Intervention de Stéphane Artano

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 5 mars 2020 : 1ère réunion
Étude sur les enjeux financiers et fiscaux en 2020 pour les outre-mer — Audition de M. Thierry Santa président du gouvernement de la nouvelle-calédonie de M. Cédric Chan yone directeur de cabinet et de Mme Brigid Morel conseillère auprès du président du gouvernement

Photo de Stéphane ArtanoStéphane Artano :

Je souhaiterais vous livrer mon sentiment en qualité d'ancien Président de collectivité puisque j'ai été amené à négocier deux FED. J'ai assuré la présidence de l'OCTA à deux reprises, le Groenland en assurait alors la vice-présidence. Je tiens à saluer l'action du duo permanent technique français composé de Chloé Calvignac et d'Olivier Gaston.

Ma première remarque est la suivante : d'un point de vue strictement politique, il est essentiel que tous les PTOM français intègrent le fait qu'ils doivent être ordonnateurs territoriaux, c'est-à-dire qu'ils sont responsables et comptables vis-à-vis de l'Union européenne du décaissement des fonds européens sur leur territoire et de leur utilisation. J'ai été élu en 2006 à la tête de Saint-Pierre-et-Miquelon. Le Préfet était alors ordonnateur parce que la collectivité faisait l'objet d'un protocole de restructuration budgétaire du fait de son déficit. J'ai très rapidement demandé à ce que cette responsabilité incombe à nouveau aux acteurs politiques de la collectivité. Je l'ai demandé tout simplement parce qu'il est essentiel d'assurer un portage politique de haut niveau en lien étroit avec les instances européennes (DEVCO et le commissaire européen correspondant). J'ai relevé l'importance de ce lien au travers des deux FED que Saint-Pierre-et-Miquelon a négociés en direct avec les services de l'Union européenne. Systématiquement, je portais personnellement le dossier. Ces services ont eux-mêmes insisté pour déployer ce portage politique de haut niveau. Il était donc essentiel de le mettre en oeuvre. Le président Santa a parfaitement raison d'aller systématiquement à leur rencontre. Cela ne remet évidemment pas en cause notre lien étroit avec l'État parce qu'il nous accompagne sur le dispositif. Cela n'a fonctionné que parce que nous disposions d'un lien étroit entre le territoire et les services de l'Union européenne, tout en tenant évidemment informés les services français - y compris la Représentation permanente à Bruxelles - des démarches que nous entreprenions auprès de l'Union européenne. Les échanges que nous avons pu avoir avec ces services ont été parfois très rudes notamment parce que l'État considérait - et le préfet ne manquait pas de nous le rappeler - que le FED correspondait aux fonds que la France versait à l'Union européenne et, qu'à ce titre, la France pouvait - et devait - bénéficier d'un droit de regard quant à leur utilisation. J'ai institué un comité de pilotage (COPIL), au sein duquel siégeaient le préfet et un représentant de notre collectivité, mais aussi l'ensemble des forces politiques du territoire et la chambre de commerce, avec une coprésidence pour garantir la transparence, en charge du suivi de l'utilisation de ces fonds européens sur les différents projets au profit de nos territoires. Ce sont des fonds que la collectivité reçoit et qu'elle met en oeuvre au travers d'une politique qu'elle a décidée. À partir de 2008, l'Union européenne nous a demandé d'élaborer des schémas de développement économique territoriaux. Quand je lui avais présenté le contrat de développement État-collectivité, l'Union européenne nous avait dit que cela ne l'intéressait pas et qu'elle voulait l'émanation du territoire, la stratégie territoriale avec un document à l'appui. Il est important d'avoir une vision transversale afin de comprendre comment fonctionne cette mécanique éminemment juridique mais également éminemment politique. Je me félicite du soutien que tous les Gouvernements français nous ont apporté. La ministre Marie-Luce Penchard avait pris position sur la budgétisation et une note interne pourrait d'ailleurs être très utile aux travaux de la délégation car la France avait, à cette époque, exprimé une position sur la budgétisation en disant qu'il faudrait malgré tout, au sein de cette budgétisation, une enveloppe qui préserve les PTOM pour qu'ils ne soient pas noyés dans la masse globale de l'Union européenne. Victorin Lurel et Annick Girardin nous ont également soutenus. La relation de notre collectivité s'entend donc à l'échelon hexagonal et également en direct à l'échelon européen.

Vous avez eu raison d'insister sur l'importance des indicateurs de réussite qui font généralement l'objet d'âpres discussions avec les services de l'Union européenne. En la matière, il faut donc être raisonnablement ambitieux. C'est la partie la plus délicate de l'enveloppe territoriale. À Saint-Pierre-et-Miquelon, nous n'émargeons que sur celle-ci. C'est difficile de faire de la coopération régionale : notre secteur est celui du Canada ! Plus sérieusement, la maturité de l'Union européenne sur les risques climatiques permettrait d'envisager des coopérations régionales ou thématiques avec les autres PTOM français sur ce thème. Nous nous étions posé la question avec Pascal Bolot lorsqu'il était préfet des TAAF. Il se faisait fort de mettre en place un projet de recherche scientifique conjoint entre Saint-Pierre-et-Miquelon et les TAAF.

Quant au Brexit, il pourrait potentiellement générer un effet direct sur le fonctionnement de l'OCTA puisque nos amis britanniques ont toujours été très impliqués dans le fonctionnement du Comité exécutif de l'organisation. Au-delà de l'aspect budgétaire, le fonctionnement de l'OCTA pourrait être déséquilibré. Je serais très étonné qu'ils acceptent de participer gracieusement à ce fonctionnement, même de façon associée, sans en toucher les bénéfices pécuniaires. Nous avons toutefois encore besoin d'eux car ils bénéficient de compétences sur le plan technique. Je pense qu'il nous faudra renforcer le fonctionnement et les moyens affectés à l'OCTA d'autant plus que le départ du Royaume-Uni pourrait générer, par des enveloppes thématiques, un abondement du budget de fonctionnement de la structure afin d'avoir la capacité de diffuser l'information sur les budgets et les programmes auxquels nous sommes éligibles.

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