Intervention de Jack Ralite

Réunion du 21 novembre 2006 à 16h00
Diffusion audiovisuelle et télévision du futur — Article 5 priorité suite

Photo de Jack RaliteJack Ralite :

La loi est muette sur l'éventail des libertés nouvelles que l'on aurait pu offrir aux télévisions de proximité, aux télévisions locales et à toutes les petites télévisions. On n'en dit rien, pas un mot ! C'est une loi essentiellement normative qui va dans le sens du renforcement du droit des grands groupes privés. Voilà la vérité !

Pourtant, nous avons de l'expérience. En 1986, lors du vote de la loi qui a fait de TF 1 ce qu'est devenue TF 1, avait été élaborée une grande définition, celle du « mieux-disant culturel ». Et ce « mieux-disant » s'est transformé en « temps de cerveau disponible » !

Ces chaînes, nous dit-on, contribueront à la création. Ma réaction est identique à celle de Catherine Tasca : de quelle création s'agira-t-il ? Car la création, on le voit bien, est en péril. L'« incident » qui vient de se produire à propos d'une exposition organisée en 2000 au Centre d'arts plastiques contemporain de Bordeaux reflète le sentiment ambiant selon lequel les artistes, bien qu'ils soient nécessaires, doivent faire attention à ce qu'ils font. Or les artistes, selon moi, incarnent la liberté.

L'un d'entre nous a demandé - sa question est très pertinente - pour quelles raisons cette disposition, au lieu de figurer dans le projet de loi, était introduite par le biais d'un amendement de la commission des affaires culturelles. Il s'agit donc bien d'une instrumentalisation de la culture et de l'art, pour faire « passer » le cadeau - car c'est bien un cadeau - consenti aux grands intérêts privés !

En effet, il est tout de même curieux que le CSA, dont les membres sont nommés par le président de la République, le président du Sénat et le président de l'Assemblée nationale - autant de personnalités qui ce ne sont pas de farouches opposants, que je sache ! -, se range aux côtés des défenseurs de notre proposition, qu'ils soient, ou non, dans l'opposition. Il faut quand même réfléchir ! Voulons-nous faire société ? Voulons-nous une véritable télévision pluraliste ? Si oui, alors, frottons-nous, alors, disputons-nous, mais écoutons !

Monsieur de Broissia, vous nous dites qu'il s'agit d'une « économie flottante ». Mais j'ai l'impression que ce texte comporte de sacrés flotteurs pour ceux qui avaient déjà de gros bateaux et qu'on laisse les autres se noyer ! Il n'est donc pas possible d'être d'accord avec la création de ces trois chaînes. Je discerne là une espèce d'exigence acharnée d'un sens unique et dominateur.

Nous sommes en train de définir un nouveau droit d'affaires. Vous me répondrez que ma position est idéologique ! Mais je sais ce qu'est une entreprise, je suis capable de comprendre son intérêt, j'ai été maire suffisamment longtemps ! Il s'agit donc là d'une sorte de luxe supplémentaire accordé aux gros, alors que rien n'est donné aux autres, notamment aux petits, cela dit sans commisération, mais par solidarité. Oui, c'est un droit d'affaires ; c'est une régularisation, et pas du tout une régulation !

J'évoquerai rapidement la responsabilité publique. À une certaine époque, un mouvement très fort, dont j'ai d'ailleurs été l'un des animateurs, a été à l'origine d'une déclaration des droits de la culture, laquelle affirmait qu'un peuple se condamne à des libertés précaires quand il abandonne son imaginaire aux grandes affaires. Or nous y sommes !

Premièrement, nous affirmions qu'une responsabilité publique, que nous nommions « audace de la création », était nécessaire. Les artistes sont premiers, les marchands venant ensuite, s'ils viennent.

Deuxièmement, nous défendions l'élan du pluralisme. Cette société est plurielle, le domaine de la culture doit donc également être pluriel.

Troisièmement, nous mettions en avant une obligation de production. À quoi servirait en effet de reconnaître le pluralisme et l'audace de la création, s'il n'y a pas de production ?

Quatrièmement, nous plaidions pour la maîtrise de la diffusion. Il faut pouvoir en effet diffuser de façon plurielle toutes les oeuvres résultant d'une création.

Cinquièmement, nous misions sur l'atout d'un large public.

Sixièmement, nous nous intéressions à la coopération internationale.

Ces questions, sur lesquelles nous devons émettre très franchement notre avis, sont aujourd'hui posées.

Je pense profondément que ce pays est confronté à une dérive d'affaires. Veillons donc à ce qu'elle ne condamne pas le grand bateau de l'audiovisuel à s'échouer, ce qui serait tragique et pour les artistes et pour le peuple !

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