des acteurs économiques et sociaux après l'adoption de nos rapports. Ceci nous permet de continuer à nous tenir informés de l'évolution des sujets traités.

Consciente des enjeux de communication, la délégation a aussi développé de nombreux outils de diffusion et d'accessibilité de ses travaux. Chaque étude donne lieu depuis 2017 à des synthèses et infographies, notamment en vue des conférences de presse. Vous les retrouvez sur les pages internet de la délégation et elles sont disponibles notamment dans la salle des conférences du Sénat pour les visiteurs.

La délégation s'attache à produire plus de communiqués de presse. Elle a ainsi publié trois communiqués sur la session 2017- 2018, six sur 2018-2019, et dix sur 2019-2020.

Depuis 2017, la délégation a aussi mis en place une lettre d'information qui lui permet de communiquer sur ses travaux et d'annoncer des événements à venir en direction d'un large public. En trois ans, elle en est déjà à sa 28ème édition.

Enfin, la visibilité croissante de la délégation est confirmée par le nombre de consultations de ses pages internet et des consultations vidéo.

Je veux remercier chaleureusement tous ceux d'entre vous qui se sont si activement impliqués dans nos travaux, et qui ont marqué leur intérêt pour nos territoires par leur assiduité à nos réunions et leurs interventions en séance publique.

Je forme le voeu que la délégation poursuive sur sa lancée et trouve une aussi belle mobilisation après le renouvellement. Je le dis avec une certaine émotion et avec ma profonde gratitude envers vous, chers collègues, qui avez permis que cette délégation devienne ce qu'elle est aujourd'hui : une belle institution au service des outre-mer.

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